Le Théâtre

En 1898, la municipalité de La Foye décida de créer des cours d’adultes afin de lutter contre l’illettrisme. La plupart des jeunes gens du village et quelques parents y furent inscrits. Pour animer cette formation dispensée par les instituteurs du village, une troupe théâtrale fut créée. Elle eu rapidement du succès, les distractions étant rares à l’époque.


Sur l’affiche de cette représentation d’avril 1903, on retrouve les noms de familles bien connues de l’époque : Riffaud, Migaud, Bonnin, Sauvaget, Geoffriau, Barbaud, Delage, Druet, Canteau…


La JACF

En 1929, l'Union Catholique de la France Agricole fonda au niveau national une association : la JAC (Jeunesse Agricole Catholique), ayant pour but d'évangéliser les campagnes et d'améliorer les conditions de vie des jeunes paysans. Comme beaucoup d'associations de jeunesse catholique (comme les scouts), la JAC n'était pas mixte à cette époque, c'est pourquoi la JACF (Jeunesse Agricole Catholique Féminine), fondée peu de temps après 1933, poursuivit une action similaire auprès des jeunes filles.

À la Foye, sous l’impulsion du curé Métois (en poste de 1912 à 1953), et d’un certain nombre de paroissiens, une section de la JACF fut créée. Elle réunissait une grande partie des jeunes filles du village.

Il y avait bien sûr la préparation et participation aux fêtes religieuses, mais aussi la constitution d’une troupe de théâtre.


La nouvelle salle de théâtre

En 1939, il y avait à La Foye toute une bande de jeunes qui s’entendaient bien, et dont les parents se fréquentaient régulièrement.

La mode était alors au théâtre, et il leur était venu l’idée de créer une salle dédiée. Le maire d’alors, René BERLOUIN, de sensibilité communiste, ne voulait pas dépenser pour une œuvre catholique. C’était la guerre entre la mairie et l’église. C’est pourquoi Mme BENOIST, une femme toute petite, propriétaire de l’ancien prieuré, donna un bout de terrain faisant partie de son jardin pour les jeunes de la paroisse. Le don fut fait à l’évêché ; puis celui-ci en fit don à la commune pour un franc symbolique.

Plusieurs familles s’allièrent pour financer et construire une salle. Parmi elles, il y avait les Bodin, Prunier, Racaud, et Druet… Les hommes avec Antoine COUTURAUD, Henri BROSSARD, Armand SAUVAGET, creusèrent les soubassements. C’était sur l’emplacement du vieux cimetière du village et beaucoup d’ossements furent trouvés, et, un peu plus loin, des crânes séparés [1]. Ils rejoignirent la fosse commune au cimetière.

Située juste à droite de l'église, la nouvelle salle de théâtre fut construite
en dépit d'un budget limité. La photo ci-dessus date de 2010, peu avant sa destruction.

Le bâtiment fut construit à l’économie. On éleva des murs en parpaings fabriqués sur place, et l’on acheta des tôles pour faire le toit.

Albert PRUNIER fit abattre des arbres à la Marzelle (alors propriété familiale au sud d’Usseau) pour fournir le bois de charpente. Celui-ci fut coupé à la scierie d’Antigny. Les charpentes, bancs, scène, furent fabriqués gracieusement par Antoine COUTURAUD. Et Fernand RACAUD fut en charge des décors. Il peignit un grand rideau avec décor de sous-bois (ce rideau fut récupéré et placé à la salle Monacalis, où il est encore visible actuellement).

La salle pouvait contenir jusqu’à 300 personnes. Elle sera inaugurée en août 1939, sous le nom de salle Sainte-Thérèse, quelques jour avant la déclaration de guerre.

À l’arrière on avait aménagé une buvette. On n’avait pas de licence pour vendre du vin, donc on servait du lait, du café ou du chocolat, et des gâteaux. Marie BODIN, d’origine Vendéenne, avait préparé des brioches qui s’arrachaient à l’entracte. La farine, les œufs et le beurre étaient fournis par les différentes fermes du village. Et Fernand RACAUD  épicier, fournissait le café. Les femmes servaient à la buvette, et tout le monde s’amusait.

Pour l’occasion on donna le ballet « Clair de lune »

La troupe du ballet

Les mères préparaient les costumes. Combien d’heures passées près des machines à coudre pour confectionner tous ces tutus…

En 1940, après la débâcle, la France est occupée par les soldats allemands. Ils mettent en place toute une série de mesures pour limiter sur le territoire la circulation des personnes et des marchandises, ainsi que le trafic postal entre les deux grandes zones. Celles-ci sont délimitées par la ligne de démarcation qui sépare la zone libre, où s’exerce l’autorité du gouvernement de Vichy, et la zone occupée par les Allemands.


Dès juin 1940, les troupes allemandes occupaient La Foye. Plusieurs soldats habitaient chez l’habitant. Il devint très difficile de se déplacer. Pendant cette période d’occupation qui durera 4 ans, les distractions étaient rares et le théâtre du village devint très populaire. On jouait à guichet fermé. Mais il fallait au préalable faire valider le contenu des pièces par la Komandantur qui se trouvait à Niort.

En 1940, on jouera une nouvelle pièce : « La Dette Sacrée »

La troupe de 1940. Devant : Line Racaud, Irène Prunier
Troupe masculine de la JAC de 1940.
La troupe de 1941. Devant, de gauche à droite : Suzanne Giraud (Roy),
Denise Chevalier (Chatelin), Irène Prunier. Derrière : Odette Boisselier,
Charlotte Druet, Lucienne Racaud (Morisset), Raymonde Boisselier.

À cette époque toutes les filles du village faisaient du théâtre. Il y avait deux troupes.

L’équipe des « jeunes »
La troupe des « grandes »

En 1941 sera joué « La Combe aux Oiseaux ».    


La troupe théâtrale en 1942. De gauche à droite: Denise Morisson, Line Racaud,
Irène Prunier, Charlotte Druet, Yvonne Bodin, Yvette Rossard, Paulette Gendron,
Marie-Joséphe Moreau, Marie Genais. Devant : Liliane Favreau, Michèle Morisson.
Et chaque année il y eut de nouvelles pièces. Malgré les restrictions, l’on put organiser quelques sorties, payées sur les recettes.

Sortie en forêt de Chizé
Dans le Marais poitevin
À Saint-Hilaire-la-Palud

À la libération, l’ambiance était à la fête. Pour « Fatima » qui fut jouée à l’automne 1946, la salle était pleine. Il y eu quatre représentations.

« Fatima » : Les danseuses
Paulette Druet et Line Racaud
Yvonne Bodin et Paulette Gendron
La troupe de la pièce « Fatima » : Derrière, de gauche à droite: Georgette Bonnaud,
Charlotte Druet, Line Racaud, Irène Prunier, Yvonne Bodin, Paulette Gendron,
Andrée Bouhet, Yvette Rossard,  Devant : Denise Morisson, Lydie Favreau,
Jeanne Genais (Mme Berry), Andrée Poizat, Solange Genais.


L’Après-Guerre

Après-guerre, les équipes de jeunes continuèrent à y jouer des pièces.

En 1947, la municipalité passa un accord avec un cinéma parlant qui venait tous les quinze jours. Il était géré par messieurs Bonneau et Gaillard de Niort.


On y passait des films récents avec Jean Gabin, ou même des westerns avec Garry Cooper et John Wayne. Il n’y avait pas encore la télévision et à chaque fois la salle était pleine les samedi soirs et dimanche après-midis.

Au cours des années 1960 et 70, le théâtre reprit de la vigueur au sein de la Société d’Éducation Populaire (SEP), qui regroupait de nombreux jeunes de la commune. Chaque hiver on y jouait plusieurs pièces à guichet fermé. 

1974 : la pièce « Georges et Margaret » 
1974 :  « La Farce de la Mort aux Rats » et « Georges et Margaret »
        En 1975, les pièces : « Drôle de Zèbre » et « On Demande un Ménage »       

À chaque fois, c’est un évènement qui est repris par la presse locale :


En 1976, les pièces «Noémie est un Trésor » et « La Peur d’Aimer »
Derrière, de gauche à droite: Marie-Claude Pommier, Alain Bodin,
Jean-Luc Moreau, Christian Berry, Patricia Alvès, Marie-Christine Bonnaud,
Caroline Alvès, Laurence Alvès. Au milieu : Joelle Moreau, Annick Briffaut.
Devant : Chantal Bodin, Annie Maret, Geneviève Moreau, Jean-Claude Loiseau,
Josianne Rouland, Françoise Berry, Marie-Claude Berry. 
Les spectateurs dans la salle Sainte-Thérèse.
La troupe de la pièce « Oscar » en 1977

« Oscar »
En 1978 : «Le Maître des Baumettes» et les «Deux Belles-Mères»
Derrière, de gauche à droite: Annick Briffaut, Laurence Alvès, Véronique Bodin
Devant : Françoise Berry. 
Derrière, de gauche à droite : Jean-Claude Loiseau, Jean-Luc Moreau, Alain Bodin
Devant : Marie-Claude Pommier, Joelle Moreau, Patricia Alvès,
Laeticia Alvés, Marie-Christine Bonnaud.

En 1979 :

Jean-Luc Moreau devant le décor peint par Fernand Racaud.



Line
Line RACAUD, la benjamine de Fernand, notre célèbre peintre, adorait raconter des histoires, surtout celles du pays où elle décrivait avec force détails et expressions en patois, quelques personnages hauts en couleur qui avaient vécu au village.

Lors des banquets ou mariages, elle se faisait prier (mais pas très longtemps !) pour raconter ces fables que tout le monde connaissait. Et lors des représentations théâtrales dans la salle paroissiale, elle était régulièrement sollicitée lors des intermèdes, comme sur la photo ci-dessous.


Certains anciens se souviennent encore du « pèlerinage à Lourdes » un conte mettant en scène les fidèles de la paroisse au temps du célèbre abbé Ganne, dans une expédition fort cocasse.


La fin d'une époque

Puis peu à peu, au début des années 80, avec l’essor de l’automobile et des mobylettes, les jeunes préférèrent sortir en bande les week-ends pour aller dans les bals des alentours. Ils abandonnèrent le théâtre. La salle Sainte-Thérèse ne servit plus qu’épisodiquement que pour les vins d’honneur lors des mariages.

Puis elle finit par être abandonnée.

Plus entretenue, elle tomba en désuétude. Menaçant de s’écrouler, elle fut rasée en 2015.


Le renouveau

Mais la fibre théâtrale n'était pas pour autant épuisée à La Foye.

En 1995, une nouvelle troupe fut créée par les parents d’élèves : « Les parentellis ».

Elle faisait des parodies de spectacles de cirques, et se déplaçait dans les communes environnantes et parfois bien au-delà (une représentation à Nantes).

À La Foye, elle se produisait dans l’ancienne salle des fêtes qui se situait dans les anciennes halles du village (restaurant le Rabelais).

Puis en 2011, cette association se transforma en « Amithéa ».

En 2012 la première pièce fut « L’Amour du blé »


Et depuis, chaque année en avril, une nouvelle pièce est jouée. Elle se joue à guichet fermé et l’on y rit beaucoup.

Le décor de l’Auberge du Carmel


En 2019 :




Les acteurs après la répétition autour de Jean-Michel Arnaud, président d’Amithéa.
Portes qui claquent, mensonges en cascade, malentendus en tout genre
pour cette comédie de boulevard en trois actes de Viviane Tardivel.
Cupidon, le dieu de l’amour, a du fil à retordre et la propriétaire des chambres
d’hôtes de charme va devoir gérer une situation bien compliquée.
Une chambre est réservée pour un couple illégitime, l’autre par la femme
et la belle-mère du client de la première chambre. Affaire délicate :
par la force des choses, tous les personnages finiront par
se rencontrer au cours de leurs chassés-croisés…



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Note

[1]  Il n'y a pas encore d'explication officielle concernant la séparation des crânes du reste des ossements. Est-ce lorsque le cimetière du Paradis fut démantelé à la Révolution que l'on a mis les ossements des religieux dans une fosse commune et les crânes à part ?  La légende locale parle également d'une grande bataille entre factions catholiques et protestantes dans le bois des Loges lors des guerres de religions. En labourant dans les années 50, un agriculteur y a trouvé plusieurs épées rouillées et un casque qui sont à présent exposés au musée du Donjon à Niort.

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