Forages et châteaux d'eau

Après la guerre de 14-18, de nouvelles avancées technologiques vont permettre aux municipalités d'améliorer l'approvisionnement en eau des habitants. Elles disposent pour cela de réseaux de distribution plus performants, ainsi que de pompes électriques capables de puiser l'eau à une plus grande profondeur.

Les sources de La Gravette
Dès 1919, la commune voisine de La Revêtizon décide de profiter des sources de La Gravette pour alimenter son hameau de La Maison Neuve. En raison de sa proximité au village de Limouillas, des discussions sont engagées avec la municipalité de La Foye afin de partager le réseau. La Gravette, située en contrebas au nord, présente l’avantage de posséder plusieurs sources donnant de l’eau toute l’année, à faible profondeur. En revanche, le débit s’avère assez faible. Pour y remédier, une pompe va être installée au lieu-dit « le Renfermis » dans un petit bâtiment encore visible de nos jours :

La pompe du Renfermis. Plus tard, un château d’eau sera édifié un peu plus haut,
sur le point culminant, qui sera lui aussi alimenté par cette pompe.

Des essais infructueux
Au début des années 20, des discussions ont lieu au conseil municipal concernant l’approvisionnement en eau du bourg et des autres villages. À l’unanimité, on décide de créer un réseau d’alimentation couvrant toute la commune. La Foye ne possédant pas de sources sur son territoire, il faut procéder à des forages pour atteindre la nappe phréatique. Quant à l'emplacement, le choix d'un point culminant permet de faciliter la distribution. La commune en possède deux : Limouillas (67 mètres d'altitude) et La Grande Foye (74 mètres). Limouillas étant déjà alimenté, c'est le site de La Grande Foye qui est choisi.

En 1923, la société Eaux et Assainissement est sollicitée pour faire un premier forage à 81 mètres. Mais en dépit du coût de l’opération (élevé pour l’époque : en avril 1925, le maire François Arnaud doit acquitter une facture de 67 740 francs), le débit d’eau, irrégulier, s'avère insuffisant.

Ce contretemps n'arrange pas les affaires de la commune : les cultivateurs continuent régulièrement à se plaindre que l’été, ils doivent conduire leur bétail à la fontaine d'Ussolière. C’est une opération longue et fastidieuse. Ceux de Treillebois, pour leur part, sont obligés de se rendre à Vallans. Face au mécontentement de la population, le conseil municipal en réfère au préfet. Celui-ci propose alors de capter les eaux de la fontaine Armande, à Ussolière. L’idée est intéressante car cette source ne se tarie pas pendant l’été et le débit semble important. Le projet est approuvé par l’ingénieur en chef du service hydraulique de la préfecture, et des discussions sont aussitôt engagées avec la commune d’Usseau. Mais, si l'idée est bien reçue, les délibérations s'éternisent...

Sous pression, la municipalité décide dans le même temps de réexaminer la solution du forage de La Grande Foye. En septembre 1926, elle demande l’avis d’un expert, Mr Welsch, qui préconise de forer au-delà de 130 mètres. Cette proposition implique un coût supplémentaire de 130 000 francs par rapport aux 201 000 francs déjà investis. Le conseil obtient néanmoins le support de la préfecture. On procède donc à un second forage et, cette fois-ci, on dépasse 200 mètres... Mais hélas sans grands résultats : le débit reste aléatoire.

Un dernier effort couronné de succès
Quelques mois plus tard, en février 1927, des géologues proposent de forer plus profond. Ils pensent qu’une nappe phréatique importante se situe juste au-dessous du forage en cours. Il faudra néanmoins creuser jusqu’à 347 mètres pour l’atteindre... Ce puits va finalement donner satisfaction. Équipé de pompes à piston, il sera en service plusieurs décennies. Il est encore visible de nos jours, fermé par une plaque transparente et muni d'un éclairage :


Ensuite, il faudra aussi recruter du personnel pour gérer la station de pompage. Plusieurs personnes se succèderont à ce poste, dont Mr Allain en 1943. Son travail devait être éprouvant car il demandera à la commune que son indemnité annuelle, alors de 3 000 francs, soit portée à 7 000 francs. Mais sous l’occupation allemande, les moyens financiers de l'État étaient fortement réduits. Le conseil refusera puis décidera de confier cette tâche à Mr Geoffroy, pour un salaire réévalué à 5 000 francs.

Le forage du Pérot
Au début des années 50, les besoins en eau de la commune augmentent à nouveau. On cherche alors une autre solution. Des géologues proposent un forage dans la vallée du Pérot située juste à l’ouest du bourg. Selon eux, comme elle se situe plus bas, on devrait y trouver de l’eau plus facilement. Et en effet, une percée d’une quinzaine de mètres seulement suffira pour que l’eau jaillisse. Les habitants du bourg viendront y remplir les tonnes pour arroser leurs jardins. Hélas l’eau s’avèrera tiède et ferrugineuse, donc impropre à la consommation. À court d'option, la décision sera prise d'expérimenter un nouveau type de déferriseur afin de filtrer l’eau. Il sera installé dans un petit bâtiment juste au-dessus du point de forage, avec une grosse pompe à double pistons.

Mais à l’usage cette solution s’avèrera très peu pratique : il fallait nettoyer le matériel tous les trois jours, et renouveler la pompe à pistons deux fois par an (en raison des dégâts causés par l'oxyde de fer). À défaut de mieux, cette installation restera néanmoins en fonctionnement jusqu’à la fin des années 80. 

En novembre 1986, le conseil jugera que la station de pompage du Pérot n'avait plus d'utilité publique et la mettra en vente. Mais il n’y aura pas de preneur et de nos jours le bâtiment est désaffecté :



À la recherche d’une nouvelle source d’approvisionnement 
Dès 1923, la possibilité de s’approvisionner à la source d’Ussolière avait été envisagée, mais après délibération, le coût des travaux de canalisation nécessaires et les complexités de pompage avaient rendu le projet irréalisable pour l'époque.

En 1979, toutefois, une étude de la direction départementale permet de relancer la discussion. Le conseil donne son approbation à l’unanimité. Après obtention d’un financement par la préfecture, une station de pompage sera construite à Ussolière, à laquelle sera raccordé le réseau de La Foye. Mais là encore, des prélèvements mettront un terme au projet : selon les tests, l'eau était fortement nitratée. Le traitement des champs en amont concentrait dans cette zone l'écoulement de tous les engrais.

En parallèle, au début des années 1990, un syndicat, « La Vallée de la Courance », s’était constitué entre plusieurs communes pour s’approvisionner à partir des nombreuses sources situées dans les marais d’Épannes. Celles-ci présentaient des résultats d’analyse plus conformes aux normes contemporaines. L’eau y était abondante et de meilleure qualité. Cet approvisionnement est toujours d’actualité de nos jours.

Le réseau d’adduction
Avec les forages, dès le début des années 1920 s’était posée la question de la distribution. Les travaux d’adduction seront confiés au service des Ponts et Chaussées, qui entreprendra la pose des canalisations. La connexion au bourg se fera en premier, suivie par Treillebois, le Grand-Bois et le Puyroux. La municipalité se demandera alors si la Mirauderie devait être reliée au Grand-Bois ou directement au bourg. Mais dans un premier temps, le raccordement au bourg s’avérera nettement plus cher. Bien plus tard, en février 1970, le réseau de la commune sera directement étendu du bourg à la Mirauderie et à Limouillas.

Une fois réglé le problème de la distribution, on cherchera également à améliorer le débit d’eau. À cet effet, on projettera de faire construire un château d’eau alimentés par les pompes, comme ce sera le cas dans toutes les communes environnantes à la même époque. Et pour garantir la pression, on choisira les sites les plus élevés.

Le château d’eau de La Grande Foye
Le projet de distribution d’eau remonte à novembre 1923, mais ce n’est que le 14 novembre 1929 qu’est prise la décision de construire un château d’eau sur le site de La Grande Foye. Le 1er juillet 1930, le maire Alphonse Boisselier et son conseil examinent le projet dressé par le service des Ponts et Chaussées, puis en février de l'année suivante, ils lancent un concours d’architecte. Lors de la séance du 14 juin, le maire annonce le résultat : c’est le cabinet Gautier Frères qui est retenu pour dessiner les plans, et c'est Mr Bernard, ingénieur à Nantes, qui remporte le projet de construction du château d’eau. L’épurateur sera par ailleurs installé par Mr Dégremont, un ingénieur civil (habitant Le Cateau, dans le nord). 


Le château d’eau sera édifié en ciment armé, selon les techniques de construction de l’époque. Il fera 13 mètres de hauteur et sera inauguré le 20 mars 1932. Les employés de la maison Petit procèderont à la pose des compteurs avant le démarrage du service.



Pris pour cible !
Pendant la seconde guerre mondiale, ce château d’eau sera victime des tirs de l’aviation alliée. En effet la rumeur courrait que les Allemands cachaient leurs réserves d’essence dans les châteaux d’eau. En 1944, les escadrilles canadiennes, basées en Angleterre aux côtés de la Royal Air Force, viendront le mitrailler avec celui d’Usseau. Par chance, celui de Limouillas échappera aux attaques. Des engins agricoles seront également mitraillés sur les chemins des alentours, ceux-ci ressemblant parfois à des blindés ennemis.

Le château d’eau de La Grande Foye en gardera des séquelles jusqu’à la fin. Des traces d’impact longtemps visibles en haut de la couronne provoqueront des fuites d’eau qu’il faudra régulièrement colmater. Ceci poussera à son remplacement, ce qui sera fait en 1969. Au final, il aura tout de même servi pendant 37 ans.

Construction du nouveau château
Le 8 janvier 1969, le maire Jacques Sauvaget réunit son conseil pour approuver un marché avec la société SEAJO, ayant pour objet la construction d’un nouveau château d’eau. À la réunion du mois de mars suivant, il explique que les pompes actuellement en service à la station de pompage n’ont pas un débit suffisant, et qu’il faudra prévoir l’acquisition de nouveaux modèles. On sollicite alors les Ponts et Chaussées pour étudier cette question. Les travaux démarrent rapidement. Le nouveau château d’eau est construit juste à côté du premier, qui a l'air minuscule en comparaison. Il fait 35 mètres de haut, et son réservoir possède une capacité de 400m3. Il est inauguré le 9 décembre :

Les deux châteaux d'eau coexisteront pendant 26 ans.
Quand l'ancien sera finalement démoli, le nouveau sera repeint en vert :
Ci-dessus, l’intérieur du nouveau château d’eau avec son escalier à vis aux 99 marches
 (les élèves de l’école du village qui l’ont visité en juin 2001 les ont compté !)

Au début des années 2000, on le raccordera au réseau du Syndicat de la Vallée de la Courance, à qui l'on cédera le château d'eau, sa gestion étant devenue trop coûteuse pour la commune. En 2003, il faudra néanmoins effectuer d’importants travaux de réfection de sa cuve, pour un montant de 76 000€. Il est toujours en service de nos jours.

La mort d’un gros champignon... 
Pendant 26 ans, l’ancien château d’eau avait coulé une retraite paisible à l’ombre de son cadet. En 1995 on décide finalement de le détruire car il commence à poser des problèmes de sécurité. Pour l’occasion, plus d’une centaine habitants sont venus lui dire adieu et immortaliser l’instant. C’est l’entreprise Besson, spécialisée dans les démolitions à l'explosif, qui est chargée de l'opération. Le 18 octobre, à 14h, le spécialiste Michel Besson déclenche l’explosion. Après un bruit sourd, un épais nuage de poussière s’élève puis s’abat sur les alentours. Le cylindre trapu de la tour s'est effondré verticalement. Tout s'est passé comme prévu...



Le château d’eau de La Maison Neuve et de Limouillas
En 1931, alors même que l’on construit celui le château d'eau de La Grande-Foye, la commune de la Revêtizon décide d'ériger le sien sur son point le plus haut, situé à La Maison Neuve, hameau jouxtant le village de Limouillas. Sollicitée, la municipalité de La Foye accepte d’en partager le coût. Ce château d'eau sera construit par l'entreprise de Gustave Guitteau, maire et entrepreneur de La Revêtizon. Il fera 18 mètres de haut et sera alimenté par la station de pompage de la Gravette.

Photo du haut : en 1931, Gustave Guitteau et ses maçons au sommet
de l’édifice en construction. Et ci-dessus, lors de l’inauguration en 1932.

Il sera en service jusqu’en 1996, date à laquelle il sera remplacé par une alimentation directe du Syndicat de la Plaine de Courance, comme à La Foye.

Puis il sera à son tour démoli en 2013. Le 8 octobre, une entreprise spécialisée, munie de gros engins, viendra le démanteler morceau par morceau :


Le village de Limouillas conservera le souvenir de ce château d’eau en donnant son nom à plusieurs de ses rues :


---
Documents annexes


---


Aucun commentaire: