Ce soir on joue « aux fouaces »



Remerciements à l’équipe de Fayais qui fit paraitre chaque mois pendant trois ans (d’octobre 1994 à septembre 1997),  le Petit Journal, constitué de quelques feuilles parlant de la vie au village, en relatant bien sûr quelques anecdotes savoureuses. Voici l’histoire d’une tradition bien ancrée dans notre région : le « tirage des fouaces ».

La tradition

Très vivante dans tout l’ouest de la France, on ignore à quand remontent les origines de la fouace. Au Moyen-Âge, ce gâteau était si populaire qu’il avait donné naissance à la corporation des fouaciers.

Au XVIe siècle, François Rabelais (1483-1553), parlait des fouaces dans son roman Gargantua ou la Guerre Picrocholine, se déroulant sur fonds de paniers de fouaces subtilisés... Il disait de la fouace : « C’est une nourriture céleste quand elle est fraîche et se mange avec des raisins », et qu’elle est « faicte de fine fleur de froment délayée avec beaulx moyeux d’œufs et beurre, beau safran, belles espices et eau ». Et il racontait aussi que le jeune Gargantua mangeait sa fouace sans pain.

Mais il faut savoir qu’un peu partout à cette époque, la fouace n’était qu’une galette de fleur de froment non levée, une sorte de brioche en forme de galette, cuite autrefois sous la cendre, dans le foyer d'où ce nom de fouace. L’étymologie du mot vient de focacius (cuit sous la cendre), venant lui-même de focus (foyer).


Cette galette avait la réputation d’être très bourrative, et il fallait boire « moultes coupes » pour la faire passer. Ce n’est que bien plus tard que l’on y rajoutera du beurre et des œufs pour la faire ressembler à une brioche.

Au fil des ans, la fouace s’est répandue dans toute la France. Aujourd’hui on la trouve en Touraine, à Nantes, en Bourgogne, en Provence, en Languedoc, et en Roussillon. Dans les provinces méridionales, on y incorpore des lardons frits et on la connaît sous le nom de fougasse. 

Après-guerre dans le Poitou, il y avait des marchands de fouaces venus de Neuville-du-Poitou ou de Migné-Auxance, qui se tenaient le dimanche à la porte des églises et aux carrefours. 

Dans notre région, on vendait des fouaces dans les foires, assemblées ou ballades qui étaient organisées un peu partout. Et il était de rigueur de rapporter de la foire aux enfants sagement restés à la maison. une fouace, une feuille de macaron ou un pochon de berlingots, ce qui constituait leur « part de foire ». 

Et le premier janvier, la coutume était de tirer les fouaces. Pour l’occasion le boulanger (le fouacier) glissait une fève dans un des bords du gâteau. On le présentait aux jeunes en leur demandant de choisir une part. Ceux qui avaient tiré la fève devaient payer la fouace. De nos jours cette tradition perdure au mois de janvier avec la galette des rois. 

À La Foye

Pendant des siècles, les fouaces furent servies lors des fêtes, et souvent offertes comme récompense lors de jeux. 

On relate qu’à La Foye la tradition de jouer aux fouaces remonte à 1870, et que depuis cette date les habitants ont pris l’habitude d’y jouer lors des fêtes de fin d’année, en se réunissant chez les uns ou les autres, ou bien naguère dans les auberges du village. C’était en fait une manière de passer le réveillon dans une ambiance chaleureuse, et il est vrai que les rasades de vin chaud y aidaient beaucoup, les dames se contentant, elles, d’un bon café. 

À Treillebois :
On raconte qu’il y avait jadis deux cafés, et que le soir de Noël et de la Saint-Sylvestre, on se pressait autour des tables recouvertes de toile cirée, pour jouer aux fouaces jusqu’à tard dans la nuit. 

Jusqu’à la fin des années 40, on se retrouvait au café Misbert qui était situé au bout de la rue de la Ballade, nommée ainsi en souvenir des nombreux bals sous tivoli qui s’y tenaient. 

À la fermeture, la tradition reprendra de plus belle dans les années 50 sous l’impulsion de Pierre Hervé. Celui-ci possédait une petite maison en face de chez lui au centre du village, surnommée « La Villa ». Une table et quelques chaises, et l’on s’y retrouvait les week-ends pour faire la fête. Sur le mur du fond, un fils Arnaud, parti à Paris comme peintre-décorateur, y avait peint, lors d’un séjour en vacances, une fresque en hymne au vignoble, et qui avait été appelée « Chez Bachus ». 

Cette tradition du jeu des fouaces perdurera jusqu’à la fin des années 1980, ce que confirmera le journaliste Yves Ferré dans une édition de La Nouvelle République du mois de janvier 1985. Il y écrivait que « la tradition ne survivait qu’à Treillebois le soir du réveillon ». 

Au fond, Pierre Hervé et son tas de fouaces.
Derrière lui , le décor « Chez Bacchus ».

En souvenir de cette joyeuse époque, l’équipe du Petit Journal organisera en 1996, le 28 décembre, une soirée fouaces dans la salle socio-culturelle du bourg de La Foye. Pour l’occasion, monsieur Billier, un ancien boulanger-pâtissier de Chizé, leur avait préparé des fouaces (c’est ce boulanger qui pendant des années avait fourni Treillebois). 

Mais ce soir-là, le froid sibérien qui s’était abattu sur toute la région en découragera plus d’un, et ils ne seront que quelques joueurs à venir. Ce qui n’empêchera pas une ambiance chaleureuse, les cartes s’abattant sur les tables et les fouaces passant de joueur en joueur. Et l’on raconte que certains étaient repartis avec douze fouaces. Ils avaient bon appétit !

Au premier plan, Marie-Claude Arnaud.

Pour retrouver ce bon moment, une nouvelle fête aux fouaces sera organisée le dimanche 12 janvier 1997. La presse se fera l’écho de cet évènement. Pierre Hervé (ci-dessous au premier plan), et son épouse à coté, en seront des participants acharnés. 

Article de La Nouvelle République, de janvier 1997.

Le jeu des fouaces

Ce jeu ressemble un peu à une partie de belote, et les règles sont très simples :
  • Chaque table réunit au minimum cinq joueurs (chacun disposant d’au moins une fouace à mettre en jeu).
  • Il faut un jeu de 32 cartes.
  • Après avoir bien mélangé le jeu, cinq cartes sont attribuées à chacun des joueurs (la distribution s’effectue par deux cartes, puis trois, ou inversement comme à la belote).
  • La valeur des cartes est, du plus fort au plus faible : Roi, Dame, Valet, Dix, Neuf, Huit et Sept.
  • Une fois les cartes distribuées, la personne qui a distribué détermine la couleur de l’atout en tirant une carte sur le dessus du talon. 
  • Le jeu peut alors commencer, les règles étant alors les mêmes qu’à la belote :
  • Chaque joueur mise une fouace et la met au centre de la table.
  • Le joueur qui a remporté le plus de plis gagne la partie et prend une fouace au centre. Lorsqu’il n’y a plus de fouaces au centre la partie est terminée.
  • Lorsque des joueurs ont le même nombre de plis, c’est celui qui a fait le premier pli qui gagne.

La recette des fouaces du Poitou

Il en existe autant que de villages dans cette partie du sud Poitou. Mais de nos jours, c’est en règle générale une galette composée d’eau, de farine, de matière grasse, d’œufs, de sel, de levain, de levure, et de fleur d’oranger pour parfumer le tout.

Une des variantes est la fouée, une petite boule de pain cuite au four et fourrée encore chaude de rillettes, de grillon, de champignons, de mogettes ou de beurre, selon les régions. Issue de l'ouest de la France (Touraine, Saumurois, Poitou, Charentes) elle est plus connue sous le nom de fouace...


Encore aujourd’hui la tradition perdure !

La petite ville de La Mothe Sainte-Héraye, au nord des Deux-Sèvres, s’enorgueillit d’être la Mecque de la vraie fouace. Depuis 1983, une confrérie entretient la tradition, forte aujourd’hui de ses 156 membres. Ils se réunissent chaque année, habillés de robes colorées (couleur fouace bien sûr), ainsi que de chapeaux carrés qui rappellent le fameux chapeau de Rabelais. Et lors de ces cérémonies, ils intronisent de nouveaux membres en prononçant les mots : « Au nom de Rabelais, de Saint-Honoré, patron des boulangers, de Dionysos, dieu du vin, et de Curnonsky, prince des gastronomes, je te fais ambassadeur de la confrérie de la Fouace ».


En retour ces derniers prononcent leurs vœux : « Je m’engage aujourd’hui jusqu’à mon dernier souffle à faire connaître, taster, gouster et manger moult fois à mes proches, et par delà les frontières de mon territoire, et en toutes occasions, ripailles, circonstances de la vie, cette fouace fleuron de notre Pays Mothais. » (Extrait du Serment de Compagnon) 


Ensuite toute l'assemblée entonne alors l'hymne à la fouace : « Amis fouaçous, faut la bouffer sans rechigner, gave la goule des compagnons, car ils aiment ce qui est bon. »

---

Pierre Hervé, une des figures du pays


Jeune, et lors de son mariage.
Pierre dans sa maison à Treillebois,
avec sa fille Anne.

---

3 commentaires:

Unknown a dit…

Bravo Bravo Bravo!
Super tous ces souvenirs de La Foye Monjault.
juste une petite erreur au niveau (des fouasses) la dernière photo, c'est bien Pierre HERVE mais avec sa fille ANNE et non Denise sa femme.
ENCORE BRAVO! Et je n'ai pas tous vu…
Geneviève L.

André a dit…

Merci Geneviève ! C'est corrigé pour la légende. Bonne lecture, André.

Jean-Jacques MERLET a dit…

Geneviève,

Il me semble que vous avez de nombreux souvenirs sur ce village. Si vous n'habitez pas trop loin, et s'il vous est possible de nous les raconter, ce serait avec plaisir que l'on se rencontre pour remémorer la vie des habitants.

Jean_Jacques Merlet (06 20 57 38 16). J'habite La Foye.