Au bon pain !


Petite histoire de la Société de Panification de La Foye


Le Prieuré et le Four à Ban

Au Moyen-Âge, dans ce village rural, la vie était rude. Beaucoup passaient la journée dans les champs et les vignes, et il fallait bien se nourrir pour tenir. De tous temps le pain a été l’aliment principal.

Dès le début, le prieuré a fait construire un four dans son enceinte. C’était un four à ban, pour l'usage duquel les habitants du village payaient une redevance au seigneur du lieu, c’est-à-dire au prieur. Dans un document des archives de Montierneuf, on apprend que le 4 mai 1473, les moines passent un marché avec Louis GROUSSEAU, maçon au village, pour réparer le « grand four à ban » avec des pierres de La Foye, et pavé avec des carreaux venant de Prahecq.



Il fallait beaucoup de bois pour les chauffer, mais, malgré les forêts environnantes, il était interdit de couper les arbres, qui appartenaient aux seigneurs locaux. En effet, l’ordonnance forestière de 1491 précise que dans la forêt de Chizé, il est interdit d'utiliser d'autre bois que le bois mort pour alimenter les fours banniers. Un siècle plus tard, le règlement de Chizé du 14 Juin 1602 rappelle cette prescription : « Nous défendons aux usagers des fours d’employer pour le chauffage d’iceux d'autre qualité de bois que le bois mort... »

Les familles utilisaient toutes ce four pour y cuire leur pain. Cependant, au cours des siècles, le métier de fournier va se développer (en rapport avec la profession de meunier), qui deviendra au XVIIe siècle celui du boulanger.


Fourniers, boulangers et meuniers de La Foye, du XVIIe au XIXe siècles


Fourniers et boulangers

À la fin des années 1600, on trouve dans les registres paroissiaux les noms d’un certain nombre d’entre eux : Antoine BAUDIN, fournier en 1686. Tous les autres sont boulangers : Jean GENEAU (dès 1776), Jacques GILBERT, maître boulanger (de 1789 à 1792), les GABORIAUD, Louis (de 1790 à 1832) et son fils Louis (dès 1819. Le fils de ce dernier, Pierre  sera boulanger à Prahecq dès 1823). On note également Jean-Baptiste BIRARD en 1805, ainsi que François Décadi GÉOFFRIAU (de 1824 à 1830). Il seront suivis d'Alexis FAUCONNIER (1862), beau-père du meunier Louis BIRARD, et de Louis André Parfait BIRARD (de 1864 à 1872).

Des ouvrages venaient compléter
les connaissances pratiques des professionnels,
comme ce traité du parfait boulanger,
datant de l'ancien régime (1778)

Meuniers, grenotiers et fariniers

Ceux-ci travaillaient avec les meuniers, grenotiers et fariniers qui moulaient le grain dans l’un des trois moulins à vent du village. On relève François GERBIER (1685) et son fils Pierre (1727), Pierre LEBOEUF (1748) et son fils François (1749). Et puis François LESCUREAU en 1749 et 1752, suivi de Pierre ROUSSEAU en 1759 et 1761, puis André MISBERT en 1776.

Durant la Révolution, il y avait Jean ROUSSEAU en 1790, François DUPONT en 1792, Louis BIRARD en 1795, Jacques BARREAU puis son fils Pierre en 1796, et René ÉCARLAT la même année.

Sous l'Empire ce seront François DROUHET en 1801, Jean-Baptiste BIRARD (de 1802 à 1818, qui sera succédé par son fils Pierre en 1827),  François FAUCHER (1804), Michel MISBERT (1808), Jean BARREAU dit Lagrandeur, meunier du moulin Barreau, (de 1797 à 1820), suivi par un autre Jean BARREAU en 1830.

Au XIXe siècle on relève également Jacques BONNEAU (de 1829 à 1841) et René COUHÉ (1877).


Du XIXe siècle à nos jours

Avec le développent du vignoble au début des années 1800, ce sont principalement les femmes qui se chargent de pétrir et cuire le pain. Dans beaucoup de maisons, des fours en briques réfractaires sont installées, et on utilise les sarments de vigne appelées « javelles », coupés à la fin de l’hiver, qui apportent une cuisson douce et parfumée. 

Mais vers 1880, la crise du phylloxéra dévaste les vignes et l'économie régionale s'effondre.

Dans son livre « Les souvenirs d’un vieux paysan », Maxime Arnaud raconte : « La misère menaçait depuis quelques années, et les gens se trouvèrent devant des vignes sans rapport, et comme outillage un pic. Le blé, cultivé à travers des souches mortes, ne rapportait guerre, les meuniers avaient de mauvais clients, n’ayant plus de javelles pour chauffer les fours. La question du bois vint s’ajouter aux autres. Il n’y avait plus de boulangers, et dès 1881, M. Rossignol, propriétaire à La Foye, avec quelques autres, formèrent la boulangerie coopérative ».  

En 1882, un livret sera édité pour expliquer à chaque adhérent le règlement de la Société de Panification qui est appelée  « boulangerie des familles ».

La Société de Panification avait publié un fascicule
 à l'attention des familles de la Foye, qui expliquait entre autre
la fonction de cette mutualité et les conditions d'adhésion.
(pour le lire : Livret de la Société de panification)

Un premier conseil d’administration est nommé. On y retrouve : Félix ROSSIGNOL (président), Étienne BONNIN (vice-président), Félix GARNAUD (trésorier), Jean BURGAUD, ARNAUD, et Alexandre BOYER. Il y a également une commission de contrôle (Pierre-Joseph ARNAUD, Joseph GÉOFFROY, Jean LAIDET, Eugène DURAND, François VIAUD).

Un grand four est construit dans un bâtiment situé dans la rue principale, à la sortie du village en direction de Beauvoir. On y entrait par la porte donnant sur la rue.

On y fabrique plusieurs sortes de pains : de première ou de seconde qualité, de 5 kg, 2 kg ou 1 kg. Le poids s’exprimait alors en livres. On y vend également de la farine, du son, et de la « braisette » ou charbon de bois. 

Après paiement d’un droit d’entrée, chaque famille de La Foye, devenue « sociétaire », peut venir y chercher son pain à un tarif préférentiel. En début d’année chaque sociétaire reçoit un carnet ou sont notés les différents pains pris. Les familles des villages environnants sont également admises.

Carnet (livret) des sociétaires.
Les cultivateurs eux, y apportent leur blé ou de la farine provenant des moulins encore en service sur la commune. Ils reçoivent en contrepartie des bons avec lesquels ils paient le pain qui est livré à domicile. Des trieurs à grain sont installés dans un local attenant pour qu’ils affinent leurs récoltes.

 
Bons qui servaient de moyen de paiement
en échange du blé ou de la farine fournis par les cultivateurs. 

Le premier boulanger de la coopérative, le père DEBORDE, brassera pendant 25 ans, à la seule force de ses bras, tout le pain nécessaire à la commune. Ensuite un pétrin mécanique, puis électrique, prendra le relais.

Quand le four était chaud, on pouvait également y apporter des rôtis, des pâtés ou des gâteaux à cuire.

Au milieu des années 1930, le boulanger se nommait Marius. Il était employé par la Société. Le comptable était Henri MORISSON. Son bureau se situait juste à côté du pétrin. À cette époque il n’existait plus de moulin à La Foye et l’on faisait livrer la farine de la minoterie de Mallet, près de Mauzé. Les camions arrivaient chaque semaine. Pendant la guerre le porteur de pain était Richard. Il passait avec une carriole tirée par des chevaux, tout le monde au village l’appelait « Loulou ». Il habitait la grande maison à l’angle de la rue des Deux Puits.

À la retraite de Marius PINEAU en 1961, ce fut Jacques BOUDEAU qui le remplaça. Il venait de la Crêche, au nord de Niort, avec sa femme Jacqueline.

De 1962 à 1965, le secrétaire fut André MOREAU, du Grand-Bois.

La Société de Panification fut dissoute en 1969 suite à un vote du conseil des sociétaires (votants : 40, pour la dissolution : 38, contre : 2). Il est vrai qu’à cette époque d’exode rural, le temps n’était plus aux coopératives. Les trois liquidateurs furent André MOREAU, René DRUET et Michel CANTEAU. Le reliquat de trésorerie fut versé à la commune pour construire les premières toilettes publiques du village.

Ce fut Jacques BOUDEAU qui repris la boulangerie jusqu’à sa retraite. Puis les locaux furent vendus à BROUSSARD, le boulanger de Beauvoir. Peu après le pétrin fut vendu et le four démantelé. Depuis lors, il faut se déplacer dans les villages environnants pour chercher son pain.


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