Témoin d'une transition :
la bascule communale

Dans les dernières années du XIXe siècle, avec la disparition des vignes, l'agriculture était devenue l’activité principale du village. Il fallait désormais vendre ses récoltes et son bétail pour gagner sa vie. Les paysans faisaient aussi commerce de la paille, du fourrage et du grain qu'ils avant en surplus. À cette époque, les bouchers leur achetaient directement leurs bovins. Et comme la vente se faisait au poids, il fallait au préalable peser les marchandises. 

Le 10 juillet 1898, répondant à la demande de plusieurs habitants du village, le maire Félix Garnaud et son équipe municipale décidèrent alors, à l’unanimité, de faire installer une bascule communale. 

Celle-ci sera construite au bord du champ de foire, en face de la mairie. Elle entrera en service au début de l’année suivante, en 1899. Sur ces cartes postales datant des années 1920, on peut la voir au premier plan :



La plateforme ou « tablier », d’une longueur d’environ 7 mètres, était faite de lattes en bois. Elle était installée sur un bâti, situé au-dessus d’une fosse qui avait été au préalable creusé afin d’y loger un système complexe de leviers constituant les mécanismes de pesée. Ceux-ci étaient reliés à une bascule en métal qui permettait d’effectuer la mesure à l’aide de poids ronds, que l’on bougeait sur une barre horizontale jusqu’à obtenir l’équilibre. Celle-ci était protégée sous un petit appentis construit à cet effet.


La bascule ne pouvait pas peser plus de 10 tonnes de chargement. Placée sous l’autorité communale, elle était étalonnée et validée par le vérificateur des poids et mesures dépêché par la préfecture, qui venait chaque année vérifier son exactitude avant d’apposer poinçon.

Les pesées devaient être effectuées par un agent assermenté, généralement le garde-champêtre. Le même devait au préalable régler la bascule. Pour ce faire, il ajoutait ou retirait des petits cailloux qui servaient de contrepoids sur le plateau. L'agent recevait la moitié du prix de toutes les pesées (fixé au départ à 50 centimes chacune). 

Les charrettes s’avançaient sur le tablier en bois pour la pesée de leur chargement. Le peseur remplissait à l’aide d’un porte-plume ou d’un crayon à papier, le ticket en faisant la soustraction entre le poids total en charge et la tare, ce qui donnait le poids net du chargement.

Cette opération était aussi l'occasion de partager les dernières nouvelles et, le temps de la pesée, chacun y allait de son commentaire.

Les tarifs

En décembre 1898, le conseil publia les tarifs dans un décret, et demanda l’approbation du préfet pour leur mise en application au 1er janvier suivant :
  • 0.25 fr par tête pour les veaux, moutons, porcs et 0.10 de plus par tête pour plusieurs animaux de même catégorie dans une même pesée ;
  • 0.50 fr par tête pour les vaches, bœufs, chevaux, et 0.25 en plus par tête si plusieurs en même temps ;
  • 0.50 fr pour les pesées de 1 à 750kg de denrées ;
  • Et propose d’allouer 0.25 fr par pesée à l’employé de la bascule.
En octobre 1913, le maire, Arthur Birard jugea les coûts d’entretien de la bascule trop élevés : les pesées étaient une opération non rentable pour la commune. En conséquence le conseil décida de faire jouer la concurrence et approuva le principe d’une mise en adjudication. Il fixa à 0.25 fr par pesée le budget maximum à allouer pour financer cette dépense. Le principe d’une remise en adjudication serait reconduit chaque année.

On publia ensuite un cahier des charges stipulant que la bascule devrait toujours être entretenue dans le plus parfait état de propreté, et qu'un nettoyage complet serait effectué chaque semestre. En cas d’absence, le préposé se ferait remplacer à ses frais…

Mais la guerre allait bouleverser l'organisation des équipes municipales. En octobre 1914, le préposé aux pesées ayant été mobilisé dès les premiers jours du conflit, le dénommé Octave Migaud est nommé garde champêtre adjoint et assigné aux pesées. Il reçoit 20 francs de la municipalité en 1915, puis 10 francs d'indemnité annuelle. En 1916, il touchera un total de 90 francs.

En 1923, le conseil réévaluait le tarif des pesées : 
  • Jusqu’à 500 kg – 0.70 fr
  • De 500 à 1000 kg – 1 fr
  • De 1000 à 1500 kg – 1.20 fr
  • De 1500 à 2000 kg – 1.50 fr

Mais au final, la pesée continuera à être une charge pour la commune. Dans une réunion du conseil, fin 1939, le maire Léonce Géoffriau résumait ainsi la situation : « Les recettes procurées par les pesées à la bascule communale ne compensent pas les dépenses occasionnées par la mise en service de la bascule… ». 

En vue d'y remédier, il soumit au préfet un nouveau tarif pour approbation et application au 1er janvier 1940 :
  • Pesées au-dessous de 1000 kg : 4 frs
  • Pesées de 1000 kg et au-dessus : 5 frs

Le texte précisait que « ... la moitié des produits des pesées sera versé à la préposée Espérance Pommier ».

La bascule sera en fonctionnement jusqu’à la fin des années 50. Désaffectée par la suite, elle restera néanmoins en place pendant plusieurs décennies. Avec le temps le plancher se dégrada, révélant la structure métallique sous-jacente ainsi que les câbles. Les enfants allaient y jouer en sortant de l’école, ce qui finit par inquiéter le conseil municipal. 

Au début des années 1990, le maire Michel Canteau prit finalement la décision de la faire démonter et de reboucher la fosse.

Documents annexes


Délibérations du conseil municipal de la séance du 10 juillet
portant sur les réparations de la mare et l'installation d'une bascule communale.

Procès verbal de 1899 : pour le financement de sa construction,
le maire a utilisé une partie de l’emprunt de 4,350 francs
qu’il avait contracté auprès du Crédit Foncier.

Fixation des tarifs par le maire Garnaud.


---

Aucun commentaire: