La Motte Féodale


Avec le déclin de l'Empire carolingien, l'Europe occidentale dut faire face à des menaces extérieures (raids sarrasins, débuts des incursions menées par les Vikings) et à des conflits internes (guerres de successions, rivalités entre seigneurs).

C'est à cette époque qu'apparaissent des buttes fortifiées, prototypes des premiers châteaux forts de la région. L'une des ces « mottes » artificielles fut construite sur l'un des points les plus hauts de la commune (63 mètres) et elle est encore visible de nos jours. Mesurant 30 mètres x 15, haute de 4 à 5 mètres, elle se situe en limite de la commune de la Foye, au nord de Limouillas.


Indiquée sur la carte IGN, la motte se situe à quelque 900 mètres au nord du hameau de Limouillas.

Au début de ces années 800, toute cette était région recouverte d’une immense forêt, la forêt d’Argenson, qui recouvrait alors toute la région de Chizé jusqu’à Benon. Elle était coupée par quelques chemins gaulois et la grande voie romaine de Saintes à Nantes, passant par Usseau (Uxellos).

Le village de la Foye n’existait pas encore. Tout autour se trouvaient de grands domaines agricoles tels que Dœuil (Villa Daolli), Prissé (Priscanum), Mauzé (Mauzacum) et Frontenay (Frontinum)…

Les raids vikings, conduits à partir de la Sèvre, dévastèrent toute la région. À bord de leurs drakkars, grandes barques à fond plat, ils remontèrent l’embouchure jusqu’à Niort, sans toutefois réussir à prendre la ville, très fortifiée en ses remparts. On disait que les barbares avaient tout pillé, et massacré ceux qui vivaient dans la vaste zone de marais bordant le golfe des Pictons.


La Motte de La Foye

La butte est située en bordure du plateau, dominant de 30 mètres le pays de Granzay et la plaine allant jusqu’à Niort. Elle constitue un endroit idéal pour observer toute tentative d’invasion à partir de la Sèvre.


Selon Raymond Proust, qui fit une publication en 1978, dans le Bulletin des Antiquaires de l’Ouest, la butte de la Foye fait partie d’une longue liste de mottes féodales construites entre l’an 850 et l’an 1100 dans cette région du Bas Poitou.

Pour lui, elle devait probablement, comme ses semblables, être entourée de fossés et de palissades, dominés par une tour de guets en bois, dont hélas il ne subsiste plus aucune trace. En tout cas, la mémoire populaire ayant traversé les siècles a baptisé cet endroit le « canton de la Motte », qui figure au cadastre.

Les propriétaires de la butte :
Sur le cadastre napoléonien, dans la section B1 appelée le « Fief aux Chèvres », on voit un gros point sur la parcelle 828 scindée en deux :
  • Au début des années 1800, la parcelle 828 appartenait à René Philippe, de Vallans.
  • Et la 828 bis à Jean Michaud, également de Vallans.
Le document précise qu'elles étaient alors plantées de vigne.




Au nord de la butte il reste encore la base d’une tour ronde en pierres de taille. De quand datent ces vestiges ?

La Tour


La mémoire des anciens permet parfois de résoudre certaines énigmes…

Jean-Claude Guitteau et Jean-Marc Favrioux tiennent de leurs parents que les débris de construction, que l’on peut encore apercevoir sur la butte féodale, sont liés à l’occupation allemande.

Au temps de l’occupation
Dès l’été 1940, la France fut coupée en deux par la ligne de démarcation. La Foye se trouvait alors dans la zone atlantique, particulièrement surveillée par les troupes allemandes. La région de Niort en faisait partie.

En 1940-41, les Allemands installèrent là un poste d’observation dont on peut encore voir les soubassements en blocs de béton :


Initialement, l’armée avait prévu d’installer un poste d’observation en haut du château d’eau de Limouillas. En effet, son emplacement et sa hauteur permettaient une vue très étendue vers le nord. Mais sa citerne, au sommet, ne laissait pas suffisamment d’espace. Ironie de l’histoire, ce château d’eau échappera au mitraillage des alliés en 1944, contrairement à ceux de la Grand-Foye, d’Usseau ou de Vallans.

Le site de la Motte fut donc préféré. Il était également bien placé car surplombant la plaine de Niort, et s’avérait bien plus facile à aménager pour créer un habitat permanent.

Dès l’automne 1940, une dizaine de soldats de la Wehrmacht, âgés pour la plupart, commencèrent a creuser la butte avec pelles et brouettes, déversant les remblais tout autour. Ils construisirent une plateforme en béton, et au dessus une grande cabane en bois, bien isolée du froid, afin d’y vivre jour et nuit. À côté, sur le haut de la butte, un mirador fut édifié, également en bois. On rapporte que du haut, avec leurs longues-vues très puissantes, ils pouvaient apercevoir des gens dans la rue de Fontenay-le-Comte, à Niort.

Les Allemands avaient également édifiées deux tours rondes positionnées en diagonale, construites en murs de pierre de taille, afin d’en faire des affuts de mitrailleuses. Celles-ci ne seront jamais installées.

Ils avaient par ailleurs fait creuser un puits aux abords de la butte, mais celui-ci ne sera jamais exploité. En effet, un tour de rôle avait été institué parmi les habitants de Limouillas, afin qu’ils amènent un tonneau d’eau qui servait à remplir un bassin ou réservoir dans lequel les Allemands se servaient. Ceux-ci allaient se ravitailler tous les jours à Beauvoir.

Les soldats restèrent un certain temps sur le site, puis repartirent au front. À la libération, les jeunes des environs se défoulèrent en détruisant toute l’infrastructure. De nos jours, on peut encore observer les soubassements des deux tours et quelques blocs épars de béton armé.

Par la suite ces parcelles deviendront la propriété du grand-père de Jean-Marc Favrioux, lors du remembrement de 1955. À cette époque il n'y avait plus de vignes, et ce terrain était devenu une exploitation agricole.


Les Mottes Féodales

Une motte féodale (appelée aussi motte castrale), est un type particulier de fortifications de terre qui a connu une large diffusion au Moyen Âge. Elle est composée d'un rehaussement important de terre rapportée de forme circulaire, le tertre. Il existe dans toutes les régions d'Europe plusieurs formes d'édification de ces ouvrages. 

La plupart du temps le tertre était entouré d'un fossé, le sommet étant occupé par une forte palissade. Un fortin de bois y était aménagé avec une tour de guet analogue à un donjon. La motte est considérée comme un château fort primitif. À son pied on retrouve souvent (mais pas toujours) la marque de la fonction résidentielle de l'ensemble fortifié : la basse-cour. C'est un espace délimité par une enceinte et surtout en position inférieure par rapport au donjon de la motte. La basse-cour renfermait les bâtiments nécessaires à la vie du château comme des granges ou écuries. « La basse-cour forme avec la motte un ensemble indissociable » [Le système castral du premier âge féodal (fin du Xe siècle à fin du XIIe siècle)].

Prototype des châteaux forts, ces mottes édifiées en rase campagne servaient aussi de refuge aux populations ou de repaire aux soldats.

En Europe occidentale, au Xème siècle, l'armée carolingienne devient trop lourde pour répondre aux rapides raids vikings et sarrasins. Aux alentours de l’an mil, les navires vikings remontent l’embouchure de la Sèvre Niortaise pour piller l’arrière-pays. La défense s'organise donc localement autour des mottes, rapides à construire, et qui utilisent des matériaux peu coûteux et disponibles partout. Progressivement se distingue ainsi une élite guerrière dont la motte castrale matérialise l'autorité. Le seigneur assure la protection d'un axe commercial ou économique (souvent un village) et la motte devient l'élément fort de l'organisation spatiale de l'an mil.

Une des grandes questions historiographiques reste la datation du moment précis de l'apparition de la motte castrale. Certains historiens auraient tendance à dater ce moment au début du Xe siècle voire vers la fin du IXe siècle.




Les invasions vikings dans la région

C’est au début des années 800 que les Vikings, d’origine danoise, déferlent sur les côtes atlantiques et pénètrent plus en avant dans le pays. Ils remontent les rivières à bord de leurs drakkars, légers et maniables, et pillent, tuent et sèment la terreur partout où ils passent. Au lieu de combattre, la population locale apeurée prend la fuite. Dans le marais de nombreux colliberts (huttiers), sont massacrés. Les survivants se réfugient dans les grandes roselières et vivent à l'écart dans des huttes soumises aux inondations (d'où le terme huttier), trouvant dans la pêche et la chasse le nécessaire à leur survie.

En 815, les Vikings remontent la Sèvre niortaise et pillent l’abbaye de Saint-Maixent, ainsi que plusieurs petites villes comme Melle (en 817). Mais ils ne réussissent pas à prendre Niort, ville fortifiée, et doivent fuir devant les armées des comtes de Poitiers. Quelques années plus tard, ils établissement une base permanente sur l'île de Ré. Puis en 845, ils remontent la Charente et dévastent Saintes (en 850). En 848 ils effectuent à nouveau un raid dévastateur sur Melle et le Mellois. 

À cette époque, toute la région est sous le contrôle de la longue lignée des Guillaume, comtes du Poitou, nommés par le roi des Francs, Charlemagne, (742-814), qui souhaitait ainsi contrôler son immense Empire couvrant la moitié de l’Europe. Un peut partout, de petits seigneurs locaux firent leur apparition en tant que représentants du roi, en charge de surveiller le territoire et défendre la population. À partir du IXème siècle, ils construisirent de petits châteaux et des fortifications. C’est ainsi que deux seigneurs locaux, Rannoux et Rainon se mirent à la poursuite des Vikings qui avaient envahi la région. Ils leur livrèrent bataille à Breuillac, sur la Sèvre.

Leur dernier raid sur le royaume Franc aura lieu en  1017, avec le débarquement sur les côtes du Poitou à Saint-Michel-en-l'Herm. Et il faudra attendre le début du siècle suivant pour que les Vikings se sédentarisent en Normandie (d’où leur nom « les Normands »), et cessent les pillages. 


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Extraits de la publication de Raymond Proust en 1978





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