1576 : Collecte des décimes
à La Foye-Monjault

L'acte avait été préalablement écrit en laissant des blancs qui furent comblés après coup,
d'une ancre qui a moins résisté au passage des siècles. Signe d'un arrangement conclu
à la dernière minute, après consultation avec le notaire ?


Acte relatif à la collecte des décimes, passé chez Me BRISSET et MULLET à Niort le 19 février 1576.

Communiqué par Stéphane DALLET.
Transcription de Jean Dominique PELLEGRINI.

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Texte


René ROUSSEAU, sieur de la Parisière, 

Promets par la présente à Noël GAUDE, Michel PANIER et Pierre SEILLÉ, fermiers, par transport à eux fait par Henry CAPPEL, fermier judiciaire du prieuré de la Foye-Monjault, les faire décharger entièrement et rendre indemnes par Jean ROBIN, marchand demeurant […] selon le contrat aujourd’hui fait entre lesdits GAUDE, PANIER et SEILLÉ d'une part et ledit ROBIN, d’autre, reçu par MULLET et BRISSET, notaires royaux en cette-dite ville de Niort, de toutes les charges, clauses et conditions portées par le bail à ferme dudit prieuré, fait pour cette présente année audit CAPPEL, et faire audit ROBIN observer, garder et entretenir, toutes et chacune des clauses, promesses et obligations contenues par ledit contrat, soit en regard des sommes et deniers y contenus que autres portions (?) et convenances quelconques et promets en mon nom privé payer lesdites sommes tant audit GAUDE PANIER et SEILLÉ, qu'à Me Pierre JOLLY, receveur des décimes à Saintes, et accomplir toutes les autres promesses et obligations contenues audit contrat par ledit ROBIN sans que lesdits GAUDE PANIER et SEILLÉ soient tenus s'en adresser audit ROBIN, ce que toutefois ils pourront, ou à l'un de nous, sans discrétion [distinction] ni division, autrement n'eussent lesdits GAUDE PANIER et SEILLÉ fait ledit transport audit ROBIN, lesdits GAUDE PANIER et SEILLÉ stipulant et acceptant ce que dessus, en témoin de quoi j’ai signé la présente de mon [seing] et fait signer aux notaires et tabellions royaux souscrits à ma requête à Niort le 19ème jour de février l'an 1576.

Signé : ROUSSEAU, BRISSET, MULLET.


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Lecture et commentaires


L'acte est passé le 19 février 1576, durant la cinquième guerre de religion (allant du printemps 1574, avec le complot des Malcontents, à l'édit de Beaulieu en mai 1576).

Quelques jours plus tôt, le jeune Henri de Navarre, futur Henri IV, était parvenu à s'échapper de la cour où il était retenu prisonnier. Prince de sang, il avait survécu aux massacres de la Saint-Barthélemy (1572), s'était converti par contrainte au catholicisme, puis avait pris part au complot des Malcontents, échappant de peu à la peine de mort.

Cet acte relate un épisode de la collecte des décimes, impôt royal perçu sur les revenus du clergé. Souvent collecté en support du don gratuit, il pouvait aussi l'être en conséquence d'évènements graves, comme ici les guerres de religion, qui autorisaient des levées exceptionnelles sur les biens de l’Église.

Sous l'ancien régime, la paroisse de la Foye-Monjault était à la fois une seigneurie et un prieuré, qui dépendait des bénédictins de l'abbaye de Montierneuf. Les villageois payaient donc des impôts locaux comme la dîme et le terrage au prieur, abbé châtelain du lieu.

À l'origine, le prieur résidait au monastère situé au centre du village. Mais dès 1471, avec Jean de Châteauneuf, ces derniers devinrent abbés commendataires, résidant à Poitiers ou à Paris. Il déléguèrent alors leurs fonctions religieuses au curé, et la gestion de la collecte des impôts à des fermiers généraux.

L'acte laisse à penser qu'il existait une hiérarchie entre les collecteurs, avec en premier lieu Henri CAPPEL, fermier judiciaire, lequel supervisait Noël GAUDE, Michel PANIER et Pierre SEILLÉ, fermiers subalternes responsables de la collecte sur le terrain.

En assumant que le système de collecte des décimes était similaire à celui de la taille, les collecteurs devaient avancer les sommes dues aux autorités concernées [1], s'ils en avaient les moyens, ou en tout cas s'engager formellement à payer lesdites sommes. Ils contractaient dès lors une dette. À eux de recouvrir ensuite les sommes dues avec une plus-value. Lorsque l'argent ne rentrait pas à temps, ce qui était presque toujours le cas, il fallait trouver des avances ailleurs. On s'appuyait alors sur des notables et des marchands, comme ici René ROUSSEAU et Jean ROBIN, en concluant des arrangements consignés par acte notarié.


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Note
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[1] Représentées ici par Me Pierre JOLLY, notaire à Saintes. Lui-même devait dépendre à cette date de l'administration de Philippe de Castille, receveur général des décimes de 1575 à 1602. On relève aussi qu'en 1579, « les députés des provinces ecclésiastiques réunis à Melun s’engagèrent par contrat à lever pendant six ans la somme de 1 300 000 livres, destinées à payer les 1 206 322 livres de rentes établies par le roi sur l’Hôtel de Ville de Paris, pour donner au roi le temps de les racheter. Si au bout de ces six années le roi n’avait pas payé ses dettes, il autorisait une nouvelle assemblée… qui se tint effectivement en 1585 et renouvela le contrat de Melun » [source : Décime, Wikipédia].   [<-]




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