14 septembre 1788 : l'annonce des États généraux


























L'assemblée municipale du 14 septembre 1788 annonce déjà, dans sa forme et son contenu, les revendications que l'on retrouvera dans les cahiers de doléance. Sachant aussi qu'en août de la même année, Louis XVI avait annoncé que les États généraux se tiendraient en mai 1789, donnant dès lors le ton aux assemblées. On remarque en particulier, dès le premier article, la critique à l'égard du prieur de La Foye, châtelain dont l'autorité est ici clairement remise en question.

Assemblée municipale du 14 septembre 1788 :
Aujourd’hui 14 septembre 1788 nous soussignés composant l’assemblée municipale de la paroisse de La Foye-Monjault et constituant nos assemblées à l’issue de la messe paroissiale, conformément aux ordres et intentions de sa majesté, avons délibéré sur ce qui suit et rédigé le présent procès-verbal dont la copie a été de suite adressée par nous à messieurs les députés composant le bureau intermédiaire de l’assemblée de l’élection de Niort.  
1. Jetant les yeux sur notre assemblée et les membres qui la composent au nombre de six, nous n’y avons rien trouvé d’illégal ni contraire aux volontés de sa majesté si ce n’est que le seigneur de cette paroisse étant un ecclésiastique et chanoine à Wissembourg, en basse Alsace, y demeurant, nous ignorons encore en ce moment quel sera son fondé de pouvoir spécial pour le représenter en nos assemblées. Il a été cependant arrêté qu’on lui tenait pour savoir ses intentions à ce sujet, et que nos assemblées, malgré ce, ne souffriront aucune interruption. 
2. Nous n’avons ni ne connaissons aucun genre de commerce en notre paroisse, n’étant située en local propre à rien entreprendre. 
3. La principale et unique culture de nos terres est celle de la vigne, nos terres étant naturellement maigres et stériles, sans aucune prairie féconde ni arrosées par aucun ruisseau. 
4. Une partie de nos terres est en friches, et le manque nécessaire d’engrais fait que nous ne savons quel parti en tirer. 
5. Le seul genre de culture propre à nos terres à notre avis, comme il a été dit ci-dessus, est celui de la vigne, et nous ignorons quel serait le moyen le plus efficace pour donner aux cultivateurs plus d’encouragements, se trouvant toujours rebutés par l’ingratitude et stérilité naturelle de notre campagne. Nous dirons ici en passant que notre paroisse, composée de beaucoup de pauvres, est très surchargée d’impositions royales et de vingtième particulièrement. [1]  
Quant aux édifices publics, nous aurons l’honneur de vous représenter messieurs que la nef de notre église est à peine capable de contenir la moitié des habitants qui se trouvent au nombre de 700, ne parlant que des communions, en outre, malgré que notre paroisse soit aussi considérable, nous n’avons point de vicaire [2], chose qui nous serait à tous d’une très grande utilité, et qui contribuerait pour peu à l’agrandissement de notre église, sans qu’il en couta beaucoup à toute la paroisse. 
Le presbytère est en très mauvais état et le cimetière pareillement, n’étant clos par d’aucun côté. 
Comme le devis estimatif de toutes les réparations urgentes des édifices dont nous venons de parler mérite d’être considéré et ne peut valablement être fait dans l’instant, nous remettons à faire cette opération dans un autre temps et vous en donnerons messieurs une connaissance parfaite de suite. 
Pour ce qui est des chemins vienaux, la plupart sont très mauvais, d’autant plus qu’ils sont resserrés, de façon à ne pouvoir passer soit à pieds soit à cheval à côté d’une charrette, et cependant un long espace de chemins inconvenants auquel il serait nécessaire de remédier de suite, ainsi que de faire abattre et enlever quantité d’arbres qui se trouvent assez près des susdits chemins incommoder, blesser et gêner les cavaliers et tous les passants. 
Pour rétablir toutes ces choses et les rendre telles qu’elles devraient être, les dépenses ne laisseront pas que d’être considérables, et d’un autre côté notre paroisse n’est point en état de contribuer aux articles de charité sur l’année présente par la disette des grains. 
Nous espérons messieurs pouvoir vous donner par la suite plus d’éclaircissements relatifs aux différentes choses que nous venons de traiter en le présent procès-verbal, et nous empresserons de répondre aux observations que vous aurez à ce sujet et dont vous voudrez bien nous faire part. Nous n’avons rien de plus à cœur que de remplir de notre mieux les engagements que nous avons contracté et contribuer autant que nous pourrons aux vues bienfaisantes de notre majesté. 
Fait clos le présent procès-verbal par nous soussignés et nous sommes retirés, n’ayant plus rien à délibérer pour le présent quant audit procès-verbal et avons signé la copie adressée à messieurs les députés de l’assemblée de l’élection de Niort. 
Et nous conformons en ce à l’arrêt du Conseil d’État du roi, portant règlement pour les assemblées provinciales de départements et municipalités, sur les formes et la répartition et assiette de la taille [3], capitation [4] et autres impositions, et celle de la nomination à la collecte sous date du 8 août 1788, lecture faite par le syndic de notre assemblée issue de la messe paroissiale du susdit arrêt, avons procédé à la nomination des trois adjoints pour coopérer avec les membres taillables de notre assemblée à la répartition pour l’année prochaine de la taille et autres impositions. En conséquence ont été nommés pour adjoints les personnes de André Boyer (ou Bouhier), François Lévesque, et Pierre Géoffriau, tous journaliers demeurant à La Foye-Monjault, et nous sommes retirés ensuite de ce, nous remettant à travailler, avons procédé à la fin du mois à la formation du tableau contenant cinq divisions formés de tous les propriétaires domiciliés et autres habitants de notre municipalité, et nous sommes soussignés, à l’exception toujours de François Guillebot
Signé : André Augustin VienFrançois Jousseaume-Beaupré, André-Jules Bory (curé), Pierre Bodin (Syndic) et Giraudeau [5].


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Notes
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[1] Le vingtième était un impôt permanent correspondant à 5% des revenus, qui entra en vigueur en 1749, en remplacement du dixième. Il était censé s'appliquer à l'ensemble de la population, mais le clergé et la noblesse parvinrent souvent à s'en exempter. Durant la guerre de sept ans, deux autres vingtièmes furent introduits, en 1756 et 1760, mais seul le troisième fut aboli à la fin de la guerre. Deux impôts du vingtième était donc toujours en vigueur en 1788.

[2] Le vicaire est un prêtre qui assiste le curé dans une paroisse catholique. Il est nommé par l'évêque. Sous l'Ancien Régime, il était habituellement choisi par le curé, son choix devant être approuvé par l'évêque. Un vicaire était rémunéré par le curé sur le revenu qui lui était attribué. [source : Le vicaire]

[3] La taille : impôt direct sur le revenu datant de la guerre de Cent Ans (effectif en 1439) et dont étaient exempts les bourgeois, le clergé et la noblesse.

[4] La capitation : impôt direct, par tête, introduit sous Louis XIV en 1695.

[5] Probablement Louis Giraudeau, notable faisant partie de la liste des assistants municipaux élus en 1790. Peut-être celui-ci.


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