Deux d’entre elles (les n° 2 et 4) sont des tours circulaires de faible diamètre, ouvertes à la gorge (pour que, dans le cas où elles auraient été prises par l’assaillant, elles ne puissent servir comme point d’attaque contre les défenseurs). Concernant ces tours, les dates de 1216-1220 avancées dans le blog pour la fortification du prieuré sont tout à fait plausibles [1].
Tour de la mare |
En revanche, la tour n° 1, celle de la mare, tranche par son plan en U et les deux canonnières dont elle est encore nantie. Celles-ci, aménagées sur les flancs de la tour, sont manifestement destinées à un flanquement latéral des courtines adjacentes. Certains indices (traces de comblement à l’intérieur, présence de ce qui semble être un fragment de canonnière pris dans l’appareil extérieur à cet endroit) laissent penser qu’il a pu y en avoir une troisième, frontale, dans l’axe principal de la tour. Elle constituait une faiblesse en ce point particulièrement exposé aux tirs de l’assaillant et peut-être est-ce pour cette raison qu’elle a été supprimée.
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Intérieur de l’une des canonnières |
Il s’agit de canonnières à ébrasement interne pour armes à feu de petit calibre (armes d’épaule du type « bâton à feu »). En effet, ces canonnières se trouvent à environ un mètre de hauteur par rapport au niveau intérieur – lequel, soit dit en passant, se situe nettement au-dessus du niveau extérieur – et non à même le sol ou légèrement au-dessus de lui dans le cas de pièces de plus fort calibre (genre couleuvrine).
Même canonnière vue de l’extérieur |
- l’orifice circulaire taillé dans deux demi-parements disposés horizontalement,
- la fente de l’archère taillée dans deux parements dressés verticalement.
Exemple d’archère à base grossièrement arrondie pour le passage du canon d’une arme à feu (Châteauneuf-en-Auxois, Côte d’Or) |
Les parements constitutifs de ces canonnières ont été taillés dans une autre pierre que celle des courtines. En effet, la pierre de La Foye-Monjault est un calcaire dur tiré de lits peu épais. Elle ne peut donc être débitée qu’en petits moellons rectangulaires, plus équarris que taillés. D’où l’emploi d’une pierre plus tendre pour la taille des entourages de canonnières. De ce fait, elle a mal résisté à l’érosion.
Ce type de canonnière, directement dérivé des classiques archères (d’où le fait qu’elles soient aussi appelées « archères-canonnières »), présente un défaut. Du côté intérieur, elles sont desservies par une véritable niche qui, creusée dans l’épaisseur de la muraille, l’affaiblit notablement en ce point précis. Pas de problème tant qu’on n’utilisait que des arcs et arbalètes, gros problème en revanche pour résister aux coups de boutoir d’une artillerie de siège. Car, quelque discrètes que soient les dispositions extérieures, l’assaillant n’ignorait pas que la muraille était affaiblie par la niche intérieure et qu’il lui fallait donc concentrer les tirs sur cet endroit pour faire brèche.
Par la suite, on remédiera à ce défaut en remplaçant les canonnières à ébrasement interne par des canonnières à ébrasement externe (ainsi qu’à double ébrasement, appelées « canonnières à la française »). Elles sont moins discrètes puisqu’elles se signalent extérieurement par de larges ouvertures rectangulaires ou ovoïdes lesquelles constituent l’aboutissement d’un large éventail traversant horizontalement l’intérieur même de la muraille. Cet éventail se resserre vers un orifice circulaire situé du côté de la paroi intérieure (ou au milieu de la muraille dans le cas des embrasures à double ébrasement). Ce dispositif offre l’avantage de reporter la pièce d’artillerie au-delà de l’orifice circulaire, d’où une niche de moindre dimension à l’intérieur de la muraille, voire pas de niche du tout lorsque cet orifice est au droit de la paroi intérieure, et ce, en dépit de l’éventail de tir traversant toute la muraille. En effet cet éventail ne mesure guère qu’une cinquantaine de centimètres de haut.
Niche de canonnière à ébrasement interne (château de Forges à Concremiers, Indre) |
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Types de canonnières à ébrasement externe (Blanquefort, Gironde) |
Récapitulons : à la tour de la mare, ni canonnières procédant du bricolage d’archères, ni canonnières à ébrasement externe. On peut donc dater les embrasures de cette tour du milieu du XVe siècle (disons entre 1435 et 1470).
Cette datation est confirmée par le plan en U de cette même tour. Un tel plan permet de rendre les tours plus saillantes par rapport aux courtines que dans le cas des tours circulaires ordinaires. On peut donc, grâce aux tirs de flanquement, défendre l’approche des murailles sur une plus grande longueur. De plus, le flanc des tours en U supprime les angles morts existant au niveau de la jonction d’une tour circulaire à la courtine adjacente.
On peut dès lors supposer que la tour de la mare a été construite à la suite d’un siège de la Guerre de Cent Ans ayant entraîné la destruction d’une partie de la courtine ou d’une tour du XIIIe siècle et, par conséquent, la nécessité d’une réédification de cette portion d’enceinte. On en trouvera peut-être confirmation quand l’historique du prieuré durant cette période sera achevé.
Cette datation n’est-elle pas tardive ? Il est vrai que ladite guerre se termine officiellement en 1453, mais les contemporains ne pouvaient savoir que le conflit était en passe de se terminer et c’est précisément à cette période qu’on a profité d’une relative accalmie pour reconstruire maintes fortifications en les adaptant à l’artillerie dans la perspective d’une éventuelle reprise des hostilités. Le prieuré de La Foye-Monjault en témoigne par cette portion de son enceinte.
Patrick Grosjean
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Note
[1] Dossier : histoire de l'église et du prieuré de La Foye
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