Les puits

Dès la création du prieuré au XIe siècle, il fallut disposer d’eau pour la construction, mais aussi pour alimenter les premiers habitants venus s’établir au village. C’est pourquoi les moines creusèrent à côté de l’église un puits banal, c'est à dire à la disposition de tous. 

Ce puits servira pendant très longtemps. On peut encore le voir de nos jours dans l'enclos du prieuré. Il fait un peu plus de 30 m de profondeur. Son conduit est parfaitement maçonné et sa margelle, malgré les ravages du temps, est toujours en place :

Le puits du prieuré, le plus ancien du village.
Un exemple de maçonnerie typique de l'un des puits de la commune.

Plus tard, d’autres puits communaux seront creusés au bourg et dans chaque village par les moines, puis ensuite par les fermiers seigneuriaux. La plupart de ceux que l’on peut encore voir au bord des rues ou des carrefours ont été créés au XVIIe et XVIIIe siècle, peut-être en remplacement de puits plus anciens. 

C’était autrefois la seule source d’approvisionnement en eau pour les habitants, et ils étaient utilisés quotidiennement. C’est pourquoi il fallait régulièrement les entretenir, des pierres pouvant se desceller et la margelle se fendre sous les assauts du gel. Il faudra aussi les recreuser à de nombreuses reprises, en particulier lors des épisodes de sécheresse qui se succèderont dans la région (lors de l'une d'elles, en 1922, les puits s'étaient taris dès le début de l'été). À partir des années 1800, les registres municipaux rapportent d’interminables discussions concernant leur entretien et les moyens de financer leur réparation.

Dans la plupart des fermes, les agriculteurs feront construire une citerne juste à côté du puits, souvent enterrée, permettant de stocker suffisamment d’eau pour tenir quelques semaines en cas de pénurie.

Puis avec l’arrivée de l’eau courante, ils tomberont peu à peu en désuétude. Ils cesseront d'être utilisés à partir des années 60, sauf pour l'arrosage des jardins (avec l'aide d'une pompe immergée).

Nostalgie d’une époque révolue
Dans le silence de la campagne, le bruit d'une poulie qui grince, un seau en fer qui tape sur une margelle, de l'eau versée sur la pierre... Ces sons reposants et familiers des siècles passés ont aujourd'hui disparu. Pourtant, la corvée de l'eau au puits n'est pas si ancienne. C'était à l’époque une tâche quotidienne, comme de laver son linge au lavoir, corvée pratiquée jusque dans les années 50. 
Les puits communaux
Au bourg, on peut en voir deux très beaux à chaque extrémité de la rue des Deux Puits. L’un est à l'angle de la rue du Centre :

L'emplacement des puits se retrouve sur le cadastre napoléonien
datant de 1820, comme ici (indiqué sur la carte par un petit rond gris).

Ce puits est équipé du système à double poulies
que l'on retrouve partout dans la commune.

L'autre est près de l'ancien atelier de menuiserie des frères Dorey (rue des Rosiers) :


Chacun dispose d’un système à double poulies, suspendues au sommet d’une potence (faite d'une armature en fer fixée à la margelle), qui permettait à deux habitants de tirer de l’eau en même temps. À La Foye, la plupart des puits communaux utilisaient ce système. Beaucoup de ces puits datent d’avant la Révolution, et ils sont indiqués sur le cadastre napoléonien de 1820. Par la suite, au cours du XIXe siècle, apparaitront les puits à treuil plus faciles à utiliser. 
  
Les puits privés
Dès la fin du XVIe siècle, plusieurs propriétaires se feront creuser leur propre puits, ce qui leur permettra d’être plus autonomes. 

Le puits des parcelles 315/316 a la particularité d'être mitoyen.
François Bastard (1762-1812) en partageait l'usage avec son voisin,
le notaire et maire de La Foye André Vien (1759-1824).
Ce puits fait 25 mètres de profondeur et sa section de 2,5m2
correspond à 2500 litres par mètre. Il contient toujours de l’eau
sauf quelques semaines en août. Il est construit dans une ouverture,
à la base du mur séparant les deux propriétés.
À remarquer sur sa margelle la présence de fossiles,
très nombreux dans les pierres calcaires que l’on extrayait
dans les alentours du village.

Il y a aussi celui de l’ancienne ferme de François Bastard, connue à présent sous le nom de ferme à Jamard, que l’on peut encore apercevoir au fond de la cour sous un appentis :

Autre puits mitoyen, à treuil celui-ci, de l’ancienne métairie de François Bastard
(parcelle 237, qui jouxte le cimetière). Bastard avait acquis cette ferme à la Révolution,
en 1792, d’Étienne Gabriel Brunet, un riche négociant. Il l’avait affermé
en 1803 à Louis Guitteau pour un bail de 9 ans.


Dans un acte notarié de 1810, on apprend que ce puits est partagé avec la maison voisine qui appartient à Hippolyte Manceau. Grand propriétaire au bourg, ce dernier succédera à Vien comme maire de la commune. Il est précisé que chacun pouvait accéder au puits de chaque côté du mur mitoyen, ainsi que par une porte.

Progressivement, à partir du XVIIIe siècle, la plupart des maisons auront leur puits :



Victimes de réalignements
Automobiles et engins agricoles obligent, il fallut élargir les chemins, et particulièrement les carrefours afin de faciliter le passage. Certains puits communaux en firent les frais, comme pour celui situé à l’angle de la rue du Logis :


Il ne fut pas comblé mais simplement recouvert d’une plaque de béton pouvant supporter les passages de lourds engins. À une époque, certains riverains y avaient introduit une pompe pour arroser leur jardin.

À Treillebois
Comme partout, plusieurs puits communaux seront construits au fil des ans. De nos jours on peut encore en voir au moins trois situés chacun à un carrefour de rues. L’un au sud, complètement bouché par une plaque métallique, un autre au nord comportant une potence avec sa double poulie, et le dernier au centre, encore équipé de son treuil :

Sur le cadastre de 1820, on remarque l’emplacement
du puits principal (le puits Marot) situé juste au centre du village,
en face de la maison Arnaud (parcelle 1837). 
Le Puits Marot, ci-dessus, avec son système à double-poulie. 
Le Puits Merlier est équipé d'un treuil, mécanisme à rouleau et manivelle
permettant d’enrouler la corde ou le plus souvent la chaîne, ce qui réduisait
considérablement les efforts pour remonter les seaux. Le cylindre de bois
est d’une longueur quasi égale au diamètre du puits, fixé sur la potence
et placé horizontalement à la hauteur des épaules de celui qui tire l’eau.
Les utilisateurs savaient qu’il fallait éviter le bras de la manivelle qui
pouvait s’emballer comme un moulinet sous l’effet du poids du seau,
qui redescendait alors sans contrôle. 

Certains propriétaires ou riverains de ces puits ont donné leur nom à des rues du village de Treillebois, comme pour la rue du Puits Marot (peut-être après Armand Marot, dont on trouve la trace au début des années 1900 ?), ou bien la rue du Puits Merlier. 


Dans une délibération du 19 septembre 1887, on parle aussi du Puits Brunet. Ce jour-là, le conseil municipal approuve le devis émis par Mr Burgaud entrepreneur au bourg, pour sa réparation, bénéficiant d'une subvention de 147 francs de la commission départementale.  

En 1944, les habitants du village, qui jugeaient que la pression du circuit d’approvisionnement communal était insuffisante, feront une pétition pour la pose d’une tour sur le puits communal.  Ils demanderont aussi que la margelle soit refaite.

Pétition pour la pose d’une tour
sur le puits communal de Treillebois.

Au Grand-Bois
Pendant de nombreux siècles ce village possèdera un puits banal qui donnera son nom à une impasse : l’impasse du Puits.



Il est toujours présent. C’est un très beau puits à rouleau, installé sur une petite place au centre du village :

Le puits du Grand-Bois, avec en bas à droite
la grille d'évacuation de l'eau ajoutée par la suite.

Le puits du Grand-Bois se situant à 20 mètres plus bas que celui du bourg de La Foye, il lui arrivait de déborder l’hiver. On installa donc une grille alimentant une canalisation d’évacuation, qui débouche plus loin sur une rigole en direction du Puyroux. La séance du 6 mars 1892 rapporte que le conseil dirigé par le docteur Martin approuva le devis de Mr Denis, maréchal-ferrant, pour la pose de ferronneries aux puits du Grand-Bois et du Puyroux, pour un montant de 48,10 francs.

Un peu plus loin, il y avait un autre puits, mi communal-mi privé, chez le père Saunier. Une petite porte avait été installée dans son mur d’enceinte, permettant à tous d'y puiser de l’eau. D’autres dans les cours de fermes sont totalement privés, comme celui du père Soulier :


On en connait aussi dans les propriétés Briffault et Jamard, et dans l’ancienne ferme Laidet. Jean Moreau, lui, effectuera plus tard un forage dans sa cour et y installera une pompe.

Au Puyroux
Ce village est situé encore plus bas que celui du Grand-Bois (40 mètres d’altitude), c’est pourquoi il ne faut pas creuser plus de 10 à 15 mètres pour trouver de l’eau. Mais malgré cela, en été, ces puits sont à sec pendant plusieurs semaines.

Un puits communal se situait sur une petite place à l’entrée du village en venant du bourg. Il est à présent rasé et recouvert d’une plaque en béton :


Un autre, encore visible, se situe un peu plus loin sur une petite place, à l’entrée de la rue des Acacias :


En complément, plusieurs fermes dont celle de Pierre Chaignon (rue de la Fromagerie) se sont dotées d'un puits privé.

Un forage sera effectué au Fief Tesson situé au sud de ce village, à une altitude plus basse encore. Il jaillira en fontaine pendant les mois d’hiver. Les habitants du Grand-Bois l’appelaient « le puits artésien » et venaient souvent avec des charrettes y remplir leurs tonneaux en été. Il est à présent bouché et recouvert par le bitume du chemin qui passe au-dessus.

À Limouillas
Là également, le puits communal a disparu. Il se situait sur la petite place devant l’impasse du château d’eau. Il a été rasé et recouvert d’une plaque de béton : 



À La Grande Foye 
On note le puits de Pierre Arnaud dit « Berger », visible sur le cadastre (parcelle 039) :


À La Mirauderie
Les grandes fermes de Favreau et de Brisset s’étaient fait creuser leur propre puits, remplissant un réservoir pour abreuver le bétail. Mais pour approvisionner les autres maisons, un puits communal sera aménagé. Aujourd’hui disparu, il était au bord d’une fontaine, située au bout du chemin de la Louve. Pendant les hivers pluvieux, l’eau de cette fontaine jaillissait et s'écoulait en direction du Grand-Bois. Les riverains avaient creusé un fossé afin de la canaliser, mais celui-ci devait être régulièrement recreusé. Ça n'empêchait pas le centre du village du Grand-Bois d'être régulièrement inondé, et ceci pendant plusieurs semaines. La dernière inondation a eu lieu en 1982 : André Moreau se souvient d’avoir vu plus de 80 centimètres d’eau dans la cour de sa ferme. L’eau rentrait partout, y compris dans sa chambre qui se situait au rez-de-chaussée. Combien de fois a-t-il fallu refaire les peintures et tapisseries... et cette odeur de moisi qui persistait ! 
Les citernes
Pour avoir de l’eau en abondance et pouvoir abreuver les animaux, faire les lessives ou la vaisselle, la plupart des grandes maisons et des fermes feront creuser des citernes qui seront remplies en puisant l’eau du puits. Cela leur permettra d’avoir plusieurs milliers de litres en réserve. Certaines de ces citernes font plus de 10m de profondeur.

Les citernes sont parfois alimentées par l’eau de pluie qui s’écoule du toit,
 et la canalisation s’y déverse comme ci-dessus.


Beaucoup de gens les utilisent pour arroser le jardin,
en y installant une pompe électrique, comme ici.

L’art ancestral de creuser un puits
Du temps de nos aïeux, il fallait d’abord faire venir un sourcier, qui, avec sa baguette en coudrier (un bois en forme de « Y »), détectait la présence d’eau sous terre. Le coudrier était autrefois le nom que l’on donnait au Noisetier. Certains sourciers des villages environnants étaient réputés, et beaucoup d’anciens les connaissaient. 


Ensuite on faisait appel au puisatier. Dans chaque village, un ou plusieurs maçons remplissaient ce rôle. On leur avait transmis de père en fils ce savoir-faire qui demandait adresse et courage. Certains avaient fait de cette activité un métier à part entière.

Pour creuser le puits, il fallait au minimum deux puisatiers : l’un creusait avec la pioche et descendait peu à peu jusqu’à trouver l’eau qui avait été détectée, et l’autre remontait les gravas à l’aide d’une chèvre à treuil. Celle-ci était faite de trois rondins, liés en haut et fichés en bas dans le sol, autour du trou à creuser. Une poulie y était attachée. Ils utilisaient aussi un plateau de bois posé en corde sur l'ouverture du puits, permettant de sortir plus facilement les seaux pleins. 

La largeur du puits devait être assez large pour qu’un homme puisse y travailler. La profondeur était déterminée par la nappe phréatique. Elle pouvait atteindre plusieurs dizaines de mètres (en moyenne 30 à 40 mètres, et parfois plus à La Foye). La contenance devait permettre un approvisionnement régulier et suffisant en eau. 

Une fois le puits creusé, une personne descendait au fond à l’aide d’un baril coupé dans sa longueur et attaché à une corde. Elle descendait des pierres, celles extraites du trou et d’autres, taillées pour construire le mur. Cela permettait de sécuriser la structure et d’assurer sa pérennité. Parfois, on trouve des encoches le long de la paroi, à intervalles réguliers, qui permettaient la remontée des ouvriers. Il fallait maçonner les bords du puits jusqu’au fond, puis poser une margelle en pierres taillées dans de gros blocs de calcaire dur. Toutes ces opérations prenaient beaucoup de temps. La superstructure était en bois ou en fer forgé (surtout au XIXe siècle), supportant un rouleau ou une poulie.


Jusqu’à la fin du XIXe siècle, on utilisera des seaux en bois pour puiser de l’eau, ce qui ne posait pas de problèmes vu le nombre de tonneliers qui exerçaient au village : la technique de fabrication des seaux et des tonneaux était identique.

La corde et le seau du puits du prieuré. Autrefois, chacun possédait ses seaux
ainsi qu'une une ou plusieurs cordes pour aller au puits.

Plus tard arriveront les seaux en fer, puis en zinc, apanage des ferblantiers, tel Ulysse Pommier, très connu au village dans les années 1940-50 :

Au XXe siècle, les seaux de fer et de zinc remplacèrent
progressivement ceux en bois.
Lettre à en-tête d'Ulysse Pommier.

Après-guerre, l’usage de l'électricité se répandra dans tous les foyers. Dans de nombreuses fermes, on installera des pompes sur les puits existants, chacun cherchant à minimiser sa consommation au réseau municipal, le bétail nécessitant par ailleurs une quantité d'eau importante. De nos jours, il y a bien encore quelques pompes en service dans les propriétés, mais elles sont utilisées pour arroser les jardins potagers et les jardins d’agrément. Cependant, la plupart des puits de la commune sont à présent bouchés ou verrouillés.
Les salutations d’un puisatier
Aux alentours des années 1910-1920, un puisatier qui loge à l’hôtel Berloin le temps des travaux, écrit : « … Il fait une chaleur terrible. Je suis dans un tout petit pays, à l’hôtel. Je suis bien mais alors quel boulot, le puits est profond. Mais malgré tout, je pense rentrer samedi au plus tard… » :

Carte envoyée par un puisatier de passage à La Foye.
Alix (papeterie, tabac, journaux) éditeur à Niort, Deux-Sèvres.

Mais hélas, un lieu privilégié pour se suicider….
De tous temps, des jeunes du village se sont servis des puits (et plus récemment des citernes) pour se suicider… Maladie, dispute, déception amoureuse, problème d’argent, les raisons ne manquaient pas… Cette pratique perdurera jusqu’au milieu des années 1960-70 où l'on déplore le décès de plusieurs jeunes, dont François Arnaud, Caroline Alves, Coyault... Et à chaque fois, il faudra du temps pour les retrouver et remonter les corps, comme en témoigne une affaire qui occupa la chronique villageoise pendant plusieurs semaines :

La disparition de Louis Sauvaget
Léon Charles Sauvaget et Virginie Burgaud s’étaient mariés en 1879, à La Foye, et tenaient une ferme au bourg. Ils avaient eu cinq enfants : Charlotte, Paul-Émile, Georges, Charles et Louis.

Louis, le petit dernier né en 1890, avait toujours eu une santé fragile. De tempérament dépressif, il avait été le souffre-douleur de la famille durant son enfance, avant de devenir coiffeur au village. Mal de vivre ou dépit amoureux ? Un jour de 1925, il se jeta dans le puits de la rue du centre, situé à l’angle de la rue des deux puits. Plus personne ne le revit. En avait-il parlé au préalable à sa mère ? En tout cas, depuis ce jour, elle refusait de tirer de l’eau à ce puits et répondait de façon évasive à chaque fois qu’on lui demandait des nouvelles de son fils. 

La gazette du village y allait bon train et chacun avait son explication. À cette époque, les commères du village allaient de maison en maison et on les surnommait souvent « le petit journal ». Impossible d’échapper aux derniers potins.

Et puis un jour, une voisine remonta des boutons de veste dans son seau. La rumeur prit le dessus et les pompiers du village furent priés de descendre au fond. Et effectivement, on remonta un corps. Ce qui interpelle, ce sont tous ces gens qui tirèrent de l’eau du puits pendant cette période sans ne jamais rien remarquer...

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