Cahier de doléances
de La Foye-Monjault

Extrait de l'ouvrage de Léonce Cathelineau : Département des Deux-Sèvres. Cahier de doléances des sénéchaussées de Niort et de Saint-Maixent, et des communautés et corporations de Niort et Saint-Maixent pour les États généraux de 1789 (ou ici sur Gallica), publié en 1912 :


LA FOYE-MONJAULT

  • Département : Deux-Sèvres — Arrondissement : Niort — Canton : Beauvoir-sur-Niort
  • Généralité : Poitiers — Election : Niort — Diocèse : Saintes
  • Châtellenie : ressortissant au château de Niort
  • Principale culture : blé, vigne 
  • Seigneur en 1750 : les Bénédictins de St-Maixent
  • Population en 1790 : 800 habitants
  • Foire : la veille de la Toussaint
  • Commerce et industrie : bois et sur les vins. On prétend que jusqu'à Henri IV inclusivement, le vin de la Foye était le vin de la bouche des rois.
  • Taille : 6,340 L (princip. : 2,380 L ; capitat. : 2,670 L ; vingtième : 950 L ; corvées, 340 L)


PROCÈS-VERBAL 

Le procès-verbal de cette paroisse n'a pu être retrouvé. Son cahier de doléances et le procès-verbal de l'assemblée préliminaire du Tiers état nous donnent les renseignements suivants :
  • Président : André-Augustin Vien, notaire et procureur de la châtellenie de la Foye-Monjault, en l'absence de Mr le Juge Sénéchal ordinaire et autre plus ancien postulant que lui.
  • Population : 171 feux 

CAHIER DE DOLÉANCES 

Cahier de plaintes, doléances et remontrances que font à Sa Majesté Louis XVI, les habitants et manants domiciliés de la Foye-Monjault en Poitou.

Puisqu'il est permis aux habitants, manants et domiciliés de la paroisse de la Foye-Monjault de se jeter en ce moment aux pieds du trône de Sa Majesté, qu’ils peuvent représenter sans crainte ni sans aucun trouble à sa bonté toujours paternelle leurs besoins pressants, leur état tel qu'il est, les vexations qui, depuis trop longtemps, se commettent en leur paroisse et s'exercent journellement sur eux, qu'enfin le ciel paraît se déclarer en leur faveur et que le Roi, plein de compassion pour eux et attendri de leur malheureux sort, les appelle à lui, les invite et même leur ordonne, non seulement de découvrir quels sont leurs maux et quelle en est la source, mais qu'encore il daigne bien leur demander quels pourraient-être les moyens efficaces d'y remédier et ce, tant pour le particulier que pour le général.

Ces habitants, dis-je, réunis en cet instant par les officiers de l'assemblée municipale de cette province présidée par Me Augustin-André Vien, notaire et procureur de la Châtellenie du dit lieu de la Foye-Monjault, en l'absence de Mr le juge Sénéchal ordinaire et autre plus ancien postulant que lui, le sieur François Jousseaume-Beaupré faisant la fonction de greffier, vu la mort du greffier ordinaire, après avoir prêté le serment au cas requis et pénétré comme eux du plus profond respect pour leur Auguste Souverain, avec une entière soumission à ses ordres et volontés, jaloux de correspondre autant qu'il est en eux à toutes ses vues bienfaisantes dans un double transport d'amour et de confiance, osent très humblement représenter à Sa Majesté en premier lieu ;

Que dans le nombre des habitants, qui est environ de huit cent, il en est beaucoup très pauvres et ne vivant que de charité ;

Que la paroisse de la Foye-Monjault est un sol très sec et naturellement stérile, qu'elle n'est arrosée en aucune de ses parties de ruisseaux, de rivières quelconques, que même très souvent et une partie de l'année on y est privé d'eau pour boire, ce qui notamment est arrivé durant la cruelle et excessive rigueur de l'hiver de cette année ; que ce manque d'eau ordinaire, naturel et général prive les colons de pouvoir élever et nourrir du bétail d'aucune espèce et qu'ils ne peuvent par le moyen de l'engrais rendre leurs terres fertiles et abondantes ; que, pour lors, la seule ressource qui leur reste et le seul parti qu'ils aient à prendre pour tirer quelques avantages de leurs terres, est de les planter en vigne, quoique, par les raisons ci-dessus alléguées, elles ne vivent pas longtemps.

Lesdits colons et habitants pourraient encore, ensemble, tirer quelques avantages des vins, seul fruit qu’ils récoltent, si les droits qu'on paye aux officiers des aides, tant pour leur vente et enlèvement, que pour leur entrée en les autres provinces et pour le détail, n'en absorbaient la plus grande partie du prix.

Cette plainte peut et doit plutôt être regardée comme générale que comme particulière.

La dite paroisse de la Foye-Monjault se trouve, malgré cela, obligée de verser annuellement dans les trésors de Sa Majesté pour taille et capitation une somme de cinq mille et quelques livres ; pour vingtièmes, neuf cent cinquante livres, et pour corvées, cinq cent quarante livres, ce qui fait au total, près quelques livres, 6340 L ; cette somme excessive jointe encore aux frais annuellement faits et trop souvent réitérés par les huissiers des tailles, mettent la plupart des habitants et les réduisent à la plus étrange misère. La plupart des terres et la plus grande quantité payent la sixième et la huitième partie des fruits au seigneur qui se trouve prieur châtelain, gros décimateur, les chemins qui se trouvent dans ladite paroisse, dans toute la châtellenie, se trouvent très resserrés et point du tout conformes aux lois de Sa Majesté, il serait à désirer qu'il plût à Sa Majesté que les deniers qui sont annuellement payés pour contribuer aux corvées, fussent employés à faire réparer et arranger les dits chemins, du moins jusqu'à ce qu'ils fussent totalement praticables, ce serait un moyen de soulager un peu les pauvres qu'on occuperait à cet ouvrage, les dits habitants sentant trop et leurs faibles lumières et leur peu de connaissances, pour oser entreprendre d'avancer plus loin, cette raison les force de se taire surtout à la vue d'une matière aussi vaste, profonde et sérieuse, que celle qui se présente à traiter actuellement; ils se bornent à supplier Sa Majesté de daigner, en envisageant leur état, leurs besoins pressants et ceux de tout le Royaume, diminuer leurs impôts, supprimer les offices qui mettent des entraves au commerce et dont les droits qui ne font que vexer et accabler le malheureux tant dans l'enceinte de ses foyers que dans le faible commerce qu'il peut entreprendre au dehors ; rectifier et simplifier l'ordre judiciaire.

Ont, les dits habitants, la vive satisfaction de voir que ceux qui environnent et approchent Sa Majesté sont doués des plus profondes lumières et du plus grand amour pour le peuple ; qu'ils mettent leur seule gloire et toute leur ambition à mettre sous les yeux de Sa Majesté la triste situation actuelle du Royaume, ses besoins pressants, et que, par un zèle non moins vif et ardent qu'humain, ils cherchent les moyens les plus propres à soulager la misère publique, à aller au-devant du bien de l'État et à concourir en tout et autant qu'ils le peuvent faire aux vues bienfaisantes et vraiment paternelles de Sa Majesté.

En cette douce et consolante idée, ils cessent leurs doléances, ils se retirent, laissant toujours au pied du trône, où ils sont prosternés, le cœur le plus attendri, le plus soumis et dévoué à leur Souverain et généreux Monarque ; ils ne cesseront d'élever leurs mains vers le ciel et d'y adresser les vœux les plus ardents pour les précieux jours de leur auguste et insigne Libérateur, pour le bien de l'Etat et la prospérité du Royaume.

Suivent 21 signatures, dont celles de François-Augustin Rondeau et François Jousseaume-Beaupré, députés ; André-Augustin Vien, notaire et procureur, faisant les fonctions de juge en l'absence de M. le juge sénéchal ordinaire, etc.

Collationné par nous, commis greffier,

Signé : Jousseaume-Beaupré