De la maison commune à la mairie

Il y aura plusieurs mairies au village, avant que la municipalité ne décide de faire construire un bâtiment dédié, encore en service de nos jours.

Au temps de la maison commune

Sous l'Ancien Régime, il n'y a pas encore de mairie.

La paroisse de La Foye-Monjault dépend alors, avec son prieuré, de l'abbaye de Montierneuf. C'est à l'origine un moine délégué par l'abbaye, puis plus tard un dignitaire ecclésiastique, le prieur, qui en est le châtelain. Représentant de la monarchie, il est responsable de l'application des lois et des coutumes.

Ce seigneur est assisté d'un procureur-syndic, élu chaque année par les chefs de famille du village, qui a notamment pour tâche d'organiser la collecte des impôts royaux.

Lorsqu’il faut parler aux habitants, on le fait soit pendant la messe, soit à l’issue. Une convocation est au préalable affichée à la porte de l’église et lue au prêche de la messe.

Aussi, dans le cadre des États généraux du royaume organisés par Louis XVI, c'est à l'église que les paroissiens se réunissent, le dimanche 1er mars 1789, pour faire part de leurs revendications. Celles-ci sont adressées à André Vien, notaire et procureur du village, qui a été désigné comme « rapporteur » afin de rédiger le Cahier de doléances de la paroisse.

La Révolution qui s'ensuit va entraîner la réforme de certaines institutions monarchiques devenues impopulaires.

En août 1789, l'Assemblée constituante décrète l'abolition des droits féodaux. L'année suivante, le poste de maire est créé en remplacement du syndic. Désormais au service des citoyens, le maire est aussi responsable de la gestion de la commune en lieu et place de l'ancien seigneur.

Afin d'asseoir son autorité, on lui adjoint cinq officiers municipaux et plusieurs notables du bourg. Ceux-ci forment un conseil, sur le modèle des assemblées paroissiales qui avaient opéré en préparation des États généraux.

Le 31 janvier 1790, l'ancien syndic Pierre Baudin est élu premier maire du village, avec une majorité de 27 voix. L'élection a lieu dans l’église, appelée « maison commune », qui est trop petite pour accueillir toute la population (soit environ 800 habitants). Pour cette raison, ne sont admis à l'intérieur que les citoyens « actifs », c'est-à-dire les 128 villageois qui ont droit de vote. [1]

L'église de La Foye telle que nous la connaissons aujourd'hui.
En 1790, elle avait encore son clocher d'origine, une tour carrée
avec un toit en ardoise, peut-être accolée au flanc
comme pour l'église d'Usseau. Elle était un peu plus grande,
possédant encore son chœur et peut-être son chevet.
Son portail d'entrée devait aussi être de meilleure facture.
Le clocher en fronton avec campanile sera ajouté en 1817.

En 1793, les instances révolutionnaires imposent l'interdiction du culte : les églises sont fermées. En décembre, un arrêté du Conseil du département des Deux-Sèvres va plus loin, ordonnant la collection de tous les matériaux disponibles au service des guerres républicaines. Pour satisfaire à cette demande, le clocher de l'église est démantelé avec ce qui subsistait de son chœur et de son chevet.

Enfin en août 1795, une réforme administrative entraîne la suppression du poste de maire, à l'exception des communes des chefs-lieux de canton. Il est remplacé par un agent municipal. Celui de La Foye répond du conseil de Beauvoir dirigé par son maire, Montanier. [2]

La mairie chez soi !

En octobre, peu avant sa nomination comme agent, François Bastard remplace son beau-frère Jean Philippe Clerc du Fieffranc à la rédaction des actes d’État civil. La maison commune n’existant plus, il reçoit les citoyens à son domicile pour signer les registres. Dans les actes de mariage, il est précisé que les publications des bancs doivent être affichées sur la principale porte de sa maison, dans le bourg à l’angle des routes de Vallans et d’Usseau.

En France la situation politique est toujours instable. Les gouvernements se succèdent et avec eux les réformes. Sous le Consulat, les anciennes communes sont rétablies [3]. De 1798 à 1848, les maires et leur adjoint seront nommés directement par le préfet pour une durée de six ans.

En 1800, le préfet des Deux-Sèvres, Claude Dupin, nomme André Vien maire de La Foye [4].  Siégeant de nouveau avec ses officiers municipaux dans les bâtiments délabrés de l'église, il se préoccupe du lieu où organiser les réunions :


« Nous maire et adjoint de la commune de La Foye-Monjault, considérant qu’il n’existe point dans cette commune de maison ni de chambre commune destinée aux assemblées quelconques qui peuvent avoir lieu, ainsi qu’au dépôt des papiers concernant cette dite commune, et qu’il peut en résulter des inconvénients de tenir chez l’un de nous les assemblées… nous avons arrêté que nous nous occuperions sur le champ de nous procurer une chambre commune propre à la tenue de nos séances… et ou les registres et papiers de la commune seront déposés...  Le citoyen Pierre Lamiaud, de cette commune, nous ayant à l’instant offert une chambre, proche du temple [5], qui nous a paru propre à remplir nos vœux, nous sommes convenus avec lui que pour le prix du loyer de la dite chambre, dont nous pourrions jouir le 1er du mois prochain, il lui serait annuellement payé le prix de douze francs, à prendre sur les dépenses communales. »

Pour la première fois, il est donc envisagé pour la municipalité de disposer d'un local réservé aux activités municipales.

Des locaux loués à titre provisoire

Toujours nommée « maison commune », la pièce louée à Pierre Lamiaud, un ancien tonnelier du prieuré devenu négociant en vin, fera office de mairie pendant dix ans.


Mais en 1810, lors d'une réunion, Vien se plaint à nouveau que les locaux loués, trop exigus, ne sont plus adaptés. Bien qu'ayant rejeté cette option au début de son mandat, il reprend finalement à son compte la solution adoptée en 1795 par son voisin, François Bastard, lorsqu'il était agent municipal et recevait les gens chez lui :


« Jusqu’à ce que nous ayons trouvé un édifice à louer, propre à faire la maison commune, ou que nous ayons pu nous procurer des fonds pour en faire bâtir une, tous les actes en civil et séances du conseil municipal seront faits et se tiendront dans notre domicile, à dater de ce jour-ci. Les publications de mariage seront affichées à la porte de notre domicile. Le public sera prévenu dimanche prochain, à l’issue de la messe, par affiche et au son de la caisse, des présentes dispositions… »

Chez le maire

La maison de Vien se situe en face du nouveau cimetière, sur la route d’Usseau, et c’est dorénavant là que se réunira le conseil.


Les séances municipales se tiendront dans l'une des grandes salles de sa demeure, et son bureau de notaire, situé à l’étage, servira à la rédaction des actes d'État-civil. En attendant la location ou la construction d'une nouvelle mairie, les archives seront entreposées dans son grenier. Cette situation, qui lui facilitait sans doute la tâche (dans la mesure où elle lui permettait de concilier ses divers emplois), perdurera jusqu'à la fin de son mandat.

À la Restauration, en 1815, le roi Louis XVIII procède au remplacement des fonctionnaires de l'État par des sympathisants royalistes. C'est au tour de Jacques Gabriel Manceau d'être nommé maire. Malgré quelques ennuis de santé qui le forceront à s’absenter, il restera en poste jusqu’à son décès en 1828 (âgé de 84 ans). Gabriel Hippolyte, son fils, lui succédera jusqu'en 1830.


De 1815 à 1830, le domicile des Manceau fera également office de mairie. Jacques Gabriel est à cette époque le plus grand propriétaire du bourg où il possède plusieurs maisons. L'une d'elles, de taille suffisante, se situe juste en face de la propriété de François Bastard, voisin de Vien. Dans les comptes rendus des assemblées, il signera « en notre mairie ».

En 1831, c'est Frédéric Théodore Marchesseau qui est nommé maire de La Foye. Originaire de Charente Maritime, il était arrivé au bourg en 1823. Vien, dont la santé déclinait, l'avait employé dans son étude comme premier clerc. Le temps pressait et le jeune homme dû lui plaire, car à peine quelques mois plus tard, il lui donnait en mariage sa petite-fille Henriette Jousseaume. Vien devait décéder peu après. Avec lui, le village perdait l'une des dernières grandes figures de la Révolution.

Nul doute que Marchesseau bénéficia de la notoriété de sa belle-famille. Une fois sa formation terminée, il racheta l'étude notariale. Puis en 1830, peu avant sa nomination, il se porta acquéreur de la maison de Bastard, voisine de celle de Vien [11]. C'est cette maison qui servira à nouveau de mairie pendant 16 ans, jusqu'à la fin de son mandat en 1847.

École et mairie

Il s'ensuit une période troublée, reflétant la situation politique du pays : quatre maires provisoires se succèdent jusqu'à l'élection de Jean André François, fils d'un ancien artilleur de l'armée impériale, en septembre 1848.

Aussitôt se pose la question des lieux de réunion, mais également celle des salles d’écoles au village : les bâtiments de l'église et du presbytère, insalubres, servent apparemment toujours de classe. Souvent à court de fonds, la commune parvient néanmoins, en 1853, à acheter la grande maison ayant appartenu à Delavaud, rue du Centre [6]. Transformé en école et mairie, le nouveau local remplira cette fonction pendant 30 ans.



L'actuelle mairie

Après la guerre de 1870 et la fin du second Empire, un vent de modernisme souffle sur la France. La troisième République a pour volonté de développer l’éducation partout dans les campagnes et de promouvoir l’idéal républicain. À cet effet, l’Assemblée nationale vote un budget pour la construction de nouvelles écoles [7]. La municipalité de La Foye en profite pour déposer un dossier en préfecture.

Face au champ de foire, il y a plusieurs terrains cultivés appartenant notamment à Gaboriaud, Pévreau et Bellion. La propriété de ce dernier provient de la succession des enfants Vien de 1826 [8]. En particulier, un terrain en pointe d’une surface de 17 ares retient l'attention de la municipalité.

En 1878, le maire Louis François Martin, approche les propriétaires afin d'acquérir tous les terrains susceptibles de contenir les nouvelles constructions. Après négociation, une promesse de vente est signée le 25 juillet, pour une somme de 2,674 francs. 

Le conseil sollicite alors un architecte réputé du bureau de Niort, Bergeron, agréé par la préfecture. Celui-ci dessinera sommairement des plans qui seront présentés le 7 mars 1878 aux conseillers municipaux. [9]


Sur le plan, on voit qu’il propose d’ouvrir un nouveau chemin au sud, qui deviendra l’actuelle rue de la Pompe. Plus tard, un local y sera construit pour entreposer le matériel et la pompe à bras des pompiers, d’où son nom. 

Mais ce ne sont que des plans provisoires, car les actes de vente des terrains ne sont pas encore finalisés. 

Lors des réunions, on se posera la question de l’emplacement de la mairie. Faut-il la positionner à l’embranchement de la route de La Rochénard à Vallans, ou bien en haut du champ de foire ? Les deux hypothèses ont été étudiées, comme on le voit sur le plan ci-dessous. En bas, la mairie à l’emplacement actuel (projet 1), et en haut sur le champ de foire (projet 2).


Le maire envoie à la préfecture le dossier contenant la promesse de vente, les plans et les décisions du conseil municipal. 

Un expert, Goguet, est mandaté pour valider le projet. Celui-ci préconise un prix d’acquisition des terrains de 2,524 francs, et malgré cette différence de 150 francs, après enquête favorable auprès de la population effectuée par le conseiller général Bourru, le préfet finit par donner son accord.


Mais le plan qui sera adopté sera différent. Les deux écoles (garçons à gauche, filles à droite), seront positionnées sur les flancs de la mairie, afin de présenter une façade alignée sur la rue.

Le 30 juin 1880, la vente des terrains sera finalisée devant notaire. Puis le 8 décembre de la même année, le marché de construction du bâtiment sera adjugé à Burgaud, entrepreneur.


La nouvelle mairie sera inaugurée en 1882, durant le mandat du maire Louis François Martin.
Cette même année Jules Ferry, par sa loi du 28 mars 1882, rendra l'instruction obligatoire, laïque et gratuite. Les élèves du certificat d’étude pourront inaugurer leurs nouvelles classes. Les plus jeunes continueront à fréquenter l’école du centre du village. [10]

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Documents annexes

En 1879, répondant à la demande de la municipalité,
la préfecture autorise l'acquisition des terrains.
Adjudication de 1880, page de couverture, détail.



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Notes

[1] De 1790 à 1795, le maire, héritier du poste de syndic, est à son tour élu par une partie des citoyens (dits citoyens actifs. Cette catégorie excluait entre autre les femmes, les pauvres et les domestiques). Lire à ce sujet : 1790 : l'élection du premier maire de La Foye-Monjault.   [<-]

[2] François Bastard est désigné comme agent municipal le 6 novembre 1795. Il a pour adjoint Louis Gaboriaud. En 1798, il sera remplacé par François Augustin Rondeau. Pour plus de détails, lire : Les institutions municipales de la Foye-Monjault, de l'ancien régime à l'Empire.   [<-]

[3] Loi du 17 février 1800.   [<-]

[4] Voir à ce sujet la Liste des maires de La Foye-Monjault.   [<-]

[5] Le mot « temple » se référait alors au « Temple de la Raison », nom donné aux églises durant cette phase de la Révolution.   [<-]

[6] N°245-10 sur le cadastre napoléonien.   [<-]

[7] Comme à cette époque les écoles n'étaient pas mixtes, celle de La Foye comptera deux classes de part et d'autre de la mairie : une pour les filles et l'autre pour les garçons.   [<-]

[8] Voir l'acte de succession des époux Vien.   [<-]

[9] Ces plans sont entreposés aux archives départementales.   [<-]

[10] Ce n’est qu’à la seconde guerre mondiale que l’on ouvrira des classes mixtes à La Foye. En 1965, avec la circulaire du 15 juin, la mixité deviendra le régime normal de l'enseignement primaire en France.   [<-]

[11] Marchesseau rachètera en 1830 l'ancienne maison Bastard à Pierre Hélie Giraud de la Montagne, docteur en médecine. Trois ans auparavant, en 1827, Pierre Hélie l'avait acheté à Eugène Isaac Bastard, ce dernier l'ayant hérité en 1814 de son père François, décédé en 1812 (la succession ayant eu lieu deux ans après le décès).   [<-]


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