Routes et chemins


En fin d'année 1788, en préparation des États généraux, le procureur André Vien rapporte l'observation suivante dans le Cahier de doléance de La Foye, concernant l'état des chemins de la commune :

« Les chemins qui se trouvent dans la paroisse se trouvent très resserrés et point du tout conformes… il serait à désirer qu’il plût à Sa Majesté que les deniers qui sont annuellement payés pour contribuer aux corvées, fussent employés à faire réparer et arranger lesdits chemins… Au moins jusqu’à ce qu’ils fussent totalement praticables… »

C’est dire si la difficulté à circuler était une préoccupation majeure de la population à l’époque : boueux l’hiver, poussiéreux l’été, l’entretien des chemins était une corvée permanente.

Des chemins ancestraux

Certains auteurs rapportent qu’au début de notre ère, du temps des Gaulois, la commune était déjà traversée par plusieurs chemins. La Société des Antiquaires de l’Ouest parle du chemin du Chêne Grelet, voie tracée entre la forêt de Chizé et Usseau, et qui passait par le Rachis, Boisserolles et le Fief du Chêne-aux-Chiens situé au sud de La Foye.

L'ancienneté du tracé de certains chemins est bien connue. Les anciennes voies gauloises ont été réutilisées à l’époque romaine, puis sous les Mérovingiens, et ensuite au Moyen Âge. Ces chemins s’étaient formés par l’usage, en suivant des profils qui économisaient le temps et la peine des hommes et des chevaux. De nos jours, certaines routes suivent toujours ces tracés immémoriaux.

Fondation du prieuré et défrichement des bois

Peu après l'attribution des terres de La Foye-Monjault aux moines bénédictins, au XIe siècle, ceux-ci entreprirent la construction du prieuré et de l'église. Dans un premier temps, il fallut défricher une partie de la zone forestière afin d'aménager des voies de circulation. Ces chemins permirent le passage de lourds convois et l'acheminement des pierres nécessaires au chantier à partir des carrières environnantes. Progressivement, d’autres chemins furent ouverts au fur et à mesure du développement du village et des hameaux.

Le réseau de routes ainsi créé était praticable une partie de l'année, mais l’usage de charrettes restait difficile à la mauvaise saison. Même si la terre très caillouteuse de la région de La Foye fournissait la matière première pour empierrer les chemins, ceux-ci se détérioraient rapidement avec les intempéries, et beaucoup de transports devaient s’effectuer à dos de bêtes de somme.

Pendant des siècles, lorsque les vignerons labouraient le sol, ils prirent l’habitude de ramasser les pierres et les mettant en tas au bout des champs. Les plus petites pierres étaient déposées au bord des chemins, à l’usage de ceux qui les entretenaient. Les plus grosses servaient à la construction de murets tout autour de leurs parcelles afin de les protéger. De nos jours, on en retrouve encore la trace dans certains bois qui se sont reconstitués après l’abandon de la culture. C'est le cas aux Loges, à La Bossette et au Bouquet. Les autres ont disparu au profit de l’agriculture intensive.

Chemins verts, chemins blancs et chemins gris

Des premiers chemins tracés dans la forêt, il en subsiste encore quelques-uns comme celui de Gript, mais ce dernier n’est plus emprunté de nos jours que par les promeneurs. Bordé d’arbres, ce « chemin creux » évoque un peu les bocages qui firent les grandes heures des guerres de Vendée.

Le chemin de Gript au départ du calvaire

Beaucoup d’autres sont recouverts d’herbe, ce sont les chemins verts qui sont praticables essentiellement pendant la saison sèche, comme ci-dessous le chemin du Champ Berlin :




Mais à avec les pluies de la mauvaise saison, il se forme des ornières et ils deviennent difficilement praticables :

Le chemin des Souches en direction du quartier de La Fiole

Voire carrément impraticables, comme dans les bois :

Fondrières dans les « Bas » en décembre

C’est pourquoi, dès la fin du Moyen Âge, on empierrera les chemins les plus importants. On les appelle les chemins blancs, leur couleur étant due aux petits cailloux de calcaire ramassés dans les champs. Ces chemins sont toujours en service dans la plaine :

Le chemin du Moulin vers le Grand-Bois

S'ils restent praticables à la mauvaise saison, ils se couvrent de boue suite aux labours et aux passages de tracteurs (les anciens se souviennent encore des bouses de vaches qui les ornaient lorsque les troupeaux revenaient des champs). Fragiles, ils se détériorent assez rapidement et nécessitent un entretien régulier.

À partir des années 1930, on recouvrira les routes de bitume. Puis au début des années 70, on étendra le goudronnage aux chemins principaux traversant la plaine. Ce sont les chemins gris, et leur entretien constitue également une lourde charge pour la commune.

La route des Loges (on voit de-ci de-là, l’herbe qui cherche à pousser au milieu)

Les nombreux sentiers sillonnant les bois et les prés, quant à eux, ne sont entretenus que par le passage des usagers.

L’état des chemins, une préoccupation permanente pour la municipalité et le conseil départemental

Dès la nomination du premier maire, Pierre Baudin, en janvier 1790, ce sujet est l’un des premiers évoqués. Lors du conseil du 22 août suivant, Vien, procureur de la commune, se plaint du « mauvais état des chemins qui conduisent au bourg de Beauvoir, à La Rochénard, à Granzay, à Mauzé, et aussi du chemin de la Moinarde ». Et il réclame qu’une ordonnance soit envoyée pour les faire réparer sous quinze jours, en réquisitionnant tous les journaliers, bouviers, et autres habitants de la commune, sans aucune distinction :

« Ceux-ci devront se transporter sur les lieux indiqués aux jours convenus. Ils devront trier des pierres aux endroits qu’ils trouveront les plus à proximité, et ceux qui possèdent des chevaux et des charrettes, devront les voiturer vers les chemins et les déposer dans les excavations qui seront indiquées, afin de rendre praticables les chemins en toute saison. »

Après approbation du conseil, cette ordonnance sera déposée chez le greffier, puis lue à la suite de la messe et affichée sur la porte de l’église. On y précise que tous devront s’y conformer sous peine d’une amende de 50 livres.

Quelques jours plus tard, une nouvelle ordonnance est publiée :

« Concernant les abus qui se commettent sur les chemins vicinaux, le maire fait défense à tous les laboureurs et cultivateurs de la paroisse de labourer les chemins comme ils ont l’habitude de faire, et de s’arrêter aux fossés, de ne pas tirer le soc des charrues sur le chemin. Interdiction est faite aux particuliers de faire des trous au bord des champs, planter des haies ou construire des murs à moins qu’ils [le maire et le garde champêtre] ne s’y trouvent et de jeter de la terre sur les chemins. Obligation de remplir de pierres les trous et bourbiers qui se trouvent sur les chemins en bordure de leurs champs, obligation également de tailler les branches qui dépassent. »

Le 8 septembre, Baudin revient sur la question des chemins vicinaux, en s'adressant cette fois-ci aux usagers :

« Défense aux habitants de passer à pied ou à cheval au milieu des champs des propriétaires au lieu d’utiliser les chemins existants, sous peine d’amende. »

Le questionnaire du district

Dès le début de la Révolution, l'État se préoccupe du développement de l’activité économique, qui dépend entre-autre de la circulation et du transport de marchandises. Les députés de la Constituante cherchent à se faire une meilleure idée de la situation dans les provinces et ordonnent des enquêtes : en octobre 1790, le district de Niort, nouvellement créé, envoie à La Foye un questionnaire auquel la municipalité doit apporter des réponses écrites.

Une fois de plus, les élus s'y plaignent du mauvais état des voies de communication. Selon eux, cette situation compromet leur capacité de trouver des débouchés sur les marchés environnants :

« La seule denrée produite est le vin, et parfois de l’eau de vie, qui sont vendus sur les marchés de Niort et Mauzé, où nous achetons aussi les denrées dont nous avons besoin. La route qui conduit à Niort est très mauvaise. L’hiver, on passe par la grande route de La Rochelle et Frontenay. On utilise également la route de Saint-Jean-d’Angély par Granzay. Pour Mauzé, il y a des endroits où elle est presque impraticable pendant les pluies. Cependant, elle serait d’une très grande ressource pour nous si elle était arrangée, vu que c’est auprès de Mauzé que nous embarquons nos vins pour Fontenay-le-Comte, Luçon et tout le pays, et c’est toujours en hiver par mauvais temps que nous devons envoyer nos charrettes jusqu’au lieu de l’embarquement. Il y a une autre route qui serait nécessaire, tant pour nous que pour les habitants de La Rochénard et d’Usseau, qui est impraticable l’hiver et la plus grande partie de l’année, c’est celle qui conduit d’Épanne à La Garette et qui passe par Sansais. Comme nous, les communes ci-dessus vendent la plus grande partie de leur vin aux particuliers de la Gâtine, mais à cause du mauvais chemin, on est obligé de faire passer le vin par Niort. Nous avons oublié de dire qu’il faudrait arranger l’ancienne route de Chizé à La Rochelle, car c’est par là que les habitants du pays vont quérir leur bois en forêt de Chizé. Et puis il y a aussi le marché de Beauvoir, chef-lieu de canton. Ce n’est pas vraiment un débouché pour nous, mais c’est là que nous allons chercher la plupart de nos comestibles dans la saison, et allons vendre nos bœufs pour nous en défaire. Le chemin qui y conduit n’est pas précisément mauvais mais doit être arrangé, car trop resserré presque partout… »

En fait, cette remarque concerne tous les axes de circulation dans la région.

La plupart des villages devaient avoir des complaintes identiques, si bien qu'en 1801 le baron Dupin, préfet des Deux Sèvres, fera voter un budget de réparation des voies de communication à l’usage de chaque canton :



En janvier 1801 (6 pluviôse an IX), Vien, devenu depuis peu maire de La Foye, fait paraitre un décret :

« En application de la loi et l’arrêté du conseil du département, les chemins doivent avoir un minimum de 15 pieds de large (4,8m). Ceux qui veulent clôturer leur terrain doivent laisser la moitié de la largeur de chaque côté. Les propriétaires doivent détruire les arbres et buissons, et élaguer les branches qui gênent le passage des voitures et voituriers. Les murs et fossés de clôture doivent également respecter ces distances et, avant tout alignement, il faut l’aval du maire. Il est aussi interdit aux fermiers de déposer de la terre sur les chemins ou d’en enlever les pierres. Les laboureurs ne doivent pas y conduire le soc de leur charrue, ce qui peut les rendre impraticables… »

Mais après quelques mois, rien n'est fait. Au conseil, le ton monte : on contraint les propriétaires et riverains à nettoyer sous huit jours les côtés, et couper les branches sous peine d’amende. C'est la mi-juin et la période est favorable. Pour s'assurer de la bonne marche des choses, le maire se propose de parcourir les chemins avec son adjoint afin de marquer les arbres qu’il faut abattre.




L'entretien des chemins sera une bataille permanente. Pendant plus d’un siècle, les registres de la mairie relateront les constations, décisions, ainsi que les difficultés de financement.

Au début du XIXe siècle, la généralisation des voitures à chevaux poussera à leur élargissement et réalignement. La plupart des notables ont à présent leur attelage et l’on craint que le mauvais état des chaussées ne génère des accidents.

Le 27 août 1821, la municipalité demande à revoir l’alignement des murs et des fossés. Toute réalisation de travaux nécessite désormais l'approbation préalable de la mairie.

C’est pourquoi, dès le mois suivant, Marie Guitteau, une habitante du bourg, jeune femme récemment veuve d'André Alleau, comparait devant le maire. Elle dit posséder un toit sur le chemin qui conduit de la Fiole au Grand-Bois, et qu'un mur de soutient du toit, en bordure du chemin, s'est effondré. La brèche ainsi créée laisse la propriété entièrement ouverte, ce qui lui fait craindre pour sa sécurité et celle de ses deux filles en bas âge. Elle souhaite naturellement qu’il soit relevé au plus tôt. Mais comme souvent dans ces cas là, la situation s’avère complexe : une partie du mur, qui supportait un bâtiment rempli de foin, appartient à Jean et François Marchand. Le maire Hippolyte Manceau doit se rendre sur les lieux accompagné du garde champêtre Pierre Bonneau, afin de déterminer l’alignement pour la reconstruction.

Le mois suivant, en septembre, Manceau explique qu’il souhaite pour sa part creuser un fossé le long du chemin de Beauvoir au lieu-dit « Le Renfermis ». Cette fois-ci, c’est son adjoint Augustin Rondeau, toujours accompagné de Bonneau, qui se déplace pour convenir de l’alignement du fossé. Il est précisé qu’il faudra que les Nourrigeon, Rimbaud et Maréchal, qui sont propriétaires riverains, cèdent de quoi élargir le chemin à la largeur réglementaire (qui est passée à 6 mètres). Un peu plus loin, on demande à Mathurin Simonet de se conformer aux mêmes règles.

Mais tout le monde n’applique pas les consignes. Le 20 du même mois, le maire dresse un procès-verbal à Pierre Géoffriau, l'ancien garde champêtre de la commune, qui a commencé à construire un mur et ouvrir une porte de son bâtiment qui donne dans la rue principale, à l’endroit où elle est la plus étroite. Il lui interdit de continuer tant que le préfet n’aura pas donné son autorisation. Il lui donnera par la suite l’alignement du mur de jardin qu’il veut reconstruire (et qui se situe sur le bout du chemin qui part de la grande rue au chemin qui traverse le bourg et ensuite à Ussolière).

Ce règlement concernant les alignements restera longtemps en vigueur. Deux ans plus tard, en 1823, un procès-verbal d’alignement est donné à Pierre Hélie Giraud de la Montagne, un docteur en médecine habitant le bourg, concernant le mur qu’il veut reconstruire au bout d’une vigne à La Rebergerie, ainsi qu'un autre sur le chemin conduisant à La Rochénard et un troisième à La Follette.

Mais l’état des rues est tout aussi préoccupant. C’est surtout à la mauvaise saison que toutes les rues du bourg sont dans un état déplorable, et chacun s’en plaint... mais compte sur les autres pour faire le travail !

Sous le premier Ier Empire, le maire Vien demandera à plusieurs reprises à tous les habitants, locataires, propriétaires et fermiers, de nettoyer leur portion de rue ou chemin et d’évacuer boues, pierres ou branches, comme ici en septembre 1809 :

 « Nous, maire de la commune de La Foye-Monjault, considérant que toutes les rues de ce bourg sont remplies de boue, laissant à peine le pouvoir de passer sans remplir les sabots et souliers, que la plupart des habitants récurent ces rues sans remplir les excavations et trous de pierres, et que même ils laissent ces boues enlevées le long des maisons, ce qui cause des exhalations nuisibles... Considérant que les différents avertissements donnés publiquement n’ont servi à rien… Enjoint à tous les habitants, propriétaires et fermiers ou locataires, de récurer dans les 24 heures toutes les rues du bourg, des villages ou hameaux, et transporter les boues sur les terrains, de nettoyer le bord des maisons en enlevant boues, fumier et matériaux, de remplir de pierres les trous à leur frais, afin que toute voie publique soit libre… Enjoint les propriétaires de couper et enlever sous trois jours, les branches d’arbres qui penchent sur les chemins... Ceux qui ne se conformeront pas aux présentes dispositions seront poursuivis et condamnés à l’amende, et cités au tribunal de police… »

Malgré cela, cette situation perdurera jusqu’à ce que les rues soient goudronnées, c’est-à-dire dans la première moitié du XXe siècle. C’est ce que montre cette carte postale de la rue de la Mare dans les années 20 :



Les grands travaux routiers

Quelques décennies plus tard, sous l’impulsion du Conseil général présidé par le préfet, la décision est prise d’améliorer le réseau de routes du département. Pour les grands axes, les frais pourront être partagés entre plusieurs communes. De plus, le préfet peut accorder une subvention, ce qui n’est pas négligeable. Mais pour cela, les chemins doivent d'abord être classés. La municipalité de La Foye fera tout son possible pour y parvenir : elle réunira régulièrement son conseil pour en délibérer, et poursuivra des démarches auprès du préfet, qui s’appuiera quant à lui sur le « service vicinal » pour les validations techniques des travaux.




Afin d'identifier les chemins classés, tous sont numérotés (ce que l’on voit sur les cartes) et définis par le nom des localités vers lesquelles pointent leurs extrémités.

En juin 1848, on reconstruit ainsi le « chemin de grande communication » N°1, de Sauzé-Vaussais à Coulonges. C’est celui qui traverse le bourg en venant de Beauvoir. Pour cela, le maire Pierre Bonneau (maire provisoire qui ne siègera que cinq mois, de mai à septembre), achète à Jean Bernard, un cultivateur du bourg, un terrain de 3 ares et 70 centiares comme il est précisé dans le délibéré ci-dessous :



En avril 1872, on décide de refaire le chemin N°18 allant de Frontenay à Tonnay-Boutonne, et traversant le Puyroux, mais les propriétaires des parcelles devant être cédées se plaignent auprès du préfet d’un partage inéquitable, dû a un mauvais tracé effectué par ses agents :



Plus tard, en janvier 1878, on construit le chemin N°14 reliant Treillebois à Gript, puis à Niort :



En 1901, on décide de faire construire le chemin du Grand-Bois au Fenêtreau. On apprend dans le relevé en mairie que le tracé de ce chemin a été effectué par Mr Daigre, « agent voyer cantonal », à Beauvoir.

En 1913, c’est au tour du chemin du bourg vers Granzay-Gript.

Lors de la séance de juin 1912, la construction de ce chemin avait déjà fait l’objet de plusieurs discussions. Quelques mois plus tard, en novembre, le maire Arthur Birard avait réuni son conseil. Étaient présents : Édmond Laidet, Alphonse Boisselier, Alphonse Arnaud, Félix Garnaud, Gustave Favreau… Il avait fait remarquer que l’affichage en mairie n’avait pas généré de remarques particulières auprès des habitants, et, à l’unanimité, tous décidèrent de le faire élargir à 6 mètres « y compris les fossés et talus ». Mais n’ayant pas le financement nécessaire, la municipalité avait été contrainte de demander un emprunt de 4000 francs, couvrant la construction et l’entretien.

Toujours en 1913, on projette de construire le chemin de Treillebois à Limouillas, sans toutefois disposer des fonds. Plutôt qu’emprunter à nouveau, le conseil est d'avis de lever un impôt extraordinaire sur vingt ans, mais le conseiller Garnaud s’y oppose fermement. On relance donc une demande de subvention auprès du préfet, en souhaitant que les travaux puissent démarrer au plus vite.

L’entretien des chemins est très coûteux, ce qui pousse la municipalité à trouver les moyens qui lui font défaut par le biais de diverses stratégies. En septembre 1897, elle décide de vendre à Mr Proust, propriétaire du Bois de La Foye, les chemins qui le traversent. Dans la longue liste figurant sur le délibéré, on relève le chemin du Cormenier, celui de la Mirauderie au Fenêtreau et à Beauvoir, celui du Grand-Bois à Beauvoir et au Fenêtreau, le chemin de la Louve, etc. Il est précisé que l’acheteur devra les faire élaguer à ses frais, afin d’assurer la circulation publique. Mais le coût de l’opération s’avère sans doute trop élevé car, au final, Proust n’en achètera que quelques-uns.

En juin 1902,  Garnaud qui est devenu maire, constate : « le chemin de Beauvoir (route N°1 de Sauzé-Vaussais à Coulonges) est en très mauvais état sur tout le territoire de la commune. Il est même impraticable une grande partie de l’année dans la traversée du bois de la Foye. » Et pour financer la réparation, il décide d’augmenter les impôts locaux de 2 centimes « au principal des quatre contributions directes. » Il vote un budget de 130 francs pour l’achat de silex. En complément, il demande au préfet de lui accorder un secours.



Au début des années 1900, la circulation augmente et il faut élargir les chemins. En août 1904, la municipalité décide de faire élargir la route traversant le village (actuellement rue du Centre). Pour cela, elle rachète un bout de terrain appartenant à Jules Boyer pour un montant de 30 francs, et demande au préfet un secours du département afin de financer les travaux, en plus d'un crédit supplémentaire de 130 francs pour l’entretien.

Plus tard, en octobre 1908, Charles Sauvaget propose de céder un bout de son terrain pour élargir la rue passant devant chez lui. Mais en retour il demande à ce que le mur de clôture devant être détruit, soit reconstruit aux frais de la municipalité, ce qui sera accepté.

À partir de 1910, on voit arriver les premières voitures. Si les premiers modèles ne circulent encore qu'à 30 km/h, c'est déjà plus rapide que les chevaux et charrettes d'antan. La circulation automobile va vite nécessiter l'amélioration de la qualité des routes et des principaux chemins, et le conseil général proposera leur cylindrage.




Mais il faudra attendre la réforme de 1930, pour que, devant l'état très dégradé du réseau routier au lendemain de la Première Guerre mondiale et l'explosion de l'industrie automobile, l'État, constatant l'incapacité des collectivités territoriales à remettre en état le réseau routier, décide d'en prendre en charge une partie. L'article 146 de la loi de finances du 16 avril 1930 prévoit ainsi le classement d'une longueur de l'ordre de 40 000 kilomètres de routes départementales dans le domaine public routier national. En ce qui concerne le département des Deux Sèvres, ce classement devient effectif en octobre 1936.

C’est à partir du milieu des années 30, que l’apport des finances de l’État et la constitution d’entreprises de travaux publics vont permettre la création de véritables routes et leur goudronnage. Cependant le système des corvées durera jusqu’au début des années 50 pour les chemins communaux.



Au temps des corvées

Hérité du système appliqué sous l’Ancien Régime avec les corvées dues gratuitement par le paysan à son seigneur (le prieur à La Foye), l’entretien des chemins vicinaux entrainera, après la Révolution, l’obligation pour les habitants de fournir des journées de travail à certaines périodes de l’année.

Jusqu’à l’apparition d’un personnel dédié, les cantonniers, ce seront les chefs de famille et les riverains qui assureront ces corvées. Et chacun considérait que c’était un travail d’intérêt public, même si quelquefois l’utilité de cette obligation n’était pas toujours bien acceptée. Il fallait bien sûr qu’elles ne soient pas planifiées pendant les pics d’activité (moissons et vendanges), ni pendant les périodes de fortes intempéries, ce qui portait à de longues discussions au conseil.

Ces corvées étaient encadrées par la mairie pour faciliter leur organisation. On peut lire dans les délibérations : « Le conseil arrête que les réparations de chemins se feront aux jours et heures qui seront indiqués par avance par le maire. Il est donc établi une liste des habitants, avec d’un côté ceux qui devront charrier et répandre le sable et les cailloux avec leurs brouettes, et de l’autre ceux qui devront charrier les cailloux avec leur charrette. »



Chacun devait amener ses outils : pelles, pioches, râteaux et balais, et surtout les petits marteaux à casser les cailloux, emmanchés d’une tige de bois souple et résistant en noisetier ou frêne. De formes diverses, on en retrouve de temps en temps au fond des granges.



Dans les registres de la commune, on parle régulièrement de cette organisation des corvées :

14 mai 1818
Suite à la réception d’une lettre du préfet demandant la réparation des chemins de la commune, le conseil décrète un tour de corvée des citoyens et la réquisition des charrettes attelées pour transporter les pierres sur les points les plus urgents : « Chaque charrette à deux bœufs ou chevaux sera réquisitionnée deux jours pour voiturer les pierres aux endroits qui seront indiqués… »

1er mai 1821
Les hivers précédents ont été rudes, et il faut à nouveau réparer les chemins. On relance donc les corvées auprès des habitants. Les priorités sont les chemins de La Foye à Granzay, à Ussolière, à Mauzé et à Beauvoir. Le conseil propose d’utiliser la taxe sur le Bois de La Foye due au préfet pour financer ces travaux.

15 mai 1825
Le chemin qui conduit de Chizé à Mauzé, en passant par Beauvoir, doit être remis en état au lieu-dit du Bois de La Foye : il faut l’empierrer. Une subvention est réclamée au préfet pour l'extraction des pierres, en précisant que les journaliers et leurs charrettes s’occuperont de leur transport.

Le financement des travaux restera de tous temps un problème, les moyens financiers de la commune étant insuffisants. Dès le Ier Empire, une loi de 1805 précise que cet entretien peut être fait gratuitement par la corvée, ou bien en votant des centimes spéciaux en addition au principal des quatre contributions directes (taxes). Le conseil municipal pouvait donc voter l’une ou l’autre de ces mesures, ou au besoin les deux.

Mais les corvées gratuites étaient de moins en moins bien acceptées par les habitants. Dès lors, le financement par l’impôt s’imposait, même si celui-ci n’était pas non plus très populaire.

C’est ce principe qui sera réaffirmé dans la loi du 21 mai 1836, portant sur l’entretien des chemins vicinaux : les chemins légalement reconnus étaient à la charge des communes, et il était précisé que le préfet communiquerait chaque année l’état des impositions établies d’office par ses services.
C’est ainsi qu’à compter de 1837, le conseil municipal votera chaque année le budget vicinal de la commune et se prononcera sur les impositions extraordinaires à prévoir en conséquence.

Cette règle restera en vigueur pendant plus d’un siècle. L'impôt ainsi levé devait en principe permettre de payer ceux qui effectuaient les corvées, et, pour cela, un tarif journalier avait été établi. Avant sa mise en application, il devait au préalable être approuvé par la préfecture.

C’est ce que l’on voit dans la proposition ci-dessous adressée en mai 1835 au préfet par le maire Frédéric Théodore Marchesseau. Il propose 1,50 franc par journée de travail, 1,50 franc par bête de travail, bœuf ou cheval, et la même chose pour chaque journée de charrette. Ce tarif sera approuvé.




Jusqu'en 1857, le conseil adoptera ce principe de la seule imposition pour faire face aux dépenses d'entretien des chemins communaux. Puis l'année suivante, le conseil, dans sa délibération, ajoute le principe d'un nombre de journées de prestations en nature à fournir par chaque assujetti de la commune, sans toutefois préciser de combien de jours les habitants devront s'acquitter.

Plus tard, on officialisera ce tarif sous forme d’une « convention de prestations de tâches », comme ci-dessous dans cette délibération de 1879, où le maire Louis François Martin validera les tarifs du « service vicinal ».



Dorénavant chaque contribuable recevra du service des impôts un avertissement, demandant soit d’acquitter directement la somme demandée, soit de fournir la prestation en nature, comme ci-dessous sur les documents envoyés à Alexandre Boyer, demeurant au bourg. Sur le second document, il est précisé la tâche à réaliser :





En 1923, on nomme deux conducteurs de travaux pour encadrer les journées de corvée, qui continuent : Jean Papineau au Grand-Bois, et Jean Simonet à Treillebois. Le prix de la journée est fixé à 1,25 francs.

Les cantonniers

C’est sous l'impulsion de Napoléon qu’en 1811, un décret du 16 décembre prévoit de diviser les routes en cantons dont les limites correspondent aux relais de poste. Les travaux seront confiés à des cantonniers qui seront des maîtres de postes ou des petits entrepreneurs locaux. En 1816, les cantonniers deviennent des agents des municipalités qui sont en charge de l'entretien des chemins vicinaux.

Le travail du cantonnier était un vrai travail de forçat qui consistait essentiellement à casser des cailloux et déblayer les routes de tous détritus et autres encombrants, pour un salaire dérisoire…


Sa semaine de travail au XIXe siècle était de 78 heures. Du 1er avril au 1er octobre, il commençait à 6h du matin pour finir à 7h du soir. Le reste de l'année, il travaillait du lever au coucher du soleil.




Dans le Livre du Cantonnier de 1882, on lit qu’il doit se procurer à ses frais la quasi-totalité de ses outils, qu’il doit emporter avec lui « une brouette, une pelle en fer et une en bois, un outil dit tournée formant pioche d’un côté et pic de l’autre, un rabot de fer, un rabot de bois, une pique en fer, une masse en fer, un cordeau de 10m de longueur, trois nivelettes et une canne graduée. » De plus les réparations doivent être effectuées hors du temps de travail chez le maréchal ou le charron.

Il fallait toujours rapiécer le revêtement des chemins, nettoyer les accotements, faucher les talus, faucarder et curer les fossés…  Et il y avait sans cesse des ornières qui se creusaient, des trous qui s'approfondissaient.

Selon la saison, le cantonnier balayait les mottes laissées par les charrues, étalait dans les « nids de poule » les cailloux qu’il avait au préalable cassés en petits morceaux, ou curait les fossés en prévision des pluies. Les pierres étaient fournies par les paysans qui les avaient déposées en tas au bord des chemins lors des travaux des champs. Les trous rebouchés, le cantonnier tassait les reprises en roulant dessus un cylindre à avoine. Le cheval était prêté par un paysan complaisant.


Un des premiers cantonniers dont nous avons retrouvé la trace à La Foye est Jacques Bouin, né vers 1818 et employé par la municipalité dès 1848. Plus tard, en 1895, les registres mentionnent aussi Jacques Pérochon.

En février 1911, un délibéré nous apprend qu’ils sont à présent deux : Félix Géoffroy et Gaston Chuteau. Leur salaire mensuel est fixé par l’agent voyer cantonal à 50 francs. Le budget de 1914 fixe les dépenses pour ces deux salaires à 600 francs et prévoit les dépenses de travaux à hauteur de 450 francs.



Il semblerait qu’après la Grande Guerre la commune n'employait plus qu’un seul cantonnier. Dans les registres de 1921, le conseil se plaint que la réfection des chemins ait pris beaucoup de retard, et on impute ce fait à la négligence et « au mauvais vouloir » du cantonnier communal. Son nom n'est pas connu, mais on rapporte que malgré les nombreuses observations qui lui ont été présentées, il n’a jamais rien fait pour donner satisfaction. Il répondait à chaque fois : « Cherchez un autre cantonnier si vous n’êtes pas satisfait ! » Excédé, le conseil décida d’en recruter un autre.

Est-ce depuis cette époque que, sur le ton de la blague, des gens du village prétendaient volontiers qu'un cantonnier « n'avait de corne qu'au menton à force de rester arcbouté, des journées complètes, du matin au soir, sur le manche de son outil ? » Ce à quoi d’autres répondaient : « Ceux qui racontent ce genre de sornettes en abattent souvent moins que ceux qu'ils se plaisent tellement à critiquer... » Cette réputation perdurera en tous cas longtemps.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le conseil décide d'augmenter leur salaire de 200 francs par mois (dès juillet 1943).

Plusieurs se succéderont pour entretenir les rues et chemins de la commune… Une figure célèbre au village sera Gabriel Bichon (1908-1975), conducteur du célèbre tracteur Brutus lors des battages, avec son collègue Marcel Briffaud. Dans un délibéré de 1961, on apprend que le salaire de ce dernier est de 11,58 francs pour le mois de novembre (mais ce sont à présent des nouveaux francs).

Dans les années 70, il y aura aussi Marcel Ravelleau et Henri Souchet. Né en Vendée, ce dernier fut d'abord ouvrier agricole, puis ouvrier à l'usine Rougie à Niort, avant d’être finalement embauché comme cantonnier à La Foye. Ce fut un personnage très apprécié que tout le monde connaissait.

Il sera succédé par Claude Cacault et Paul Bonnin.

Puis plus tard au milieu des années 80, on créera un groupe d’agents communaux. De nos jours, la commune emploie Bruno Bodin assisté de deux collègues. Ils sont équipés de matériel beaucoup plus moderne et d’engins de chantier.

Répertoriage de 1995

C'est en 1995, sous le mandat du maire Pierre Hervé, que furent répertoriés et nommés les chemins ruraux de la commune, à l'occasion d'une subvention de la préfecture en vue de leur rénovation. Pour en savoir plus, voir cet article, qui comprend une carte détaillée des chemins.


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