Évolution et déclin de la pratique religieuse


Le sentiment religieux a varié avec les époques, mais à l'origine de la construction du prieuré, au XIIe siècle, la religion était omniprésente dans la vie des gens. Elle était au cœur de toute activité politique, économique ou culturelle.

Pour cela, l'Église disposait de plusieurs instruments structurants, comme le calendrier et la cloche, qui rappelaient constamment son autorité –autant que son utilité– aux fidèles. Les moines du prieuré célébraient des messes quotidiennes dès quatre heures du matin, et il y avait parfois plusieurs messes par jour. L'église stimulait par ailleurs l'économie par ses chantiers, régissait les Corps de métier et imposait les nombreux jours chômés (une centaine chaque année). Le clergé était essentiel à la conduite des affaires. Il s'occupait des pauvres qu'il nourrissait et logeait parfois, et pour lesquels il tenait un registre. Le prieur de La Foye-Monjault était le personnage le plus important de la paroisse, à la fois seigneur et guide spirituel.

Après le départ des prieurs, devenus abbés commendataires, ce rôle échut à deux personnes : au curé (leur substitut spirituel), et au fermier seigneurial (leur représentant fiscal). Il en alla ainsi jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. Mais dès le règne de Louis XV, la noblesse et le haut clergé commencèrent à être vus par le tiers comme des corps parasites, inutiles et brimants.

On observa alors un déclin de la pratique, notamment dans l'ouest de la France, conséquence aussi de la présence dans cette région d'une population protestante. Dans une société de plus en plus politisée, notamment grâce à l'essor de l'imprimerie, l'impact des idées véhiculées par cette doctrine ainsi que par d'autres courants polémiques au sein de l'église, tel le jansénisme, ou en dehors d'elle, telles les Lumières et la franc-maçonnerie, participèrent à miner le dogme catholique.

L'homme se rendait maître de son destin : de fataliste, il devenait opportuniste. La réussite sociale remplaçait le Salut.

D'autant que parallèlement, une autre transition s'était opérée : le contrôle à peu près total de la vie économique et sociale de l'église au Moyen-Âge avait disparu au profit d'une bourgeoisie ascendante, qui commençait à imposer ses valeurs et ses normes sociales. Pour cette dernière, le temps n'était pas une donnée spirituelle appartenant à Dieu, mais une question d'argent et de profit appartenant à l'individu. Ce changement profond alla de pair avec le transfert du pouvoir politique des systèmes monarchiques (et de leurs successeurs) vers les puissances financières.

La résistance d'abord passive de la population au pouvoir catholique, celui-ci indissociablement lié au monde seigneurial, se mua graduellement en un anticléricalisme parfois violent, qui culmina avec l'interdiction du culte durant la Révolution française et le massacre de religieux.

Malgré tout, l'église restait maîtresse du domaine spirituel : elle était encore la seule a apporter une réponse face à l'angoisse existentielle liée à la mort. Ainsi au XIXe siècle, la fréquentation des églises augmenta de nouveau, avant de connaître une baisse progressive au siècle suivant, conséquence des campagnes de laïcisation menées par le gouvernement. Celles-ci furent renforcées par la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, ainsi que par la persécution et l'expulsion des congrégations qui s'ensuivirent.

Cette baisse s'accentua après la Première Guerre mondiale, avec l'influence du communisme et plus encore, par la suite, celle du capitalisme et de la société de consommation, en particulier avec l'impact de la libération sexuelle, de la musique et du cinéma sur les jeunes générations.

Patronage paroissial et Action catholique

Mais jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, on observe encore les vieilles coutumes. Chaque famille peut louer a l'année un banc dans l'église, ce que font principalement les notables.

Reçu de location d'une chaise dans l'église en 1886,
fait à Mme Boyer.
Cette pratique reflète le sentiment de piété qui habite encore de nombreux fidèles à cette époque.

Le patronage paroissial, apparu en France au siècle précédent, fut surtout notable à La Foye à partir du XXe siècle. Celui de l'Action catholique concerne au départ l’éducation des jeunes gens, telle la JAC (Jeunesse Agricole Catholique), fondée en 1929 par l'Union Catholique de la France Agricole, qui avait pour but d'évangéliser les campagnes et d'améliorer les conditions de vie des jeunes paysans.

Au milieu des années 30, des sociétés d’entraides se développent.
Les familles pieuses adhérent aux ligues catholiques,
dont on présente les bons de souscription à la sortie de la messe. 

Le rôle du clergé dans son magistère moral est encore reconnu par tous. Il demeure d'actualité grâce à ces institutions sociales. Au village, sous l’impulsion du curé Métois et d’un certain nombre de paroissiens, une section de la JACF est créée. Elle réunit une grande partie des jeunes filles qui constituent une troupe de théâtre. En 1939, Mme Benoist, propriétaire de l'un des logis de l’ancien prieuré, donne un bout de terrain faisant partie de son jardin afin d'y construire une salle de théâtre. Le don est fait à l’évêché, qui le transmet à la commune.

Les processions

Pour les grandes fêtes religieuses, la coutume était de faire des processions dans les rues du village, le prêtre en tête portant le crucifix, suivi de tous les fidèles. Puis le groupe allait, en chantant des psaumes, honorer les défunts au cimetière.

Mais au tout début du XXe siècle, le maire Félix Garnaud, républicain laïc convaincu, voit d’un mauvais œil ces processions qui ont lieu régulièrement.

En décembre 1905, à l'initiative du député républicain-socialiste Aristide Briand, la loi de séparation de l’Église et de l’État est adoptée. Elle fournit au maire les munitions dont il a besoin. L'année suivante, il écrit au curé pour les interdire. Mais fort de l’appui des nombreux fidèles de la paroisse, Jeaudeau refuse d'obtempérer. À plusieurs reprises, la municipalité lui demande de se conformer à ses instructions :

Note envoyée au curé Jeaudeau en 1907
Procès-verbal de la municipalité datant de février 1909.
Le ton monte et les contrevenants sont menacés d'amende.

En 1909, face à son refus, le conseil municipal prend un arrêté pour interdire toute procession dans le village, à l'exception des enterrements, et menace de poursuite judiciaire tous les contrevenants.

Il est cependant difficile de se fâcher avec une grande partie de la population (les conseillers pensent à leur réélection !). Campés sur leurs positions, les deux camps s’observeront ainsi pendant des années durant.

Le dernier sursaut

Après la Grande Guerre, en dépit de la laïcisation, un sursaut religieux se produit et l’église se remplit à nouveau. Les jeunes vont au catéchisme, les fêtes religieuses deviennent de véritables évènements.

Pour l’occasion on décore l’église avec une multitude de banderoles, comme ci-dessous en avril 1932, pour la fête de la Confirmation d’Hubert Barbaud.

Intérieur de l'église de La Foye en 1932 (autel et chevet), refait au XIXe siècle.

L’évêque de Poitiers, Monseigneur de Durfort de Civrac de Lorge,
en visite à La Foye à l’occasion de cette célébration (juste avant sa retraite
pour raison de santé. Il décèdera trois ans plus tard). Coiffé de sa mitre et
tenant sa crosse, il est entouré par la foule des villageois, avec à sa droite
le curé Métois.

La procession passe le long de la mare. Parmi les spectateurs, outre les habits
à la mode des années 30, on remarque quelques personnes âgées
qui portent encore les coiffes et les robes traditionnelles.

Déclin de la pratique religieuse

Après la libération, ses défilés mais aussi règlements de comptes (certains ayant été accusés de collaboration), le village retrouve le chemin de l’église, sous les magistères de ses curés : l’abbé Métayer (de 1953 à 1960), et l’abbé Ganne (de 1960 à 1969, que les jeunes espiègles appelaient « la bécane »).

Jusque dans les années 60, en particulier dans les régions plus pratiquantes de l'ouest, le taux de pratique dominicale était encore supérieur à 50%, et les paroissiens faisaient fidèlement leurs Pâques. 

Cependant, a partir de 1965, on assista à une très forte baisse des vocations religieuses en France. Le nombre de nouveaux prêtres sortant du séminaire diminua, en même temps que la fréquentation des églises. Cette situation poussa le clergé à mutualiser les prêtres. En 1969, Bodin fut le dernier curé à prendre ses fonctions à La Foye et, à sa retraite à la fin des années 70, il ne fut pas remplacé. Le presbytère qui appartenait à la commune fut vendu.

Aujourd'hui un groupe de prêtres de la paroisse Sainte-Sabine, regroupant un vaste secteur incluant les cantons de Beauvoir, Prahecq, Saint-Symphorien et Mauzé, effectue des messes dans chaque église à tour de rôle. À La Foye, il y a une messe au moins une fois par mois.


---


Aucun commentaire: