Que la vie était belle à La Foye en cette fin des années 30. Plusieurs grandes fermes étaient prospères dont celle d’André Giraud dans le quartier de La Fiole.
Les récoltes étaient belles malgré les quelques épisodes de pluie, qui, à la fin du printemps, avaient fait pourrir le blé. Malgré cela la vendange s’annonçait belle et on aurait suffisamment de vin pour tout le monde.
Dans la grande ferme du "Logis" au sud de la Foye, il y avait près de près de quinze personnes
à nourrir tous les jour. Heureusement la ferme possédait beaucoup de volailles, de
cochons et de veaux engraissés, et les légumes du marais d'Ussolière et de
Tesson permettraient de faire de bons plats dont tout le monde se régalerait. Les grand mères vivaient ensemble sous le même toit et étaient d'excellente cuisinières.
Il est vrai qu'au village, beaucoup de grand-mères avaient la réputation de cuisinières
hors-pair dont la réputation dépassait les frontières de la commune. Qui se souvient de la "mère Méridieu" qui officiait au café du Chêne Vert. La plupart des repas de noce y étaient organisés.
En cette matinée de Septembre 1939, Eugène Roy était dans l’écurie à traire les vaches. Comme à son habitude André Giraud l’avait rejoint. Debout dès l’aube ils devaient traire toutes les bêtes avant le passage du laitier. Celui-ci n’attendait pas; Aussitôt les bidons remplis ils les plaçaient à l’entrée de la ferme pour le ramassage.
" André, tu crois qu’on va être en guerre ?
Mon drôle, j’ai bien connu les Boches, ils veulent se venger. On est dans un bien foutu pétrin. A présent le conflit est inévitable »
Depuis la veille les gens du village savaient que les troupes Allemandes avaient franchies la frontière Polonaise le 1er Septembre 1939. Maurice Decemme, domestique à la ferme des Prunier, l’avait entendu au café du Chêne Vert" situé au centre du village; C’est René Berlouin qui tenait le bar qui l’avait entendu à la radio.
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Souvenir de Metz, le 10 Mars 1940. René Berlouin (en haut au centre). |
René era fait prisonnier, puis envoyé en Allemagne. Il ne sera libéré qu’au début 1945.
Plusieurs autres du village furent également mobilisés.
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Henry Bernard (au centre avec moustache et chapeau). Raymond Drut à droite. |
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Au Grand-Bois, Eliette Brossard devant la Citroën B2, une rareté dans la région à l’époque. |
Les mois suivants furent une période de longue attente ou chacun répétait ce que l’on apprenait à la radio. L’angoisse montait au rythme des mauvaises nouvelles.
Il y aura aussi Robert MICHAUD, marin, quartier-maître canonnier à la 3eme défense à Lorient, fait prisonnier et mort à 28 ans, à l’hopital Bodelio à Lorient.
Ci-dessous, sa plaque au cimetière.
Étonnamment sur le monument aux morts on ne retrouve qu’un seul nom : Gaston Pied.
Dès octobre 1939, plus de 6000 réfugiés étaient déjà arrivés à Niort.
Plus tard en mai 1940 ils arriveront par trains entiers, espérant trouver paix et refuge. Ils ne savent pas qu’un peu plus tard la guerre va les rattraper dans le département. Au total on en dénombrera 85000. Le préfet enverra une note à tous les Maires leur demandant de faire bien accueil, et si possible offrir le logement a ceux qui le demanderont.
Beaucoup de ces réfugiés venaient des Ardennes, principalement de Sedan. Un tiers remontera dans les Ardennes dès 1941, un autre tiers attendra la fin de la guerre pour le faire, les autres décideront de rester ici dans cette région qui les changeait de la leur. En effet, beaucoup y avaient trouvé du travail sur place, et les jeunes y avaient fait des rencontres.
A la Foye plusieurs familles arrivèrent fin 1939. La municipalité organisera la répartition dans les grandes fermes ayant assez de place et de nourriture pour les accueillir. C’est ainsi que les Prunier eurent plus de 40 personnes pendant plusieurs semaines.
Pour ceux qui sont logés, on voit dans cette délibération du conseil municipal ci-dessous, d’Octobre 1940, qu’il faut assurer leur répartition entre les différentes grandes fermes de la région, et qu’il faut leur donner du bois de chauffage pour l’hiver qui s’annonce. On donne le bois réservé pour les classes. De plus une partie de la paille et du foin sont réquisitionnés.
C’est comme cela que les habitants prirent réellement conscience de la défaite, mélangeant peur et curiosité.
Ils apprendront vite le mot « Verboten : interdit ! ».
Quelques jours plus tard, Albert Guitteau et quelques hommes qui mettaient du foin en botte près du bois des Loges virent quelques motos devançant une automitrailleuse sortir du bourg en direction d’Usseau. « Les Allemands, les v’là ! ».
Puis suite à l’armistice s’installera la zone occupée dont La Foye fera partie jusqu’à la fin de la guerre.
La plupart des allemands étaient logés à Beauvoir, quelques-uns au bourg. Ils faisaient le tour des fermes pour demander des provisions, et surtout réquisitionner du pineau et de l’eau de vie, boissons qu’ils appréciaient beaucoup. Certains en faisaient même des colis pour envoyer à la famille en Allemagne. Même si tout le monde se méfiait, l’on n’eut pas à déplorer de brutalités ni d’incidents notables. Cependant dans plusieurs fermes il y eu des tensions qui auraient pu mal tourner.
On notera l'installation d'un poste d'observation Allemand sur l'emplacement de la butte féodale au nord de Limouillas. Celui-ci permettait d'observer toute la plaine de Niort, et aussi les abords de la ville. Une cabane en planches y sera construite pour abriter les soldats. Elle sera détruite un peu plus tard.
Les soldats Allemands ne seront restés qu’en 1941-1942, puis repartiront pour les zones de combat à l’Est, puis plus tard vers le front de l’atlantique.
Il y a pénurie, le ravitaillement étant conditionné. Il manque les produits « exotiques » c’est-à-dire le café, l’huile et le chocolat. Il manque aussi le savon et le pétrole. Heureusement pour les nourritures de base les fermes possèdent des volailles et produisent beaucoup de légumes. Les « ponnes » à lessive reprennent du service. Dans les gros bourgs on réduit la ration de beurre, mais à La Foye on ressort les barattes et pour les réfugiés le village est un vrai pays de cocagne.
Puis il y a encore 4 épiceries qui sont tenues par des femmes : Henriette Bernard au coin joyeux et Lucienne Racaud, Lea Sauvaget, Madeleine Garnier (Brothier) rue du centre.
Et puis il y a aussi la boulangerie et la boucherie. Ulysse Pommier tient une ferblanterie qui a un stock d’ustensiles de cuisine et des outils de jardinage. Et il y a encore bien d’autres commerçants et artisans…
Tout cela favorisera le « marché noir » dont certains profiteront pour alimenter les villes des alentours. Il se créera une ambiance de suspicion ou chacun essayera de savoir ce que fait le voisin. Entre légende et réalité il n’est pas facile de trier entre tout ce qu’il se raconte, même de nos jours !
Cependant sur les instructions de la préfecture il faudra instaurer le rationnement : En Octobre 1941 le conseil de La Foye, dirigé par Léonce Géoffriau (De 1939 à 1943), organise le rationnement des pommes de terre. Personne ne doit en posséder plus de 500kg. Interdiction également de posséder du Maïs.
Puis l’on mettra en place des cartes d’alimentations à présenter chez les différents commerçants, attribuées en fonction de ceux déclarés comme nécessiteux. Une organisation dédiée sera mise en place pour en assurer la gestion. (Voir chapitre "Cartes d'alimentation )
On renforcera aussi l’aide médicale gratuite en fonction des allocations des uns et des autres. Et l’on instaurera un arbre de noël pour les enfants des réfugiés. En dehors des cadeaux achetés pour les enfants, beaucoup de familles confectionneront des vêtements et prépareront des sacs pleins de friandises, souvent des gâteaux, le chocolat étant rare à l’époque.
Ordre de réquisition de l'autorité Allemande basée à Beauvoir, pour Raoul Guinebet habitant à Granzay.
Courant 1942, les Allemands étant partis, un petit vent de liberté souffle au village. Il est vrai que ceux qui en sortent ne sont pas nombreux. Très peu arrivent à bénéficier d’un « Ausweis », c’est-à-dire un laissez-passer.
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En route pour les champs beaux de Tesson en 1942 |
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Le sarclage des betteraves au Grand-Bois chez Joseph Moreau. En 1942. De gauche à Droite, Olga une réfugiée de l’est, Une Polonaise, Aimé Denisot, domestique et Andrée Brossard, épouse Moreau. |
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La cueillette des « mojettes » |
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La troupe des grands en septembre 1940 devant l’église. Certains se déguisent en aviateurs. |
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La troupe des filles en 1940. |
Les représentations de théâtre sont également l'occasion de récolter de l’argent pour envoyer des colis aux prisonniers.
Il y a bien sûr René Berlouin. Celui-ci faisait partie du conseil municipal et lors de chaque séance l’on marque « absent » en face de son nom.
Il y a aussi Léon Michaud qui est au camp de travail de Krefeld-Fichtenhain en Allemagne. Il écrit en 1943 à Espérance Pommier, la fille du ferblantier du village, sur une carte préimprimée pour les prisonniers. On apprend qu’il a le matricule 12192. Son orthographe est approximative.
De son côté le fils Régis, lui est au Stalag VIIA. En août 1943 il écrit à son père Alcide qui a présent a pris sa retraite à coté de Niort.
La Résistance
Il est probable que certains jeunes du village on rejoint ces groupes mais les archives de la résistance ne le précisent pas, mais on pense que plusieurs ont participé aux actions de sabotages entreprises par les groupes de résistant environnants
Les archives judiciaires parlent de l’incendie en mars 1943 en gare de Beauvoir de wagons Allemands chargés de fourrage. Deux des participants Louis Jourdain du Vanneau et Raymond Durosier de Souché seront abattus lors de leur arrestation. Ce même mois de Mars on note une manifestation en gare de Beauvoir pour bloquer un train devant emmener en Allemagne un groupe de travailleurs réquisitionnés pour le STO (Service de Travail Obligatoire).
Débarquement en Normandie: l'espoir renaît !
C’est vers
cette période que le docteur Donnat, docteur à la Foye, décide de rejoindre les
Forces Françaises à l’Extérieur. Étant conseiller municipal il donne sa
démission et est remplacé par Mlle Rossard. Plusieurs autres y participeront (Voir chapitre "Résistants")
Un Fayais au débarquement de Normandie
Ce courrier lui est adressé à la base navale de Jacksonville en Floride.
Courrier en provenance d’une firme basée à Papeete (Tahiti), passé par la censure Française (cachet circulaire « Contrôle postal » et bande rose « contrôle postal militaire »), puis par la censure américaine (bande jaune avec la mention « Examinated »).
Entre temps
il a changé de base militaire ce qui explique ces adresses successives inscrites
sur le courrier, avec la mention "Forwarded".
Ce qui est amusant c’est le nombre de bureaux de poste ou cette lettre est passée, et qui ont apposé leur cachet au verso : Norfolk, San-Pedro, Jacksonville, Chapel Hill, et le cachet militaire « US Navy ».
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Les FFI’s. En remontant la rue principale, devant la maison Garnier. |
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Gendarmes et militaires défilant devant la maison Garnier, rue du centre |
Novembre 1944. Il faut tout réorganiser et surtout lancer l’économie maintenant que les restrictions sont levées.
Le conseil instaure un comité de production agricole avec des représentants dans chaque village.
Il faudra attendre Mai 1945 pour que les dernières troupes allemandes se rendent.
Josiane Pommier (Fouroux) de Treillebois raconte : J’avais alors 6 ans. Je voyais les bombardiers avec leurs grosses bombes sous leurs ailes qui passaient au-dessus de Treillebois pour aller bombarder Royan. Cela faisait un drôle de bourdonnement.
Quelques familles des villages proches de La Rochelle comme Bouhet furent évacués. On note la famille d'Arthur Raud et les Lamoureux, qui trouvèrent à se loger au hameau du Grand Bois. Puis ce sera la famille Delage, qui s'installa au centre de la Foye dans la propriété Garnaud. Puis à l’armistice ils regagnèrent leurs foyers.
C'est en ce même mois de Mai 1945 qu'auront lieu les élections municipales. Le maire Léonce Géoffriau ayant renoncé à se représenter pour un nouveau mandat, c’est le secrétaire de mairie et instituteur Edmond Penot, qui sera élu lors du vote .
Juste élu, ce dernier demande à ce que l’on organise un « gouter de la victoire » pour les enfants des écoles, devant avoir lieu en fin d’année scolaire c’est-à dire en Juin. Le boulanger du village sera réquisitionné pour préparer des petits pains.
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