Merci
à Dany et Jean-Jacques Sauvaget, qui après beaucoup d’autres, se sont intéressés à l’histoire de ce vignoble. Ce document intègre
leurs recherches.
Table des matières
1. La Foye, à la croisée de plusieurs provinces
2.
Un territoire favorable à la vigne
3.
Tout commence à la naissance du village
4.
Fiefs et Cantons
5.
L’âge d’or du vignoble
6.
La réputation des vins de La Foye
7.
Vigneron, un travail très exigeant
8.
Les vendanges
9.
Métiers et outils de la vigne
10. Le
drame du phylloxéra
11. Le
renouveau au travers des Fiefs Viticoles
En cette mi-Septembre 1880,
Jean-Charles Arnaud revenait de la réunion en mairie de La Rochénard.
Il commençait à se faire tard, et il encourageait sa jument: Hue ! Hue !
En sortant de la Mairie il avait repris sa carriole que tout le monde à Treillebois appelait "Sulky". Il l'avait achetée à la foire de Niort il y a quelques temps déjà, une année ou la vendange avait été bonne.
Le dimanche il y faisait monter la famille, et après le repas ils allaient faire un tour.
Sa fidèle jument "Coquette" se mis à accélérer. Il fallait faire attention car le chemin empierré comportait parfois des gros cailloux qui pourraient les faire chavirer.
L'attelage allait bon train, Il restait encore du chemin à faire pour arriver chez
lui, à La Maison Neuve, juste au bord de Treillebois comme il disait. Il était parti assez tard, la discussion avait été animée.
Il serait probablement en retard pour le souper, et à son arrivée ce serait «la soupe à la
grimace».
Tant pis, ce ne serait pas la première fois ! Il lui arrivait
souvent de terminer tard dans ses vignes. Son père lui avait souvent répété : Quand il y a de l'ouvrage,
ou quand le temps se gâte, il ne faut pas remettre à plus tard, sinon on va le regretter !
On était déjà en automne et les jours se faisaient plus courts. Tout
le paysage se colorait de rouge vers le sud, jusqu’au bois des Loges. Qu’il
regarde à droite ou à gauche, ce n’était qu’un immense champ de vignes. Devant
lui, en contrebas, c’était le fameux fief de la « Plante aux
Moines » ou ceux-ci avaient planté les premiers ceps il y a fort
longtemps.
Partout, les pieds de vigne portaient de lourdes grappes de raisin,
bien gorgée de jus luisant ; La vendange s’annonçait bonne ! Cela lui
rappelait qu’à son retour à la maison il lui faudrait préparer les cuves à vendange,
les baquets, les sécateurs, et prévenir tout le monde, en attendant le fameux jour du ban des
vendanges ; Pas de temps à perdre !
A présent le hameau
de la Maison-Neuve était en vue. Hue Coquette !Bien que touchant Treillebois, ce hameau faisait partie de la
Rochénard, et c’est pour
cela qu’il y avait été convié en tant que vigneron de la commune. Mais
c'est vrai, il se sentait plus proche de La Foye ou il était allé à
l'école, et ou se trouvaient tous ses amis.son esprit se mit à vagabonder. Au début de l’année il avait déménagé de quelques dizaines de
mètres avec sa famille, pour s’installer dans la grande maison de ses parents, située de
l’autre côté de la route de Vallans.
En tant que seul fils, à la mort de son père il avait hérité de la ferme familiale. Cela faisait déjà quatre ans que Jean Arnaud était décédé. Mourir si jeune à 49 ans, ce
n’était pas normal ! Jean-Charles se dit qu’à présent qu’il était le chef
de famille, il devait assurer la continuité, tout comme plus tard le ferait son fils
Maxime. Celui-ci avait à présent 5 ans, et avait rejoint à son tour l’école de La Foye.
Dans quelques années il regagnerait la classe de Marcellin Jardonnet dont
la réputation n’était plus à faire. Bien que sévère, celui-ci réussissait
chaque année à amener le plus grand nombre jusqu’au certificat d’études. Maxime
apprenait bien, il devrait y arriver !
Il et se dit qu’il n’était pas à plaindre : Ses vins se
vendaient bien, et après les vendanges, ce serait l’occasion pour
faire la fête avec ses nombreux amis au village. Il est vrai que
personne ne
rechignait à passer de bons moments. Il faut dire que les bons vins de la région
participaient à
faire régner la bonne humeur.
Après quelques instants de repos près du petit bois de la Grand-Foye, ils repartirent : Hue Coquette !
Alors que la carriole allait bon train, il ne
put s’empêcher d’être envahi par un sentiment d’inquiétude.
Ce qui s'était dit lors de la réunion à La Rochénard lui revenait en tête. Le Maire, François Simonnet, leur avait parlé d’une
épidémie
apportée par un insecte, le phylloxéra, qui détruisait les vignes. Il
leur avait
dit qu’après avoir envahi le sud de la France, cette épidémie commençait
à apparaître dans la région et plusieurs vignes de la commune étaient
touchées.
De plus, l’on ne savait pas vraiment comment le combattre.
Bah ! se disait-il, des catastrophes on en avait vu
d’autres : pluie, grêle, maladies, et à chaque fois on s’en était
relevé ! On trouvera bien une solution ! Et il se mit à encourager sa jument.
Ce
que Jean-Charles n’appréhendait pas, c’est que cette épidémie
serait fatale pour le vignoble, et que contraints et forcés, tous les
vignerons
devraient changer d’activité. Son fils Maxime ne pourrait pas prendre la
suite et serait obligé de se reconvertir à l'agriculture.
A sa retraite, celui-ci le racontera très bien dans ses
mémoires. (Livre ci-après de Maxime Arnaud)
Un autre auteur, Robert Tinthouin, décrira notre région autrefois dans son ouvrage: "Vie rurale dans le Sud Deux-Sèvres" (Livre ci-après de Robert Tinthouin)
Ce vignoble
sera la fierté du village pendant plus de huit siècles.
Les
premiers ceps avaient été plantés par les premiers moines qui, dès le début des années 1100, étaient venus pour
défricher cette partie de la forêt d'Argenson et aussi y construire un
Prieuré.
Rapidement, les vins récoltés sur ce territoire acquerront une grand réputation, dépassant
largement les frontières régionales.
Les vins de "La Foye" seront même prisés de plusieurs
rois et
grands amateurs comme Rabelais. Ceux-ci en feront état dans leurs
écrits.
Pendant tous ces siècles, la culture, la taille des vignes, les
vendanges, l’élevage du vin, rythmera la vie de ses habitants. Plusieurs écrits
estiment qu’au milieu des années 1850, près de 75% des terres agricoles de la
commune étaient plantées de vignes, mais à partir de 1875, l’arrivée du
phylloxéra détruira complètement ce vignoble, ce qui obligera le village à
s’adapter à une nouvelle vie.
Avant la Révolution, on ne trouve que très peu de documents
concernant le vignoble de La Foye.
Du temps du Prieuré, la gestion du domaine
était confiée à un Fermier Général qui veillait a ce que les vignerons, au travers des baux de fermages, en tirent le meilleur bénéfice possible. Le Prieur, lui, s’occupait de la gestion
financière du Prieuré, et assurait l’interface avec l’Abbaye, celle de
Montierneuf pendant plusieurs siècles, puis celle de Saint-Maixent.
Dans les
« Pouillés », documents comptables qui étaient transmis aux abbayes,
l’on ne parle que très peu de vignobles, mais de revenus globaux et redevances.
Ce n’est qu’à partir de la Révolution que les conseils municipaux
successifs se préoccuperont dans leurs délibérés, du bien commun du
village : La vigne !
La Foye, à la croisée de plusieurs provinces
Vignoble d’Aunis, de Saintonge ou bien du Poitou ?
Chaque auteur, en fonction qu’il soit historien ou plutôt
œnologue, nous donne sa version au fil des écrits.
En fait, la réponse est probablement « des trois », et c’est
cela qui fait la spécificité de ce terroir.
Si l'on regarde une carte de cette région, on constate que la Foye se situe aux confins de ces trois
« provinces » et il faut savoir qu'au fil des siècles, en fonction de la géopolitique, leurs frontières ont bougées. C'est ce que montrent les cartes géographiques
publiées à différentes périodes.
Au début du
moyen-âge, c’est l’Aunis et sa capitale La Rochelle qui domine la région, puis
progressivement avec le développement des abbayes et son réseau de prieurés,
c’est la Saintonge qui s’est étendue jusqu’à nous. Enfin à la Révolution et la
création du département des Deux-Sèvres, c’est le Poitou qui s’imposera, même
si sa frontière sud avec la Charente n’est qu’à quelques kilomètres de la commune.
Sur la carte
ci-dessous du « Pictonum Vicinarum », dressée en 1579 par Pierre Rogier on voit le Poitou
(en jaune) qui s’étend de la Bretagne au Limousin. Et au-dessous (en rose), c'est la
Saintonge.
L’Aunis n’y figure
pas. La Foye y est précisée et s’appelle « Faye Moniau ».
En 1621, Jean Le Clerc (1587 env.-1633), positionne toute cette zone au sud de Niort dans l’Aunis.
Dans le haut moyen-âge, on entendait par Aunis, non seulement
comme aujourd’hui les environs de La Rochelle et de Surgères, mais encore tout
le nord du département de la Charente-Inférieure compris entre la Sèvre, la
Charente et la Boutonne avec la portion limitrophe du département des
Deux-Sèvres située entre cette même Sèvre et un vieux chemin à travers bois,
qui allait de Villeneuve-la-Comtesse (canton de Loulay) à Niort.
Quelques années plus tard, en 1650, un géographe Nicolas Sanson (1600-1667),
positionne La Foye en Saintonge.
La carte présente une excroissance de la Saintonge, qui englobe Frontenay
(Rohan-Rohan), appelé « Fontenay la Batu » depuis la destruction de
son château par Louis IX après le siège de 1242.
Les historiens précisent qu’en 1372, 12 paroisses furent officiellement
détachées de la province d’Aunis, dont le "gros bourg de Mauzé",
Cette spécificité géographique remonte certainement à la période gauloise. Étonnamment, la carte ci-dessus positionne "Mozé" en Aunis.
Ceci avait déjà été officialisé dès le Xe siècle par les Comtes de Poitou. Ils avaient nommé cette partie de leur immense domaine " L'Aunis Saintongeais". Et c'est un peu plus tard, vers l’an 1000, que l'un d'entre eux, Guillaume le Grand, donnera à l’abbaye de Saint-Jean
d’Angély la partie de la forêt d’Argenson comprise
entre les trois églises de Doeuil, Saint-Félix et Saint-Christophe.
En 1700, Jean
Baptiste Nolin (1657-1708), éditeur et
graveur à Paris et "géographe ordinaire du Roy" dresse une carte de la Généralité de La Rochelle. a destination à Mr Begon, ministre de la police.

Dans la partie représentant notre région, il reprendra
cette spécificité de " l'Aunis Saintongeais ". Regardez l'orthographe des villages à cette époque. La Foye n'y est pas nommée.
Une des particularités sera qu'à partir du règne de Louis XIV, La Foye, bien qu'en Saintonge, sera rattachée à
l’administration fiscale du Poitou (Élection de Niort).
Les
circonscriptions fiscales en Moyen-Poitou » en 1715.
Un peu plus tard, sur une carte publiée vers 1720, un autre géographe détaillera un peu plus cette région de "L'Aunis Saintongeais" (Ici en rose). La
Foye s’appelle « La Foy Mongeau »

Puis au
milieu des années 1700, les frères
Cassini (entre 1756 et 1815), cartographes officiels du Roi, détailleront cette zone en y dessinant les routes principales et aussi le vignoble. La Foye retrouve pour la première fois son orthographe normale.
Puis plus tard, Pierre-François
Tardieu (1711-1771), publiera des cartes qui serviront en 1791, lors de la révolution, de base à la
création des départements. On y voit La Foye dans le Poitou, juste en limite de Saintonge.
C’est ainsi qu'à partir de cette date, La Foye rejoindra le département des Deux-Sèvres..
En
synthèse
Il est vrai que le climat sec et ensoleillé de notre région nous rapproche des
grandes plaines d’Aunis.
De leur côté, les œnologues rattachent son vignoble à
celui de la Saintonge plutôt que du Bas-Poitou.
Un territoire
favorable à la vigne
La Foye est située sur longue colline aplatie, orientée Est-Ouest,
bordée au nord par la Courance et au sud par le Mignon, région autrefois
recouverte par la forêt d’Argenson, et qui fut commencée à être
défrichée dès les tous débuts des années 1100 sous l’impulsion des Moines après
la fondation du Prieuré puis du village.
A partir de Gript et Granzay apparaissent les premiers contreforts
de cette colline, qui termine au sud la longue plaine de Niort. Elle est composée
essentiellement de calcaires blancs compacts que les géologues attribuent à la
période du Jurassique datant de 150 à 200 millions d’années (Oxfordien moyen à
Kimméridgien inférieur).
La particularité est que son sol est recouvert d’une terre légère
et très fertile mais souvent peu épaisse (20 à 50 cm), pierreuse et vite
asséchée, que l’on appelle « Groie ». Sa teinte brun rougeâtre
provient de la décalcification argilo-calcaire. Cette « terre de
Groie » est favorable à la culture de la vigne car elle lui apporte les
nutriments nécessaires, tout en permettant à ses racines de s’enfoncer
profondément pour aller chercher la fraîcheur dans le sous-sol très fragmenté
(calcaires rauraciens et séquaniens). De plus, ses petits cailloux emmagasinent
la chaleur de la journée pour la restituer la nuit, ce qui favorise le mûrissement du raisin.
Au sommet de cette colline qui culmine à 72 mètres à La Foye et 88
mètres à Beauvoir, cette Groie a la particularité d’être plus fine qu'ailleurs. De plus,
elle se situe principalement sur de faibles pentes exposées au soleil et ou les
risques de gelées sont rares. En outre le climat océanique, doux, avec son
ensoleillement particulier, est propice à la culture de la vigne.
La carte ci-dessous publiée par le Bureau de Recherche Géologique et Minière (BRGM) en 1993, montre la structure de calcaire située sous la fine couche de Groie. Cette structure appelée "Lias", dépasse 50m d'épaisseur par endroit et est formée de plusieurs couches déposées à l'époque ou la mer recouvrait toute notre région. Au sud, l'on voit, en blanc, la couche d'alluvions déposée par le Mignon, et en jaune des couches de sol limoneux.
Parfois des fossiles tels qu'ammonites, ainsi que de nombreux lamellibranches remontent à la surface en labourant, et beaucoup se sont amusés à les collectionner.
Les moines de Montierneuf ne s’y trompèrent pas. Lorsqu’ils
arrivèrent dans cette région pour la défricher, ils commencèrent à planter
leurs premiers ceps sur la pente orientée sud du Bas Fairault, en un
fief appelé plus tard « Plante aux Moines », plante signifiant alors « vigne ».
Rapidement l’on s’aperçut que les vins produits dans cette région
avaient un bouquet supérieur aux autres, et cette réputation se répandit dans
toute la région.
Au-delà des recommandations d’un Rabelais ou d’autres auteurs,
cette qualité fut régulièrement remarquée par plusieurs géographes.
En 1712, Claude Masse, ingénieur et géographe du roi Louis XIV, publie dans son
étude du Bas-Poitou : « Dans la région la récolte est habituellement
abondante et le vin de bonne qualité. La vigne occupe les terres sèches et
pierreuses, peu propices à d’autres cultures, les tertres peu élevés, et les
coteaux argilo-calcaires, légers et de bonne qualité, qui, pour la plupart,
donnent de très bons vins. C’est le cas des « pineaux » (le
cépage), surtout à la Foye-Montjault,
et la Rochénard, à La Revètizon et à Beauvoir, le meilleur étant au Cormenier.
De leur côté, Granzay et la Charrière donnent de très bons vins blancs »
Claude Masse
(1652-1737)
Mais plus loin il explique :
« Le vin de la région est le moins mauvais du Poitou. Mais il est souvent
« acre et froid à l’estomac. Les vins de vendange peu colorés, surtout
conservés pour la vente, sont exportés par Marans. Gardés quatre à cinq ans,
ils acquièrent le bouquet des vins de Bordeaux. Les vins rouges sont consommés
à 90 kilomètres aux environs ».
En tout cas il semble bien que cette spécificité du sol qui sera
analysée plus tard, a apporté un surcroît de qualité aux vins produits dans ces
villages (ci-dessous-dans la zone en jaune).
Tout commence à la naissance du village
L’histoire du vignoble dans notre région a été décrite par de
nombreux auteurs. Ils font remonter l’arrivée des premiers plans de vigne avant
les Gaulois. La vigne était venue d’orient en passant par la Grèce. Elle se
déploiera peu à peu en Gaule au cours des siècles suivants.
Les Romains, grands consommateurs de vin, faciliteront le
développement du vignoble pendant leur conquête. Au IIIème siècle, l'empereur
Romain Probus étend à tous les Gaulois le privilège d'avoir des vignes et de
faire du vin : C’est la création du vignoble de Saintonge. C’est à partir de
cette époque Gallo-Romaine que des écrits rapportent que l’on se délecte du vin
de Saintonge (région de Saintes), puis de l'Aunis (région de La Rochelle).
Mais c’est au Moyen Age que l’on trouvera les premières
preuves d’activités viticole et vinicole autour des Abbayes. La
consommation du vin est alors réservée aux classes aisées et ecclésiastiques.
Lors des siècles monastiques, une volonté d’étendre la vigne se
manifeste, afin de cultiver le charisme religieux du vin et développer son pouvoir
économique. Ce sera la civilisation du « fief ».
Les moines choisiront les coteaux pierreux orientés vers le midi,
Les Princes, selon leur humeur ou leur piété, concéderont des parcelles
appelées « Fiefs ». Ainsi, de siècle en siècle, le royaume Franc se
couvrira de vignes.
C’est de cette époque, fin du XIème siècle, que débute
la plantation du vignoble de La Foye.
Un vignoble créé par les moines
Sous l’impulsion des premiers moines, la culture de la vigne se
développera très rapidement. Il est probable que les premiers moines
bâtisseurs venant de l’abbaye de Cluny en Bourgogne, en passant par l’abbaye
de Montierneuf à Poitiers, aient apporté leur savoir-faire, d’autant plus
qu’ils avaient trouvé sur ce territoire de La Foye, un terrain favorable.
En tout cas ils y feront planter les premiers ceps, ce qui s’avérera un
succès.
A priori le développement du vignoble sera très rapide. Toute cette région
sera défrichée et les terres plantées avec l'aide des premiers
habitants. On ne gardera que quelques bois, dont "Le bois de La Foye",
qui seront exploités pour le chauffage et la
construction, mais aussi pour la fabrique de tonneaux (en particulier
les chênes).
Un siècle après la
création de la paroisse, le Censif de Chizé, un document fiscal daté de 1216, montre que l’impôt foncier, le
« Cens », est payé en « quartiers de vigne ». Ceux à qui l’on a concédé des terres, sont pour la plupart redevables du
quart de leur récolte, certains d'un quart et demi, d’autres deux quarts, selon
les dates de plantation. Ce document montre que dès le début 1200, la principale richesse de la Foye (a laquelle Le Fenêtreau est rattaché), est déjà la vigne.
L’on y lit également que « la paroisse » s’est
développée très vite. Près de
130 ans après sa création, le village (appelé Faia Monjaut)
possédait déjà 134 foyers fiscaux, ce qui signifie plusieurs
centaines d’habitants, les familles étant alors très nombreuses.
Sous l’influence primordiale des Comtes du Poitou
Il est certain que Guillaume VIII, Comte du Poitou et Duc d'Aquitaine (1024-1086), puis ses successeurs, aient favorisé ce développement. Ils auront probablement amené les premiers plants de leurs provinces du sud.
Mais ce sera surtout
Aliénor d’Aquitaine (1122-1204), qui par son accession au trône d’Angleterre,
apportera la prospérité au village. En effet, durant la Guerre de Cent Ans, les Anglais, lors de leur long séjour dans tout le sud-ouest de la France, avaient appris à aimer le vin, et certainement ramené chez eux.
De par ses possessions : à la fois le Poitou, l'Aquitaine, et l'Angleterre, Aliénor facilitera l’exportation des vins d’Aunis et de Saintonge à partir
du port de la Rochelle. Dès cette époque, celui-ci deviendra le principal port exportateur de la côte atlantique… en concurrence avec le port de Bordeaux.
En ce qui concerne notre région, des convois
seront organisés vers les embarcadères créés sur la Sèvre, puis sur de grands navires
à partir de Marans. Ce sera l’apogée du vignoble !
Mais à partir du XIIIe siècle, La Rochelle sera progressivement supplantée par Bordeaux, qui deviendra
ainsi le fournisseur officiel de la couronne d’Angleterre. Les exportations de « vins de Guyenne », et surtout de « Claret »,
dont les Anglais raffolaient, vont alors se multiplier.
De plus, les producteurs bordelais obtiendront une protection qui durera pendant plus de quatre siècles. Promulgué en 1241, le « privilège des vins de Bordeaux » stipule que les vins du « haut pays
» (en amont de Bordeaux) devront attendre que toute la récolte bordelaise soit
vendue, avant de pouvoir être exportée.
C’est pourquoi, les habitants d'Aunis et Saintonge,
dont la viticulture était étouffée, se déclareront alors très tôt en faveur du
roi de France, ce qui expliquera les nombreuses batailles dans notre région à la fin de la guerre de cent ans.
Un vin très prisé
en Europe du Nord
Jusqu’à la fin du Moyen-âge, la consommation de vin restera très
importante en Europe du Nord, la bière n’étant pas encore très développée. Le
commerce de nos vins par La Rochelle restera très florissant.
Au XIVe siècle, on
assiste à un développement important des exportations vers les Flandres.
Mais en parallèle, la consommation importante des villes environnantes, et du
nord du Poitou, assurera également un débouché important, sans compter la
consommation dans les congrégations religieuses, très présentes dans la région.
Notre région sera prospère pendant toute cette période.
Au temps des « Fiefs »
et des « Cantons »
Ce sont les dégustations comparatives régulières qui amèneront les
moines à différencier les parcelles de vigne. Ils constateront que pour chaque d’entre-elles,
le sol, la situation, l’exposition donnaient des caractères typiques, et donc un goût différent du vin. Et donc
ils vendangeront et vinifieront séparément les raisins de ces différentes parcelles
auxquelles ils donneront le nom de « Fief ».
A La Foye l’on
rencontre également la notion de « Canton » (ensemble de
parcelles, synonyme du mot « Climat » en Bourgogne).
Dans ces Fiefs concédés par les seigneurs locaux, ceux-ci continueront à disposer du droit de police et de juridiction, et les « vassaux », ceux à qui l'on avait concédé ces terres pour leur exploitation, devront
redonner une partie des bénéfices sous forme d’impôts. A l’époque, tout notre secteur dépendait du château de Chizé.
A la Foye, ces « fiefs », répartis sur différentes
parcelles de la commune, acquirent au fil du temps différentes renommées de
qualité pour leurs vins,
ce que rapportent plusieurs auteurs.
Il est difficile à notre époque où ce vignoble a
« presque complètement » disparu de dire lequel de ces fiefs produisait le meilleur vin, cependant dans plusieurs écrits, il semble
que le « Clos de Limouillas » ait jouit d’une réputation
particulière. Est-ce dû à son sol ?
Dans son petit dictionnaire des communes des départements des Deux
Sèvres » édité en 1863, Théophile
Lukomski précise que le vin de Limouillas, entre-autres, acquiert après un
certain nombre d’années de séjour en bouteilles, le bouquet du bon vin de
Bordeaux.
Plus tard, en 1947,
Maxime Arnaud, un vigneron de La Maison Neuve, jouxtant le
village de
Treillebois, montrera que nombre d'autres Fiefs de la commune avaient,
au fil du temps, acquis une grande réputation. Dans ses mémoires « De la
chandelle de résine à
l’ampoule électrique » il cite ceux qui pour lui produisant les
meilleurs crus : « La Mothe de La Foye, Les Rôtis, Les Tournelles, Les
Alleuds-Meilleroy, Le Chiron d’Ardenne, Le Fairault… ».
Maxime Arnaud (18 avril
1875 - 8 novembre 1961)
Mais il semble que cette réputation avait également gagné quelques villages environnant.
Le Baron Claude Dupin, nommé premier
préfet des Deux Sèvres juste après la Révolution, avait noté en 1804 dans son rapport : La Foye et La Rochénard sont à égalité
pour la qualité des leurs vins.
Claude-François-Étienne
Dupin (1767-1828), baron d’Empire, premier Préfet des Deux-Sèvres
De son coté, Leo Desaivres, dans « Etat de l’Election de
Niort en 1716 et 1744 » publié en 1886 par la société historique des Deux-Sèvres, estimait que le vin du Cormenier était supérieur à celui de la Foye
Monjault.
 |
Léo
Desaivre (Janvier 1837, Mai 1916) |
Peu
importe, l'analyse du sol a montré que toute cette région était
favorable à la vigne, et il est probable qu'en fonction des aléas
climatiques, des années ou des cépages, certains vignerons aient su
produire un vin meilleur que d'autres.
En tout cas la plupart des auteurs s'accordent à dire que les vins de La Foye avaient une réputation supérieure
à ceux des alentours, et ce sera une fierté pour tous ses habitants pendant très longtemps.
De nombreux propriétaires
Un document datant de 1246 : « Le terrier du grand fief
d’Aunis », montre que dès cette époque, cette province ne formait qu’un
grand vignoble, partagé entre 4500 propriétaires environ, dont la grande
majorité possédait un quartier de vigne, soit 5000 à 6000 ceps, et le plus
souvent, quelques centaines de ceps uniquement.
C'est ce qu'écrira plus tard Maurice Poignat, dans son livre : " Le Pays Niortais : "A La Foye-Monjault et dans les communes avoisinantes,
l'exploitation de terres à vigne constitua longtemps une quasi
monoculture".

Maurice
Poignat
(1911-1997) Journaliste
et historien.
Le bail à complant
A partir de ce même document de 1246, un auteur, Bardonnet, explique que dans cette province d'Aunis la plupart des
vignerons ne possédait pas leur terre, mais la louaient à un propriétaire selon
un contrat particulier : le « bail à complant », mais il précise aussi que ces vignerons demeuraient des hommes libres,
astreints seulement à payer un cens annuel., c'est à-dire un impôt.
Ce "bail à complant"précisait les règles à le propriétaire
et son « métayer ». Sur le terrain le vigneron était en charge d’y planter et cultiver de la vigne, le « bail » fixant la proportion de récolte
que le propriétaire recevait du
« complanteur ». Dans notre région, le cépage planté, la date de
taille, et même la date des vendanges, faisaient l’objet d’un accord entre le
complanteur et le propriétaire conformément à la « Coutume de La
Rochelle ».
Il existait également un
droit de préemption au profit du complanteur en cas de vente d’une parcelle
dont il était le seul preneur. Le bail était traditionnellement conclu pour une
durée indéterminée.
Une organisation du vignoble en « randes ».
Si l’on regarde une carte
géographique
de la commune, telle que celle ci-dessous, appelée « Cadastre
Napoléon », dressée en 1820 par le géomètre François Augustin Vien, le fils
du célèbre maire de La Foye, l’on s’aperçoit que le terrain est extrêmement
morcelé, la plupart du temps en de petites parcelles de terre longilignes.
Ces parcelles longilignes sont des regroupements de plusieurs
rangs de vigne, pouvant contenir chacune entre 1000 et 3000 ceps. Ces surfaces
s’évaluaient en « randes » et c’est ce que l’on trouve dans la
plupart des actes notariés de l’époque.
Ci-dessous un extrait d’une vente en 1898 sur la commune de
Belleville, devant Théodore Marchesseau, notaire à La Foye.
Si l’on procède à l’agrandissement d’une zone comme le fief de la
Brousse, c’est encore plus visible.
Maxime Arnaud précise qu’en 1875, les superficies étaient
désignées par « rande » et « quartier ».
La rande était de
80 ceps, et le quartier de 80 randes, ce qui équivalait à peu près à l’are et l’hectare,
sachant que les rangs étaient éloignés les uns les autres d’environ 1 mètre,
les pieds d’1,10 mètre entre eux.
Ci-dessous, les « Rotis », un des fiefs les plus
réputés.
Les cépages
Il est très
difficile de déterminer quels étaient les cépages employés à La Foye au tout
début. L’on n’a pas retrouvé d’écrits sur ce sujet.
Il semble cependant que le
« Gouais » y ait été le plus répandu au XIIIe siècle, mais on rapporte que du temps de
sa splendeur médiévale, l’Aunis était planté de cépages « fins » de
la famille des « pinots » (Chauché et Chemère).
Plus tard, à la Renaissance, plusieurs auteurs rapporteront que le vin préféré du roi François
1er, était, lors de son séjour dans notre région, le « Ragoûtant »,
un cépage très employé pour le vin rouge, ce nom voulant dire « agréable à
voir et à goûter ».
Rabelais, de son côté, appelle ce cépage : le « Dégoûtant », un nom encore communément utilisé en Vendée, particulièrement à Mareuil. Ce cépage, très utilisé à l’époque, portera différents noms selon
les régions : « Noirien » dans l’Ariège, « Folle
noire » dans les îles de Ré et d’Oléron, « Chalosse noire » dans la vallée
de la Garonne,
probablement en raison de sa couleur foncée, et « Négrette »
du côté de Toulouse et de Fronton. C’est
sous cette dernière appellation que plus tard, l’association « les Fiefs
viticoles » le fera revivre à La Foye.
Mais apparemment ce cépage n’était pas facile à cultiver. En 1844, l’Abbé
Picard dans « l’agriculture raisonnée dans les Deux-Sèvres et
départements de l’Ouest », observe que « de souche basse, bois
rougeâtre, grêle, nœuds longs, sa grappe serrée allongée et à queue
courte, est
garnie de graines un peu oblongues pourrissant assez facilement, donne
régulièrement un mauvais vin mou et épais qui sert à colorer les autres
".
Mais de son coté, André Julien (1766-1832),
dans sa « Topographie de tous les vignobles
connus » publiée en 1866, précise que
ce cépage est le préféré des propriétaires parce qu’il produit beaucoup. De plus il
précise « Les vins rouge de La Rochénard et "La Foye-Montjault",
font des vins d’une belle couleur et d’un bon goût ».
Un autre auteur, Henri Gault, dans l’ouvrage « vignes
et vignerons de Vendée » dit qu’il fait un vin sombre et puissant, qui,
en vieillissant, évolue à la manière d’une sorte de porto, sans mutage et sans
sucre.
Mais les avis divergent, d'autres disent que quoique fortement coloré, il n’a
« ni sève ni bouquet »
En ce qui concerne les vins blancs, c’est la « Folle »
qui semble avoir été le cépage préféré. Celui-ci supportait bien mieux le
transport que les vins rouges, c’est pourquoi il sera le plus exporté vers
l’Europe du Nord. Plus tard on l’exportera sous forme « d’eau de
vie » ou de « Cognac », qui coupé avec de l'eau, procurait une boisson agréable à boire.
Ce cépage, descendant du « Gouais blanc » existe en
plusieurs variétés telles la « Folle jaune » qui mûrit bien et
donne d’assez bon vins remarquables par leur eau-de-vie, et aussi et la « Folle
verte » et la « Folle blanche ». Il portera aussi selon les régions le nom de
« Picpoul », « Grosse chalosse », ou « Gros
plant » dans le pays Nantais.
En Aunis ce sera la variété "Folle blanche" qui sera la plus cultivée. Elle produisait un petit vin blanc, qui, bien que jugé médiocre par certains, restera longtemps le préféré dans les buvettes des foires de La Foye
pendant de nombreux siècles. Etait-ce son petit côté
« vif » et « acidulé » qui, comme disaient les anciens « ragourdissait » les estomacs, que l'on
aimait particulièrement ?
Cette réputation des vins blancs d'Aunis est très ancienne. Dés
1600,
Olivier de Serres, un agronome français,les cite comme les meilleurs de France.
 |
Olivier de Serres (1539-1619) |
Ce que confirmera trois ans plus tard Etienne
Thiévet, un chirurgien « Les vins blancs d’Aunis et d’Anjou surpassent toutes
sortes de vins ».
Ce travail de recensement des cépages sera effectué
par plusieurs « ampélographes » dont plusieurs pionniers dès le
XVIIIème siècle tels que L'abbé François Rozier (1734 - 1793), Dupré de Saint-Maur
(1732-1791) ou Julien-Alexandre Hardy (1787-1876).
Mais ce vignoble subira un bouleversement profond au début du XVIIIème siècle.
L’hiver 1709 sera particulièrement froid, et les vignes gèleront en entier. Ce sera un désastre pour toute notre région. La disette s'installera et l'on verra apparaître de nombreux mendiants, c’est ce que l’on
peut lire dans les registres paroissiaux du village.
Sous l'impulsion de plusieurs grands propriétaires, certaint en ayant profité pour accroître leur domaine, l'on décidera de replanter la vigne. On décidera d'importer de nouveaux cépages, moins sensibles, comme le « Chauché
noir » ou « Pineau blanc », le « Marocain » en raisin de table, le « Meunier », ou bien le « Teinturier », en
vin rouge… Il y aura aussi le « Chenet, Chenier ou Chenin » et le « Sauvignon »
en vin blanc. Dans quelles proportions seront-ils utilisés ?
Mais il semble que ces nouveaux cépages aient produit un vin de moindre qualité que les précédents. En tout cas c'est ce que dira Claude Masse quelques années après : « Les
plants étaient meilleurs au XVIIe siècle, mais depuis les
propriétaires ne recherchent que ceux de rapport. La plupart des vignerons ont
arraché les plants de « chaussée », de « Balzac »
ou de l’ancien « Pineau », pour leur substituer des nouveaux beaucoup plus productifs ».
Ce rendement plus important, mais de qualité inférieure, poussera de nombreux vignerons à faire distiller une partie
importante de leur production en eau-de-vie. Quoique de
réputation inférieure à celles de la région de Cognac, cette eau-de-vie était
très demandée par l’Europe du Nord, qui la buvait coupée d’eau. En effet elle ne
perdait pas ses qualités pendant le transport.
La demande sera telle que plusieurs
distilleries s’installeront à la Foye, On connait celle d’Arignon rue de
la Fiole, et une au Grand-Bois. On avait même envisagé d'en installer une sous les halles du bourg. Et puis bien sûr il y aura toutes celles des villages des alentours, Mauzé, Epannes ou Frontenay, qui seront très importantes et auront le mérite plus tard d'être situées à proximité de gares.
L’âge d’or du
vignoble
Malgré cela, La Foye continuera a se distinguer par la qualités de ses vins, et ses foires annuelles seront très courues. Après bien des ajustements, les nouvelles vignes reprendront leur prestige d’antan. Dans notre région, le vin deviendra de plus en plus signe de
richesse et de prestige pour les seigneurs laïques et ecclésiastiques, et
ceux-ci rechercheront les privilèges liés à son exploitation.
Cette situation favorable se prolongera jusqu’à la Révolution
Française, même si certains sauront en tirer profit plus que d’autres.
Le tournant de la Révolution Française
A la veille de la révolution de 1789, la situation
du village sera très contrastée. Plusieurs propriétaires avaient réussi à tirer
parti du vignoble en possédant plusieurs domaines, comme certains bourgeois ou
petits nobles de la région (Dans les registres, il faut noter Isaac Bastard comme possédant alors les principaux fiefs), mais la majorité de ceux qui travaillaient la vigne peinait
à vivre de leur travail.
Ceci avait été aggravé par le fait que l'on venait de
traverser une série de catastrophes climatiques.
De 1784 à 1789, une succession de mauvaises récoltes ainsi que des
hivers très rudes avaient créé des disettes, et juste après, l’hiver de 1788-89 avait été le plus froid que la France ait
connu depuis 1709.
A La Foye, il avait duré de Novembre à Avril. L’eau avait
gelé jusque dans tous les puits, tout comme le vin dans les barriques. Une partie
des vignes, des noyers et des arbres fruitiers avait péri.
Un auteur décrit cette catastrophe pour les habitants du village : " Une cinquantaine de
vignerons et de laboureurs sont propriétaires de petites parcelles de
terre. Avec les artisans disposant d’un capital d’exploitation, certains
d'entre eux gagnent en moyenne de 500 à 700 livres par an, soit une livre et
demie par jour. Les artisans et les vignerons de condition plus modeste ne
gagnent parfois guère plus de 300 livres. L’économie étant au plus mal, leur
salaire n’a fait que diminuer ces dernières années. Le revenu des journaliers
et des paysans les plus pauvres vont de 130 à 250 livres, pour au moins
deux cent journées de travail par an, soit dix ou douze sous par jour. À tous
ces revenus imposables, il faut néanmoins ajouter des rémunérations en nature,
comme une partie de la récolte, du bois, de la laine ou une paire de
sabots... Les domestiques ne gagnent peut-être que 50 à 80 livres, mais
ils sont nourris et logés. Quant aux femmes et aux enfants, qui assistent
fréquemment les hommes dans leurs travaux, ils ne sont que rarement rémunérés
et gagnent très peu »
Ceci se traduira en 1788 dans le cahier de doléance du village qui
sera envoyé au Roi à
Versailles : « La paroisse de La Foye-Monjault est un sol très sec et
naturellement stérile, qu’elle n’est arrosée en aucune de ses parties de
ruisseaux, de rivières quelconques, que même très souvent et une partie de
l’année on y est privé d’eau pour boire… La seule ressource qui leur reste et
le seul parti qu’ils aient à prendre pour tirer quelques avantages de leurs
terres, est de les planter en vigne, quoique, par les raisons ci-dessus
alléguées, elles ne vivent pas longtemps. Lesdits habitants pourraient
encore, ensemble, tirer quelques avantages des vins, seul fruit qu’ils
récoltent si les droits qu’on paye aux officiers des aides tant pour leur vente
et enlèvement, que pour leur entrée en les autres provinces et pour le détail,
n’en absorbaient la plus grande partie du prix ».
Et oui, l'on se plaignait déjà des nombreuses taxes et impôts qui prenaient tout !
Au temps de la prospérité
Après la Révolution, ce seront les paysans qui reprendront les
possessions ecclésiastiques et seigneuriales, mais ils continueront la culture
et le commerce du vin selon les règles d’antan, ce qui sera facilité par la diminution des droits
d’entrées dans les grandes villes.
L'on verra l'augmentation du nombre de vignerons possédant de petites parcelles, ce que l'on constate dans les registres et actes notariaux. Mais au fil des successions et des rachats, certains en profiteront pour se constituer des propriétés importantes. Parmi ces notables on peut citer : Vien, Manceau,
Benoist, Rondeau, Jousseaume…
L'on verra également de riches bourgeois des environs venir s'y constituer des domaines. C'est dans la seconde moitié du XIXème siècle, que ces nouveaux riches se feront construire de grandes maisons bourgeoises que l’on peut voir encore de nos jours dans le bourg.
A partir des années 1880, l'arrivée du train permettra l'arrivée de l'ardoise de la région d'Angers, et le grand chic sera de ces nouvelles constructions sera d'avoir un toit en ardoise. Fini les tuiles romaines !
Pendant toute cette période, l'on vivra bien au village, même si tout le monde n'était pas sur un pied d'égalité. Il y avait des petits et grands propriétaires, mais aussi de nombreux tacherons, domestiques, servantes, etc, aux revenus beaucoup plus modestes.
Dans chacun des hameaux de la commune, il y avait de nombreux commerçants et artisans, et l'on y trouvait de tout, sans avoir a se déplacer en ville.
L'on peut dire que jusqu'à l'arrivée du Phylloxéra le vin faisait vivre tout le monde à La Foye.
Presque toute la commune était plantée en vigne. De 750
hectares en 1800, le vignoble était passé à 900 hectares en 1850.
Cette période de prospérité s'appliquait également à de nombreuses régions. Plusieurs auteurs estiment qu'en 1860, la vigne en France faisait vivre six millions de
personnes en France, et que le revenu tiré de la vigne était quatre fois plus élevé que celui des autres cultures (revue "Le
Picton").
La révolution du train.
Il faut savoir que jusqu'à son arrivée au milieu du XIXème
siècle, le vin était uniquement transporté par un réseau de voies fluviales hors des destinations proches. Ni le
conditionnement des muids, ni la qualité des vins, ou l’état des chaussées ne
permettaient une distribution aisée. Barges et rivières furent longtemps
les seules solutions avant le cerclage des tonneaux (vers 1720), puis la mise en
bouteille et le bouchon de liège (début du XVIIIème siècle). Mais tout ce ce transport restait long, complexe et périlleux.
En ce qui concerne La Foye, seule la Sèvre avec son débouché sur la mer, et ses quais aménagés tout au long, permettra aux vignerons, pendant de nombreux siècles, d'exporter leurs vins. Mais à l'époque c'était une vraie expédition, surtout en hiver car l'état déplorable des chemins ne facilitait pas le transport en charrettes..Il faudra de nombreuses années pour que leur état s'améliore.
Les premiers trains arriveront dans notre région en 1857, avec
l’ouverture de la ligne Niort-La Rochelle. Des gares seront construites à
Frontenay, Epannes et Mauzé. Ce sera une vraie révolution ! A
partir de là, l'on verra se former l'hiver de
nombreux convois de charrettes transportant des barriques, surtout pour
la distillation en eau de vie.
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La gare de Frontenay au début des années 1900 |
Mais cette facilité de transport favorisera aussi la concurrence
avec les autres régions, et poussera à la baisse le prix de vente de nos vins.
Plus tard, en 1881,
la création de la Gare de Beauvoir sur la
ligne Niort Saint-Jean d’Angély, avec son quai de chargement, facilitera
encore
plus les expéditions vers toute la France. Mais ce sera trop tard, le
phylloxéra ayant déjà apporté sa destruction du vignoble.
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Barriques au
quai de chargement en gare de Beauvoir |
La réputation des vins de La Foye
« Meilleurs » ou « moins mauvais », qu’est-ce
qui fait que cette réputation ait été remarquée par de nombreux auteurs au fil
des siècles ?
Un vin apprécié des Rois et des puissants
L’on remonte cette
renommée à ceux qui ont fondé le vignoble, les Comtes du Poitou. Il
semble qu’Aliénor d’Aquitaine (1122-1204) ait beaucoup apprécié les « vins du Poitou », en tout cas,
elle en organisera le commerce.
Son fils, le
célèbre « Richard Cœur de Lion », avais très certainement dû
l’apprécier dans sa jeunesse lorsqu'il vivait au chateau de Niort. La
légende dit qu'il venait chasser en forêt de Chizé et au bois de
la Foye.Du XIIème au XVème
siècle, on rapporte que les « vins du Poitou » sont réputés
nobles et se vendent jusqu’en Flandre. La charte de Marguerite de Flandres
(Juin 1272),
concerne ceux de la région de Niort, La Rochelle et Saint-Jean
d’Angely. Parmi eux, on cite les coteaux de La Foye-Monjault comme
faisant partie des plus
nobles.
Après la fin de la
guerre de cent ans, plusieurs Rois se rendront dans la région, et séjourneront
au château de Chizé, place forte très importante après la reddition de sa garnison
Anglaise lors du siège par Dugesclin. (Mars 1313). Lors de leur séjour, ces Rois auront l’occasion de goûter le fameux
« vin de la bouche des Rois », telle était la réputation que l'on donnait au vin de La
Foye.
En
1487, un des premiers sera le roi Charles VIII qui
y sera l’hôte de Louis de La Trémoille, Vicomte de Thouars.
Puis le 29 mai 1586, ce sera le roi de Navarre,
futur Henri IV, qui soupera et couchera à Chizé, après que le château ait
été démoli par ordonnance Royale en 1570.
Henri IV (1553–1610)
Le lendemain il partira
en chasse en forêt de Chizé, avec ses équipages comme le voulait la coutume. La
légende dit qu’il perdit ses compagnons, et que pour l’aider à les retrouver,
il prit en croupe un paysan. L’homme n’ayant pas reconnu le souverain, lui
demanda s’il était vrai que le roi chassait ce jour-là à Chizé. « Il est
bien là », affirma le cavalier. « Comment, dit le paysan, reconnaitre
le roi parmi tous les chasseurs ? « En sa présence, répond le cavalier,
tous se découvrent ».
Peu après, les deux
hommes rencontrent la chasse et tous les cavaliers ayant ôté leur coiffure,
le roi demande à son guide : « Eh bien ! reconnais-tu le roi
maintenant ? ». « Ma foi, nôtre Môssieu, répondit en son patois,
le bonhomme qui avait gardé sur sa tête son bonnet, si ce n’est vous, ce doit
être moi ».
Et en
1621 ce sera son fils, Louis
XIII qui passera aussi à Chizé après avoir assiégé le bastion protestant de
Saint-Jean d’Angely, commandé par Benjamin
de Rohan baron de Soubise, durant les rébellions huguenotes.
Le siège de Saint-Jean d’Angely par Louis XIII en 1621.
C’est François
1er qui apportera ses lettres de noblesse au vignoble. Une légende veut
que lors d’un séjour au château de Chizé, un notable
lui versa du vin en disant : « Buvez sire, c’est du vin de
Limouillas ». Ayant fort apprécié ce vin, on prétend même qu’il en avait acquis un « clos » dans le fief de La Mothe. François 1er
(1494 – 1547)
Pour la petite histoire, il faut dire qu'il était venu dans la région pour y rencontrer sa maîtresse, alors qu’il n’était pas encore
roi mais simplement Duc d’Angoulême. Anne
Poussard était une demoiselle d’honneur de sa mère Louise de Savoie, et pour elle, il fera bâtir un
manoir de plaisance à Fors près de Niort, à l’emplacement de l’ancien castel de
son père Guy Poussard, conseiller du roi.
Ce vin de Limouillas l'avait marqué. Théophile Lukonski nous rapporte qu’en 1516,
l’année suivante de son sacre, François 1er donna commission à
Antoine Dubail, contrôleur des officiers de l’hôtel, et à François de Caux, Prévost
de l’artillerie de Bretagne, de se rendre dans plusieurs vignobles dont celui de
La Foye-Monjault, pour y acheter 300 pipes de vin (Pipe = barrique pouvant contenir 410 litres), qui seront menées
au château d’Amboise, pour la provision de l’hôtel du Roi.
Petite remarque: Même s’il y avait beaucoup de monde à la cour, il semble que l’on
y buvait beaucoup !
Mais c’est surtout auprès des notables de la région que les vins
de La Foye étaient appréciés, au point de faire l’objet de cadeaux.
Henri Gelin dans son ouvrage « Au temps passé », édité en 1925, rapporte que l’échevinage de Niort
chercha à se rendre favorable le Sénéchal du Poitou et d’autres personnages,
en leur offrant quelques barriques du vin réputé le meilleur de la région. Il cite l'épisode de 1490, ou le receveur des deniers de la ville acheta quatre
« bussarts » de vin de Saint-Symphorien et deux rondelles de vin
de la Foye-Monjault (La barrique en Bordelais, portait alors en Bas Poitou le
nom de bussart ou rondelle), et les fit transporter à La « Mothe-Saint-Heray » pour les offrir au Sénéchal du Poitou, Jacques de Beaumont, seigneur de
Bressuire, « afin qu’il eût en recommandation les affaires de la
ville ».
Petit trait d’humour : C’est ce que nous appellerions de nos
jours « offrir un pot de vin ».
Henri Gelin ( janvier
1849 - décembre 1923)
Plus loin, il rapporte qu’en Novembre
1535, l’on décida l’envoi de six bussarts de ce même vin au Sénéchal
Jacques du Fou, en son château de Croutelle, près de Poitiers. Le 19 Mars 1536, à nouveau l'on envoie six barriques
ayant été « tâtées et choisies » à La Foye par le dénommé Macault,
contrôleur.
A priori ce vin sera très apprécié du Sénéchal car en Janvier 1537, on lui envoie à nouveau « deux charrois », l’un pour sa maison de La
Mothe, l’autre pour celle du Fou, situé près des Epesses en Vendée.
Cette coutume perdurera jusqu'au règne de Louis XIII, car lors de la nomination en 1613, d'Henri-Baudean de Pardailhan comme gouverneur du château de
Niort, on apprend que le corps de ville lui offre en bienvenue un tonneau de vin de La Foye.
Cité par de nombreux auteurs
C'est François Rabelais, qui, un des premiers, assurera
la renommée du vignoble, au travers de son roman « Gargantua » écrit
en 1534.
François Rabelais (vers 1494- 1553)
Dans les "guerres pichrocolines",
il fait offrir du
vin par Gymnaste au capitaine Tripet, tous les deux personnages du roman
« Tenez, capitaine, buvez-en hardiment; j’en ai fait l’essai, c’est
du vin de La Faye-Moniau ». (Gargantua, Livre I. Chapitre XXXV).
C’est probablement lors de sa longue jeunesse
étudiante à Angers et surtout lors des séjours gourmands à l’Abbaye de
Maillezais, qu’il s’était mis à apprécier les vins de la région. Un peu taquin,
il rajoutait : « Un vin à une oreille est un bon vin, parce
que, lorsque l’on goûte du vin et qu’on le trouve bon, on l’exprime en penchant
une oreille. Au contraire, le vin à deux oreilles ne vaut rien, parce qu’on
secoue les deux oreilles en signe de mécontentement ».
Plus tard, un
certain nombre d’érudits ou géographes dresseront le portrait des régions, et
leurs richesses. Certains parlent des vins de La Foye.
En 1551, Charles Estienne citera le « vina Faymongiana »
dans son « Proedium Rusticum ».
Charles
Estienne (1504-1564)
A la même époque, Bernard
Palissy
(1510-1590), le célèbre céramiste, citera les ceps de la Foye Monjault, entre
Saint-Jean d’Angely et Niort, qui donnent un vin « qui n’est pas moins à
estimer qu’hyppocras ».
Plus tard, en 1853, La
société d’horticulture de Nantes publiera : « Au sud, les vins rouges de
Fort (Fors), Vallais (Vallans), et la Foye-Monjault, sont préférés, après
quinze ans ou vingt ans de bouteille, à ceux du même âge de certains crus de
Saintonge ».
Mais il faut garder raison !
Dès la fin du Moyen-Âge, avec le développement du grand port de Bordeaux , les vins de « Guyenne » supplanteront
progressivement ceux du Poitou, et l’emporteront au niveau réputation.
Dans « un État de l’élection de Niort de 1744 » attribué à Chebron, on peut
lire : « Cette paroisse de La Foye est fameuse dans tous le pays pour le vin.
Tous ceux qui se recueillent dans les environs en prennent le nom. Il nuance cependant : C’est en effet le
moins mauvais du Poitou, il est âcre et froid à l’estomac ».
De son coté, André Julien, rappelle en 1866 :
« Ces vins de La Rochénard et « La Foy-Montjault » figurent
parmi les meilleurs vins d’ordinaire de 3ème qualité. Comme ils ne
supportent pas le transport, on les consomme dans le département. Ils sont très
colorés, plats, et ont un goût de terroir désagréable ».
Un vin jugé idéal pour la cuisine
Malgré cette réputation "moyenne" il sera très apprécié des critiques gastronomiques pour son goût et son tanin, et jugé idéal pour préparer des plats en sauce.
Maurice Sailland, dit Curnonsky (1872 – 1956), surnommé le « Prince des Gastronomes », écrivait
dans sa rubrique littéraire : « Il y a des vins et même beaucoup de
vins en Poitou. Ce sont tous des vins de bonne et joyeuse compagnie, les vrais
et charmants « vins de pays ». Maintenant il y a de curieux et
excellents vins rouges, l’un est même un grand petit vin : il s’agit du
fameux vin de La Foye-Monjault, fleurant bon la framboise, avec un goût de
fraise. Il rappelle assez les vins tourangeaux de Bourgueil, avec une échappée
sur le Médoc »
Gaston Derys (1875 – 1945), Critique gastronomique, écrira plus tard en 1937 : « Si vous pouvez
trouver un vin rouge de la Foye-Monjault , prenez - le pour baigner votre
anguille . Et buvez-le avec ! »
Il est parfait pour la « bouilliture de anguilles,
les escargots à la sauce au vin, la sauce des biftecks aux échalotes, des
oignons au four, et du farci au pot »
Vigneron, un travail très exigeant
Dans la région, ce savoir-faire de culture de la vigne se transmettra de génération en génération, et les
vignerons devront s’adapter aux spécificités du territoire.
Au
temps du Prieuré, les prieurs qui se sont succédé à La Foye ont
confié la direction du domaine à des fermiers seigneuriaux, ou fermiers
généraux. Cependant ils auront a cœur de faciliter la production de vin de leur domaine. Dés les premiers siècles, un pressoir banal sera été
créé à leur usage dans un bâtiment du Prieuré. On peut encore en voir un
vestige dans la grande grange médiévale située derrière l'église.
La culture de
la vigne.
Pendant de nombreux siècles, l'on utilisera la « conduite
en taille basse », c’est-à-dire une vigne se développant à ras le sol,
et les pieds espacés sans ordre particulier, ce qui empêchait le travail avec
des animaux.
Ceci sera décrit par Robert Tinthouin, Historien et
géographe, dans son ouvrage « Vie Rurale dans le sud de la plaine de Niort
au XVIIIe siècle », publié en
1962.
« Les vignes apparaissent plantées pèle-mêle dans les fiefs ou quartiers. Elles se cultivent à
bras, les ceps étant communément à ras de terre, l’on ne sait ce qu’est un
échalas (Pieu en bois que l'on enfonce dans le sol au pied d'un cep de vigne
pour le soutenir). Les vignerons enfoncent des brins de sarment à 50
centimètres en terre après avoir fait un trou avec une barre de fer. On laboure
les jeunes vignes pendant quatre ou cinq ans, afin qu’elles produisent du
fruit, et quand elles sont vieilles, au bout de 60 ou 80 ans, on les arrache ».
 |
Robert
Tinthouin (19 janvier 1904, 16 janvier 1993) |
De son côté, Jules Guyot, dans « Étude des vignobles de France » publié en 1868, décrit
les techniques de plantation des ceps dans les arrondissements de Niort et de Melle,
et précise qu’à La Foye, les vignes étaient plantées à la barre, selon la
tradition niortaise : Indépendantes, sans échalas, et placées entre deux billons (petite
butte d’environ 15-20 centimètres de hauteur, élevée par la charrue entre deux
sillons lors du labour).
Puis il décrit la culture de la vigne : « Cela comporte,
en Novembre-Décembre, le déchaussage au pic autour de chaque cep, et relevée de
la terre en sillons, entre les rangées de ceps ; en Mars, taille très
basse, avec coupe des gourmands et des gros sarments en laissant deux
bourgeons ; fin Mai, rabattage de la terre au pied de chaque cep
déchaussé ; en Juillet, binage, parfois fumure pour obtenir de la quantité
plutôt que de la qualité ; fin Aout à Octobre, réparation de la
futaille ; fin Septembre-22 Octobre, vendange ».

Plus
tard, l’on adoptera la « culture sur échalas »
permettant un meilleur maintien de la vigne pendant sa pousse, une meilleure
exposition des raisins au soleil, et surtout une meilleure résistance au vent, souvent
important dans notre région. Cela permettait aussi à l’air froid, de s’écouler plus
facilement sur les pentes et de réduire les effets des gelées tardives. De
plus, les grappes étant plus éloignées du sol, étaient moins sujettes à la
pourriture lors d’épisodes pluvieux.
Les « échalas », étaient des piquets de bois, autour
desquels les nouvelles pousses de vigne étaient maintenues autour par des
lanières d’écorce ou d’osier en provenance du Marais. C’était un travail
fastidieux. Heureusement la commune disposait suffisamment de bois à défricher,
même si, selon un ouvrage : pour un hectare il fallait 6 000 échalas, un m3 de bois permettant la réalisation
de 900 échalas.
Fabrication
d’échalas en forêt
Plantation
d’échalas dans la vigne
C'est ainsi qu'au fil du temps, la quantité de bois indispensable à l’entretien des
vignes (changement des pieux, renouvellement des outils, des pressoirs, des
tonneaux…), était devenue de plus en plus importante. Malgré les coupes que l'on allait faire l'hiver en forêt de Chizé, l'on était obligé d'en faire venir du marais.
Sans compter tout celui qu'il fallait provisionner pour assurer le chauffage des maisons et la cuisine.
Cette rareté du bois était devenue si importante qu'à de nombreuses reprises les autorités s’inquiéteront de la déforestation, et voudront réglementer l'exploitation, comme on peut le lire dans l’ordonnance de 1572 et dans un certain nombre
d’autres règlements.
Cette utilisation des piquets perdurera jusqu’à la fin du XIXe
siècle.
L’arrivée du fil de fer fin XIXème siècle permettra la création de « vignes
en treillage » (système de fil de fer sur piquet), comme on peut le
voir de nos jours.
Une vigne de
nos jours à La Foye, au « Fief du Champberlin »
Notre
campagne présentait alors un paysage très différent de celui d’aujourd’hui…
Au XIXème
siècle, les
auteurs décrivent une plaine presque complètement couverte de vignes,
mais pour la plupart, elles sont entourées de haies, ou pour les plus
prestigieuses, de murets en pierre sèche, patiemment construits en entretenus par les différentes générations de vignerons. Ces murets étaient construits avec les grosses pierres ramassées lors des labours, les plus petites étant entassées en bout de vigne pour l'empierrement des chemins.
Dans ses écrits, Robert
Tinthoin
décrit le besoin d'isoler les vignes du vent et du froid : « Quand on veut planter un
terrain en vigne, on l’enclot ordinairement de haies, fossés ou murs ».
Mais
hélas, c'était un vrai travail de bénédictin, et ces murets finiront par s'écrouler au fil du temps, faute d'entretien, puis ils disparaîtront. Il en reste encore quelques vestiges aujourd’hui
que l'on peut voir lorsque l’on se promène dans les bois de la
commune : Le Bouquet, La Chênaie Bossète ou les Loges.
Quant aux haies, elles ne survivront pas aux
remembrements successifs nécessaires pour les besoins de l'agriculture
intensive. La plupart seront arrachées au milieu des années 1900, laissant une plaine ouverte aux vents, et sans vie. Mais retour de l'histoire, les épisodes de sécheresse
actuels, pousseront les agriculteurs à les replanter, bien sûr aidés par des subventions.
La coutume était également de planter des arbres fruitiers en bout de vigne. Il en subsiste encore quelques-uns. Maxime Arnaud se souvient : « Dans cette immense étendue de vignes,
il y avait des arbres, noyers, cerisiers, pêchers, quelques rares pommiers, de
grands cerisiers sauvages appelés « courants », qui, venus à une
certaine taille étaient abattus et fendus pour faire des cercles de cuves ».
Il précise également : « Les chemins, au milieu des
vignes, avaient quatre mètres de large. De distance en distance, il y avait des
retraits pour garer les charrettes au moment des vendanges ou déposer le fumier
avant sa rentrée dans les vignes qui se faisait au moyen de civières, brouettes
et même de hottes »
Il rajoute : « Dans les pièces de vigne d’une certaine étendue, il y avait
des petites maisonnettes ou « cantines », ou les vignerons se
rassemblaient pour prendre leur repas. Chacune avait un cadran solaire,
car guère de vignerons n’avaient de montre ».
De
nos jours il n'en reste plus que quelques unes, encore visibles dans la
plaine. Certaines ont été rénovée, la plupart sont écroulées. Pour
celles qui sont encore debout, on peut voir à l’intérieur la cheminée
qui permettait de se
chauffer l’hiver avec les coupes de sarments de vignes, les "javelles", quelques
placards, une table
et quelques chaises.
Un vignoble
très morcelé
Au fil des
ans et des successions, de nombreuses vignes seront morcelées entre les héritiers, comme on peut le
voir sur le cadastre Napoléon. Il n’est pas rare dans les actes notariés de l'époque de
voir des paysans posséder quelques randes, voire juste quelques rangs. Ceci explique que beaucoup étaient contraints de travailler chez les autres pour
arriver à vivre. Ils étaient à la fois propriétaires et tacherons.
Ceci
explique également le nombre important de notaires qu’il y eut au village
jusqu’à la fin du XIXème siècle pour rédiger tous ces actes.
Beaucoup de
vignerons et quelques grands propriétaires
Léo Desaivres dans son ouvrage, décrit la propriété foncière de la Foye au début du XVIIIème siècle, morcelée entre le domaine du Prieuré. et quelques grands propriétaires, dont les fermiers généraux.
«En 1716, la Foye-Monjault groupe vingt-quatre petits domaines, métairies fort
petites (20ha), presque toutes de bon rapport. Les sols secs et pierreux rapportent
peu de céréales, mais la plupart sont plantées en vigne donnant des vins
estimés, les plus réputés de la province.
Les petits propriétaires sont peu nombreux, et le nombre de
journaliers (les deux tiers), offrant leurs bras à la culture, et possédant
« quelques rangs » de vigne, l’emporte sur celui des cultivateurs… »
De son côté, Robert Tithouin écrit : « Le
niveau de vie n’est pas très élevé, d’autant que les plus grands domaines seigneuriaux,
deux fois plus nombreux que dans la plaine, appartiennent surtout à de riches
bourgeois du commerce et de robe, qui concentrent le principal de la richesse. Seul, Isaac Bastard, par sa fortune, ses biens, ses
fonctions multiples de gros propriétaire terrien, viticulteur, maquignon, et
céréaliculteur, rappelle les gros propriétaires de la plaine. Marchand au
bourg, fermier général du Château de Gript, Il a également
la location à ferme du Prieuré de la Foye-Monjault. En 1761, il possède en propre deux maisons à La Foye où il habite, ainsi
que le Petit logis, une maison d’exploitation avec « Bouillère » à
Granzay, un chai avec chaudière à la Foye, trois maisons d’exploitation à Crinay
(Saint-Symphorien), et à Sainte-Geneviève (Tesson), quatre métairies à Vérinnes
(Marigny), plus cinq autres à Mauzé, Faugerit, etc…L’ensemble de ses chais à vin contient 130 hectolitres d’eau de
vie, d’une valeur de 3120 livres, et 254 hectolitres de vin d’une valeur de
3120 livres. Auxquels il faut rajouter les céréales... »
Une activité exclusivement manuelle A part l'utilisation de chevaux pour les labours, tout le reste se faisait à la main, c'est pourquoi la culture de la vigne nécessitera une main d’œuvre nombreuse pendant
de nombreux siècles. Mais il y avait de nombreux bras; Toute la famille participait aux lourds travaux, y compris femmes et enfants.
Maxime Arnaud
relate : « La population était nombreuse. Il y avait beaucoup de
domestiques, la culture se faisait au pic, instrument plat à double crochet.
C’était le seul connu pour labourer la vigne.
Un bon vigneron pouvait labourer
dans sa journée 6 à 8 ares de terre. Quand il travaillait chez les
autres, il était payé aux 500 ceps, ou « gerbe de vigne », en
argent ou bien en céréales.
C'est ainsi qu'au milieu du
XIXème siècle, le village atteignit plus de 1200 habitants, dont un certain
nombre de « saisonniers », hébergés dans des chambres improvisées
dans les greniers. Sans compter tous les "renforts" venus pour les vendanges, et tous les visiteurs lors des foires qui duraient
plusieurs jours.
Mais comme disent les anciens : "C'était le bon temps ! Tous ces étrangers venus de Gâtine et du marais, apportaient
la joie et la gaîté, ce qui n’existe plus aujourd’hui".
Malgré tout,
il y avait une certaine prospérité: « On n’était
pas riches, mais chacun avait suffisamment pour vivre. Il est vrai qu'à l'époque le vin
se vendait bien, et il y avait beaucoup d’entraide entre les
vignerons. Au village, tout était tranquille; tous les hommes étaient
dans les vignes, les femmes s’occupaient du ménage, faisaient le pain. Beaucoup
de maisons avaient leur four, et à Treillebois il y avait un four commun,
ou banal, ou tout le monde pouvait aller.
Il y avait peu d'animaux. A part
quelques moutons, quelques poules, des lapins, un cochon et un cheval, mais pas
dans toutes les maisons, il n’y avait ni bœufs ni vaches ».
La vie dans la vigne : La comptine
des mois qui passent
Les Vendanges
Les vendanges étaient le grand moment de vérité, celui où le
raisin se transformer en vin.
Mais cette période tant attendue était aussi source d'inquiétude. Chacun guettait le temps qu’il allait faire : Orage, pluie ou
maturité difficile, il en fallait peu pour tout gâcher.
C’était un véritable évènement au village. Tout d’abord l’on devait respecter le « ban des vendanges »
date officielle du début fixé par la municipalité. Et puis auparavant il y avait un gros
travail de préparation : Nettoyage des chais, du pressoir et de tous le matériel
nécessaire à la cueillette du raisin dans les vignes : Charrettes et
attelages, cuves, baquets ou seaux. Et il fallait aussi aiguiser les sécateurs.
Et puis il fallait aussi prévenir la famille et
les journaliers pour le grand jour. Dès que le raisin serait mûr, il ne fallait pas perdre de temps et rentrer toute la vendange avant que le temps ne se gâte.
Jules Guyot, décrit la
campagne au XVIIIème siècle : « Les chemins de la châtellenie, dont ceux
qui sillonnaient les vignes, étaient encore trop étroits et gênaient le mouvement
des charrettes. On transportait le raisin à l’aide de civières, de
paniers, de baquets rectangulaires en bois, de brouettes ou de hottes en bois.
Les paniers étaient portés sur la tête et les hottes à bretelles sur les
épaules. On les vidait ensuite dans une cuve juchée sur la charrette ».
Vendanges à La Foye !
Voici une des premières photos de vendanges,
prise à la fin des années 1880, au
« Logis » une propriété viticole située au sud du village.
Est-ce le « père
Roy », à gauche, célèbre propriétaire de ce vignoble, au fort caractère connu dans tous les environ, et qui était devenu vigneron après avoir été meunier ?
Peut-être au centre, ses deux filles ? Avis de recherche… Celui-ci décédera en Février 1890, à 70 ans.
En tout cas l’on peut distinguer le pressoir, et
bien sûr les casquettes, les moustaches
de tous les hommes, et surtout les habits de l’époque. Et les sabots de
rigueur !
Voici plus tard,
une photo prise au Grand-Bois en 1937,
avec toute la famille Moreau réunie.
En haut sur la charrette, Joseph Bodin et sa
femme Marie-Joseph Moreau.
Le ban des vendanges et la défense des vignes
Depuis l’Antiquité,
la date du début des vendanges est réglementée : c’est le ban des
vendanges. Fixé au Moyen Âge par les Seigneurs, et sous l’Ancien
Régime par ordonnance de l’intendant, il l’est aujourd’hui par arrêté
préfectoral.
Au Moyen Âge, le "droit de
banvin" permettait au Seigneur de s’assurer de la qualité
des raisins, d’empêcher tout maraudage, mais aussi de pouvoir vendre son vin en
premier.
A La Foye, sous l’ancien régime, c'est le fermier général du Prieuré qui fixait le le ban des vendanges après en avoir avisé le Prieur.
A partir
de la révolution, les municipalités successives reprendront cette responsabilité, le vignoble étant considéré comme la richesse principale de la commune et la source de prospérité pour tous.
C'est pourquoi, dans les registres de chaque année, l'on retrouvera les délibérations concernant ce fameux "ban".
Fin Janvier 1790, aussitôt la première municipalité élue, le maire, Pierre
BAUDIN, un cultivateur âgé de 49 ans, syndic de la paroisse, explique dans son discours que la vigne est la principale ressource du village, et
que sa responsabilité est de préserver les récoltes.
Le mois suivant, le 28
Février, il publie une ordonnance appelée « Défense des Vignes ». « Selon les
articles de la coutume du Poitou, Il est fait défense à toute personne de
laisser divaguer les pièces de bétail, brebis et chèvres, et lorsqu’on les
emmène au pâturage, les chèvres devront être tenues par une corde. Il est
interdit de les laisser pacager à moins de 200 mètres. On ne peut aussi laisser
vaguer les cochons ni les mener aux champs.
Le garde-champêtre
de la commune surveillera l’exécution du présent arrêté et dressera
procès-verbal contre tout contrevenant. Ces présentes
seront lues et affichées sur la porte principale de l’Église ».
Mais il semble que tout le monde ne respecte pas cet arrêté, c'est pourquoi, lors de séance du 29 Août, il publie :
« Nous avons fait défense à tous les bergers, bergères, aux gardiens de
troupeaux, d’avoir avec eux des chiens sans être tenu par la corde, Il leur est
interdit d’approcher des vignes avec leur troupeau, sous peine de 20 sols
d’amende pour chaque pièce de bétail. Il est interdit de prendre du raisin ou
de chasser jusqu’à la « dépouille » des vignes, sous peine d’amende
ou autre peine, portée par le décret de l’assemblée nationale »
« Nous enjoignons à notre garde messier de tenir la main à
l’exécution de la présente ordonnance, et d’adresser des procès-verbaux à tous
les contrevenants. Nous demandons à notre procureur général d’avoir la
diligence de publier cette ordonnance ce jour à l’issue de la messe
paroissiale, afin que personne ne l’ignore… ».
Puis arrivera l'automne et il faudra fixer la date des vendanges et proclamer le ban.Dans la séance du 26 septembre 1790,
on peut voir que tout a été fait dans les règles.
On a demandé au procureur de la commune, André-Augustin Vien, de recueillir l’avis du Garde Messier, après que celui-ci ait fait le
tour de la commune. La conclusion est que les
différents fiefs n'ont pas le même degré de maturité, c'est pourquoi, après délibération, l'on fixe le calendrier
suivant :
Jeudi 30
Septembre 1790 : Fiefs du Haut et Bas Fairault, La Belle Croix,
Les Alleux et la Mothe.
Vendredi : Fief des chênes blancs, Mocquet, et la Plante aux Moines.
Samedi 2 Octobre : Fiefs du Bouquet en entier, le jeune et le vieux, Le Fief aux Chévres
et l’Hormeau Dillet.
Dimanche : C’est un jour férié et il y a Interdiction de vendanger.
Lundi 4 Octobre : Fief du chêne aux chiens, Chiron-Magné, et les plaines de
Limouillas.
Mardi : Fief de la Chagnasse Bossète, le Champ-Berlin.
Mercredi : Le Fief Canceau, des Jobes.
Jeudi : Le Fief de La Brousse, du petit Cormier, de la Goulipatte,et des Rotis,
qui sont les derniers fiefs de cette communauté. (Note : Le Grand-Bois et
le Puyroux ne seront rattachés que plus tard à la commune de La Foye, cependant
un accord permettra de coordonner les dates de vendanges).
Vendredi : La Fosse aux Loups, le Fief du Pont
Puis les Souches,
les Champs Boucard, Les petits bois, le Puy Merlaye, Les Pieraillis, les
grandes Versennes, la Tonnelle.
Puis le maire poursuit : "Laissant à
messieurs les officiers de la municipalité du Cormenier dépendant de cette Châtellenie, la liberté de faire l’ouverture en leur communauté".
C’est là où l’on
s’aperçoit qu’un certain nombre de Fiefs ont évolué au fil du temps,
principalement dû à l’ouverture de nouveaux chemins.
Ce métier de Garde-Messier
n’était pas facile, car il fallait sans-cesse faire la police entre les
vignerons et les éleveurs, et il se créait de nombreuses inimitiés dans le
village, c'est pourquoi ils changeront régulièrement.
En 1790, c’est Thomas Billy qui est nommé (Voir sa
signature ci-dessous, ainsi que celle des principaux officiers municipaux).
L'année suivante, on en nomme un autre. On peut lire ci-dessous que le 8
Janvier 1791, c'est Guillaume Baudin, un cousin du Maire qui est choisi.
Puis, au fil des ans, ce métier évoluera au fil des ans vers le métier de
Garde-Champêtre.
Cette fixation du "ban des vendanges" sera source de polémique dans le village, chacun pensant qu'il était le plus apte à juger du degré de maturité de ses parcelles. C'est pourquoi, le maire, débordé par les critiques, finira par décider en 1794, qu’à partir
de la date officielle « Il sera permis à chaque citoyen de
vendanger ce jour là, dans un endroit de la commune qu’il y jugera à
propos ».
L'année suivante il renouvellera « Après la date fixée pour
l’ouverture des vendanges, chaque citoyen pourra dès lors vendanger dans les
vignes, en quelques sections qu’elles soient situées ».
Plus tard, ce sera la date du ban elle-même qui sera critiquée, c'est pourquoi André-Augustin Vien, nouvellement nommé à présent Maire en Mai 1800, cherchera à impliquer les vignerons eux-mêmes dans cette décision. Dans la délibération du 8
Septembre (21 Fructidor An
VIII), on lit qu'il nomme 10 vignerons expérimentés : Augustin Rondeau,
François Geoffriau, Henri Rousseau, François François, Jean Allain, Louis
Prévoteau, Pierre Delage, François Guitteau dit « Le Bœuf »,
Jacques-Gabriel Manceau, et François Arnaud, et il les charge de faire le tour du vignoble
afin de déterminer le degré de maturité des parcelles. Ceux-ci seront accompagnés de son adjoint et bien sûr du garde messier.
Mais
malgré cela, la date choisie ne fera pas l'unanimité. Il y aura encore des
critiques, surtout que ce mois de Septembre avait été particulièrement pluvieux, et que la récolte ne s’annonçait pas très bonne.
C'est pourquoi, l'année suivante, Vien choisira de nommer des notables du village, ceux dont l'avis est en principe respecté de tous. Dans la délibération du
11 septembre 1801 (24 Fructidor An
IX), les 6 commissaires choisis sont : François Bastard de Crinay,
Pierre Nervoir, Jean Delage, Pierre David, Jean Gaboriau, et Louis
Baudin..Malgré cela, il y aura encore quelques désaccords, mais moins qu'avant.
Il semble que ce début des années 1800 fut particulièrement troublé par de nombreux aléas climatiques, et la municipalité devra en tenir compte.
On note par exemple un épisodes de sécheresse,en 1803 (An XI de la
République), ou la forte chaleur de la fin de l’été a vidé toutes les réserves de boissons.
Ceci pousse le Maire, Vien, à décréter : « Vu la demande de plusieurs habitants de
cette commune, qui réclament une permission d’aller couper quelques raisins
dans une de leur vigne pour faire la boisson qu’ils appellent "piquette", afin de
la pouvoir boire lorsqu’ils feront la vendange, se trouvant dépourvus de toute
espèce de boisson, et n’ayant plus d’eau
à boire dans les puits du bourg,…Considérant que l’extrême sécheresse qui sévit
depuis le 14 Prairial, époque ou il a été touché de l’eau pour la dernière
fois, et les chaleurs excessives qui ont régné depuis cette époque, et qui ont
nécessairement contribué à l’extraordinaire consommation de vins et boissons
des habitants, tels que tous ou presque s’en trouvent privés…Considérant que les vendanges ne peuvent
commencer à la première volonté des propriétaires,..
Nous, Maire de la commune de La Foye-Monjault,
avons arrêté les dispositions suivantes : Il sera par nous donné des
permissions aux particuliers qui se présenteront d’aller couper une
« séance » de vendange, au plus dans leur vigne pour faire de la
boisson, en attendant l’ouverture du ban des vendanges.
Ces permissions seront écrites et signées de
nous, Ces permissions seront accordées de manière à ce que le garde à qui elles
seront présentées, puisse vérifier l’emploi qu’on en fera… »
A La Foye le 27
Fructidor an XI (14 Septembre 1803)
L'année suivante, c'est la grêle qui dévaste une partie du vignoble, juste avant les vendanges.
Dans le délibéré du 18 Septembre 1804 (1er jour
complémentaire An 12), on lit :" Un
orage de grêle particulièrement violent s'est abattu près
du bois de La Foye. Parmi les Fiefs, les plus touchés, on note la Chagnée-Bossette et le Bouquet. Beaucoup de ceps ont été
brisés, les feuilles et les grappes criblées de gros grêlons, faisant tomber
les grains de raisin… Juste à coté, à la Mirauderie, l’eau forme un lac recouvrant toute la
cour de la métairie "
Pour limiter les dégâts, la
municipalité ordonne donc de vendanger dès à présent tout ce qui peut l’être,
sachant que cela ferait « une très mauvaise boisson ». En effet,
selon les remarques des conseillers municipaux qui s’étaient déplacés, une
odeur fétide de vinaigre s’exhalait de toutes ces parcelles.
Deux ans plus tard, en 1806, c'est un épisode de pluie continue lors du mois de Septembre qui sème l'inquiétude. Les vignerons mandatés pour
aller vérifier, ainsi que le garde, alertent que bien que n’étant pas encore complètement
mur, le
raisin commence à pourrir du fait du mauvais
temps.
L'on décide d’accélérer la date des vendanges à fin
Septembre.
Trois
ans plus tard en 1809, c’est l’inverse.
Il n’a pas fait suffisamment chaud et le raisin tarde à mûrir, et l’on retarde
le début des vendanges en différenciant les jeunes vignes et les vieilles
vignes.
Dans les archives municipales on retrouve chaque année cette proclamation des vendanges. Cela durera jusqu’à la fin des années 1870 et
l’arrivée du Phylloxéra.
Parfois l'on retrouve des indications sur les problèmes pouvant affecter la qualité des raisins.
Puis à partir de 1840 on
différenciera la date de début des vendanges entre vin blanc et vin
« noir ».
Dans certains grands vignobles, comme ci-dessous à Beaune, le ban des vendanges fera l'objet d'affiches.
Le droit de grappiller
C’était un droit ancestral, qui permettait à des familles pauvres
qui ne possédaient pas de vignes, de se constituer une récolte pour leur propre
consommation de vin. En effet lors des vendanges, l’on ne cueillait pas les
grappes encore vertes, ni les grains tombés au sol, et donc il restait encore
un peu de raisin.
Cependant certains indélicats préféraient
se servir avant tous les autres, surtout de nuit, et donc dès le début de la
Révolution, le conseil municipal cherchera à encadrer cette pratique.
Pour que tout le monde soit prévenu, les maires successifs feront
placarder à plusieurs endroits de la commune, le règlement et les peines encourues
en cas de non-respect.
Et il missionnera le Garde-Messier de faire appliquer des consignes très
strictes : « Les grappilleurs ne peuvent y entrer avant le lever du soleil
ni après le coucher du soleil, et doivent attendre que la vendange soit
faite ». Et donc, pour éviter tout vol, il arrivera
plus d’une fois au garde, dans les semaines précédant le début des vendanges, de passer la nuit dans le vignoble.
Ce « droit de grappiller » continuera à être en
vigueur tout au long du XIXème siècle.
Dans une délibération du 12 Octobre 1828, le maire Hippolyte Manceau, décrète: « considérant que les vendanges sont à peu près terminées
dans cette commune, et qu’elles le seront absolument dans deux jours, arrête
les dispositions suivantes : A dater du 19 courant, il sera permis d’aller
râper et grappiller dans les vignes de cette commune, qui sont vendangées.
Défense est faite de le faire pour celles qui ne le seraient pas entièrement,
et sous la peine portée par la loi ».
Le travail aux
chais
C’est
là où le travail du vigneron fait toute la différence. Le
processus de transformation du jus de raisin est délicat, complexe et le
conseil des anciens s’avère précieux, certains étant plus compétents
que d'autres pour produire de grands vins, même pendant les années moyennes.
Robert Tinthouin décrit comment se réalisait cette étape autrefois : « Quant à la vinification, le
raisin blanc est séparé du noir, et transporté au chai sur des charrettes
spéciales ou à dos de cheval, puis déposé dans de grandes cuves. On retire le
moût des raisins blancs et on le met fermenter dans des barriques.
De son côté
le vin rouge fermente dans la cave avec la râpe. Le marc de raisin, pendant
huit jours à quinze jours, puis on le tire pour le mettre en barrique. Quand on
veut en extraire une plus grande quantité, on foule aux pieds, dans la cuve.
Lorsque le vin est fait, on le dépose dans de vastes magasins ou chais, les
plus frais possible. On ne met, dans des caves souterraines, que le vin de
consommation de la maison.
Sur place on boit, le « vin de râpe » ou
« boisson », ou « râpé », sorte de piquette, obtenue en
arrosant d’eau le marc de raisin, et en le laissant fermenter ».
Le prix du
vin
C'est lui qui déterminait, année après année, les revenus des vignerons et donc leur richesse.
On rapporte que c'est lors des foires de La Foye que l'on fixait le cour du vin de la région.
En 1908, dans son ouvrage, Léo Desaivre, écrivait: « Jadis, il eut paru peu séant de
fixer le cours du vin à la foire de la Foye, sans sabler les huîtres. Il y
flottait aussi un léger parfum de venaison… »
La foire du 25 Octobre était la plus importante, elle
durait 8 jours. Dans son ouvrage, Robert Tinthouin, précise : « A
Prahecq, il y a quelques vignobles et les vins sont faibles, en revanche en 1716, à La Foye Monjault, les vins sont
estimés les plus excellents de la province. A la foire locale de la Saint-Simon-Saint-Jude, Il se vend quelques gros bestiaux, beaucoup de brebis, mais surtout une
quantité de vin rouge et vin blanc. Les cabaretiers et autres qui veulent faire
leurs provisions s’y rendent ce jour-là de Nyort, Fontenay, du Bas Poitou, de la
Gastine et autres lieux ».
D'année en année, un cours fluctuant
Jusqu’au début du XVIIIème siècle, l’on n’a que très peu
d’indications sur le cours du vin dans la région.
Il est probable que les bonnes années les vignerons de La Foye
arrivaient à en tirer un bon prix.
·
En 1707, le vin se vend deux livres l’hectolitre.
·
En 1722, la barrique de La Foye se vend une pistole, soit dix livres les
six barriques.
·
En 1755, le vin rouge se vend 80 livres et le vin blanc 32 livres.
Un document de cette période précise : « Les cours de vin
rouge ont surpassé du tiers ceux des vins blancs grâce au débouché de Niort.
Deux pièces de vin rouge donnent un revenu net de 57 livres, compte tenu de la
réparation de la futaille, alors que trois barriques de vin blanc reviennent à
57 livres et demi. Cette production est rentable : 3 arpents de vignes (2
hectares), suffisent pour occuper et faire vivre une famille, tandis que 300
arpents de la même terre, semée en grain, constitueraient une mauvaise
métairie ».
Néanmoins, au fil des ans, on note que le vin de La Foye continue à obtenir un prix supérieurs à ceux des environs. Un écrit de 1753 précise que Gabriault, un marchand niortais, vendit du vin blanc de La
Foye à 24 livres la barrique contre 12 livres dans les coteaux niortais.
· De 1777 à 1791, les prix sont très variables
selon la qualité mais aussi de la demande.
· En 1779 les prix montent car le vin est jugé de très bonne qualité.
· En 1783, et 1787, la qualité est inférieure mais
la récolte est peu abondante. La demande fait monter les prix.
· En 1781 et 1785, la récolte est médiocre en
quantité, mais la qualité est excellente. Les prix montent jusqu’à 300 à 400
francs (en assignats).
· En 1789, c'est une année catastrophe. La récolte est mauvaise, et dû aux évènements
la demande de vin est faible, les cours ne sont pas fixés.
Pour la période de 1850 à 1875,
l’on assiste à une stabilité des prix, due à une homogénéité de la récolte, mais
aussi à une stabilité politique (C’est le Second Empire de Napoléon III). Le prix de la
barrique se situe entre 40 à 50 francs.
Pour 1873, la récolte est quasi nulle dû aux fortes gelées de Mai.
A partir de 1875, les prix ne cesseront de monter,
mais tout s’arrêtera dix ans plus tard, même si, devant la pénurie, les vins
restants, même médiocres, se vendront très chers.
Conversion :
Une Pistole = 10 Livres = 200 sous.
Un sou = 1 sol = 5 centimes = 12 deniers = 1/20éme de Livre.
(Une Livre sous Louis XIV équivaut à 15 Euros actuels)
Le vin, un aliment
de base jusqu'à récemment
Pendant
très longtemps, le vin fut considéré comme un aliment apportant force et santé.
Très tôt, de grands noms de la médecine médiévale ont vanté les vertus du vin.
Parmi eux, il faut citer Arnaud de Villeneuve, qui disait : « le bon vin
sert de médecin, il faut le donner aux malades pour les réconforter ».
Les
consommateurs du Moyen-Âge préféraient le vin blanc, car souvent les rouges étaient
souvent très acides et tournaient facilement. On essayait aussi d’en améliorer
le goût en le sucrant avec du miel. Cela permettait non seulement de masquer
un goût désagréable mais aussi d’accroître le degré alcoolique, si bien que les
vins miellés se conservaient mieux.
Plus près de nous, Maxime Arnaud se rappelle son enfance :
« Un rhume ? On le traitait par une bolée de vin chaud, et les
enfants, même en bas âge, recevaient leur ration. Tout repas commençait ou
finissait par une bonne trempine (tranches de pain arrosées de vin chaud).
L’été, c’était le « Mijet » ou « Mijot » (du pain émietté
dans du vin sucré). C’était rafraîchissant car on le préparait à l’avance puis on
le mettait dans un cellier bien frais.
Au petit déjeuner nous étions les seuls à prendre du « café
au lait ». Les autres c’était des « rôties » au vin.
La « Moque » en terre vernissée était toujours devant le
feu, dans les cendres chaudes, prêtes à la consommation.
« A l’école à midi, les enfants pouvaient boire jusqu’à un
demi-litre de vin à la cantine…et le faisaient allègrement ! ».
Il
faudra attendre août 1956 de cette année-là, pour que le premier
ministre de l’époque, Pierre Mendés-France, fasse diffuser une
circulaire interdisant la distribution d’alcool dans les cantines scolaires
pour les enfants de moins de 14 ans.
Servi dans
toutes les « auberges et cafés » de la région.
Rien qu’à La Foye, chaque quartier du bourg et chaque village avait son
« café » jusqu’au début des années 1900 (Voir l'article sur les Auberges et Cafés). L’on y buvait
essentiellement du vin : Petit vin blanc le matin, vin rouge le soir.
Se rencontrer au café pour parler des nouvelles du pays, de la
pluie et du beau temps, était un rituel le soir « à la débauchée »,
et surtout le dimanche.
On y allait pour prendre quelques verres pour étancher la soif, et
le plus souvent des « pichets » quand on se retrouvait à plusieurs.
On y buvait essentiellement du « petit vin », « à la tirette »,
c’est-à-dire puisé directement au robinet de la barrique. En fin d’hiver chaque
patron de café allait chercher sa, ou ses barriques, qu’il avait réservées
auprès de vignerons des environs. Et il les entreposait directement dans sa
salle de café, ou bien dans une petite pièce sombre à l’arrière pour que le vin
reste au frais.
Le vin en bouteille, lui, était réservé aux grandes occasions. On
y mettait les grandes cuvées, celles qui étaient supposées se conserver plus
longtemps tout en se bonifiant.
Plus tard au XXème siècle, les apéritifs anisés prendront le
relais, faisant parfois des ravages.
A toutes les époques, il y aura les « habitués » aux cafés, ceux qui
buvaient plus que raison. On les trouvaient attablés à une table au fond, interpellant
ceux qui passaient avec des mots de plus en plus incompréhensibles. Et le soir il
fallait les mettre dehors. Parfois il y avait des insultes et bagarres, et le
garde-champêtre devait s’en mêler. Chacun au village se souvient de plusieurs noms célèbres dans les
années 1960-70, hélas, peu d’entre-eux ont réussi à vivre vieux.…
Consommation de
vin
Des historient ont estimé qu'en 1320, en France, il était consommé
environ trois litres de vin par personne et par jour. Sachant que la population
française était alors de vingt millions d'habitants, il est facile d'imaginer ce
qu'il fallait produire de vin.
Vers 1700, la consommation de vin annuelle était
de 75 litres par habitant.
Entre 1830 et 1860, la consommation annuelle moyenne de chaque
Français s’établissait à 81 litres (moins d’un quart de litre par jour), mais soixante ans plus tard, elle atteignait 168 litres en moyenne
personnelle : c’est un premier record historique et un record mondial. Etait-ce dû au traumatisme de la guerre de 14 ?
Entre le vin et les Français, cela restera une grande histoire d’amour : Dans les années 1970, on en sera encore encore à une centaine de
litres par habitant.
Aujourd’hui ? Seulement un petit 42 litres… Ce qui
représente toujours la plus grosse consommation annuelle de vin par habitant
dans le monde !
Métiers et
outils du vin
Dans
la commune, l’essentiel de l’activité tournera autour du vin pendant des
siècles.
Il faudra non seulement s’occuper de la vigne mais aussi confectionner
les outils, s’occuper des équipages et charrettes, ce qui sera du ressort des maréchaux
et charrons, et bien sûr fabriquer les nombreux contenants qui seront
pendant très longtemps en bois : Cuves, tonneaux, baquets… Ce sera le
métier de tonnelier même si la plupart des vignerons du village connaissaient
les rudiments de ce métier.
Et pour le
bois de chêne issu pour la plupart des coupes dans les bois environnants ou la
forêt de Chizé, il y aura les bûcherons, scieurs de long, sans oublier les
« fendeurs de merrain » qui confectionnaient les douves de tonneaux.
La tonnellerie resta une activité artisanale importante au
village jusqu'au dernier quart du XIXe siècle. Dans les
archives on retrouve les noms de François, Jacques et René Gaboriaud, Alexis Lévesque, François Marchand, Louis Papillon et Pierre Papineau, ce dernier de Marigny.
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Sans oublier
tous les métiers de la commercialisation du vin : Négociants,
cabaretiers, et bien d'autres..
Et puis lors des grandes foires il y aura les aubergistes pour
loger et restaurer tout nombreux les visiteurs.
Les outils du
vigneron
Un certain
nombre de collectionneurs passionnés, ont réussi à sauvegarder quelques outils de
ces époques.
En voici les
principaux.
Le travail du sol.
Il était principalement fait au « pic » que
confectionnaient les forgerons. Il fallait ensuite l’emmancher sur un manche en
frêne, bois résistant et souple.
L’on utilisait deux types de pics à vigne.
Le premier, le pic
« coule à fond », en mars-avril pour labourer en profondeur », Il
était destiné à défricher les terrains incultes, à nettoyer les sols durs et
pierreux.
Le deuxième, une sorte de houe à deux longues dents
courbes, entre mai et juillet pour biner la terre. Cet outil permettait
d’arracher l’herbe et ameublir le sol.
Les pics furent utilisés jusqu’au début des
années 1900, avant l’introduction de la charrue.
Pour
biner, sarcler ou retourner le sol, on utilisait un autre outil : le « bigot », ou
bien le « rabassier ».
Défricher et aérer le sol était un travail très pénible. Le vigneron travaillait dans une
position très penchée et devait avoir une gestuelle précise afin de ne pas
blesser les souches des ceps avec un coup de pic.
La taille de la vigne.
Elle
s’effectuait en Février-Mars, à la serpe, jusqu’à l’apparition du sécateur en
1815.
Au départ on effectuait
la taille avec une serpe à double tranchant, Le petit tranchant situé sur le
dos, permettait de retourner la serpe et de l’utiliser comme une hachette pour
couper des parties de souche mortes.
Pour la coupe de pieds morts, on utilisait une grosse cisaille ou coupe-cep..
Pour la vendange On
utilisera la serpette, puis plus tard des sécateurs.
Pour le transport
Panier (ou baquet) et hottes étaient employés pour transporter
le raisin jusqu'à la charrette.
On vidait le raisin dans la cuve.
Le drame du
phylloxéra
Cet épisode
douloureux verra l’anéantissement de tout le vignoble en Europe.
En ce qui
concerne La Foye, c’est Maxime Arnaud qui en parle le
mieux dans ses souvenirs : « Cette maladie, apportée par un puceron, originaire des
Amériques, apparaît en 1875, et
progresse à une vitesse vertigineuse (20 km / an). En 1878,
la première tâche de phylloxéra fit son apparition dans la région de La Foye,
dans le fief de La Brousse, entre Limouillas et Treillebois, dans une
vigne appartenant à Jacques Arnaud, brigadier, dit Jacquet l’Ami. Personne ne
voulait croire au phylloxéra et beaucoup attribuaient cette grande tâche jaune
à un coup d’orage. L’année suivante, la tâche s’élargit et d’autres tâches
apparurent dans les vignes voisines.
En 1881,
cependant, la récolte avait été excellente, mais la maladie gagna rapidement du
terrain. Le domaine fut totalement infesté. Cette prospérité ne devait pas
durer.
Pour aggraver
le tout, en 1880 il y eut un froid exceptionnel. Henriette
Picard dans « Mémoire d’une centenaire » raconte : « Les
vignes gelèrent, au printemps les nouvelles tiges ne poussèrent pas. Il fallut
arracher des pieds dans de nombreuses vignes, puis replanter. Les gens entre
eux, ne parlaient que de ce désastre et de ses conséquences. Certains vignerons
renvoyaient leur ouvrier faute de travail et les domestiques étaient forcés de
chercher ailleurs… »
Les années 1882-1883 furent
médiocres. Malgré l’espoir, la maladie s’accentuait, les gens commençaient à
semer du blé dans les parties premièrement atteintes.
En
1884, favorisée par un beau temps, la récolte fut bonne en qualité,
mais la quantité fut faible. Ce fut la dernière récolte qui compta.
En
1886, il n’y avait plus de vignes de rapport, ce fut la fin du
vignoble de toute la région....La
misère s'installera dans notre région et la grande désertion commencera ;
les domestiques partirent ; beaucoup de jeunes gens qui étaient au
régiment y restèrent. Ceux qui avaient emprunté de l’argent pour acheter du
matériel de chai laissèrent la propriété pour les dettes et partirent Ce qui
avait été des vignes florissantes n’était plus qu’une grande étendue inculte
avec des souches mortes. Quel tableau ! »
Pour arrêter
la maladie, on n’aura alors qu’une seule solution : Arracher !
La commune de
la Foye passera alors de 900 ha plantés en 1875, à 3 ha en 1891.
Les
conséquences humaines et économiques seront considérables. Le prix de la terre
baissera dans des proportions énormes : De 5000 francs l’hectare de vigne
à La Foye en 1879, soit le double de Beauvoir, il passe à 500 francs en 1884,
pour descendre à 100 francs en 1890.
Les
viticulteurs ruinés partirent : Beauvoir perdit en un quart de siècle 22%
de sa population, et le Canton 1333 habitants au total
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Maladie de la
vigne, phylloxera vastatrix, dans L'Insectologie
agricole,
Paris, 1871 |
Il y aura de nombreuses tentatives de replantation en Poitou, avec des cépages américains, mais elles ne seront guère encourageantes. En effet, les traitements chimiques,
consistant à injecter du sulfure de carbone dans le sol, ne suffirent pas à
enrayer le mal. Les plants américains résistaient au parasite et ne s’accommodaient
pas des sols de la région.
Ce ne sera qu’en 1890 que la solution fut
trouvée : Greffer des plants français sur des ceps américains.
Des écoles de
greffage, relevant de l’enseignement agricole, se mettront en place un peu partout.
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Greffage de plant de vigne au
début du siècle à Fors, un village proche de La Foye |
Des essais de
plantation de ceps greffés seront tentés pour reconstituer le vignoble, mais la
crise avait trop durée. Les vignerons n’avaient pas confiance dans les nouveaux
plans, et surtout la plupart étaient ruinés, surtout que le prix des vignes
s’était effondré : De 1773 francs l’hectare en 1775, il était passé à 1383
francs en 1878.
Rapidement la
vigne sera remplacée par des prés pour l'élevage; Il fallait bien vivre ! Et ensuite par la polyculture : Blé, colza,
tournesol, ce qui donnera de bons résultats dans ces terres calcaires.
Mais ce
nouveau métier sera difficile à accepter pour ceux qui avaient toujours vécu de
la vigne. Beaucoup préféreront tout quitter et partir vers des régions qui continuaient à produire du vin, comme la région de
Cognac ou le Bordelais, et qui s’étaient reconvertis avec de nouveaux
plants.
Cette dernière destination sera le choix de la famille Arignon,
eux qui avaient vécu tant d’années à La Foye du commerce du vin et de
l’eau-de-vie. Leur distillerie avait donné le nom de la Rue de la Fiole.
En remplacement, l’on verra l’arrivée
d’éleveurs vendéens, qui trouveront là de terres à un prix dérisoire. Cette
mutation de population, ainsi que la naissance et le développement des
laiteries-coopératives, permit une transformation radicale de l’économie de
cette région.
Tout au long
du XXème siècle, avec la transformation de la population, les vignes qui
avaient été conservées dans les fermes pour la consommation personnelle, seront
abandonnées puis arrachées.
Néanmoins,
tout arrachage de vigne devait être déclarée, comme ci-dessous cette vigne du
« Champ-Berlin » en 1972.
Le renouveau
des fiefs viticoles
Sous
l’impulsion de plusieurs passionnés, une
association a vu le jour au début des années 2000, pour remémorer cette grande époque. Elle
organise chaque année une grand foire qui rappelle celles d'antan.

Jean-Jacques
Sauvaget : « Lorsque notre association Les Fiefs
viticoles de la Foye-Monjault a vu le jour voilà 20 ans, il restait 7 hectares
de vignes morcelés sur la commune. Il en reste encore beaucoup moins
maintenant. Néanmoins, ce territoire à la qualité des bois de vigne ordinaire
figure toujours sur la carte des crus du Cognac. Avant l’arrivée du phylloxéra en 1860
à la Foye-Monjault, il n’y avait que des vignes ici ! ».

Dany et
Jean-Jacques Sauvaget
Dans la commune, certaines vieilles vignes furent reprises, de
nouvelles crées, on y planta plusieurs cépages de la région en redécouvrant la
« Renégate », descendante du fameux « Dégoûtant ».
C’est ainsi
qu’en 2001, le « GAEC des Bois » replanta quelques ares de Négrette. La
première commercialisation de ce vin eut lieu lors de la manifestation de la
nouvelle foire, le 20 Octobre 2002.
. 
D’année en
année, un groupe de vignerons passionnés, améliore leurs vins sous les conseils
d’œnologues, et certains commencent à se distinguer. Retrouvera-t ’on les
grands crus d’antan ?
Quelques
rangs de vigne ont été plantés de façon symbolique devant la salle Monacalis,
en souvenir du « vignoble perdu ».
Les vendanges
sont aussi l’occasion d’organiser des animations avec les enfants des écoles.
Tout le monde s’amuse !
Chaque année en Octobre, depuis 2001, l’association organise une
foire aux vins qui rencontre beaucoup de succès. De nombreux vignerons de toute
la France y ont leur stand et la plupart revient chaque année.
Dés 9h30, c’est la randonnée « A la recherche du vignoble
perdu ».
Puis à 11H00, l’inauguration officielle.
A cette heure, de nombreux visiteurs de toute la région ont déjà
fait leur provision de vin auprès des négociants venus de toute la France. Les
affaires sont bonnes, d’ailleurs la plupart revient chaque année.
Puis c’est le repas organisé par les bénévoles. Les tables sont
dressées sous les tivolis.
Un concours des vins y est organisé, et les meilleurs viticulteurs
de la région s’y affrontent !
La remise des
diplômes pour le concours des vins de la région.
Fait à noter,
cette association suscite l’adhésion des jeunes générations. La relève est
assurée !
Maxime Jean,
président de l’association.
C'était le bon temps du vignoble...

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