Église Saint-Simon et Saint-Jude


Le nouveau parvis de l'église avec le Monument aux Morts
(photos Paul Pérucaud)


Sommaire





Introduction

À première vue, l'église de La Foye-Monjault n'à rien de remarquable. Elle ne figure pas sur les circuits touristiques et c'est à peine si l'on peut encore percevoir son style roman d'origine. Dans un pays architecturalement aussi riche que la France, ce petit édifice souffre mal la comparaison avec tant d'autres monuments, bien mieux conservés et beaucoup plus impressionnants.

Pourtant, en creusant dans les archives, on découvre une histoire riche, complexe et parfois violente, qui s'étale sur huit siècles.

Au commencement, il n'y avait à La Foye que la vaste forêt d'Argenson. Des hommes avaient pourtant vécu non loin de là, à 4 km au sud, construisant il y a plus de 6000 ans un tumulus de 110 mètres de long, où ils déposèrent leurs morts des siècles durant.

Des milliers d'années plus tard, à la même distance au sud-ouest, une tribu celte avait rendu un culte à la déesse mère. Et puis à l'aube de notre ère, les légionnaires de César étaient arrivés, imposant leurs coutumes. Une voie romaine avait été construite qui passait par Usseau. Des exploitations agricoles, centrées autour de leur villae, étaient apparues à Prissé, à Doeuil et à Frontenay.

Les rois Francs avaient succédé à l'Empire, suivis à leur tour par d'autres dynasties, sur des dizaines et des dizaines de générations, dans une terre devenue chrétienne.

Mais tout ce temps, à La Foye, il n'y avait eu que l'ancienne forêt, inchangée depuis le retrait des eaux du golfe des Pictons.

Il fallut, pour enfin voir le clocher de l'église primitive émerger des brumes du Moyen-Âge, plus de mille ans après la mort du Christ, qu'un seigneur féodal, Guillaume VIII, épouse sa cousine contre l'avis du pape. C'est à l'issu d'un pèlerinage à Rome visant à le réconcilier avec le Saint-Siège, qu'il fonda l'abbaye de Montierneuf à Poitiers.

Afin d'assurer sa pérennité, il offrit aux moines bénédictins l'un de ses domaines forestiers au sud de Niort, afin qu'ils y construisent un prieuré. La vitalité chrétienne du XIIe siècle allait faire le reste.

L'histoire de La Foye-Monjault pouvait commencer.

À leur tour, sur des générations, les prieurs, les curés, les notables et les paysans allaient se succéder, toujours au son de la cloche de l'église du village, à l'annonce des baptêmes, des mariages, des décès et des jours de fête, au rythme des saisons, des vendanges, des famines, des épidémies, des révoltes et des guerres.

L'église Saint-Simon et Saint-Jude porte la marque de ses huit cent ans d'âge. Elle fut avec son prieuré menacée de destruction dès après sa construction, nécessitant l'ajout de remparts. Les vignes furent rasées, les bâtiments attaqués et partiellement détruits lors des guerres de Cent Ans, puis plus encore durant les guerres de Religion. L'église sera finalement vidée de ses biens et démantelée sous la Révolution, ne laissant debout qu'une bâtisse de pierre à laquelle le XIXe siècle s'efforcera de redonner forme.

Après l'effondrement de la pratique religieuse, le XXe siècle nous léguera quelques beaux vestiges assoupis, au sein desquels, pour qui souhaite rêver un peu, traine encore l'écho des siècles passés.


Contexte et fondation

Toute la paroisse de La Foye se situe sur une grande colline allongée orientée est-ouest, délimitée par deux rivières : la Courance au nord et le Mignon au sud [1]. Le village est une création du pouvoir seigneurial et ecclésiastique de la fin du XIe siècle. Avant cela, il n’y avait à cet emplacement qu'un massif boisé faisant partie intégrale de la forêt d’Argenson.

Jusqu'au XIe siècle, la commune était entièrement recouverte d'arbres.
Ceux-ci étaient malingres, peu développés, favorisant le développement
de broussailles et rendant le franchissement difficile. Il ne subsiste aujourd’hui
que quelques parties de la forêt originelle, telles que le bois de La Foye,
la forêt de Chizé ou celle de Benon.

Le XIe siècle est marqué par de nombreuses guerres féodales. Les petits seigneurs locaux, représentants du roi, exercent alors le pouvoir sur les territoires qu'ils ont à charge de surveiller et de défendre. Mais avec leurs vassaux, ils sont aussi des rivaux qui guerroient constamment entre eux.

C'est à cette époque qu'apparaissent dans la région des buttes fortifiées, prototypes des premiers châteaux fort. La trace de l'une de ces « mottes » subsiste encore au nord de la commune [2]

Guillaume d'Aquitaine, seigneur fondateur de La Foye-Monjault
Dès sa prise de pouvoir vers 1058, Guillaume VIII d'Aquitaine, comte de Poitiers, est en guerre. En 1060 son rival le comte de Toulouse tente de lui prendre Bordeaux. Deux ans plus tard, Guillaume s'empare quant à lui de la ville de Saintes. Il se rend maître de la Saintonge, ce qui lui permet de relier entre elles Bordeaux et Poitiers, ses deux capitales. L'année suivante, répondant à l'appel du pape Alexandre II, il rallie les troupes italiennes et commande la croisade de Barbastro en Espagne (un épisode de la Reconquista), au cours de laquelle il défait les musulmans et libère la ville.

Deux illustrations de la bataille de Barbastro en 1064.

En 1069 Guillaume demande au pape Grégoire VII, successeur d'Alexandre, d'autoriser son mariage avec sa cousine au quatrième degré, Hildegarde de Bourgogne. Dans un premier temps, le nouveau pape refuse et exige leur séparation. Si la naissance de leur fils, le futur Guillaume IX, est bien accueillie par la cour d'Aquitaine, l'enfant reste illégitime aux yeux de l'Église. Pour y remédier, Guillaume entreprend un pèlerinage à Rome et obtient une dispense du pape. En échange de cette grâce, il accepte de construire à Poitiers une abbaye dédiée à Saint Jean l'Évangéliste. L’abbaye, qui selon ses vœux doit accueillir cent moines, prendra le nom de Saint-Jean de Montierneuf. [3]


Guillaume VIII, né Guy-Geoffroi, comte de Poitiers et duc d'Aquitaine
Gisant de Guillaume VIII [4]. Il décèdera en 1086 au château de Chizé.
Son fils Guillaume IX sera le grand-père d’Aliénor d’Aquitaine.
La sculpture date du XIXe siècle, l'original ayant été détruit par les Huguenots.
L'abbaye de Montierneuf recevra les tombeaux des ducs d'Aquitaine.
L'emploi généralisé de la pierre de taille donne une indication de la fortune
de Guillaume VIII, qui fera par ailleurs don à l'abbaye de nombreux domaines,
dont celui du Cormenier en 1077 (offert en complément de celui de La Foye),
mais aussi ceux de Saintes, Loulay et Saint-Aignan en Charente Maritime.
L'abbaye recevra par la suite l'église de Marigny du pape Adrien IV, en 1157.

À sa fondation, Montierneuf est placée sous l’autorité des bénédictins de Cluny. Pour assurer son existence, un certain nombre de biens fonciers lui sont rattachés, domaines sur lesquels les moines feront aussitôt construire des prieurés. Jouissant dès lors d'une rapide prospérité, l'abbaye recevra un abbé et dix-huit moines (à défaut de cent). Plus de mille abbayes et prieurés seront ainsi fondés par l’ordre clunisien au Moyen-Âge, dont certains en Angleterre et en Allemagne.

Réunion du chapitre général dans un monastère clunisien (XVe siècle).
« Créée au début du Xe siècle, l'abbaye de Cluny va opérer une réforme en profondeur
de l'Église et de la société féodale, grâce à son privilège de ne plus dépendre
du seigneur ou de l'évêque du lieu mais seulement du pape qui siège à Rome.
Après l'An Mil, l'ordre comptera près de 1450 monastères et prieurés,
rassemblant dix mille moines. » [Moines et abbayes - Le coeur battant
de la société médiévale
, Herodote.net]

Enluminure. Scène montrant la fondation d'une abbaye vers 1100.

Dans une charte du 28 janvier 1077, Guillaume offre au monastère certaines de ses possessions en Saintonge, dont la « revestiture » (zone à défricher) qui deviendra La Foye. Le mot Foye vient du mot faia, dérivé du latin fagus, le hêtre, qui devait autrefois couvrir l'essentiel de la paroisse. Par la suite, le village portera le nom de Faia Monachalis, la « hêtraie des moines », qui se transformera au fil du temps en « Foye-Monjault » [5].

Montierneuf et Chizé, pouvoirs spirituels et temporels
Jusqu'à la fin de la Renaissance, tout sujet du royaume de France était régi par un double pouvoir : le pouvoir spirituel administré par les représentants de la papauté (l'église et les ordres religieux), et le pouvoir temporel incarné par la royauté et ses vassaux.

Lorsqu'en 1077 Guillaume « fait don » aux bénédictins de la revestiture de La Foye, il autorise les moines à la défricher afin d'y faire construire un village et des bâtiments religieux. La Foye devient une paroisse qu'ils auront à charge d'exploiter. Dans le même temps, cette partie du domaine royal est attribuée à un seigneur vassal des comtes du Poitou. Vers 1189, Richard Cœur de Lion confirmera leur donation aux Lusignan et à leurs successeurs, établis au château de Chizé.

Initialement, le moine délégué à la supervision du petit prieuré de La Foye-Monjault, le prieur, opère sous l'autorité de l'abbé de Montierneuf. Chaque année, il doit organiser la collecte de la dîme, une taxe représentant le dixième de la production des villageois. Il perçoit aussi les banalités associées à l'usage du four et du moulin. Le seigneur de Chizé, pour sa part, peut prélever le cens, un impôt qui au Moyen-Âge pouvait représenter jusqu'à un tiers des récoltes [15]. Une partie des habitants de la paroisse, appelés « hommes du prieur », lui sont également redevables du service militaire (service d'ost) et s'exercent à cette fin deux fois par an. 

Le prieur se doit par ailleurs de recevoir à sa table le seigneur de Chizé, lorsque ce dernier se rend au bourg. Il exerce le droit de « basse justice », à savoir l'arbitrage des vols et des divers conflits entre paroissiens. Celui de haute justice concerne des crimes plus graves, comme le meurtre, et reste la prérogative du seigneur. Au quotidien, le prieur et le seigneur de Chizé sont cependant représentés par un prévôt qui administre la justice en leur nom. 

Suivant le déclin de la seigneurie aux mains des Lusignan et des Brienne (le dernier ayant été décapité pour trahison), l'exercice du pouvoir royal passera par la suite aux mains du sénéchal [16] du Poitou.

Le rôle du prieur évoluera en importance avec le temps, entrainant une diminution croissante de l'autorité de Montierneuf. Dès le XVIe siècle, le prieur est devenu abbé commendataire, dignitaire souvent absent, cumulant les droits seigneuriaux et ecclésiastiques. La collecte de la dîme se voit déléguée à un fermier seigneurial. Le cens, tombé en désuétude, est remplacé par l'impôt de la taille versé à l'administration royale avec l'appui paroissial du syndic.

Prieuré, église et village : une entreprise commune
Pourquoi bâtir un prieuré, ainsi qu'une église et un village, sur des terres aussi inhospitalières au premier abord ? La paroisse n'est en effet traversée par aucun cours d'eau, rendant difficile l'approvisionnement en eau potable. Quant au sol, même défriché, il est pauvre et se prête mal aux labours.

Enluminure. Défrichage des terres au Moyen-Âge.

Qu'à cela ne tienne ! Les travaux iront de l'avant, à commencer par l'église et le prieuré. Ces bâtiments ne sont pas juste un lieu de prière et d'habitation pour les moines. À cette époque de ferveur religieuse, ils présentent aussi un attrait pour les colons. Ces derniers viendront se sédentariser autour de ce nouvel axe spirituel, profitant par ailleurs des terres offertes par les bénédictins lors du défrichement (ces terrains étaient « confiés » aux paysans et non pas donnés en pleine propriété. Ceux-ci avaient le droit d'y construire une maison pour y loger leur famille et leurs animaux, mais ils n'avaient pas la liberté de semer ou planter ce qu'ils voulaient, ni de défricher sans autorisation. La culture de la vigne se faisait selon le principe du bail à complant). Dans le contexte du servage de la société féodale, cette entreprise leur donne l'opportunité d'une progression sociale.

Enluminure. Paiement des taxes dues au seigneur.

Mais pour l'abbé de Montierneuf, le domaine de La Foye est avant tout une source de revenus financiers. Le monastère doit pouvoir vivre de ses rentes. Dans cette optique, la fixation d'une population paysanne l'autorise à lever des impôts. Quant à la bénédiction du mariage de Guillaume par le pape, donnée en échange de la création de l'abbaye, il va de soit qu'elle n'était pas désintéressée : ces revenus profiteront non seulement à Montierneuf, mais aussi à Cluny et au Vatican qui en toucheront une partie [6].

La construction du prieuré, de l’église et du village va donc de pair, les intérêts de la noblesse, du clergé et du peuple étant ici réunis dans une entreprise commune.

Le choix du lieu
Il n'existe, à notre connaissance, aucune coutume païenne préexistante ayant pu influencer le choix de l'emplacement de l'église, contrairement au culte gaulois observé par la paroisse voisine d'Usseau [7]

En revanche, une source souterraine alimentait autrefois une petite mare située en contrebas de l'église. Elle est aujourd'hui à sec, mais les paysans y amenaient encore leur bétail jusque dans les années 80. Et malgré l'absence de cour d'eau sur la commune et la sécheresse des sols, l'intérieur de l'église et de la sacristie a toujours souffert d'une forte humidité, le dallage étant en partie recouvert d'une fine mousse verte. Il est donc possible qu'au Moyen-Âge, et même longtemps avant cela, les habitants de la région aient eu connaissance d'une source au cœur de la forêt, et que celle-ci ait revêtu un caractère sacré.

Selon toute vraisemblance, il dut aussi se trouver là une petite clairière, située près du centre du domaine, qui servit de point de départ à la construction des premiers bâtiments.


Le terrain offrait par ailleurs quelques avantages matériels : le sol pierreux et sec simplifiait grandement le besoin de fondations coûteuses, et il y avait à proximité toute la pierre nécessaire à la construction de l’édifice (limitant les frais de transport), de même que pour le bois et la main d’œuvre.

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Les maîtres d'œuvre du prieuré

Les bénédictins de Poitiers n'attendirent pas que l'abbaye et le monastère aient été bâtis avant d'entreprendre la construction du prieuré de La Foye. Dès 1079, l'un des tous premiers abbés de Montierneuf détaché de Cluny, Guy de Renel, enverra plusieurs moines sous la conduite de Pierre Crispeau (Petrus Crispelli), afin de superviser les travaux.

Deux autres moines, Aimardus et Guillermus, lui succéderont dans cette tâche. Dés 1130-1132 la dépendance est qualifiée de « prieuré ».


Pour défricher la forêt et peupler le village, on offrira la liberté ainsi que des terres aux nombreux serfs qui peuplaient les grandes exploitations agricoles des alentours appelées villas (héritières des villae romaines), tels que Dœuil (Villa Daoli), Prissé (Villa Priscanum), Beauvoir (Bello Visu), Usseau (La Marzelle) et Marigny (Vicaria Moniacus), … C’est ainsi que le village se développera peu à peu. Le Censif de Chizé, daté de 1216, fait déjà état de quelques 500 habitants.

S'inspirant pour son organisation des antiques villas, le prieuré sera ceint d'une clôture pour le protéger des pillards. Le mur de pierre d'origine sera progressivement transformé en muraille fortifiée et complété d'ouvrages défensifs, selon les besoins, au fur et à mesure des conflits. 

Le prieuré sera construit juste au nord de l’église, avec plusieurs bâtiments pour stocker les récoltes. L'ensemble inclura un puits, un four banal et un pressoir pour les vendanges. En dépit des guerres, ce siècle verra l'essor en France de la viticulture : les premières vignes seront plantées par les moines au lieu-dit « la Plante aux Moines », situé à l'ouest du village. Au nord, on construira également un moulin à vent, connu plus tard sous le nom de « l'Ancien », et toujours en activité au XIXe siècle.

Les vestiges du prieuré permettent de deviner les contours de l'enceinte
du XVIe/XVIIIe siècle, construite à l'origine avec une église fortifiée pour assise au sud.
Estimation du plan médiéval de l'ancien prieuré (extension maximale) avec ses remparts.
Quelques affaissements de terrain à l’ouest et à l’est font penser à des douves.
Les bâtiments du logis des moines furent reconstruits en 1870.
À l'ouest, l'un des vestiges des remparts du prieuré encore visible aujourd'hui.
Les murs utilisent les mêmes matériaux que les maisons du village.

À côté de l'église, un cimetière nommé « le Paradis » sera réservé aux ecclésiastiques. Les villageois, pour leur part, seront enterrés séparément.

De nombreux prieurs s’y succéderont durant plus de 600 ans (soit plus de 18 générations), assistés de deux à quatre moines selon les périodes, ainsi que de quelques convers ou laïcs. Les derniers bénédictins ne quitteront définitivement le prieuré qu'au XVIIIe siècle.

Techniques de construction
Il est possible que le prieur Crispeau ait fait venir de Montierneuf ou de Cluny un moine bâtisseur, ou qu'il ait engagé un maître d’œuvre itinérant (architecte-maçon). Le style de l’église de La Foye ressemble en tout cas d’avantage aux petites églises d’Aunis ou de Saintonge qu’à celles des environs de Poitiers.

Pour loger l’architecte, la main d’œuvre, les bœufs, chevaux et charriots pour le transport, on construisait d'abord des bâtiments en bois et torchis, la belle pierre étant réservée pour l’édifice religieux. On organisait aussi la distribution de l’eau à partir des cours d'eau les plus proches (situés à deux ou trois kilomètres du chantier). Par la suite, les ouvriers profiteront de la logistique en place et des techniques acquises pour construire de vraies maisons en pierre, afin de loger familles et animaux. On creusera également des puits.

Les ouvriers étaient des paysans locaux, payés en « crédit pour l’au-delà » et en nature : du pain et du vin de qualité médiocre (fourni dans des « barricots » de trois à cinq litres, bus dans la journée). Pour les plus méritants, des ceps de vigne et même parfois, en prime, un carré de terre pour les planter.

De nouveaux chemins furent creusés afin de relier le chantier aux carrières locales qui fourniront les pierres. On abattit aussi des arbres pour les échafaudages et les structures de supports, ainsi que pour les charpentes.

L’élévation de l’édifice religieux pouvait alors commencer. Ce que nous appelons aujourd’hui une petite église de village prenait entre 3 et 10 ans pour sortir de terre. Un plus gros bâtiment pouvait prendre 20 ans.

Avant la construction, les repérages au sol étaient faits à l’aide de pieux et de cordes. En l’absence de techniques de plan, le bâtisseur matérialisait au sol, avec des pierres, le dessin des contours du futur bâtiment. Ignorant le système métrique, les mesures étaient faites à l’aide de bâtons calibrés qui servaient pendant toute la durée de la construction.

Au printemps, la construction à proprement parler pouvait enfin commencer. Le sol était béni par un dignitaire ecclésiastique et sa venue était l’occasion de fêtes, auxquelles prenaient part tous les hameaux environnants.


Au fur et à mesure des besoins, on montait des échafaudages avec escalier, grue à roue (cage à écureuil) et potence, assemblés avec des systèmes de poulies permettant de hisser les pierres. Les échafaudages étaient composés de grosses poutres horizontales appelées boulins, provisoirement inclus dans la maçonnerie. Elles supportaient les platelages (planchers) sur lesquels circulaient les ouvriers. Quand l’échafaudage était démonté, les trous de boulins restaient visibles. On peut encore les observer sur les murs des maisons, mais on les bouchait sur les églises.

Les murs étaient solidifiés avec un mortier préparé par le chaufournier, composé de sable et de chaux (poudre de pierre calcaire, chauffée à très haute température dans des fours à soufflets, construits sur place). Rien que pour réaliser ce ciment il fallait de six à huit ouvriers par four, et il y en avait au moins trois sur place. Ce mortier était utilisé par le maçon. Le chantier évoluait au gré des aléas climatiques, des mouvements des populations, des travaux des champs et des problématiques de construction résolues au jour le jour.

La construction de l’église commençait généralement par le chevet pour se terminer par la façade. L’hiver, le chantier s’interrompait. On recouvrait les bâtis avec du fumier et de la paille. La chaleur produite par sa macération favorisait le séchage et le durcissement des joints. Les ouvriers vivaient au ralenti et dépendaient des religieux, qui s'efforçaient de retenir cette main d'œuvre jusqu’au retour du printemps. Ces « bras » étaient sollicités pendant plusieurs années, autant pour extraire les pierres des carrières que pour construire l’édifice. 

Les marques des tailleurs de pierre
Autrefois, les tailleurs de pierre étaient payés à la tâche. Pour chaque pierre terminée, ils gravaient sur l'un des cotés un signe permettant de les identifier. À la fin de la journée, le contremaitre comptait les pierres de chacun et procédait au paiement. Ensuite elles étaient assemblées par les maçons pour former les murs. On peut encore apercevoir certains de ces signes sur les pierres constituant les murs les plus anciens de l'église :

L'Église


Période et style
L’église est de style roman. Construite vers le début du XIIe siècle, elle est contemporaine de celles voisines du Cormenier, d’Usseau et de Vallans, et présente au départ un plan assez similaire. Mais les destructions successives en modifieront profondément l’aspect, ce qui lui donne aujourd’hui une forme beaucoup plus simple que les autres.

Angle gauche de la façade photographié Après-Guerre (carte postale).
L'église Saint Pierre d'Usseau contient encore
plusieurs tombes de seigneurs locaux.
Église Notre-Dame de Vallans, que Saint-Louis visita
lors du siège de Frontenay en 1242.
Placée sous l’égide de Saint-Simon et Saint-Jude, saints patrons de l’abbaye de Montierneuf, c’est une église bénédictine liée à la règle que pratiqueront les différents prieurs et moines qui s’y succèderont. Ceci explique en partie son style dépouillé et l'absence de décorations.

L’église du Cormenier dépendait également de Montierneuf et du prieuré de La Foye jusqu’à la Révolution. Elle fut détruite aux deux tiers lors des guerres de Religion, et sa reconstruction au XVIIIe siècle en rend difficile la comparaison. Seul son chevet, la partie originelle subsistante avec ses chapiteaux typiques de l’école de sculpture de Saintonge et Angoumois, laisse imaginer ce que fut peut-être l'église de La Foye.

L'église Saint-Eutrope du Cormenier,
malgré les destructions, a conservé son chevet d'origine.


Un édifice trop petit
D’un plan architectural simple, elle ne dispose que d'un seul corps de pierre, longiligne, orienté symboliquement en direction de Jérusalem, vers l'est, en direction du levant (la lumière). L’entrée est donc placée à l’ouest et le chevet, la partie la plus sacrée de l'édifice, à l'est.

Assez massive, elle fait partie des églises fortifiées que l’on rencontre fréquemment en Aunis et Saintonge. Ses murs sont épais et construits de gros moellons de calcaire issus des carrières environnantes, taillés soigneusement en forme rectangulaire.

(photo Paul Pérucaud)

Le mur nord est plein. Seules deux fenêtres hautes en plein cintre, au sud, laissent entrer la lumière. Un bâtiment dont on a retrouvé les fondations était autrefois accolé au mur nord de l’église, ce qui explique qu’elle n’ait pas de fenêtre de ce coté. Il est probable que le chevet initial possédait d’autres fenêtres et était voûté en forme de « cul-de-four », comme celui de l'église du Cormenier construite à la même époque.


[Observatoire du Patrimoine Religieux]
Deux vues du chevet de l'église du Cormenier. Des paires de colonnes
servent de contreforts. Les archivoltes au-dessus des fenêtres
possèdent plusieurs voussures, à l'intérieur comme à l'extérieur.
Des colonnes à chapiteaux encadrent également les fenêtres.
Une fenêtre du chevet de l'église de Saint-Rémy,
très similaire en style à celles du Cormenier.
Intérieur de l'église du Cormenier. Le chœur est surmonté d'une coupole,
au-dessus de laquelle se tenait autrefois un clocher. Le chevet est voûté en cul-de-four.
[Observatoire du Patrimoine Religieux]

Au XVe siècle, pendant la guerre de Cent Ans, des contreforts de consolidation seront ajoutés aux angles de chaque coté.

La façade flanquée de ses contreforts.

Construite avec peu de moyens, l’église de La Foye correspondait aux besoins du village qui, à ses débuts, n'avait qu'une population peu nombreuse. Mais avec la croissance du nombre des habitants, elle deviendra vite insuffisante. Les Fayais s’en plaindront souvent par la suite, notamment à l'approche de la Révolution [8] :

« Quant aux édifices publics, nous aurons l’honneur de vous représenter messieurs que la nef de notre église est à peine capable de contenir la moitié des habitants qui se trouvent au nombre de 700, ne parlant que des communions, en outre, malgré que notre paroisse soit aussi considérable, nous n’avons point de vicaire, chose qui nous serait à tous d’une très grande utilité, et qui contribuerait pour peu à l’agrandissement de notre église, sans qu’il en couta beaucoup à toute la paroisse. »

En 1793, durant la Révolution, alors qu'il était de coutume pour les familles de notables de louer des bancs qui leur étaient réservés à l'église, le procureur de la commune exigera de les faire enlever. On louera à leur place des chaises que les habitants devaient eux-mêmes fournir. Cela permettra à un plus grand nombre de citoyens de se tenir à l'intérieur de l'édifice, afin de prendre connaissance des derniers décrets.

Par la suite au XIXe siècle, la municipalité et le Conseil de fabrique se plaindront à plusieurs reprise de la petite taille de l'église. Un projet d’agrandissement sera proposé en 1829 mais abandonné faute de moyens, et on construira finalement en 1857 une tribune avec escalier, toujours en place.

Évolution de la forme
Il est difficile de dire quelle était à l'origine sa forme précise, car l’église subira de nombreuses dégradations : durant la guerre de Cent Ans, au cours des guerres de Religion, puis finalement lors du démantèlement du clocher, et peut-être du chœur et du chevet durant la Révolution.

Des éléments d’architecture (pierres sculptées et arcs de pierre) ont été retrouvés intégrés aux murs de la grange située juste derrière, suggérant que l'église possédait autrefois un chevet similaire à celui de l'église du Cormenier.

La partie du chœur et du chevet à droite (en marron sur le schéma ci-dessus),
montre à quoi devait ressembler l'église de La Foye avant leur destruction
ou leur démantèlement. Par la suite, faute de moyens, on a construit un mur plat
à la place du chœur, supprimant le chevet. Un petit renfoncement sera aménagé à gauche
pour y insérer le tabernacle, et à droite une porte permettra d'entrer dans la sacristie.

Plan de l'église voisine du Cormenier, construite à la même époque.
Elle a conservé son chevet original. Elle ne possède pas de transept,
mais son chœur était surmonté d'une coupole et d'un clocher.

Des documents rapportent qu'elle avait aussi un clocher. Il était accolé au flanc du corps comme à Usseau, et son toit était couvert d’ardoises. Peut-être y eut-il avant cela un premier clocher situé au centre de la structure, au dessus du chœur, comme celui que possédait autrefois l'église du Cormenier. Mais dès le XVe siècle, les architectes choisiront plutôt d'ériger de nouveaux clochers sur le côté sud des nefs.

Quelques exemples d'églises des Deux-Sèvres :

Le clocher centré de Vançais
Celui accolé au côté de l'église de Sciecq
Soudan
Prin Deyrançon

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Destructions et démantèlements

L'église et le prieuré furent menacés de destruction à plusieurs reprises : dès le XIIe siècle lors de conflits féodaux, puis de nouveau au XVIe siècle avec les guerres de Religion. Enfin, une dernière fois durant la Révolution.

Conflits médiévaux et guerre de Cent Ans
En 1170, Richard Cœur de Lion, fils d'Aliénor d'Aquitaine, reçoit le comté de Poitiers et le duché d'Aquitaine, qui comprend la châtellenie La Foye-Monjault. Dès 1181, Richard se rend souvent sur ses terres, à Chizé. Il aime chasser dans la forêt environnante, qui inclut le bois de La Foye. En 1184, il fait loger ses veneurs et ses chiens dans les bâtiments du prieuré. Devenu roi d'Angleterre en 1189, Richard offre sa protection à l’abbaye de Montierneuf et à ses prieurés. Mais il entre en guerre avec Philippe Auguste, et après la conquête du Poitou, en 1204, La paroisse repasse sous tutelle française.

Le prieuré est fortifié une première fois vers 1216, et les soldats de La Foye sont alors appelés « les hommes du prieur ». Le prieuré parvient à s'enrichir par le commerce du vin, mais cela ne va pas sans adversité : en 1222, Aimery de Thouars attaque la paroisse et brûle les vignes. Deux ans plus tard, suite à l'invasion anglaise du sud-ouest de la France, la Saintonge devient un lieu d'affrontement entre les Plantagenêts et les Capétiens, dévastant plusieurs fois la région. Les dégâts occasionnés à l'église et au prieuré lors de ces conflits ne sont pas connus.

Guerres de Religion
Les affrontements entre catholiques et protestants furent particulièrement violents en Saintonge. En 1561, à l'apogée du protestantisme en France, il y a près de deux millions de Huguenots. On estime qu'à cette époque, jusqu'à 10% de la population de la paroisse est protestante. Comme celle-ci constitue un îlot catholique au sein de la région, elle fait souvent l'objet d'agressions. Finalement en 1569, lors la troisième guerre de Religion, le prieuré de La Foye est incendié.

Durant le règne de Louis XIV, dès 1661 et avant même la révocation de l'Édit de Nantes, les persécutions reprennent. On note plusieurs abjurations à La Foye, cérémonies officielles présidées par le curé Élie Favier. En 1677, on relève aussi l'excommunication du procureur Louis Garotteau.

En 1690, l'église est partiellement reconstruite et bénie par le prieur Joseph Auvry.

Démantèlements de la période révolutionnaire
Le 8 décembre 1793, après la fermeture des églises imposée par l'interdiction du culte, un arrêté du Conseil du département des Deux-Sèvres ordonne la collection de tous les matériaux disponibles au service des guerres républicaines.

Ayant obtenu « l'approbation préalable du prédicateur de morale » (l'ex-curé Després, abdicataire qui vient de rendre ses lettres de prêtrise), la commune commence par réquisitionner tous les biens de l'église, qui incluent « six chandeliers, une lampe, une croix, un encensoir et une cuvette, le tout de cuivre jaune ; un calice, un ciboire, un ostensoir et trois boîtiers, le tout d'argent. »

La cloche qui avait été bénie par le prieur Joseph Auvry en 1687, suite à la destruction de la précédente lors des guerres de Religion, est démontée pour être envoyée à Niort, afin d'être fondue avec tous les objets saisis. Par sureté, tous ces biens doivent être escortés par quatre gardes nationaux.

Mais la réquisition ne va pas sans causer de vifs mécontentements au village : le maire Baudin, d'une piété douteuse, ayant affirmé devant l'assemblée que ces objets « ne servaient qu'aux grimaces de nos curés », l'un des gardes nationaux, Jean Géoffroy, déclare publiquement devant lui « qu'il ne le reconnait plus pour maire, qu'il est un foutu gueux, un sot et un imbécile, qu'il se fout autant des ordres qu'il lui a donné que de lui-même, et que s'il n'avait pas des affaires indispensables en la ville de Niort, il n'aurait pas obéit ! » Le maire se défend en expliquant que l'ordre ne vient pas de lui mais qu'il le tient « d'un arrêté pris légalement par son corps. » Ce à quoi ledit Géoffroy, forte tête, réplique que le corps est « un joli bougre, et qu'il s'en foutoit ! »

Si l'on peut aujourd'hui sourire de ces propos, ils en disent long quant à la colère de certains villageois à l'égard des agissements révolutionnaires. Surtout lorsque l'on considère les rétributions possibles venant des autorités, à quelques mois de la Terreur. Heureusement, tout se termine à l'amiable. Les registres rapportent plusieurs incidents similaires au cours de la Révolution, mais à chaque fois les officiers municipaux de La Foye sauront faire preuve de modération.

La cloche et les biens de l'église partent finalement pour Niort où ils sont fondus en canons. Le 10 janvier 1794, ce qui reste dans les armoires de la sacristie est également réquisitionné : « dix chasubles, quatre bourses, trois manipules (bande d'étoffe), six étoles (autre bande d'étoffe), trois devants d'autel ainsi que du linge » sont pareillement envoyés à Niort.

Le 21, on organise le démontage et la vente de la charpente et des ardoises de la toiture du clocher, puis le démantèlement des pierres, après qu'un nouveau décret en ait fait la demande. Le procès-verbal, très succinct, n'en rend pas compte, mais le chœur et le chevet font apparemment partie des travaux de démantèlement [9]. La perte des pierres tombales des prêtres inhumés dans chœur semble dater de cette période. Peut-être est-ce simplement par patriotisme, en support des guerres républicaines... Mais il est aussi possible que les révolutionnaires aient voulu ôter à l'édifice tout caractère religieux.

En effet, en juillet, ce qui reste du bâtiment de l'église est renommé « temple de la Vérité ». Sans doute en référence au temple de la Raison du culte des Hébertistes athées. L'église est ensuite abandonnée pendant plus d'un an.

En septembre, le budget de l'Église constitutionnelle est supprimé, suivi en janvier 1795 par la séparation des cultes et de l’État.

Avec la mort de Robespierre et la fin de la Terreur, on assiste ensuite à un retour à la normale. En février, un nouveau décret permet au curé Després de demander la réouverture de l'église. La messe est de nouveau célébrée, mais dans un édifice en triste état.

Il faudra attendre la fin de l'Empire pour qu'une série de travaux soit effectuée, qui donneront à l'église son apparence contemporaine.

Quant à la liberté du culte, elle est de nouveau garantie mais avec de sévères restrictions : il par exemple est interdit de paraître en public avec des habits ou des ornements utilisés lors des cérémonies religieuses.

L'héritage révolutionnaire va créer une fracture parmi les villageois, qui n'est pas sans rappeler celle qui avait auparavant opposé les protestants aux catholiques. Durant tout le XIXe siècle et au moins jusqu'aux années 60, elle opposera le camp des catholiques conservateurs à celui des laïcs républicains, les uns cherchant à réintroduire la pratique religieuse, les autres souhaitant la séparation de l'Église et de l'État. Chaque camp cherchera à remodeler la société en fonction de ses valeurs, et l'avantage ira de l'un à l'autre selon les gouvernements et les municipalités en place.

Découvertes archéologiques
Suite aux démantèlements, les pierres qui avaient constitué le chœur et le chevet de l'église furent éparpillées. Certaines seront réemployées dans la construction de maisons environnantes.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, de riches vignerons et négociants se feront construire de grandes maisons bourgeoises au village. Tailler des pierres était long, fastidieux et coutait cher. Ce qui restait des pierres du chœur et du chevet de l’église fut vraisemblablement réutilisé dans la construction de ces demeures. On en retrouve de-ci de-là lors des démolitions, reconnaissables à leurs détails sculptés, comme ci-dessous :

Un bord de frise
Paul Lucas, dans ses notes, rapporte que lors de travaux d’adduction d’eau, plusieurs pierres furent retrouvées autour de l’église, certaines présentant des détails sculptés pouvant donner des indications quant au décor du chœur. Des fûts de colonne et une console de style flamboyant furent aussi découverts. Où ont-ils été entreposés ? Nul ne sait !

En mai 2009, on retrouvera ces fragments dans l’enceinte du Paradis et dans celle dite du Prieuré. Dans ce dernier lieu, propriété privée, un dépôt de pierres montre plusieurs fragments d’une colonne à huit faces :


Des parties d’arc-boutant :


Ainsi qu’un morceau de frise :



À l'occasion des récents travaux de 2019, il vient d'être retrouvé des pierres ayant appartenu au chœur de l’église. Certaines sont entreposées dans l’entrée du monument.

Haut de fenêtre.
Fut et chapiteau de colonnes

On sait que les églises bénédictines privilégiaient pour leurs chapiteaux et frises des décors floraux ou à base de plantes, particulièrement en Saintonge romane. Ceci se confirme dans ces deux décors de feuilles d’acanthe et fleurs :



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Curés et laïcs inhumés dans l’église


Les religieux
À la fin du XVIIe siècle, un usage populaire voulait qu'on enterre les prêtres dans le chœur des églises. Il est possible qu’il y en ait eu d'autres à La Foye avant cela, mais on n’en a pas retrouvé trace.

Ce fut le cas pour Jean Montbrial, inhumé dans le chœur en 1680. Il y eut ensuite le curé d'origine irlandaise Daniel Macarthy, le 7 novembre 1714, et enfin Louis Ligault, le 17 août 1744. À chaque fois, les curés des communes environnantes se déplaçaient, et une cérémonie importante associait tout le village aux obsèques.

Hélas, aucune de leurs pierres tombales n'a été retrouvée dans l’église. Ces tombes se situaient probablement dans la partie du chœur qui a été détruite, mais il est aussi possible que les corps aient été inhumés sous de petites dalles anonymes, ou que les inscriptions aient été effacées avec le temps.

La grande pierre tombale
Plusieurs laïcs furent également inhumés dans la nef de l'église. On relève ainsi en 1678, dans les registres de Saint-Symphorien, le cas de Jean Beaumier, sieur de La Roche. Le 14 novembre, son corps est rapporté à La Foye avant d'être inhumé dans l'église. Jean, âgé de 27 ans à son décès, était le fils de Pierre, sieur du Fief Chevalier. Celui-ci s'était remarié en seconde noce avec Louise Pastureau, d'une famille de notables du village.

L'année d'après c'est au tour de Marie Gaultier, épouse de Louis Racapé, seigneur du Portal, d'être inhumée dans la nef.

Les Gaultier étaient une ancienne famille de notables de La Foye, où ils furent très influents au XVIIe siècle. Ils l'étaient encore à la mort de Michel Gaultier en 1717, celui-ci sieur du Bail, procureur et notaire de la commune. Son frère André était également notaire et procureur au bourg. Leur père, Nicolas, avait été sergent royal, notaire et procureur fiscal, le petit-fils de Nicolas Gaultier, notaire au village dès 1612.

Sa pierre tombale est la seule de ce type qui ait subsisté de nos jours. Elle se trouve sur le coté droit, au milieu de l’église. Les inscriptions ont été protégées sur la partie droite grâce à un socle en bois sous les bancs. On peut y lire :

« Cy-git le corps de Michel Gaultier, procureur et notaire, seigneur de ce lieu de La Faye… décédé le .. juin 1717. Priez Dieu pour son âme, amen. »

La mention « seigneur de ce lieu » est intéressante, alors qu'il n'était que notable. Elle donne une idée du rang qu'occupait cette famille au sein de la communauté.



Le texte du registre paroissial, écrit par le curé Ligault qui vient tout juste de prendre ses fonctions au village, fait écho à l'inscription gravée : « Le 26 juin 1717, a été enterré dans l’église de ce lieu de La Foye-Monjault Michel Gaultier, sieur du Bail, fils de Nicolas Gaultier, sieur de la Girauderie, procureur fiscal de La Foye-Monjault, et de défunte Renée Prévot, par moi Ligault, curé de ce lieu, en présence de messire le curé de Vallans, du curé de la Revêtizon-Chabot, du curé de Beauvoir, de [Luc] Louveau, chirurgien, beau-frère, d'André Gaultier, frère, de Louis Racapé, sieur du Portal, greffier, cousin issu de germain, de Jeanne Louveau, sa veuve, et de Madeleine Louveau, belle-sœur. »

Anciens cimetières et chapelles
Deux cimetières distincts étaient situés de part et d’autre de l’église : le cimetière des paroissiens jouxtant l’allée conduisant vers la rue centrale, et le cimetière des moines déjà mentionné.

Une petite chapelle, dédiée à Notre-Dame par l’évêque de Saintes, fut construite en 1681 dans l'enceinte du cimetière des moines (chapelle dite du Paradis). 

Bénédiction de la chapelle Notre-Dame par le curé Élie Favier, en 1681.

Une deuxième chapelle fut construite à Limouillas au lieu dit « Champs de la Chapelle » (visible sur la carte du cadastre napoléonien ci-dessous). Elle avait autrefois possédé un cimetière : en 1957, lorsque l'entrepreneur Noël Marché creusera les fondations de la nouvelle école de Limouillas, située au bord de la route principale, il y retrouvera des ossements.

On raconte qu'à la Révolution, la cloche de cette chapelle fut cachée puis enfouie, afin d'éviter qu'elle ne soit envoyée à Niort pour y être fondue. Elle fut placée sous une grosse dalle de pierre au sud du hameau, au bord du chemin des Casserons (qui conduit au bois de La Foye). Après la guerre, au cours des travaux d’empierrage du chemin, un agriculteur de Limouillas, Mr Guitteau, avait découvert à cet emplacement une grosse dalle de pierre d’environ 4 mètres de côté. Mais à l’époque il ne disposait pas d’engin suffisamment puissant pour la soulever. Le mystère reste donc entier...

Cadastre de 1820 montrant le village de Limouillas et les « Champs de la Chapelle » à l'est,
de nos jours « Champ du Bois ». Au début du XIXe siècle, les gens se souvenaient encore
de cette chapelle, probablement démolie durant la Révolution. Nombre de ces parcelles
appartenaient à la famille Arnaud qui possédait alors plusieurs fermes à Limouillas,
dont les célèbres « Cul de Plomb » (sobriquet familial apparemment hérité de Louis).
L'école de Limouillas occupe aujourd'hui les parcelles 232-233.  

Une troisième chapelle fut également construite au Grand-Prissé, qui servait d'église à cette commune. Elle sera vendue à la Révolution puis rendue à la municipalité. Après la dissolution du Grand-Prissé en 1887, elle servira de chapelle pendant un temps, avant d'être transformée en une grange encore visible de nos jours dans la plaine.

Le nouveau cimetière
En 1800, les autorités s’inquiètent du coté insalubre des cimetières situés au centre des villages et demandent à ce qu'on les éloigne. Mais considérant l'attachement de la population envers les sépultures de leurs ancêtres, le conseil municipal se montre d'abord hostile au déménagement. Il est toutefois prêt à considérer la vente des terrains des anciens cimetières afin de financer le projet.

Procès-verbal du premier décembre 1800. La municipalité considère la demande
du préfet DUPIN de faire déplacer les cimetières, mais fait remarquer
l'hostilité de la population à cet égard. 

Celui du 17 février 1801 rend compte de la perplexité
des officiers municipaux quant au projet,
sans pour autant s'y opposer.

Spécifications du devis de l'an X (1801-1802)
Réfection du mur des anciens cimetières.
Les travaux incluent un mur de 48m de long,
d'une épaisseur de 50cm aux fondations et 24cm au sommet.
Les murs de la propriété de l'officier municipal
Jean-philippe CLERC du FIEFFRANC servent de modèle.

Vers 1802, un terrain sera acheté par la mairie à l'ouest du village, au début de la route d’Usseau. Par souci d'économie, la municipalité demandera aux maçons de réemployer, pour la construction des murs d'enceinte du nouveau cimetière, les pierres de la chapelle du Paradis ainsi que celles des anciennes tombes :

Beaucoup de pierres tombales incorporées au mur
proviennent de dalles en bâtières. Les autres pierres, plus larges,
ont été prises à l'ancienne chapelle du Paradis.

Ce qui reste des ossements y sera déménagé, et les plus anciens mis dans une fosse. Mais on retrouvera par la suite de nombreux ossements autour de l’église, et ce jusqu’à la fin du XIXe siècle, lors de l'exploitation des terrains par les nouveaux propriétaires.

Jusqu'à son remplacement au milieu du XXe siècle par une voiture, la commune disposait d'un corbillard tiré par des chevaux. Le dernier de ce type acquis par la commune, en 1906, est encore visible aujourd'hui (qui bénéficierait d'une remise en état). En octobre de cette année-là, la municipalité avait construit une remise pour l'abriter :




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Prieurs et curés jusqu'au Premier Empire


En dehors de quelques noms relevés dans les archives, les prieurs qui se sont succédés à La Foye, de la fondation du prieuré jusqu'à la Révolution, ont laissé peu de trace.

Au XIIe siècle, la paroisse de La Foye a pour seigneur l'abbé de Montierneuf. Ce dernier perçoit les revenus du prieuré au nom de son abbaye plutôt qu'à titre personnel. Il nomme un moine auquel il donne le rang de prieur, et qu'il envoie sur place afin de gérer les affaires de la paroisse. Vers 1080, à l'époque de la fondation du prieuré, le premier moine-prieur se nomme Petrus Crispelli (ou Pierre Crispeau).

L'église, quoique construite et entretenue par l'abbaye de Montierneuf, se situe alors dans le diocèse de Saintes : l'évêque de ce diocèse nomme donc le curé. Celui-ci demeure néanmoins sous l'autorité du prieur, qui lui verse son salaire (la portion congrue de la dîme). Des prêtres sont en poste dès le XIVe siècle et on relève, en 1349, le nom de Hugues Garnier.

Jusqu’à la fin du XVe siècle, les prieurs assurent les offices. Mais à partir de cette époque, certains deviennent abbés commendataires : ils perçoivent désormais personnellement les revenus de la paroisse. Leur éloignement entraîne par ailleurs un relâchement de leur autorité sur les autres religieux, ainsi que sur la population du village. En 1471, Jean de Châteauneuf est le premier abbé commendataire de La Foye-Monjault : il réside de façon permanente au monastère de Montierneuf, à Poitiers.

En l'absence du prieur, le curé le remplace et devient le nouveau guide spirituel de la paroisse. C'est lui qui tient les registres paroissiaux et officie, avec l'aide d'un sacristain, aux baptêmes, mariages et enterrements. Les moines du prieuré continuent cependant d'assister aux offices sous sa direction. Le plus ancien curé (opérant en l'absence d'un supérieur) dont nous ayons connaissance est Martial Guerguiera, qui est en poste dès 1631.

Il est succédé vers 1650 par Jean Montbrial, qui décèdera à La Foye en 1680 (à l'âge de 80 ans) et sera enterré dans le chœur de l’église. Le pouillé de 1648 indique que le prieuré rapporte alors 6 000 livres à Montierneuf, lequel reverse 500 livres au curé.

En 1665, les circonscriptions du diocèse de Saintes sont réorganisées : Frontenay est érigé en Archiprêtré. Le prieuré et la cure de La Foye sont placés sous sa juridiction, avec entre autre la cure du Cormenier (ils étaient auparavant, et dès 1648, sous celle de l'Archiprêtré de Mauzé).

En 1674, Élie Favier succède à Montbrial. Diacre à Notre-Dame de Niort, Élie est issu d'une famille d'apothicaire originaire de Saint-Maixent. En 1678, il marie à La Foye François, son frère, alors maître apothicaire à Niort.

Durant la seconde partie du XVIIe siècle, le prieur Joseph Auvry est parfois présent à La Foye avec d'autres membres de sa famille : un monseigneur Claude Auvry est témoin à un mariage en 1687. En juin 1690, Joseph préside à la bénédiction de l’église, consacrée « à la gloire de Dieu et à l'honneur des apôtres Saint-Simon et Saint-Jude », suite à sa reconstruction après les guerres de Religion. Il décèdera au prieuré le 12 Janvier 1696, âgé de 56 ans, et de grandes funérailles auront lieu au village.

Au XVIIIe siècle, il n'y avait plus de prieur présent à La Foye, hormis lors de rares visites liées à l'exploitation des fermes où à la collecte de la dîme et des taxes seigneuriales. 

En août 1702, un émigré catholique Irlandais [10], Daniel Macarthy, est nommé curé de La Foye. Sa famille vient s'installer avec lui au village et Marie Macarthy, peut-être sa sœur, est alors marraine de plusieurs enfants. Dans les registres, on apprend qu’en septembre 1704 il est au lit avec de la fièvre. Il se fait remplacer quelques temps par le curé du Cormenier, mais guérit et reprend ses fonctions.

En 1709, François du Poirier de Vallois, vicaire général de Poitiers et déjà prieur de Melle, acquiert la charge du prieuré de La Foye, ce qui lui permet de cumuler les bénéfices.

Daniel Macarthy s'éteint en 1714. Comme ses prédécesseurs, il sera inhumé dans le chœur de l’église, et de nombreux confrères des paroisses voisines viendront assister à ses funérailles. 

À sa mort, il semble que l’évêque de Saintes fut pris de court car il fallut le remplacer momentanément par un aumônier des vaisseaux du roi, un certain De Mahony, autre Irlandais.

C'est un Macarthy dont nous ignorons le prénom (peut-être le frère du précédent), qui reprend ensuite la cure jusqu’en 1717. Il est remplacé en juin par Louis Ligault, fils d'un maître vitrier de Niort, auparavant prieur de Montandret en Charente Maritime. Celui-ci restera en fonction pendant 27 ans. Mais en 1744 il tombe gravement malade. Dans les registres, il n’arrive presque plus à écrire ni signer. Il se fait assister par le curé d'Usseau. Le 5 juillet il signe son dernier acte, totalement illisible, et meurt peu après, âgé de 57 ans. Ligault est le dernier à être inhumé dans l’église. La cérémonie, comme de coutume, a lieu en présence de nombreux ecclésiastiques des communes environnantes.

Cette même année 1744, Dom Pierre d'Hauteville, d'origine Bourguignonne, acquiert le prieuré de Pierre de Corby. En septembre, Pierre François Marchet, auparavant vicaire à Marigny, vient remplacer le curé Ligault. En 1756, il fait procès pour injures au fils Laurent Lebrun de Largerie et obtient un jugement favorable. Il reste presque vingt ans en fonction avant d'être succédé par Bory. Il reprend alors la cure de La Rochénard, où il décèdera en 1779.

En août 1763, Jules André Bory, ex-professeur à l'Oratoire, est nommé curé de La Foye. Prêtre au caractère bien trempé issu d'une famille de grands notables parisiens, il restera en poste pendant trente ans et prendra sa retraite en juin 1789, à la veille de la Révolution. Il participera aux assemblées révolutionnaires et décèdera en 1797, à l'âge de 80 ans. L'écrivain Louis de Fontanes, qui l'avait eu comme professeur au village, nous en a laissé un témoignage poignant.

En 1770, Antoine Louis Lambert, professeur de théologie à la Sorbonne, rachète la charge du prieuré à Pierre d'Hauteville.

Il la revend en 1783 à l'un de ses élèves, Jean Chrysostome Louis Müller, chanoine d'une noble famille alsacienne, qui sera le dernier prieur de La Foye-Monjault. En 1791, la vente des biens nationaux le dépossède définitivement de sa châtellenie. Refusant de prêter serment, il émigre en Allemagne l'année suivante avant de revenir en France, suite à la signature du concordat en 1801. Il sera fait chanoine honoraire de la cathédrale de Strasbourg, titre qu'il conservera jusqu'à sa mort en février 1836, âgé de 96 ans.

Entretemps, Claude-Martin Després, un parisien de haute stature (1.81m) venu d'une famille de charretiers de Tremblay-les-Gonesses, en Seine-Saint-Denis, avait succédé à Bory. Il n'est pas aussitôt installé au presbytère qu'il se voit affecté par l'imposition des biens ecclésiastiques, faisant état des terres qu'il cultive autour de la maison curiale. En octobre 1792 il doit prêter serment à la constitution civile du clergé. En décembre, lors de la création des registres de l'État-civil, il est remplacé à la rédaction des actes par Jean-Phillipe Clerc du Fieffranc, officier municipal. Fin 1793, avec la Terreur, le culte est interrompu et l'église est fermée. En janvier, Després rend ses lettres de prêtrise. Pendant deux ans, ne pouvant plus être rémunéré comme curé, il se fait nommer greffier de la municipalité puis instituteur. Après le rétablissement du culte vers la fin 1795, Després retrouve ses fonctions, qu'il gardera jusqu'à sa retraite en 1803.

Les curés se succéderont ensuite sans interruption pendant un siècle et demi.

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Fermeture du prieuré et départ des derniers moines


Pendant 600 ans, le prieuré de La Foye sera l'un des plus rentables de l'abbaye de Montierneuf, rapportant plus de 10 000  livres par an sous Müller (somme qui n'inclut peut-être pas la part considérable prise par le fermier seigneurial, en particulier par Louis Isaac Bastard de Crisnay lors des vingt dernières années). Malgré cela, et même si les bâtiments monacaux peuvent facilement loger jusqu’à quatre moines, il n'y en aura jamais guère plus de deux.

Enluminure. Un moine bénédictin à l'étude.

Les bénédictins
La Règle de Saint-Benoît se développe dès le VIIe siècle, avec de nombreux monastères construits en Europe. Ses moines ont le crâne rasé ou tonsuré à la romaine et portent une robe noire, avec scapulaire et ceinture. Au monastère, leur vie s'organise autour de la prière et du travail (ora et labora). La prière comprend la célébration des Heures liturgiques, pour laquelle ils se réunissent plusieurs fois par jour dans l'église, la prière solitaire et la lecture méditée des textes bibliques. [11a].

« Le monastère, isolé par la clôture, reste ouvert au monde par la règle de l'hospitalité. Les décisions reviennent à l'abbé, mais seulement après consultation du chapitre de la communauté. Beaucoup de décisions sont prises en accord avec le conseil, composé du prieur (bras droit de l'abbé), du cellérier (chargé de l'intendance), de trois frères élus par la communauté et de trois autres frères choisis par l'abbé. » [11b]

À La Foye, les moines du prieuré officient sous l’autorité d'un moine-prieur désigné par l'abbé de Montierneuf. Toutefois, à partir du XVIe siècle, les prieurs sont devenus des abbés commendataires, dignitaires ecclésiastiques qu'ils ne voient que rarement.

Au village tout comme à l'abbaye, les moines se lèvent vers une heure du matin et se rendent à l'église pour y chanter l'office des Vigiles, suivi par les Matines à l'aube, les Vêpres en fin de journée, puis juste avant d'aller se coucher, les Complies. Le prieuré résonne souvent du chant des psaumes et des prières, pratiqué même en dehors des offices, lors des allées et venues ou lorsqu'ils travaillent. En plus de la messe solennelle, des messes basses accompagnent les prières pour les morts [11a]. Mais en dehors des chants et des prières, la Règle leur impose le silence et ils communiquent par signes.

Le temps de travail, souvent de quatre à six heures par jour, est très variable. Ils participent à l'entretien du prieuré et à l'accueil des hôtes, et prennent soin des pauvres.

Enluminure. Moine bénédictin buvant du vin provenant d'une barrique.
Livres dou Santé (Régime du corps), d'Aldebrandin de Sienne
(France, fin du XIIIe siècle)

Dans cette paroisse, les moines se spécialisent dans la culture de la vigne et veillent à l’entretien du cellier, assistés par les vignerons et les artisans locaux, ainsi que par des domestiques et des journaliers. Les vins de la paroisse ont une belle réputation qui parviendra jusqu'au roi.

Dès 1759, le meunier et farinier Pierre Rousseau opère le moulin à vent du prieuré, dit « l’ancien ». Il aide peut-être à la préparation et à la cuisson du pain. Après le départ des bénédictins, les bâtiments et les terrains du prieuré seront toujours en usage, leurs nouveaux propriétaires employant notamment, durant la Révolution, le tonnelier Pierre Lamiaud et les domestiques Jean Boucher et Françoise Rousseau, fille du meunier.

L'abbé commendataire Müller, dernier prieur de La Foye
Dès la fin du XVIIe siècle, la charge du prieuré n'est plus qu'une rente financière attribuée aux grandes familles, à des nobles ou grands notables qui n'ont d'ecclésiastique que le titre. Plutôt que de suivre une vie monastique et austère à la campagne, les prieurs préfèrent désormais séjourner dans des villes comme Poitiers ou même à la cour de Versailles. Certains tel François du Poirier de Vallois ont acquis la charge de plusieurs prieurés, dont celui de La Foye, et bénéficient de revenus confortables leur permettant de mener un train de vie fastueux. Une partie des revenus sert sans doute à entretenir un ou deux moines sur place, et une rente est payée annuellement à l'ordre. Mais en dehors de cela, le prieur peut librement revendre ce titre foncier à un autre dignitaire ecclésiastique. L'assentiment de l'abbé de Montierneuf ne lui est plus nécessaire.

En décembre 1783, le chanoine honoraire Jean Chrysostome Louis Müller rachète la charge du prieuré à son ancien professeur de théologie. En son absence, le fermier Bastard assure la gestion du domaine et de ses dépendances. En plus des vignes, ceux-ci comprennent deux logis pour les moines, un cellier doté d'une cave avec voûte d'ogive, huit fermes [12], le bois de La Foye d'une superficie de 330 hectares, un pressoir, des chais, un four banal, le moulin précité, des granges, des écuries, des prés et des jardins.

Sous l'Ancien Régime, certains impôts sont collectés par le roi (la taille), d'autres par le seigneur, et d'autres enfin par l'Église. La Foye-Monjault étant une châtellenie ainsi qu'un prieuré placé sous la juridiction des bénédictins, le prieur Müller peut cumuler la dîme (moins la portion congrue versée au curé) et les taxes seigneuriales, comme le terrage et les banalités, ainsi que les profits résultant de la vente des blés et du vin de ses fermes et vignobles. Comme il est à la fois noble et membre du clergé, ses revenus sont quasiment exempts d’impôt.

Mais en revendant cette charge à l'Alsacien, Lambert, le professeur de Müller, avait peut-être déjà pressenti les évènements à venir depuis son observatoire parisien. Si la transaction semble au départ une affaire lucrative pour le chanoine, celui-ci n'aura guère le temps d'en profiter.

Déclin de l'abbaye de Montierneuf
Montierneuf ne s'est jamais remis des ravages causés lors des guerres de Religion, avec notamment la destruction de son cloître par les Huguenots en 1562. Malgré des travaux entrepris au XVIIe siècle, l'abbaye continua progressivement à décliner, à l'image des bénédictins et des autres congrégations. Ce phénomène s'accentua au XVIIIe siècle, alors que les moines étaient publiquement critiqués et raillés par les philosophes des Lumières. L'évolution de la société rendait par ailleurs la règle monacale moins attrayante. Les vocations sacerdotales se faisaient plus rares et les noviciats avaient du mal à recruter [13]. Nombre de petits monastères ruraux, comme celui de La Foye, étaient en crise.

L'abbaye de Montierneuf, à Poitiers, en 1699.

Dès le XVIIe siècle, en théorie, les bénédictins avaient institué des réformes afin d'éviter les abus des commendes. À l'abbaye de Saint-Maur, on décida d'élire les prieurs pour seulement trois ans. Mais ces réformes n'étaient pas appliquées uniformément par toutes les abbayes et, de toute évidence, elles ne touchèrent ni Lambert, ni Müller.

En 1783, alors que Müller acquérait le prieuré, Ambroise Chevreux devenait supérieur général de la congrégation de Saint-Maur, dirigée depuis l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés à Paris. À l'approche de la Révolution, les mauristes furent les derniers bénédictins à s'occuper de Montierneuf. Mais à cours de moyens, ceux de Poitiers seront contraints de se séparer en 1787.

Dom Ambroise Chevreux.

Nous ignorons la date exacte du départ les derniers moines du prieuré de La Foye, sinon qu'elle précède la dissolution du monastère dont ils dépendaient.

Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les bénédictins de Poitiers ne disposent plus d'effectifs suffisants pour occuper tous les prieurés. Il est donc probable que celui de La Foye ait été déjà vacant sous Lambert, ou même avant. Les bénédictins étaient discrets et n'ont laissé que peu de trace. En tout cas Bory n'en fait jamais mention, ni aucun curé avant lui.

Quant au prieur Müller, il est encore présent à La Foye et au Cormenier en 1785, aux prises avec Bastard. Il est également cité dans un procès-verbal datant de mai 1790, faisant état des biens imposables du prieuré.

Le fermier Louis Isaac Bastard de Crisnay meurt en 1787. Il est succédé par son fils aîné du premier lit, André Isaac Bastard des Touches.

En août 1789, les droits féodaux, la dîme, la capitation et les banalités, qui constituent l’essentiel des ses revenus, sont abolis. L'année suivante, l'abolition des vœux religieux et la suppression du clergé régulier par l'Assemblée constituante, entraîne la dispersion des moines et la disparition de l'ordre de Cluny.

Réfractaire à la constitution civile du clergé, Müller émigre en Allemagne. La vente des biens nationaux en 1791 permet à un autre noble, Jean-Baptiste Gaspard de La Perrière, ancien mousquetaire du roi, de racheter le prieuré et ses métairies pour la somme de 195 000 fr. Mais peu après, il est lui-même touché par la loi des suspects et contraint d'émigrer. Ses derniers biens seront bradés en 1795.

Dom Ambroise Chevreux, supérieur général des mauristes, est arrêté en 1792 à Paris, avec 250 prêtres de diverses classes et congrégations. Incarcéré à la prison des Carmes, il est massacré le 2 septembre.

Pourtant bien placé pour le rachat du prieuré, Bastard des Touches s'était contenté de rester fermier au service de De La Perrière, et ce malgré l'inimitié que lui portait l'ancien mousquetaire : en effet Louis Isaac, son défunt père, avait longtemps convoité l'un de ses fiefs, la seigneurie de Tesson-Thorigny.

En février 1793, le prieuré est de nouveau mis aux enchères. le Grand Logis est racheté par la famille Benoist pour 20,200 fr, et le Petit Logis et ses dépendances par Gautreau de La Bernière, qui acquiert dans le même temps l'ancien moulin et le champ de foire pour 13,660 fr.

Devenue bien national, l'abbatiale de Cluny sera vendue puis démolie au début du XIXe siècle. L'abbaye de Montierneuf servira quant à elle d'écurie pendant la Révolution et le Consulat, mais sera ensuite rendue au culte. L'ordre bénédictin réapparaîtra en France en 1833, à Solesmes dans la Sarthe, sous la direction de Dom Guéranger.

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Travaux et projets de restauration de l'église au XIXe siècle


Après la Révolution et la chute de l'Empire, la France est ruinée. Encore faut-il payer de lourdes indemnités de guerre aux autres pays et entretenir une armée d'occupation. Le pays est en proie à une crise économique qui durera encore vingt ans.

L'état de délabrement de l'église reflète les vingt-cinq années de guerres et de privations que viennent d'endurer les villageois. Déjà partiellement détruite en 1794, laissée à l'abandon pendant plus d'un an, négligée depuis lors, ce qui subsiste de l'édifice a triste mine : la toiture et les gouttières sont en mauvais état, laissant les eaux de pluie s'écouler à l'intérieur des murs et du bâtiment. Le mortier entre les pierres est à refaire. Certaines pièces de la charpente sont pourries, tout comme le plâtre des murs et les planches de couverture du plafond. Le tabernacle, percé en deux endroits, est inutilisable. Le chœur et le chevet sont a reconstruire, de même que les extrémités de la nef. Et il n'y a plus de clocher.

Tout au long du XIXe siècle, la municipalité s'efforcera d'obtenir des fonds du gouvernement, afin d'effectuer les travaux nécessaires à sa réfection. D'autant qu'avec la fin de la période révolutionnaire et le retour de la monarchie, on assiste à un renouveau du sentiment religieux dans le pays. Le prestige du pape y reste très fort.

Déjà sous Bonaparte, le concordat de 1801 avait véritablement rétabli la liberté de culte, en éliminant les restrictions de 1795.

Mais si le maire et le président du Conseil de fabrique obtiendront parfois l'aide de l'État, les budgets annuels disponibles seront toujours dérisoires en rapport avec les sommes nécessaires aux travaux. Il faudra lever de nouveaux impôts, tant pour La Foye-Monjault que pour le Grand-Prissé, les deux communes ayant à charge la responsabilité de l'entretien de l'église et du presbytère (les habitants du Grand-Prissé se rendant de préférence à l'église de La Foye, plutôt qu'à la chapelle en plein champ qui leur tenait lieu d'église).

Sous la Restauration
Après son coup d'état du 18 brumaire, Bonaparte avait procédé à la purge des fonctionnaires de l'État. Dans les Deux-Sèvres, les maires avaient été choisi par le préfet Dupin en fonction de leur passif révolutionnaire, permettant en 1800 la nomination de l'ancien commissaire de la République, André Vien. Quinze ans plus tard, avec le retour de la monarchie, le même procédé d'épuration se reproduit en faveur des royalistes. En juillet, le préfet Duval de Chassenon de Curzay désigne Gabriel Manceau comme nouveau maire de la commune.

Ce dernier s'empresse d'écrire au préfet en réclamant des subventions de l'État. Les réparations les plus urgentes sont réalisées en premier, en fonction des maigres budgets disponibles.

Construction du nouveau clocher
En 1817, une première allocation de l'État permet d'entreprendre quelques travaux. Un dénommé Fleury est engagé pour fournir le nouveau tabernacle avec ses gradins, qui inclut une niche pour exposer l'ostensoir. On répare tant bien que mal la toiture, mais on modifie surtout le sommet de la façade en lui adjoignant un fronton en forme de « porte cloche ». Les travaux sont achevés en 1819 sous la direction de l'architecte F. Boté, qui signe son œuvre en haut du campanile.





Le nouveau fronton de l’église est à l'image de ceux que l’on rencontre souvent en Aunis ou Saintonge, avec au sommet un campanile simple à une cloche, celui-ci étant accessible de l’intérieur par un escalier en colimaçon creusé dans l’épaisseur du mur. Les pierres de l'ancien clocher sont réemployées, donnant à la façade un aspect uniforme.

D'autres exemples de frontons avec campanile à une cloche, dans les Deux-Sèvres :

Campanile de l'église Saint-Sulpice de Tillou
Sainte-Blandine
Lagord
Les Eduts
Au dessus du porche, une fenêtre présente un arc brisé (peut-être contemporaine de l'ajout du campanile). Il reste de chaque côté du porche des colonnettes qui ont été mutilées lors des restaurations successives.

Règne de Charles X
En France, l'alliance entre la monarchie et l'Église catholique génère l'opposition croissante des partis républicains. Mais pour l'heure, les conservateurs ont toujours l'avantage : en 1825, une loi punit de mort le sacrilège et la profanation religieuse.

Lors de la deuxième moitié de son mandat qui correspond au règne de Charles X, Manceau, qui est trop âgé (il meurt en 1828, âgé de 84 ans), est remplacé par son fils Hippolyte.

En 1826, ce dernier envoie une lettre au préfet faisant état des travaux qui restent à faire : réfection du bas du mur nord de l'église, en utilisant les réserves de pierre de taille de l'ancien clocher ; réparation des gouttières de couverture, remplacement des tuiles de la toiture, remplacement d'un arbalétrier pour la charpente (pièce majeure oblique supportant les pannes et les chevrons). C'est le maçon Gabriel Cubaud, demeurant au bourg, qui est choisi pour faire les travaux.

Peut-être encouragé par son premier succès, Hippolyte va se lancer dans ce qui est, de loin, le projet de restauration de l'église le plus ambitieux du XIXe siècle (en fait le seul, sur plusieurs siècles, que l'on puisse dire porteur d'une véritable vision).

Projet de 1829
On ne sait quelle est la part du père ou du fils dans ce projet, peut-être muri de longue date. Des dessins sont envoyés à Niort, certains portant la marque de l'architecte, d'autres plus brouillons, illustrant un plan d'agrandissement de l'église avec reconstruction du chœur et de la sacristie.

Selon ce nouveau plan, ce qui subsiste des deux travées de l'ancien chœur devra être dépavées de façon a rabaisser le niveau du sol, permettant l'élévation du nouveau chœur d'une hauteur de deux marches. L'extension de la nef et du chœur vers le fond permettra la démolition de l'actuelle sacristie, bâtiment vétuste miné par l'humidité. Deux colonnes attenantes devront également être démolies. Par économie, il est possible de conserver la charpente actuelle qu'il faudra juste étayer. Une cloison de toile tendue entre la charpente et le retable permettra de ne pas interrompre l'office durant toute la durée du chantier.

Plan montrant en coupe la nef, le nouveau chœur et la sacristie,
vue de côté. On distingue la grande fenêtre ouverte sur le mur nord du chœur. 

Vue de face (haut du dessin), avec le tabernacle à gauche, et vue de dessus
montrant l'escalier en colimaçon, en bas dans l'angle de droite, qui conduit
au campanile. Au centre, deux marches marquent l'accès à l'espace du chœur.
En son sein, celles arrondies marquent l'espace de l'autel. Sur le côté droit du mur
de fond semi-circulaire du chœur, une porte permet d'accéder à la sacristie.


Deux dessins détaillant la charpente au-dessus du chœur.
Celui du haut montre la liaison avec la charpente de la nef.


Deux vues de face du toit, en coupe. Des lignes montrent les angles définissant
le dessin des arcs de la charpente. Ces poutres pouvaient être visibles depuis
l'intérieur de la nef, ou masquées par l'apposition d'un plafond de plâtre.
Au dessus du chœur, le plafond en forme de coupole était couronné en son centre
d'un tambour circulaire laissant pénétrer la lumière.

Mais la réalisation d'un tel projet prend du temps, et le moment ne pouvait être plus mal choisi : l'année suivante, les émeutes dites des « Trois Glorieuses » balayent les forces conservatrices pro-catholiques de la Restauration, et Charles X doit fuir Paris. Sous le règne de Louis-Philippe, la religion catholique n'est plus religion d'État.

Le nouveau  « roi des Français » veut apparaître comme le représentant du peuple : il épure à son tour l'administration de tous les sympathisants légitimistes. À La Foye ce changement profite au notaire Frédéric Marchesseau, élève et gendre de l'ancien commissaire de la République. Le nouveau maire a pour adjoint Louis Augustin Rondeau, le fils du maire-adjoint des Manceau (François Augustin, qui avait auparavant servi avec Vien).

Le projet est abandonné.

S'il avait été réalisé, il aurait redonné du caractère à l'église. Hélas, faute d'obtenir le financement nécessaire, le chœur sera remplacé par un mur plein et plat fait de pierres grossières, défigurant l’ensemble de l’édifice. Une ouverture sera juste pratiquée dans le nouveau mur, donnant accès à la vieille sacristie. 

Mur du fond de l'église, construit au XIXe siècle
en remplacement du chœur et du chevet. L'emploi de pierre ordinaire
contraste avec les murs originaux en pierre de taille de la nef.

En supposant que, sous Marchesseau, la municipalité ait souhaité poursuivre le projet de restauration des Manceau, elle n'aurait probablement rien obtenu. Les années qui suivent sont chaotiques, les révoltes et les ministères se succèdent les uns aux autres. Durant tout le règne de Louis-Philippe et la Seconde République, les forces républicaines laïques sont au pouvoir et la municipalité n'entreprendra plus rien.

En 1846 et 47, après une très mauvaise récolte entraînant l'augmentation des prix du blé, c'est la disette. On importe du blé de Russie, mais l'économie nationale s'effondre et la population ouvrière des villes se soulève. À La Foye, c'est une période troublée : cinq maires se succèdent en deux ans.

En février 1848, la Seconde République est proclamée et quelques mois plus tard, le notable Jean André François est nommé maire du village. Bien que son grand-père ait été officier municipal durant la Révolution, lui-même est plutôt conservateur. Il a pour adjoint Pierre Bonneau, dit Bon Jean, ancien Dragon sous Bonaparte et garde champêtre.

Avec la crise, la peur et l'instabilité engendrée par les émeutes, la population du pays a besoin d'être rassurée. À Paris tout comme à La Foye, les conservateurs reviennent au pouvoir. Le système d’enseignement est modifié pour y réintroduire la religion : en 1850, la loi Falloux oblige les instituteurs à enseigner le catéchisme et à conduire les élèves à la messe.

L'année suivante, Louis-Philippe étant déjà mort, Louis-Napoléon Bonaparte prend le pouvoir par un coup d'État. En 1852, le neveu de Napoléon Ier devient à son tour empereur.

Sous Napoléon III 
Le maire François peut alors reprendre les démarches en vu de réparer l'église. En décembre 1855, il fait voter un impôt supplémentaire de 400 francs dont les habitants de la commune devront s'acquitter. Cette somme doit permettre d'honorer une partie des dettes de la municipalité pour cette année-là, qui s'élèvent à 646 francs. On demande en vain l'aide du préfet. Par solidarité, les conseillers municipaux acceptent tous de contribuer une part plus importante d'imposition, et trois citoyens se portent volontaires pour en faire de même.

Construction de la tribune
Deux ans plus tard, François Bastard, président du Conseil de fabrique, se plaint à nouveau au préfet de la petite taille de l'église : il estime la population de la commune à 1340 habitants [14] et affirme que l'édifice ne peut accueillir qu'une fraction des villageois lors des messes ou des célébrations, que parmi eux beaucoup ne peuvent pas s'asseoir, et que la pression de la foule rend l'expérience inconfortable.

Faisant preuve de ce même sens des affaires qui avait si bien servi son grand-père, Bastard rappelle au préfet que le projet d'agrandissement proposé en 1829, faute de fonds, n'avait pu aboutir. Qu'en ces temps troublés, on ne peut demander aux habitants du village de payer pour de tels travaux sans entrainer de vives protestations, voire même des émeutes. Qu'en conséquence, il ne demande au préfet qu'un secours de 1150 francs alloués à la construction d'une tribune – proposition plus économique que celle de 1829. Située au dessus de la porte d'entrée, celle-ci sera réservée exclusivement aux hommes.

La municipalité finit par obtenir les fonds nécessaires et la tribune est érigée. Un nouvel impôt permanent de 10 centimes par habitant est par ailleurs voté (soit 100 francs ajoutés au budget annuel de la commune), qui sera toujours en place en 1877.

Intérieur du vaisseau de l'église ca 1971, avec la tribune au fond.
Et de nos jours, après sa restauration (photo Paul Pérucaud)
Un nouvel escalier en bois permet d'accéder plus facilement à la tribune.
On distingue derrière l'escalier original en colimaçon (photo Paul Pérucaud)
Deux vues de la nef depuis la tribune (photos Paul Pérucaud)

Guerre franco-prussienne et Troisième République
Chaque année, on procède à de nouvelles réparations. Il faut aussi entretenir le cimetière et son enceinte. Mais à l'image des maigres budgets des deux communes, les travaux entrepris sont toujours insuffisants. Pour ne rien arranger, la transition du Second Empire vers la nouvelle république est une période difficile : à La Foye, de 1870 à 1877, le poste de maire change sept fois de main (Martin étant choisi à trois reprises). Quelque soit le maire, lui et le président du Conseil de fabrique réclament régulièrement des subventions au préfet, souvent sans effet.

L'entretien de l'église reste l'une des préoccupations majeures de la municipalité, d'autant que le regain de foi qu'on observe tout au long du XIXe siècle ne se dément pas. En France, la guerre de 1870-71 aboutit à une nouvelle défaite, avec son lot de mort et de souffrance. Elle vient s'ajouter à l'instabilité des régimes politiques et aux crises économiques, qui accentuent le besoin de support spirituel des familles.

En 1872, une lettre de Maxime Bastard, nouveau président de la fabrique (fils du précédent), rend compte des dégâts que la pierre de la façade de l'église a subie en raison du gèle : des ornements menacent de chuter sur les fidèles au passage du seuil. Il remarque aussi la nécessité d'ouvrir une deuxième fenêtre, l'église étant devenue trop sombre depuis la construction de la tribune. Pour cela, il faudra fait appel à des ouvriers spécialisés afin de pratiquer une ouverture dans un mur porteur d'1.45 mètres d'épaisseur. Par surcroit, l'édifice est mal aéré, si bien que des gens souffrent parfois de malaise lorsque la foule se presse. Quant au plafond, alors en tillis, c'est-à-dire composé de fines planches de bois, il est pourri et menace de s'effondrer. Son remplacement par un plafond de plâtre, juge-t-on, rendra l'édifice plus clair. Il permettra aussi d'améliorer la qualité de l'air et la sonorité.

Bastard affirme dans cette lettre que l'église n'a pas reçu la moindre subvention de l'État depuis 1789, ce qui impliquerait (si c'est bien vrai), que toutes les réparations entreprises jusqu'alors avaient été payées, soit par les communes de La Foye et du Grand-Prissé, ou sinon par les dons de particuliers. Si l'abandon du projet d'agrandissement de 1829 conforte son argument, qu'en est-il de l'ajout du clocher en 1819, de la reconstruction de la sacristie en 1825, des travaux de réparation de 1827 et de l'addition de la tribune en 1857, dont le coût dépasse de loin la portée des budgets municipaux ?

Le maire doit aussi prendre en compte d'autres nécessités : le presbytère étant depuis longtemps vétuste et inadéquat pour les élèves, il est grand besoin de construire une école. On considère par ailleurs l'achat d'une pompe, l'approvisionnement en eau potable étant toujours aussi problématique.

Le porche (photo Paul Pérucaud)

En 1873, un fond de secours de 200 francs est alloué à la commune. La façade de l'église est refaite mais avec un porche de mauvaise facture, et on opère de même quelques réparations au plafond.

L'affaire du noyer
En 1877 le maire de La Foye fraîchement élu, Louis François Martin, rédige une nouvelle liste des réparations indispensables à l'entretien de l'église et du presbytère. Les travaux doivent être réalisés par Jean Burgaud, entrepreneur au village, et le devis se monte à 1120 francs. La municipalité et la fabrique, qui ne disposent que d'un budget de 300 francs, réclament un secours de 650 francs.

Mais les deux communes se querellent : tout commence avec une plainte de Martin adressée au préfet. Il exige de la commune du Grand-Prissé qu'elle s'acquitte de sa part du budget d'entretien. Le maire du Grand-Prissé est pourtant Maxime Bastard, président du Conseil de fabrique... Répondant directement au préfet, ce dernier s'explique : il ne paiera rien à la « caisse commune des intérêts spirituels » tant que le profit de 120 francs, tiré de la vente du bois d'un noyer appartenant au jardin du presbytère, n'aura pas été reversé à la caisse. Selon lui, la municipalité de La Foye a abattu et vendu l'arbre à son seul profit. Il rejoint malgré tout Martin quant au secours sollicité.

Aucun d'eux ne prête attention aux tâches jaunes qui apparaissent l'année suivante, dans les vignes de Jacques Arnaud Brigadier, dit Jacquet l'ami, au fief de la Brousse.

L'affaire Grellier
En 1879, on décide de refaire une partie du dallage de l'église qui en a bien besoin, certaines dalles étant brisées, d'autres enfoncées. La municipalité loue à cette fin les services de Pierre Louis Grellier, maître maçon à La Foye. Au cours des travaux, on se rend compte que l'estimation de la surface à refaire a été légèrement sous-estimée. Heureusement, une réserve de pavés permet d'y pallier. Mais le projet complété, Grellier envoie sa facture et le montant du devis initial à plus que doublé ! Martin tente de raisonner avec le maçon, mais ce dernier rejette toute négociation. La commune en réfère au préfet et refuse de payer, forçant Grellier à engager des poursuites judiciaires...

Dallage au niveau de l'autel (photo Paul Pérucaud)

Cette année-là en février, Jules Ferry devient ministre de l’Instruction publique. Avocat de la laïcisation, il va profondément réformer l'école. Les instituteurs qu'il va former, les fameux « hussards noirs de la République », vont éduquer les enfants des campagnes et propager les idées républicaines. L'une de leurs mission est la laïcisation de la société.

L'année suivante, sur un décret de Ferry, les jésuites sont une nouvelle fois expulsés de France. Avec eux, les bénédictins, les capucins, les carmes, et les franciscains. 261 couvents sont fermés, 5 643 religieux sont expulsés.

Tout ce temps, au village, la cloche installée avec le campanile il y a plus de 60 ans avait continué de rythmer les jours, annonçant les heures, les messes, les baptêmes, les enterrements, les mariages et les jours de fête. Mais alors que les paysans prennent conscience de la gravité de la maladie qui se répand parmi leurs vignes, et comme si elle venait de sonner le glas d'une époque, le silence se fait : la cloche vient de se briser...

La nouvelle cloche de l'église de La Foye, baptisée par
Marie-Thérèse Bastard de Péré lors de son inauguration
en 1886, toujours en place aujourd'hui.

Achat de la nouvelle cloche
Dès 1885, dans toute la région, le vignoble est ruiné. Une lettre de Martin au préfet parle des dégâts causés par le phylloxéra comme d'un fléau, qui a plongé la plus grande partie de la population du village dans la misère. Au point qu'il demande une subvention capable de soulager, durant l'hiver, les plus nécessiteux. Impossible dès lors, écrit-il au préfet, d'entreprendre quoi que ce soit, ce qui comprend l'aménagement d'un nouveau chemin vicinal demandé par la préfecture.

Pourtant, il faut bien trouver les moyens de remplacer la cloche, alors essentielle à la vie commune. On estime que la nouvelle devra peser 250 kg (plus lourde et de meilleure qualité que la précédente) et coutera 600 francs. Avec l'aide de la préfecture qui contribue 200 francs, la commande est faite cette année-là à Émile Vauthier, fondeur de cloches à Saint-Émilion, en Gironde. [17]

La nouvelle cloche est garantie de première qualité par le fondeur. Faite d'un alliage composé à 78% de cuivre rouge et 22% d'étain, elle possède une belle harmonie sonore. Vauthier s'engage à fournir les accessoires (composés d'un bâton en fer forgé avec courroie, bride et boulons, un mouton en bois d'ormeau, des ferrures, des coussinets en bronze avec boite à huile, une demi-roue et des ferrures de suspension). L'ensemble est garanti pour cinq ans.

Il est également responsable de l'installation, qui a lieu en septembre 1886. À cette occasion, il démonte l'ancienne cloche qu'il rachète à la municipalité, ce qui permet de couvrir les frais de voyage d'un ouvrier spécialisé et l'échafaudage. La nouvelle cloche est baptisée « Marie-Thérèse », en l’honneur de Marie-Thérèse Bastard de Péré, sa marraine lors de l’inauguration.

Dissolution de la commune du Grand-Prissé
En 1887, on décide avec l'accord du préfet de supprimer la commune du Grand-Prissé. Celle-ci possédait une partie des hameaux du Grand-Bois et du Puyroux. La dissolution permet à La Foye d'acquérir ces deux hameaux dans leur totalité. La commune hérite en même temps de deux ou trois cent habitants qui viennent grossir les rangs des fidèles à la messe. Cent francs sont alloués pour la correction des pièces cadastrales.

C'est aussi le début d'une nouvelle époque : le paysage se transforme, les vignes disparaissent. Elles laissent place à l'élevage et à la culture céréalière. La grande sécheresse de 1893 voit l'exode rurale des vieilles familles de la région qui émigrent vers la ville de Niort. Elles sont remplacées par des éleveurs venus de Vendée.

Alors que dans cette partie des Deux-Sèvres, la campagne de laïcisation du gouvernement avait commencé a porter ses fruits, l'arrivée des Vendéens va renverser cette tendance. Fervents catholiques et pratiquants, leurs familles nombreuses viennent à nouveau remplir l'église.

Le dimanche à la messe, les hommes se tiennent à l’étage, sur la tribune construite quarante ans plus tôt, et les femmes et les enfants sont assis en bas dans la nef. On y chante des cantiques pendant l’office et, à la sortie, tout le monde se retrouve pour papoter sur le parvis, ou dans l’allée des tilleuls. Les hommes ont mis leur costume et les femmes paradent dans leur plus belle toilette. À cette époque tout le monde porte un chapeau, et les femmes parfois un fichu sur la tête. Pendant ce temps, les anticléricaux, redevenus minoritaires au village, attendent leur femme au bistrot.

Reconstruction de la sacristie
En 1895, on décide enfin de reconstruire la sacristie. Ce bâtiment insalubre n'a jamais fait l'affaire : situé en contrebas du terrain environnant et privée d'aération, il y règne une humidité permanente qui détériore les objets du culte, au point de devoir les remplacer tous les six mois. On fait d'abord appel à Jean Burgaud pour la reconstruction, estimée à 880 francs, mais c'est finalement Louis Chagnaud, d'Usseau, qui sera choisi. Par économie, on réutilisera les matériaux composant l'ancienne sacristie. Comme toujours, la municipalité et la fabrique sont obligés de solliciter une aide extérieure : ils ne disposent que de 100 francs. Le curé Jeaudeau juge ces travaux tellement urgents qu'il y contribue personnellement 280 francs, le restant étant couvert par la préfecture. Le propriétaire du terrain voisin, Florentin Champagnard, accepte d'en céder une partie au profit de la nouvelle sacristie. Celle-ci sera finalement terminée en 1897.

Entretemps, l'église a bénéficié d'important travaux de restauration, pour un total de 835 francs, effectués par le même Chagnaud : démontage et réparation de la charpente avec fourniture d'une croisée, restauration des murs et des fondations, addition d'une porte, apposition d'un nouveau plafond de plâtre et crépissage de l'intérieur.

Maintenance de l'église au XXe siècle
En octobre 1912, le nouveau curé Métois arrive au village en remplacement de Jeaudeau. Le maire Birard lui fait savoir que le presbytère, qui a servi d'habitation gratuite aux curés successifs depuis plus d'un siècle, sera désormais loué par la municipalité pour 120 francs par an.

En 1931, lors de travaux d’adduction d’eau près de l’église, plusieurs futs de colonnes seront retrouvés ainsi qu’une console du XVe siècle. On en a sauvegardé quelques fragments qui sont exposés à l’entrée.

En 1938, il faudra remplacer le bâti supportant la cloche. On en profitera pour réparer le clocher et la toiture, une centaine de tuiles devant être changées. C'est Louis Desset, maçon à La Foye, qui fera les travaux pour un montant de 963 francs.

Le bâti sera de nouveau rénové par Bodet en 2006 (voir inscription sur le bois du bâti).



Terminée en 2021, les derniers travaux comprennent la rénovation de la tribune ainsi que la réfection du mur sud et du parvis, avec le déplacement du Monument aux Morts.

Début des travaux du parvis en 2019.
Le monument a été restauré et installé au sud de l'église,
où se trouvait auparavant la salle de théâtre Sainte-Thérèse.
Un muret d'enclos en pierres du pays est en cours de construction
sur la photo (prise fin avril 2019). La municipalité a souhaité faire
un ouvrage qui respectait le caractère du village, en se servant
des anciennes techniques de maçonnerie. Derrière, on distingue
la partie basse du mur sud de l'église, entièrement refait. 

Après la finition des travaux.


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Évolution de la pratique religieuse jusqu'à nos jours


Le sentiment religieux a varié avec les époques, mais à l'origine de la construction du prieuré, au XIIe siècle, la religion était omniprésente dans la vie des gens. Elle était au cœur de toute activité politique, économique ou culturelle.

Pour cela, l'Église disposait de plusieurs instruments structurants, comme le calendrier et la cloche, qui rappelaient constamment son autorité, autant que son utilité, aux fidèles. Les moines du prieuré célébraient des messes quotidiennes dès quatre heures du matin, et il y avait parfois plusieurs messes par jour. L'église stimulait par ailleurs l'économie par ses chantiers, régissait les Corps de métier et imposait les nombreux jours chômés (une centaine chaque année). Le clergé était essentiel à la conduite des affaires. Il s'occupait des pauvres qu'il nourrissait et logeait parfois, et pour lesquels il tenait un registre. Le prieur de La Foye-Monjault était le personnage le plus important de la paroisse, à la fois seigneur et guide spirituel.

Après le départ des prieurs, devenus abbés commendataires, ce rôle échut à deux personnes : au curé (leur substitut spirituel), et au fermier seigneurial (leur représentant fiscal). Il en alla ainsi jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. Mais dès le règne de Louis XV, la noblesse et le haut clergé commencèrent à être vus par le tiers comme des corps parasites, inutiles et brimants.

On observa alors un déclin de la pratique, notamment dans l'ouest de la France, conséquence aussi de la présence dans cette région d'une population protestante. Dans une société de plus en plus politisée, notamment grâce à l'essor de l'imprimerie, l'impact des idées véhiculées par cette doctrine ainsi que par d'autres courants polémiques au sein de l'église, tel le jansénisme, ou en dehors d'elle, telles les Lumières et la franc-maçonnerie, participèrent à miner le dogme catholique.

L'homme se rendait maître de son destin : de fataliste, il devenait opportuniste. La réussite sociale remplaçait le Salut.

D'autant que parallèlement, une autre transition s'était opérée : le contrôle à peu près total de la vie économique et sociale de l'église au Moyen-Âge avait disparu au profit d'une bourgeoisie ascendante, qui commençait à imposer ses valeurs et ses normes sociales. Pour cette dernière, le temps n'était pas une donnée spirituelle appartenant à Dieu, mais une question d'argent et de profit appartenant à l'individu. Ce changement profond alla de pair avec le transfert du pouvoir politique des systèmes monarchiques (et de leurs successeurs) vers les puissances financières.

La résistance d'abord passive de la population au pouvoir catholique, celui-ci indissociablement lié au monde seigneurial, se mua graduellement en un anticléricalisme parfois violent, qui culmina avec l'interdiction du culte durant la Révolution française et le massacre de religieux.

Malgré tout, l'église restait maîtresse du domaine spirituel : elle était encore la seule a apporter une réponse face à l'angoisse existentielle liée à la mort. Ainsi au XIXe siècle, la fréquentation des églises augmenta de nouveau, avant de connaître une baisse progressive au siècle suivant, conséquence des campagnes de laïcisation menées par le gouvernement. Celles-ci furent renforcées par la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, ainsi que par la persécution et l'expulsion des congrégations qui s'ensuivirent.

Cette baisse s'accentua après la Première Guerre mondiale, avec l'influence du communisme et plus encore, par la suite, celle du capitalisme et de la société de consommation, en particulier avec l'impact de la libération sexuelle, de la musique et du cinéma sur les jeunes générations.

Patronage paroissial et Action catholique
Mais jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, on observe encore les vieilles coutumes. Chaque famille peut louer a l'année un banc dans l'église, ce que font principalement les notables.

Reçu de location d'une chaise dans l'église en 1886,
fait à Mme Boyer.
Cette pratique reflète le sentiment de piété qui habite encore de nombreux fidèles à cette époque.

Le patronage paroissial, apparu en France au siècle précédent, fut surtout notable à La Foye à partir du XXe siècle. Celui de l'Action catholique concerne au départ l’éducation des jeunes gens, telle la JAC (Jeunesse Agricole Catholique), fondée en 1929 par l'Union Catholique de la France Agricole, qui avait pour but d'évangéliser les campagnes et d'améliorer les conditions de vie des jeunes paysans.

Au milieu des années 30, des sociétés d’entraides se développent.
Les familles pieuses adhérent aux ligues catholiques,
dont on présente les bons de souscription à la sortie de la messe. 

Le rôle du clergé dans son magistère moral est encore reconnu par tous. Il demeure d'actualité grâce à ces institutions sociales. Au village, sous l’impulsion du curé Métois et d’un certain nombre de paroissiens, une section de la JACF est créée. Elle réunit une grande partie des jeunes filles qui constituent une troupe de théâtre. En 1939, Mme Benoist, propriétaire de l'un des logis de l’ancien prieuré, donne un bout de terrain faisant partie de son jardin afin d'y construire une salle de théâtre. Le don est fait à l’évêché, qui le transmet à la commune.

Les processions
Pour les grandes fêtes religieuses, la coutume était de faire des processions dans les rues du village, le prêtre en tête portant le crucifix, suivi de tous les fidèles. Puis le groupe allait, en chantant des psaumes, honorer les défunts au cimetière.

Mais au tout début du XXe siècle, le maire Félix Garnaud, républicain laïc convaincu, voit d’un mauvais œil ces processions qui ont lieu régulièrement.

En décembre 1905, à l'initiative du député républicain-socialiste Aristide Briand, la loi de séparation de l’Église et de l’État est adoptée. Elle fournit au maire les munitions dont il a besoin. L'année suivante, il écrit au curé pour les interdire. Mais fort de l’appui des nombreux fidèles de la paroisse, Jeaudeau refuse d'obtempérer. À plusieurs reprises, la municipalité lui demande de se conformer à ses instructions :

Note envoyée au curé Jeaudeau en 1907
Procès-verbal de la municipalité datant de février 1909.
Le ton monte et les contrevenants sont menacés d'amende.

En 1909, face à son refus, le conseil municipal prend un arrêté pour interdire toute procession dans le village, à l'exception des enterrements, et menace de poursuite judiciaire tous les contrevenants.

Il est cependant difficile de se fâcher avec une grande partie de la population (les conseillers pensent à leur réélection !). Campés sur leurs positions, les deux camps s’observeront ainsi des années durant.

Le dernier sursaut
Après la Grande Guerre, en dépit de la laïcisation, un sursaut religieux se produit et l’église se remplit à nouveau. Les jeunes vont au catéchisme, les fêtes religieuses deviennent de véritables évènements.

Pour l’occasion on décore l’église avec une multitude de banderoles, comme ci-dessous en avril 1932, pour la fête de la Confirmation d’Hubert Barbaud.

Intérieur de l'église en 1932 (autel et chevet), refait au XIXe siècle.

L’évêque de Poitiers, Monseigneur de Durfort de Civrac de Lorge,
en visite à La Foye à l’occasion de cette célébration (juste avant sa retraite
pour raison de santé. Il décèdera trois ans plus tard). Coiffé de sa mitre et
tenant sa crosse, il est entouré par la foule des villageois, avec à sa droite
le curé Métois.

La procession passe le long de la mare. Parmi les spectateurs, outre les habits
à la mode des années 30, on remarque quelques personnes âgées
qui portent encore les coiffes et les robes traditionnelles.


Les pèlerinages
Au XIXe et XXe siècles, plusieurs pèlerinages importants ont laissé leur marque sur le paysage. Ce sont en particulier les Vendéens, fervents catholiques arrivés à la suite de l'exode de 1890-93, très actifs aux nombreuses kermesses, processions et pèlerinages, qui font ériger des calvaires dans la commune :

  • En 1897, au retour d'un pèlerinage, on érige la croix hosannière en pierre qui se dresse aujourd'hui au milieu du cimetière. Une souscription est organisée parmi les habitants, à laquelle la municipalité, sous la direction du maire Garnaud, se sent plus ou moins obligée de participer (le 30 mai, la commune alloue une subvention de 50 francs).


Date de construction de la croix, inscrite sur le socle.

  • En août 1954, un pèlerinage à Lourdes est organisé. On affrète un car qui part de La Foye avec plusieurs familles de paroissiens à bord, conduits par le curé Métayer. Tout le monde couche au Mondial Hotel. Au retour, les pèlerins ramènent une vierge qui sera installée à Treillebois, au bord de la route qui traverse le hameau vers Vallans. Une « grotte » dédiée à la Sainte Vierge y a été construite par la famille Bodin sur un terrain qu’ils ont mis a disposition. Celle-ci, toujours visible et entretenue, sera régulièrement l'objet de célébration par les ecclésiastiques de la paroisse. Une fête y est documentée pour l'année 1999.
Le curé Métayer entouré de quelques paroissiennes, à Lourdes en 1954.

Le 31 octobre 1954, la grotte avec sa vierge est inaugurée en présence de Monseigneur Autexier, vicaire général du diocèse. Lors de la bénédiction, des petites cartes souvenirs sont offertes à chaque participant.

Grotte de la Vierge
Petit autel installé à côté de la grotte.

  • L’année suivante, en 1955, toujours sous l’impulsion de l’abbé Métayer, on décide de construire un calvaire à l’entrée du village, sur la route de Beauvoir. C’est Albert Rossard, maçon au village, qui est chargé de réaliser la croix et de l'installer. Pour l’inauguration, Métayer a organisé une « mission » à laquelle participent les jeunes du catéchisme, de même que les familles pieuses. Cette mission dure une semaine entière, avec des cérémonies tous les jours. Le dernier jour, une procession est organisée pour amener le Christ offert par l’évêché, de l’église jusqu’à la croix, et le mettre en place. Une grande célébration a lieu, avec chants et bénédictions, en présence de tous les paroissiens et du grand vicaire qui s’est déplacé pour l’occasion. Un autel avait été installé et recouvert d’une montagne de fleurs. En 1957, on en placera un autre assez similaire, un peu plus loin vers Beauvoir, à « La Croix Portillon ».

Le dimanche de l'inauguration, le calvaire est couvert de fleurs.

  • En 1956, c’est un nouveau pèlerinage à Lourdes, duquel on ramène également une vierge. Celle-ci sera installée au Grand-Bois, au bord du chemin traversant le hameau, sur un terrain offert par la famille Druet, sur lequel une grotte avait été construite. Au retour, l’abbé Métayer, accompagné de deux missionnaires, Mgr Couturon et Mgr Travaleau, avait organisé une nouvelle  « Mission », également d’une semaine. Le dernier jour, 31 mai 1956, jour de la « Fête Dieu », une procession fut organisée pour amener la statue de la vierge de l’église jusqu’au village du Grand-Bois. Ceux qui la portèrent tout du long s’en souviennent encore ! De nos jours cette grotte est toujours visible, et entretenue par la famille Moreau.

La Vierge du Grand-Bois
Sur son piédestal devant l'église
Lors de la « Fête Dieu », le 31 mai 1956
Groupe d'enfants posant ce jour-là devant la statue



Déclin de la pratique religieuse
Après la libération, ses défilés mais aussi règlements de comptes (certains ayant été accusés de collaboration), le village retrouve le chemin de l’église, sous les magistères de ses curés : l’abbé Métayer (de 1953 à 1960), et l’abbé Ganne (de 1960 à 1969, que les jeunes espiègles appelaient « la bécane »).

Jusque dans les années 60, en particulier dans les régions plus pratiquantes de l'ouest, le taux de pratique dominicale était encore supérieur à 50%, et les paroissiens faisaient fidèlement leurs Pâques. 

Cependant, a partir de 1965, on assista à une très forte baisse des vocations religieuses en France. Le nombre de nouveaux prêtres sortant du séminaire diminua, en même temps que la fréquentation des églises. Cette situation poussa le clergé à mutualiser les prêtres. En 1969, Bodin fut le dernier curé à prendre ses fonctions à La Foye et, à sa retraite à la fin des années 70, il ne fut pas remplacé. Le presbytère qui appartenait à la commune fut vendu.

Aujourd'hui un groupe de prêtres de la paroisse Sainte-Sabine, regroupant un vaste secteur incluant les cantons de Beauvoir, Prahecq, Saint-Symphorien et Mauzé, effectue des messes dans chaque église à tour de rôle. À La Foye, il y a une messe au moins une fois par mois.


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Notes

[1]  Le cours de ces deux rivières passe en dehors des limites de la commune. La Courance traverse les communes de Vallans, Granzay-Gript, au nord, et au nord-est celle de la Revêtizon. Le Mignon passe sur les communes d'Usseau, Thorigny-sur-le-Mignon et Prissé-la-Charrière, au sud.   [<-]

[2] Voir à ce sujet : La motte féodale de La Foye   [<-]

[3] Montierneuf, de « moustier », terme dérivé du latin monastérium : monastère. Nom donné par les habitants du lieu et qui signifie « monastère neuf. » Les travaux commenceront vers 1070, peu après la fondation, et seront achevés en 1096. Le chapitre Saint-Nicolas de Poitiers, fondé par la comtesse Agnès vers 1050, lui est ainsi rattaché entre 1083 et 1086. La phase active des travaux s'achève avec la mort de Guillaume en 1086. Autorisée par le pape Grégoire VII en 1076, l'abbaye sera consacrée par le pape Urbain II en 1096, lorsqu'il vint prêcher la croisade en Poitou. Construite en dehors de la muraille romaine, à proximité du Poitiers médiéval, l'abbaye ne se fortifiera qu'au XVe siècle, et un bourg naitra ainsi, à l'intérieur de la muraille d'Aliénor d'Aquitaine, construite au XIIe siècle.    [<-]

[4] Cénotaphe de Guy-Geoffroy : Le tombeau du comte sera en partie détruit en 1643 par l'effondrement des voûtes de la nef, reconstruit en 1657, puis à nouveau détruit à la Révolution en 1793. En 1822, lors de travaux, on découvrira dans le sol de la nef les restes de ce tombeau et on réalisera à la place un cénotaphe (gisant sans corps à l’intérieur). On peut toujours l’admirer de nos jours. Il sera construit par l'abbé Sabourin, qui obtint pour cela des fonds de Louis XVIII. Il prit modèle sur un gisant du XVIIe siècle, ce qui explique la tenue anachronique du modèle. La statue, œuvre d'un certain Benoist, fut très critiquée dès l'époque. Ce dernier s'en défendit en précisant qu'il n'avait fait que copier à l'identique une sculpture déjà médiocre du XVIIe siècle. En effet la tombe médiévale se trouvait, de façon inhabituelle (mais très significative en ce qui concerne les ambitions de son commanditaire), au centre de la nef. Lors de la reconstruction du monument, il sera déplacé dans le bas-côté sud, mais le corps, lui, ne sera pas déplacé. Guillaume se trouve donc toujours enterré au centre de l'église.    [<-]

[5] Voir à ce sujet : Origine et histoire du nom de La Foye-Monjault   [<-]

[6] Cluny était l'un des vecteurs majeurs du financement du Vatican, en ce qui concerne la France, et cela jusqu'à la Révolution. Une part non négligeable des revenus du réseau de prieurés clunisiens partait directement en Italie.   [<-]

[7] La fondation de la commune voisine d'Usseau, au sud-est, est apparemment antérieure de 1000 ans à celle de La Foye-Monjault. Située sur l'ancienne voie romaine allant de Saintes à Anger, il exista peut-être là, le long de cette route, un petit village gallo-romain. Des fouilles près de l'église Saint-Pierre ont mises à jour des sarcophages datant du VIIIe siècle, taillés à partir de blocs de pierre datés de l’époque romaine.   [<-]

[8] Procès-verbal du 14 septembre 1788   [<-]

[9] Nous n'avons pas de preuve que le chœur et le chevet étaient encore présents en 1789 dans leur forme originelle. Il est aussi possible qu'ils aient été sérieusement endommagés auparavant. Ce fut le cas avec l'église du Cormenier, détruite au deux tiers durant les guerres de Religion, le reste de la nef s'étant ensuite effondré en 1721. 

Il est par ailleurs amusant de noter l'importance accordée aux faits dans les registres : une page et demi est consacrée aux insultes de Géoffroy au maire, chaque injure étant soigneusement rapportée et soulignée, et à peine quelques lignes pour la démolition de l'église...   [<-]

[10] La défaite du roi catholique Jacques II, en 1690, provoqua l'exode de milliers d'Irlandais, dont beaucoup de soldats qui constitueront l'important régiment irlandais au service du roi de France. C'est la deuxième vague d'émigration irlandaise en France, venant après celle causée par la persécution des Catholiques par Cromwell et les massacres qu'il avait perpétué en Irlande, cinquante ans plus tôt. Ces persécutions poussèrent à l'exil des prêtres et des séminaristes mais aussi des nobles, des soldats et des marchands qui vinrent trouver refuge dans notre pays [Stéphane Dallet].

Pour ce qui est des Macarthy dans les Deux-Sèvres, Stéphane relève aussi les frères Joseph Alexandre, curé de St-Paul de Parthenay (+1791) et Gabriel, curé de Verruyes (+1762), Eugène Macarty, capitaine au régiment irlandais de Clare et Catherine Ursule Macarty, parrain et marraine à Verruyes en 1757, qui sont de la même famille, et même une dame Catherine Flechier « cy devant veuve de sieur Theodore Macarty, cy devant commandant pour le Roy à Charmes en Vivarais. » Ces derniers doivent être les parents des quatre autres. Plus au nord, à Assais près d'Airvault, Henry de Burton écuyer irlandais seigneur de Bussemon de la paroisse de Suzy en Brie épouse en 1727 Catherine Macarty de Machisine fille de Daniel et Éléonore St-Jean.   [<-]

[11a] La vie des moines, Jean-Pierre Longeat, abbé de Ligugé, Picton n˚116, p22. Quatre « Petites Heures » jalonnaient le cours de la journée : Prime à la première heure du jour, c'est-à-dire vers 6 heures du matin, au levé du soleil ; Tierce à 9 heures ; Sexte vers midi ; et None vers 3 heures de l'après-midi. La lecture des Vigiles pouvait être particulièrement longue. L'office des complies se terminait avec le chant du Salve Regina, prière introduite par Cluny et dédiée à la Vierge Marie.   [<-]

[11b] Les bénédictins, hier et aujourd'hui, Claire Lesegretain, La Croix   [<-]

[12] Huit fermes, dont les métairies de Sainte Geneviève (paroisse de La Foye), de Verrines (Marigny) et de la Mirauderie (La Foye). L'une de ces fermes était au Cormenier.   [<-]

[13] Cette évolution reflétait celle de la majorité des institutions ecclésiastiques sur l'ensemble du royaume. Après s'être accaparée les positions les plus lucratives, une partie de la haute noblesse, éprise des philosophies modernes, était devenue athée. Le manque de rémunération, le mépris du bas clergé et de la foi par les élites avaient fini par décourager les vocations, comme en témoigne Taine : « …dans tel couvent dix-neuf moines au lieu de quatre-vingts, dans tel autre quatre au lieu de cinquante, nombre de monastères réduits à trois ou deux habitants et même à un seul ; presque toutes les congrégations d’hommes en voie de dépérissement ; plusieurs finissant faute de novices. » [Taine, Les Origines de la France Contemporaine, Tome II, La Révolution : l'Anarchie, p240]   [<-]

[14] En fait, La Foye compte mille habitants à cette date, mais Bastard inclut peut-être dans ce chiffre les habitants des communes voisines qui se rendent à l'église de La Foye.   [<-]

[15] Un recensement des habitants devant s'acquitter du cens, effectué vers 1216, est connu sous le nom de « Censif de Chizé ».   [<-]

[16] Du XIIe au XIVe siècle, le sénéchal était un fonctionnaire chargé de l'administration d'une province. Il sera remplacé à partir de 1630 par un intendant.   [<-]

[17] Malgré les circonstances, La Foye et le Grand-Prissé parviennent à réunir une avance de 150 francs. La différence, soit un prêt de 250 francs à 5%, devra être repayée sur deux ans.  [<-]

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