La conscription : de l'appel jusqu'au départ vers le régiment


Conscrits au dépôt devant les officiers de recrutement.

L'appel au village

Chaque année, un décret fixe les effectifs à fournir pour chaque département. Le préfet procède à une première répartition entre les arrondissements. Il est suivit du sous-préfet qui fait de même pour les communes du canton. Une lettre de la préfecture est ensuite envoyée au maire qui va être chargé de la sélection des jeunes recrues.

Le maire commence par dresser une première liste de conscrits sur la base de l'année de naissance, pour tous les hommes de 20 ans. À La Foye, les appelés sont examinés par le Dr Jacques RABETH. Une première sélection a lieu et les exemptions, s'il y en a, sont justifiées par courrier au préfet. Les réfractaires et les déserteurs sont également dénoncés. Après quoi, tous ceux répondants aux critères administratifs et physiques sont déclarés aptes au service. Ils sont conviés à Niort pour un second examen fait par le Conseil de recrutement. 

La municipalité se référait aux registres paroissiaux
afin de dresser la liste des conscrits, en fonction de leur date de naissance.

Le tirage au sort : la classe de 1800

Un procès verbal des archives municipales de La Foye-Monjault nous donne un acompte du tirage au sort pour les années 1800 et 1801 (an IX et X) :

Procès verbal du tirage au sort de l'an IX et X. Les modalités du tirage
sont clairement énoncées. Le tirage inclut des conscrits
d'autres communes (Granzay, Gript, Saint-Maurice).

En octobre 1800 (qui correspond au début de l'an VIII, au mois de vendémiaire), le maire André VIEN convie à l'église 24 conscrits, à l'issue de la messe, afin de prendre part au tirage au sort. Douze pour l'an IX et autant pour l'an X. Pour chaque année, on numérote d'abord douze billets de 1 à 12, qui serviront à déterminer l'ordre du tirage. Afin qu'il n'y ait pas d'irrégularités, les billets sont faits, roulés et mis dans un chapeau en présence des conscrits. Ceux-ci sont alors appelés à piocher. Ensuite, on recommence avec douze autres billets. Sur l'un d'eux est écrit « pour complément de l'armée », sur un autre « pour la réserve ». Les dix autres sont blancs.

Lettre de convocation des conscrits de l'an XI.
L'église servait alors de mairie et les convocations
avaient lieu à l'issue de la messe.

Pour l'an IX :
  • Gabriel François GÉOFFROY, qui a tiré le billet portant la mention « pour complément de l'armée » devra bientôt rejoindre son régiment.
  • Pierre SAUVAGET est assigné à la réserve (appelé par la suite à l'armée d'active).

Pour l'an X :
Les hommes qui ont tiré les billets blancs peuvent rentrer chez eux. En 1800, avec le système du tirage au sort, seulement deux appelés sur douze partent ainsi faire leur service militaire (qui dure alors six ans). Ce chiffre augmentera ensuite rapidement afin de répondre aux demandes de Bonaparte. Quant à ceux qui restent au village, s'ils échappent à l'armée d'active, la plupart serviront néanmoins dans la garde nationale de la commune.


Considérations préliminaires de la municipalité
concernant les recrues de l'an IX et X, suivis de la liste
des conscrits sélectionnés pour ces années-là. 

Les conscrits jugés aptes au service par le Conseil devront revenir à Niort quelques jours plus tard, afin de rejoindre leur unité d'affectation.


Pour ceux qui sont assignés à la réserve, un officier leur donne des rudiments d'instruction militaire en les exerçant sur une place publique, généralement celle du chef-lieu du canton. Les réservistes de La Foye doivent ainsi se rendre dans la commune voisine de Beauvoir :
  • En 1803, Louis ALLEAU (désigné comme soldat à la réserve pour l'an X) est sommé de se trouver le dimanche suivant à Beauvoir à neuf heure du matin, afin d'y recevoir l'instruction militaire. Il encourt un mois de prison en cas d'absence.

Courier reçu par la mairie le 8 pluviôse.

Les autres sont mis au dépôt dans l'attente d'une éventuelle affectation.

La réserve

La loi Jourdan-Delbrel avait entraîné l'appel d'une première classe de conscrits en 1799 (an VIII). Pour La Foye, cela équivalait à deux conscrits, dont un restait à la réserve. Afin de prolonger « définitivement » son congé, ce dernier devait toutefois s'acquitter d'une indemnité. Le 20 août 1800, une lettre du baron Dupin au maire de La Foye rappelle à Jean CHAIGNON, conscrit de l'an VIII, que, si sa situation financière lui permettait de payer les 300 francs requis, il devait le faire sous quinze jours. Sans quoi il serait contraint de rejoindre l'armée :

Lettre du préfet Dupin à la municipalité de La Foye,
réclamant l'examen de la situation financière
de Jean Chaignon, ainsi que le paiement de son indemnité.

Dès 1807 (suite au décret du 20 mars), cinq légions de réservistes sont créées pour la défense des frontières. Ceux de La Foye sont assignés à la 5e et sont apparemment envoyés à la caserne de Rennes pour leur formation. Le sort de ces réservistes varie selon les bataillons auxquels ils sont affectés. Les trois premiers bataillons de chaque légion sont ainsi rapidement envoyés en Espagne, où leurs effectifs sont décimés. Ils sont complétés par les 4e bataillons. En 1809, les vétérans sont incorporés au 121e et 122e RI. [2]

La classe de 1810

En janvier 1809, comme il l'a fait chaque année avec leurs aînés, le maire André VIEN a convié à l'église les jeunes hommes du village de la classe de 1810, à savoir ceux qui sont né en 1790.

Bonaparte vient d'ordonner des levées en masse. On est loin des deux soldats désignés en 1800. Cette fois, il en faut huit. On procède au tirage au sort. Pour la commune, les conscrits qui tirent les numéros allant de 15 à 22 inclus seront examinés par le Conseil de recrutement :
  • Louis BROTTIER tire le N˚15, est réformé le jour de l'examen pour la somme de 65.08 francs. Mais sa réforme est promptement annulée et il est incorporé au 72e régiment de ligne en mars 1809. Il participe aux campagnes de 1809, 1810, 1811 et à celle de Russie en 1812. Blessé aux jambes le 17 août 1812 lors de la bataille de Smolensk, fait prisonnier de guerre le 30 septembre, il décèdera en Russie.
  • Michel DHIVER, N˚16, né de parents inconnus et domicilié à La Foye à cette date, il est réformé car l'un de ses frères adoptifs est déjà conscrit.
  • Louis GUITTEAU, N˚17, est incorporé dans les conscrits de la garde en mars 1809. Il rejoindra le 82e régiment de ligne et décèdera à l’âge de 25 ans à l’hôpital de la Salpêtrière, à Paris, en février 1814.
  • Pierre LÉVESQUE, N˚18, est réformé gratuitement le jour de l'examen. Mais tout comme Louis BROTTIER, il n'en est pas moins aussitôt incorporé dans le 11e régiment de cuirassés. Peut-être s'est-il porté volontaire ? En juin, il est stationné à Colmar où il vient de terminer sa formation militaire, et d'où il écrit une lettre à ses parents. Le mois suivant, il prendra part à la bataille de Wagram les 5 et 6 juillet, puis à celle de Znaïm le 10, sous les ordres du colonel Pierre Duclaux. En 1812, il participera à la campagne de Russie (bataille de la Moskova, et peut-être celle de Winkowo). Il sera porté disparu lors de la retraite.
  • Pierre MISBERT, dit Lavinette, N˚19, est incorporé en mars 1809 au 72e régiment de ligne. Il participe aux campagnes de 1809, 1810, 1811 et à la campagne de Russie en 1812. Il est fait prisonnier de guerre à la bataille de Leipzig (Allemagne), en octobre 1813, où il décède peu après.
  • Louis NOURRIGEON, N˚20, est réformé lors de l'examen pour la somme de 73.25 francs. Mais lui aussi se trouve bientôt incorporé au 72e régiment de ligne en mars 1809. Il participe aux campagnes de 1809, 1810, 1811 et à celle de Russie en 1812. Il est au camp de Boulogne jusqu'au 12 mai, mais il est fait prisonnier le 30 septembre. Il décèdera en Russie.
  • François NOLLEAU, N˚21, mis au dépôt, il souffre de mal de poitrine. Ses parents paient la somme de 29.68 francs pour sa réforme. Un renvoi de son cas devant le Conseil de recrutement le déclare apte au service le 11 avril 1811. Mais il est de nouveau réformé le 18 pour faible constitution après un nouvel examen. Il servira néanmoins en 1813 au 7e bataillon du train des équipages.
  • Mathurin Félix RABETH, N˚22. Fils du docteur exerçant dans la commune. Instituteur bien qu'âgé de 19 ans, il est mis au dépôt dans l'attente d'une affectation. Son frère Michel avait déjà été assigné à la réserve l'année précédente.

Nombre de conscrits dans les communes voisines

Pour comparaison, le nombre de conscrits tirés au sort pour la même classe était de 99 pour le centre-ville de Niort, 15 pour Frontenay, 13 pour Marigny, 10 pour Usseau, 6 pour La Rochénard, 5 pour Aiffres et Juscorps, 4 pour Beauvoir, Brûlain, Fors, Le Grand-Prissé, Prahecq, Saint-Symphorien et Vallans, 3 pour La Charrière, 2 pour le Cormenier, et un seul pour Granzay, Gript et La Revêtizon.

L'examen du Conseil de recrutement

Le tirage au sort ayant désigné les conscrits, la municipalité en informe la préfecture qui va fixer une date afin de procéder à leur examen par le Conseil de recrutement. Ces derniers doivent se rendre à Beauvoir, d'où partira leur escorte, sous peine d'être poursuivis comme déserteurs :

Une lettre du baron Dupin datée du 1er nivôse an XI,
somme les conscrits de se rendre à Beauvoir afin d'être
emmenés à Niort pour y subir l'examen du Conseil de recrutement.

Départ vers le régiment

Les recrues jugées aptes au service par le Conseil ont à peine dix jours avant de partir vers leur régiment. Ils doivent alors se rendre sur la place de la préfecture à Niort, à dix heures du matin, en attente du départ :

L'examen ayant eut lieu le 10, Dupin envoie une nouvelle lettre
à la municipalité le lendemain. Le départ est fixé au 19.

Les tableaux de conscriptions

Après avoir dressé la liste de conscrits en fonction de leur date de naissance et avoir procédé au tirage au sort, la municipalité préparait un tableau de conscription qui pouvait prendre différentes formes selon les années :

Tableau général des conscrits de l'an X.
Tableau des conscrits de l'an XI.
Tableau des conscrits de l'an XII.
Tableau des conscrits de l'an XIII. Une note en marge de Vien rapporte
l'épopée de son fils au Cap-Français (Saint-Domingue)

Conscrits relevés par année à La Foye, de 1800 a 1815 [1] :

  • 1800 : 12
  • 1801 : 5
  • 1802 : 7
  • 1803 : 8
  • 1804 : 7
  • 1805 : 16
  • 1806 : 10
  • 1807 : 15 
  • 1808 : 12
  • 1809 : 8
  • 1810 : 13
  • 1811 : 4
  • 1812 : 13
  • 1813 : 4
  • 1814 : 15
  • 1815 : 9
Le nombre de conscrits ci-dessus ne correspond pas au nombre de soldats d'active. En 1800, sur 12 conscrits de 20 ans, un seul est désigné par tirage au sort pour l'armée d'active, un autre pour la réserve, et le reste est provisoirement exempté. Mais les lois qui régissent le système de conscription évoluent rapidement, notamment afin de répondre aux besoins de Bonaparte. 

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Documents annexes

Quelques autres documents se rapportant à la conscription, provenant des archives de la commune :

Liste des conscrits de l'an X

Considérations préliminaires de la municipalité concernant les recrues
de l'an XI, et notamment celles du docteur Rabeth sur la santé des conscrits.

Liste des conscrits de l'an XII

Tirage au sort des conscrits de l'an XI.

Bien que Beauvoir-sur-Niort soit le chef-lieu du canton, la municipalité de La Foye-Monjault et son maire VIEN géraient une partie des affaires liées à la conscription de plusieurs communes :


Une somme était allouée par l'armée aux conscrits 
en fonction de leur affectation.

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Note

[1] Ces chiffres sont issus de la compilation de diverses sources qui ne se recoupent pas toujours (registres de recrutements militaires et documents des archives communales, notamment). Il manque au moins une quinzaine de conscrits, que l'on retrouve par la suite dans les archives des régiments.

[2] Source : www.1789-1815.com, Légions de réserve (https://www.1789-1815.com/arfr3_lg_reserve.htm), d'après Pascal, Histoire de l'Armée, tome 3, 1851, page 99.

1 commentaire:

Unknown a dit…

bien documenté et clair; bravo