Randonnée en Espagne

Une des personnes emblématiques du village fut France Langoët, qui, à son décès en 1993, légua à la commune un certain nombre de terres et la célèbre « cantine à Birard », du nom de son père Arthur Birard, un célèbre maire de La Foye au début des années 1900, à la fois négociant en vins, conseiller cantonal et lieutenant des sapeurs-pompiers.

On peut encore apercevoir cette cantine, rénovée par l’association « Les fiefs viticoles », sur les hauts du Fairault à droite en allant vers Usseau.

En reconnaissance la municipalité donnera son nom à la rue passant devant chez elle, une grande maison juste en face du cimetière.

Au début des années 20, France Birard était partie faire ses études à Paris avant d’y trouver un poste dans l’administration. C’est là qu’elle avait rencontré Marcel Langoët, un officier des troupes coloniales qui s’était distingué pendant la guerre de 14 (Médaillé de la Croix de Guerre). Il avait 13 ans de plus qu’elle.

En Août 1930, pour ses 29 ans, un peu moins d’un an avant son mariage avec Marcel, ils avaient décidé avec un groupe d’amis de faire un circuit à moto dans le Nord de l’Espagne, pays pour lequel ils avaient une attirance, ayant appris la langue lors de leurs études.

1930 c’était aussi la fin des années folles, et après les sombres années de la grande guerre, les esprits avaient envie de s’évader, et les ballades en moto, alors en pleine expansions, étaient synonyme de liberté.

Leur premier arrêt serait à La Foye pour voir Jeanne, la mère de France, et sa grand-mère maternelle Célina, qui vivait avec elle depuis le décès du père, Arthur, en 1917. France tenait particulièrement à cet arrêt car elle se sentait très proche de sa grand-mère, se remémorant son enfance très heureuse au village, et elle lui écrivait régulièrement.

Et elle voulait aussi pour l’occasion leur présenter Marcel, son " fiancé ".

Après quelques jours passés au village, ils étaient partis direction le sud pour un long périple de 22 jours. Parcourir les routes de l’époque en moto était une aventure, et les villes et villages traversés, surtout en Espagne, dégageaient encore le charme de temps anciens. Mais hélas ce monde basculera quelques années plus tard, endeuillé par l’épisode sanglant de la guerre civile.


A son retour à Paris, elle enverra à sa grand-mère le récit de son voyage, que voici.

Ce qui est intéressant c’est le regard qu’elle porte sur ce pays, et ses réflexions, typiques de la mentalité de cette époque.

 

PARIS. Août 1930.

Ma chère Grand mère,

Le beau voyage est terminé, et j'ai réintégré le bruyant Paris. Il n'y fait pas beau : nous voilà bientôt au 15 Aout, et l'été continue à se montrer maussade. En ce qui me concerne pour ma période de vacances, je n'ai pas eu à me plaindre de la température par rapport aux intempéries généralisées, et puis même dire que j'ai eu de la chance avec mes six jours mauvais sur un total de 22 !

Après avoir quitté LA FOYE, nous sommes passés par BORDEAUX, ville très étendue, toujours grise et sale, puis par ARCACHON, un cul-de-sac sans charme à mon avis. C'est étroit, c'est sale. Enfin nous avons traversé les forêts de pins des Landes pour aller coucher près de DAX, à CASTETS, un petit village charmant, ou l’on comprend peu de mots du patois, où règne le jeu de boules, et ou s'égrènent les "Diou bibant" sonores !

Les Landes sont monotones avec leurs arbres sans fin : pins et chênes-liège, chênes-liège et pins, montant et descendant au gré des légères ondulations des dunes d'antan, fixées là par les racines. Mais sous un rayon de soleil, la mélancolie qui s'en dégage n'est pas sans charme : Parfum délicieux de la résine qui coule des blessures des arbres, silence reposant à peine troublé par le cri rare d'un oiseau de temps en temps, villages éloignés les uns des autres, pauvres et gris, mais pittoresques pour le touriste. Partout des hôtels pour cure de tuberculeux ; Sur un village de dix maisons il y a trois hôtels !

La route est bonne, à part une partie de pavés datant de … Napoléon, que celui-ci avait fait mettre pour permettre à ses convois de passer lors de la guerre d'Espagne. Ils tiennent encore le coup !

BAYONNE est des plus quelconques, BIARRITZ est ravissant. C’est une ville très chic, qui s'étage sur des gradins naturels de rocs dont la base plonge dans l'océan. Il y a trois petites plages que séparent des rochers et des maisons : Ça grouille de baigneurs en train de prendre des bains de soleil, et c'est tout juste s'il n'y a pas plus de viande que de sable ! 

J'ai vu aussi HOSSEGOR que l'on commence à lancer, que certains dénigrent, mais que j'ai jugé moi, épatante !

Au point de vue plage proprement dite, ce sera mieux que DEAUVILLE, et le site n'est pas comparable : Je crois que ce sera la perle des stations balnéaires françaises d'ici quelques années. Imagine une belle étendue de sable idéalement fin face à la pleine mer sous un climat doux ; la ville est construite au milieu de la forêt de sapins, et chaque villa en a gardé dans son jardin. Et quelles villas ! Rien du décor abominable que l'on voit dans toutes les villes côtières où séjournent des estivants ou ....des hivernants! (Leurs goûts se valent !).

La Société qui lance cette ville et à qui appartient tout le terrain des environs immédiats ne vend ses lots qu'à la condition pour l'acheteur de se soumettre à la "servitude" qui consiste à laisser la dite-Société construire une maison d'un style déterminé. On peut évidemment choisir différentes grandeurs suivant ses moyens, mais toujours dans le même style. D'ailleurs celui qui est imposé, est si joli et si varié aussi dans son uniformité, qu'il faudrait avoir bien mauvais goût pour ne pas l'admettre et le trouver bien : C'est le Joli style basque en harmonie de couleurs crème et marron !

HENDAYE où nous avons déjeuné le lendemain, est quelconque. La Plage est assez grande, mais ça ne m'a pas emballée. Personne encore d’ailleurs, la saison de la Côte d’Argent ne commençant qu'en automne.

Nous avons passé la frontière à BEOBIE (Côté français) - IRUN (côté Espagnol). D'un côté des gendarmes en bleu comme tu les connais, de l'autre les mêmes en rouge, avec une espèce de béret Alpin. Puis des soldats avec un drôle de chapeau de cuir bouilli. C’est archaïque mais ça a de l’allure.

Dix-sept kilomètres plus loin nous avons visité SAINT-SEBASTIEN, assez grande ville aux larges avenues propres, et possédant une belle route en corniche face à la pleine mer.


Malheureusement il s'est mis à tomber une pénétrante petite pluie fine qui nous a gâté le plaisir du premier contact avec la terre ibérique : ça dérapait, et nous avons même failli nous "ramasser" avec armes et bagages à . . . 15 à l'heure !  Mais même à cette allure lente et précautionneuse, on peut encore se faire du mal !
Nous avions l’intention de suivre la magnifique route en corniche qui suit ou surplombe la mer sur une assez grande distance après St-SEBASTIEN, en direction de SANTANDER, mais avec ce temps la visibilité eut été nulle, et nous avons préféré prendre au plus court pour gagner l’étape du soir ou nous espérions nous sécher. L’eau ruisselait sur ma figure et dans le cou, et, dégoulinant de mon masque, m'entrait dans la bouche avec un goût d'étoffe et de poudre de riz. J'en avais mal au cœur à la fin !

Le paysage était également ravissant du côté des terres, mais nous jouissions mal de la vue dans de telles conditions d'inconfort ! Nous avons néanmoins poussé jusqu’au monastère célèbre du fameux moine Ignace de Loyola, une grande bâtisse avec des décors d’or et d’argent, et ou les visiteurs amenés par les cars défilent tous les jours, mais nous ne l’avons vu que l'extérieur, car nous n’avions pas eu le courage de descendre de machine et de remuer dans nos vêtements raidis !

Nous sommes donc repartis vers PAMPLONA (PAMPELUNE) dans l'intention d'y aller coucher, mais bien que la pluie ait cessé entre temps, vers 17 heures nous avons fait étape à TOLOSA, petite ville assez modeste mais qui possède deux églises dont une fort belle, et quelques monuments anciens. La population mi-ouvrière mi-paysanne est assez sympathique. Nous sommes descendus dans une "fonda" ne payant pas de mine extérieurement (Comme la plupart des Hôtels espagnols), mais qui s'est révélée des plus propres à l'intérieur, et munie d'un confort appréciable.
Ma chambre ouvrait avec un balcon sur la Calle Mayor (Rue Principale) ou le mouvement qui m'amusait s'est prolongé assez tard. Par contre on ne se lève pas tôt, à part les paysans, pour porter leurs produits au marché de la ville avant la chaleur. Avant d’arriver à TOLOSA, nous avions parcouru de pittoresques routes de montagnes merveilleusement entretenues et goudronnées, et sinuant dans un paysage remarquablement attrayant.  Région très peuplée pour de la montagne, non par des villes, mais par de petites bourgades perchées en escaliers, et d'innombrables maisons isolées. Vu de haut, la partie montagneuse déjà parcourue était semée de petits points blancs, qui étaient autant de maisons. 
 

Nous sommes repartis de TOLOSA par le beau temps, et la pluie de la veille fut la seule que nous subîmes en Espagne, avec un tout petit orage à SARAGOSSE.

De TOLOSA à PAMPLONA, paysage toujours ravissant et verdoyant. Le matin sur la route, nous rencontrâmes quantités de paysannes, chacune avec un petit âne docile flanqué de deux gros paniers. Quant ceux-ci étaient pleins de légumes portés au marché prochain, les conductrices suivaient l'âne qui obéissait à la voix, et quand les paniers étaient vides au retour, les femmes étaient montées, assises sur la bête, et cette procession de jolies bêtes dociles était amusante.

Quant aux femmes, brunes naturellement, elles n'étaient pas belles, et toutes fatiguées par cette dure vie des champs qui use précocement. Comme toujours, les femmes, plus coquettes, plus soignées aussi, sont mieux, plus séduisantes dans les villes qu'à la campagne, en Espagne comme.... Ailleurs !

Nous sommes passés à PAMPLONA dans la matinée, ville propre, fraîche, avenante.

 Je ne sais pas d’où vient l'expression "Avoir l'air de Pampelune" ou “Revenir de Pampelune", mais les gens de cette localité ne sont pas différents des autres d'ailleurs, je t'assure !

Peu à peu le paysage s'est fait plus sévère. Nous avons suivi le cours de la Rivière Aragon, d'allure souvent sauvage. Nous avons commencé à trouver les plaines dénudées. Le soleil était chaud. Nous avons déjeuné à JACA (prononcer RACA, en raclant l'R dans la gorge, comme si un "chat" s'y obstinait !). C’est un patelin assez quelconque.

Nous nous sommes arrêtés dans un hôtel qui ne payait pas de mine, comme d’habitude, mais fort bien agencé, très frais et toujours d’une propreté méticuleuse, ce que je ne m’attendais pas à trouver en Espagne, il faut bien que je l'avoue!

Au départ nous avons suscité la curiosité habituelle, et quand nous avons pris de l’essence à la sortie du bourg, il y avait plus de vingt personnes dont au moins une quinzaine de gosses à faire le cercle autour des machines !

Quand nous avons demandé la route de HUESCA, dix voix, dix gestes identiques nous ont renseignés : "la primera à la izquierda ! La première à gauche ! "

Nous avons clamé des "muchas gracias ! (Merci beaucoup)", et sommes partis au milieu de la poussière blanche, car à partir de là les routes ne sont plus, ou presque plus, goudronnées malheureusement. Jusqu'à HUESCA encore un peu d'eau et de verdure bien que raréfiée, mais après, le bled absolu : J'ai compté deux arbres sur un parcours de quarante Kilomètres. Comme habitations, des maisons de cantonnier par-ci, par-là, rompant la solitude. Elles doivent également servir de refuge en cas d'accidents sur la route, ou par de trop fortes pluies ou orages.

Puis quelques pauvres villages aux maisons grises sans attrait ; Des gens à l'allure un peu sauvage aussi. Et une poussière.... Quelle épaisseur !

Puis les routes beaucoup moins bonnes. De temps en temps des caravanes de bohémiens au repos, avec les gosses tout nus dans l'herbe cuite. Et toujours ce désert où rien ne pousse en dehors de quelques céréales basses sur tiges et clairsemées. Enfin nous sommes arrivés à ZARAGOZA (SARAGOSSE) où l'on accède par deux kilomètres d’abominable route pleine de trous ! Et plus de poussière que jamais ; J'étais blanche des pieds à la tête ! Et du sable crissait sous mes dents.

Après avoir franchi le pont sur L’EBRE, nous sommes entrés en ville. Au premier abord : ville quelconque, mais belle promenade moderne au milieu de la ville. Puis une grande place avec des Hôtels. L'un, le Continental, nous semble trop chic avec ses portiers pour accueillir nos poussiéreuses personnes. Et nous demandons à un agent de bien vouloir nous indiquer un relai plus modeste. Il nous désigne une rue dans laquelle, parait-il, est une espèce de pension de famille très propre où nous serons reçus à bras ouverts et à un prix raisonnable. Nous remercions, et peu tentés par cette pension, nous allons directement à un autre hôtel moins moderne que la première cité, mais avec autant de portiers. C’est l’Europa, 1er ordre. Les machines sont arrêtées non loin l'une de l'autre. Je reste seule à maintenir celle qui me transporte, pendant que mon compagnon va parlementer pour le gite. Aussitôt l'inévitable foule espagnole et badaude arrive et s'amasse. Je fais la grimace sous ma poussière, empoisonnée d'être détaillée de si près alors que je suis si peu à mon avantage, et que je représente si piètrement la française ! Mais enfin je suis "sport", et comment !

Des gosses m'interviewent. D'où nous venons ? De Paris. Oh, si loin ? Curiosité assommante, mais sympathique. Néanmoins, un peu agacée, je remets mes lunettes comme pour m’isoler derrière leur verre et ne répond plus ! Enfin je suis délivrée par les portiers, c'est-à-dire par les aides-portiers, car le grand chef ne se dérange jamais lui-même !

L'un prend les bagages, l'autre conduit machines et chauffeurs vers le garage. Et je rentre heureuse de me soustraire à la foule qui s'est grossie, mais d'une manière invraisemblable ! Jamais je n'aurais imaginé cela.

Tout de suite Je demande ma chambre. Elle est immense, propre, affligée d’un abominable mobilier moche d’avant-guerre : Du noir, du mastoc. Quel plaisir de se nettoyer ! De la soie fraîche, des souliers légers. Je descends attendre le reste de la troupe dans un des salons. On ne me regarde plus, et le portier chef ne me reconnaît pas, Mais par exemple, mon accent le remet au courant tout de suite !

Salle à manger immense, une serveuse pour deux tables, un menu pantagruélique. Le sommelier m'apporte un vin délicieux que j'ai commandé au hasard, mais la bouteille est bien grande pour moi pour un repas. Heureusement on parle de rester déjeuner le lendemain, et j’envisage de la finir alors. Malheureusement le lendemain je ne l’ai pas revue, et vexée, j’ai bu de l’eau.

Après dîner nous sommes allés "faire notre persil" sur la belle promenade admirée en arrivant. C’est l'endroit où il est de bon ton de se montrer évidemment. C’est pourri de chic ! De jolies femmes, des mantilles, mais ces dernières ont perdu tout leur cachet par suite de la disparition du chignon et du haut peigne. Ce voile à plat sur des cheveux coupés, ce n’est plus ça ! Je suis rentrée me coucher avec plaisir, étant fatiguée. Hélas,.... Des punaises dans cet hôtel de premier ordre, je n'en reviens pas, mais, entraînée à cette sorte de rencontre dans les pays du midi, je ne dis rien le lendemain, peut-être un peu aussi, parce que.... je ne savais pas comment dire punaises en espagnol !

Le beau soleil du matin d'ailleurs, et les délicieux petits pains du déjeuner m'avaient prédisposée à l'indulgence. Nous sommes partis en tournée pour visiter les petites rues d'où les espagnols d'autrefois tiraient sur les soldats de Napoléon, pendant le fameux siège de SARRAGOSSE, et les églises, et les maisons mauresques aux patios spacieux et si attrayants et photogéniques. Je suis contente : Ici, ça sent l'Espagne, tout à fait !

Nous visitons entre autres la célèbre église de la Séo, très curieuse. Imagine un immense carré avec des petites chapelles encastrées dans le pourtour. Il y en a toujours une ou l'on officie. Au milieu de l'édifice, quatre murs montant jusqu’au Cimbre, tous sculptés et richement décorés, enclosent un espace d'où s'élèvent des chants à plusieurs voix d’hommes. J'admirais, transportée, ces merveilles de pierres et avais déjà presque fait le tour de l’église lorsque le sacristain approcha de moi, et me dit, sévère : "Cubierte la cabeza, signorita". Fort étonnée, j'aurais bien voulu savoir pourquoi il me fallait avoir la tête couverte, dans une église, mais j’appris simplement que c'était un usage auquel il n'était pas permis déroger, bien que j’arguais de ma qualité d'étrangère, et démontrais que Je n'avais pas de voile à proximité. Mon mouchoir fut mobilisé faute de mantille, laquelle a été inventée Justement dans le but ci-dessus. Ledit mouchoir était une réduction du genre, d’une tendre couleur verte, et ce diable de bout de chose s'envolait au moindre mouvement, au plus petit déplacement d'air ; Une vraie corvée !

Mes compagnons riaient, et me disaient que ça m'apprendrait à toujours laisser mon béret de route au porte-manteau ! Moi, j’étais "empoisonnée" et du coup la visite de l'église a perdu de son charme, et j'avais hâte d'être dehors et d'avoir le droit de me promener tête nue, comme j'aime ! Toutefois, par la suite, chaque fois que Je visitais une ville espagnole, comme il y a des tas d’églises toujours fort belles à connaître, je prenais la précaution d'emporter avec moi un "carré" de crêpe de chine, et ce foulard me servait de mantille improvisée du plus merveilleux effet !

Après le déjeuner, nous reprîmes la route poudreuse.... Encore du désert, de la solitude, de rares groupes de maisons, à peine des villages toujours gris, en gradins sur le roc dénudé, ou allongés au bord de la route. Quarante kilomètres avant la première ville rencontrée depuis ZARAGGZA (une bourgade plutôt, mais enfin par rapport au reste c'était presque une capitale !) nous commençâmes à dépasser des ânes, des mulets, transportant sur leur dos des sacs de grain et se dirigeant vers la susdite ville, qui devait être FRAGA, je crois (mais je n'affirme rien pour celle-là). Des paysans suivaient les bêtes d'un pas souple et allongé. Certains, des vieux, traditionalistes, portaient des costumes pittoresques : Petite veste, culotte courte et étroite, nouée aux genoux de rubans aux extrémités flottantes. De bizarres sandales spéciales au pays les chaussent, et un petit calot les coiffe. Ils nous disent gravement "Buenas" en passant, et nous les saluons aussi du même mot. Nous en croisons d'autres qui, étant sans-doute partis plus tôt, reviennent de même. Ceux-là ont des charrettes pour la plupart. Les roues en sont d’apparence rustique mais les bâches qui recouvrent les véhicules sont, pour la plupart, joliment décorées d'appliques de cuir, cloutées de cuivre rutilant. Suivant la richesse du propriétaire de l’attelage, les mules qui l’entrainent sont plus ou moins richement harnachées. Mais toutes les bêtes sont grasses et paisibles, et obéissent uniquement à la voix, ignorant en majorité mors et rênes. A la mode arabe, dit-on !

 

 Après ce que j’appelle FRAGA, nous entrons dans une région moins nue, irriguée, et ou bientôt apparaît la verdure. Nous approchons de LERIDA, ville absolument ravissante, où Je passerais volontiers quelques mois, et qui est une vraie oasis. Nous allons au "Palace", fonda des plus confortables à tous points de vue. Pendant que nous détachons les bagages, les gosses se rassemblent. Ceux-là ne posent pas de questions mais font des déductions à haute voix, étudient la marque des machines, concluent d'après notre "F" que nous venons de Francia, et nous dévorent des yeux !


Ma chambre est épatante : Deux grandes fenêtres à balcons, eau courante chaude et froide. Oh ! Le bon bain que j’ai pris ! Personnel nombreux comme toujours, et très serviable.

Seulement nulle part on ne parle le français. D'ailleurs nos compatriotes ont le grand tout de ne pas aller dans ce pays charmant ou l’on voit surtout des Américains, quelques Anglais et des Allemands.

 Le lendemain matin, visite de la ville et photographies en quantités. Les petites rues bien méridionales sont amusantes, et le marché était très couleur locale. Quel coin sympathique ! Les grosses mères devant leurs paniers de légumes et de fruits s’interpellent joyeusement en me demandant ce que j'allais leur acheter, mais… impossible de leur faire de discours, mes connaissances d'espagnol reviennent peu à peu, mais moins vite que je n’aurais cru. Je comprends tout ou peu s'en faut, mais bernique pour répondre correctement !

Près de la citadelle, deux gosses nous ont emboîté le pas, et ne nous ont plus quittés de la matinée, nous obligeant à des ruses de peaux-rouges pour prendre des photos sans qu'ils n’y figurent ! Nous avons essayé de les “semer” plusieurs fois, mais en vain ! Notamment dans une église à double sortie, nous sommes entrés d'un coté, et précipitamment ressortis de l'autre ! Mais… il y en avait un à chaque porte ! Nous avons ensuite grimpé une ruelle à toute allure et tourné tout de suite à angle droit dans le premier débouché apparu ; Hélas, ils nous filaient le train aussi vite et... en nous retournant, nous les avions toujours derrière ! Au diable !

Nous avons quitté LERIDA vers 11 heures en direction de BALAGUER. Le pays était encore vert et irrigué, et nous n'avons plus retrouvé de désert jusqu'à la frontière. Nous avons déjeuné dans un petit patelin dont j'ai tout-à-fait oublié le nom, n'ayant pas la carte qui nous guidait sous les yeux, en ce moment. Il y avait deux auberges, de vraies "Casa de Huespedes " populaires. Là, pas de cuisine internationale, ou plus ou moins, mais rien que des mets du cru. D'abord une soupe au safran ; Pas mauvais, mais enfin, il faut être habitué à cet ingrédient pour l’apprécier, je trouve ! ….et je ne le suis pas. Ensuite, du Jambon cru, comme celui de la campagne de chez nous, des olives, et à part, sur une assiette, de l’oignon cru, du gros sel et quelques tomates. Ça je n'y ai pas touché !  Après est apparue une "Olla podrida" du meilleur aspect, et à laquelle J'ai fait honneur ! (C’est un plat composé de bœuf et de poulet bouilli avec du safran (toujours !), puis accompagné de riz cuit également avec, si je me souviens bien. C’est bon. Une sorte de veau Marengo a suivi : Très bon ! Puis du poulet rôti ; une sorte de légume dont je ne me souviens plus, encore un autre plat que j’ai oublié, et nous avons refusé le dessert (fromage du pays tout à fait inconnu), nous contentant de fruits et d’amandes grillées locales. Vin à discrétion, très bon café. J’étouffai en quittant la table, mais les espagnols ont à peine assez mangé avec tout ça. C'est effrayant ce qu'ils peuvent engloutir !

Dans une salle à côté, mangeaient des rouliers. Ils étaient aussi bien servis que nous, mais.... N’avaient pas de nappe ni.... de verres. Pour boire, il circule sur la table un flacon bizarre de la forme d’une gourde, qu'on rencontre partout dans le nord de l’Espagne, et à l'aide duquel on fait couler le liquide dans la gorge, de haut, comme d’une peau de bouc.

On se passe l’instrument à la ronde. C’est très hygiénique car les lèvres n'y touchent naturellement pas. Ça m’a beaucoup amusée, et pour me faire plaisir, la bonne de la posada a essayé de me montrer comment l’on utilisait la chose. Mais elle n'avait pas l’habitude, et elle s'est arrosée, ce qui a fait rire tout le monde. Tout le personnel était à la porte quand nous avons démarré, et de grands gestes de bras nous ont dit au revoir. Quels gens aimables !

Nous avons fait route vers la frontière, et sommes arrivés vers 17 heures à la limite de la République d’ANDORRE, que noue avons franchie pour aller visiter la seule et unique ville de ce minuscule pays : ANDORRE !

C'est perché dans un cirque de montagnes, et glacial. De plus les gens sont infiniment moins sympathiques que leurs voisins, et... nous n'avons pas donné suite à nos projets de couchage, nous empressant de rebrousser chemin et de revenir par l’unique route du pays, vers la frontière espagnole, pour coucher à SEO DE URGEL, ville catalane. Le catalan est à peu près compréhensible du français comme un patois méridional de chez nous, tout au moins en le lisant, car en le parlant il y a l'accent qui déforme pas mal, et en Catalogne, on parle plus français que dans le reste de l’Espagne.

En arrivant, comme d’habitude nous voulions faire un tour pour choisir l’Hôtel, mais dès l'entrée de la ville, nous avons été assaillis par une bande de grooms, chacun vantant à tue-tête les avantages de son Hôtel, et voulant nous entraîner ! Impossible de s’arrêter et de choisir à son gré! Alors, mon "Chauffeur" impatienté, a ouvert les gaz pour filer au plus vite, droit devant nous dans le but d’échapper à cette horde de rabatteurs. Devant il y avait une place sur laquelle nous sommes partis vite, vite ! Oui, mais....arrivés au bout, il n'y avait pas d'issue, et.... penauds nous sommes revenus vers les gosses hurlants et essoufflés, qui sachant parfaitement que nous serions obligés de retourner, nous attendaient !

Assommés, nous sommes allés échouer à la première "fonda" qui se présentait ! C’était d’ailleurs très bien, et nous n’avons pas eu à regretter notre choix…hasardeux !

Dès le soir,  nous sommes allés faire un tour en ville, et sommes restés émerveillés des vieilles choses entrevues, nous promettant de revenir faire de la photo au jour de vieilles arcades, de rues qui ne sont que des boyaux, et ou l'on est bien protégés du soleil. Deux bizarres cuves de pierre ou l'on accède par des marches taillées en plein bloc nous ont intrigués au plus haut degré. Il y avait un trou au milieu en forme d’entonnoir, et à la base duquel un autre trou, petit, était fermé par une petite porte en fer. Nous apprîmes qu'il s'agissait d’anciennes mesures à blé datant très probablement du temps de la dîme. On remplit l'entonnoir de grain, on nivelle la surface avec un gros rondin lisse fixé par une chaine scellée dans la pierre, et après avoir attaché un sac en bas, on ouvre la petite porte de fer, et le grain s'écoule dans le sachet. Nous avons aussi visité la cathédrale, et.... .je n'ai pas oublié mon foulard, tu peux être sure! Cet édifice, du 10ème Siècle, est flanqué d’un cloître magnifique de même époque. Nous y avons passé une heure sans nous lasser d’admirer. Un curé qui en attendant l'heure de la messe fumait tranquillement sa cigarette dans le cloître, nous a vanté son église qu’il semble admirer particulièrement, et il a bon goût! Il nous a introduits dans une petite chapelle attenant à la sacristie et où nous n'aurions pas osé entrer seuls. Nous y avons admiré des peintures sur bois datant du 15éme siècle, tout à fait merveilleuses. Notre cicérone volontaire nous a dit qu'un antiquaire de Londres en avait offert 40.000 pesetas, ce qui fait 130 mille francs, alors que ça vaut peut-être le double !

Ces curés sont amusants ! A part leurs habits, semblables à ceux des prêtres de chez nous, ils ont l'allure de paisibles citoyens.... comme tout le monde. Ils bavardent avec chacun et fument tranquillement en habits sacerdotaux. Dans ce cloître, ils étaient une demi-douzaine qui attendaient l’Évêque à sortir, pour recevoir sa bénédiction avant d'entrer à l’Église pour la messe.

Dés qu'il apparut, entouré d’enfants de chœurs et de vicaires, les abbés ont jeté leurs cigarettes, se sont inclinés pour la bénédiction, et notre bavard nous a quittés sur une bonne poignée de main. Nous n'avions pas du tout l’impression d''être avec un prêtre ! Ils sont autrement plus sympathiques que ceux de chez nous, quelques rares exceptions prés !

Nous avons quitté SEO-DE-URGEL en nous promettant de le vanter autour de nous pour y envoyer des compatriotes : Ça vaut la peine d’être vu et admiré !  Nous avons passé la frontière vers midi à PUIGCERDA, et sommes allés déjeuner à MONTLOUIS. Le soir : coucher à CARCASSONNE. Je ne sais plus qui a dit : "Quand on a vu Carcassonne on peut mourir, ou quelque chose d’approchant....Eh bien ça ne m’enthousiasme pas ! Évidemment la "Cité" même, c'est à dire l'ancienne ville, est curieuse, mais seulement par ses remparts, ses fortifications bien restaurées. Quant aux maisons à l'intérieur des murs, ils sont assez quelconques. Et puis il n'y a que des marchands d’antiquités, plus ou moins.... antiques, et de cartes postales ; C'est odieux! Et puis...ce n'est pas propre ; Les gens de la cité jettent leurs ordures n'importe où, alors le coup d'œil n'y gagne pas, ni l’odorat ! Sans compter les trop nombreuses "sentinelles", plaies du midi, à croire que les gens de là-bas ignorent les fosses d’aisance !

Pour en terminer avec L'Espagne, j'ajouterai que j'étais partie avec des idées arrêtées, issues de Je ne sais quelles sources !  J'imaginais le pays dénudé, poussiéreux, misérable, les villes délabrées avec des ordures stagnantes, des odeurs.... moins qu’agréables, une population frondeuse, hâbleuse,  pauvre, sale, hostile à l’étranger,  et paresseuse.

De plus la vie chère et l’exploitation méthodique du touriste étranger ; Quelque chose de flatteur dans l'ensemble, quoi ! . . . . Hors j'ai été agréablement surprise de constater que, à part l'aridité du sol et la poussière, je m'étais, pour le reste tout-à-fait leurrée, tout au moins en ce qui concerne les parties visitées par moi. Les villes sont bien tenues, très propres, surtout dans les parties modernes. L’hygiène est fort observée, et en voici deux exemples : Au café, au restaurant, pas de sucrier ou chacun plonge à sa guise suivant son éducation, mais avec chaque tasse, un petit cube de papier bien clos, portant le nom de la maison, et très probablement livré ainsi par l'usine, contenant cinq morceaux de sucre de petite taille. On est ainsi assuré qu'aucune manipulation étrangère n'est intervenue depuis la mise en paquet, et que l'on n'hérite pas d'un morceau déjà laissé pour compte sur une table et remis dans le sucrier après que les mouches en ont fait un usage plus ou moins immodéré !  C'est appréciable Je t'assure !

Autre chose : Quand on veut envoyer une lettre, des cartes postales, on entre à la poste ou dans un bureau de tabac, et l'on demande les timbres nécessaires. Mais point n'est besoin d'en lécher une surface plus ou moins microbienne, car c'est la préposée à la vente qui, avec une éponge en permanence auprès d’elle, humecte et colle les timbres en bonne place. Si l’on insiste pour en emporter, on vous les donne dans une petite pochette propre et bien close, ou ils sont à l'abri des impuretés ! C’est épatant ! Quant à la population, elle m'a paru très disciplinée dans l'ensemble, et fort sympathique. De plus, surtout dans les campagnes, on travaille dur. Enfin l'accueil fait aux étrangers est empreint de la plus parfaite urbanité. Autre avantage appréciable : La vie est d’un prix 40 % moins élevé qu'en France, et on n’a nullement l'impression, en tant qu'étrangers, d’être estampés comme dans beaucoup de petits coins de chez nous que je pourrais citer. Dieu que j’aime l’Espagne !

Un seul regret est de n’avoir pas vu une course de taureaux " à muerte", avec la couleur locale, mais il eut fallu être là-bas un dimanche, et nous y sommes passés en trombe, en semaine ! Tant pis, ce sera pour une autre fois. Et je-vais me perfectionner en espagnol en attendant, car il est décidément indispensable de bien parler pour apprécier.

Je résume le reste du voyage : J'en étais restée à CARCASSONNE. Je passe sur BEZIERS, CETTE, MONTPELLIER ; La côte est bien agréable : Du soleil et de la brise.

AIGUES MORTES, enclose dans ses murs, est petite mais sympathique.

 Je garde la mémoire d'un déjeuner à coup de fusil au GRAU, mais il y avait des moules crues énormes, épatantes.

Nous sommes arrivées aux SAINTES-MARIES DE LA MER assez tard le soir, et nous avons failli coucher dehors !


La fête annuelle des gardians, qui a généralement lieu en Juin, avait été remise en Juillet cette année-ci, par suite des épisodes de mistral qui avaient retardé. Nous sommes arrivés la veille de cette fête, et.... pas de place !  Enfin on en a trouvé dans un hôtel plein de moustiques (ce qu'il y en en a dans ce patelin !). La plage est pour ainsi dire inexistante, et la ville même, la bourgade plutôt, est toute petite et sans aucun intérêt, mais il faut mettre à part la célèbre et antique église qui vaut à elle seule le déplacement. C'est presque une forteresse où l'on entre en descendant quelques marches, et qui est percée de meurtrières en guise de fenêtres, ce qui explique les quasi ténèbres qui règnent à l'intérieur. Elle a dû résister dans les temps révolus, à plus d'une attaque venue de la mer, mais à présent elle ne subit plus l'assaut une fois l'an, que de la foule bigarrée des . . . . bohémiens, amplifiée de celle des curieux, qui vient rendre hommage aux Saintes, sorties ce jour-là en procession, toutes parées. Cette tradition, comme maintenant beaucoup de choses de cet ordre, se perd peu à peu d'ailleurs, et le nombre des pèlerins diminue chaque année, et se limite spécialement à des errants séjournant en France, et de préférence dans les provinces méridionales, alors qu'autrefois, il en venait de l'Europe entière, et que leur camp, immense et grouillant, submergeait la ville en mai.

Le lendemain matin nous avons, d'un commun accord, retardé le départ pour assister à l'arrivée des gardians, lesquels, comme tu le sais, sont des gens à cheval qui gardent, dans les plaines de la Camargue, les troupeaux plus qu’à demi-sauvages de bovidés et de chevaux. Le jour de leur fête, ils amènent le matin aux Saintes-Maries, une dizaine de bœufs et de vaches pour les courses de l'après-midi, courses sans mises à mort, lesquelles se bornent à un simple jeu d’adresse. Les bêtes choisies sont groupées, et le bloc qu'elles forment, entouré de gardians à cheval, pique en main, fait une entrée au galop en ville. Les gars du pays que l'arrivée de cette charge électrise, lui font une haie d'honneur gesticulante, bondissante et hurlante à l'arrivée. Dans cette ambiance excitante, sous ce soleil, je me suis tenue à quatre pour ne pas bondir et crier moi aussi ! Mais je me suis dominée, et ai pris exemple sur le calme souriant des Arlésiennes en beaux atours ! Il est vrai qu'elles seraient bien empêchées de gambader dans leurs longues robes dont la jupe légèrement en forme et le corsage ajusté à taille haute et serrée, rappelle un peu, y compris la longue ombrelle, la mode de…. 1909, autant que je puisse m'en souvenir ! Elles portent en plus une "pointe" de mousseline fine sur les épaules, et a coiffe d’Arles, le tout petit machin rond en ruban, entourant le chignon haut perché. Je ne croyais pas que le costume local fut demeuré aussi en faveur, et sa vue m'a enchantée. Quelqu'un dît près de moi, en montrant l'une des jeunes filles qui portait une belle toilette rose : "Regarde la reine d’Arles !" Je ne sais si c’était vrai, mais à tout hasard, on l'a photographiée comme souvenir au milieu d'un groupe.

Une fois les bêtes de course enfermées dans un enclos de planche près de l'arène faite de même, tout le monde va à la messe, après laquelle le curé sort bénir tous les chevaux de la paroisse qu'on lui amène sur la place devant l’Église.

J'ai malheureusement appris après coup, que cette fête de gardians perdait également son caractère original : Seules les apparences subsistent, car ce ne sont plus seulement les vrais bergers qui viennent comme autrefois, mais plutôt en majorité leurs maîtres qui empruntent à cette occasion le costume de gardian. Ils ont la veste de velours noir pour la plupart et tous de grands chapeaux, le plus souvent gris et à bords plats. C’est très joli !

Quant aux chevaux, de petites bêtes grises aux pattes fines rappelant la race arabe, ils sont harnachés d’une belle selle que hausse une sorte de dossier portant derrière les initiales du cavalier, et pourvue d'étriers en fer forgé dans lequel le pied s'emboîte, le tout d'aspect un peu barbare, mais fort joli.

Partis vers onze heures des SAINTES-MARIES, nous sommes allés déjeuner à ARLES, cite où les gens sont bruyants et joyeux !

 

 

Nous avons ensuite repris la route et avons visité sur sa colline LES BAUX, amas de ruine et de rochers que l'on distingue difficilement les uns des autres. Il y a encore debout quelques maisons, dont beaucoup n'ont plus que la façade, et d'autres plus modernes où logent les quelques habitants du patelin : Des marchands d'antiquités, et de cartes postales. En plus un hôtel, même deux je crois me rappeler. Il y a aussi l'Eglise, très vieille, dont une chapelle sur un des bas-côtés est taillée en plein roc, ainsi qu'une cuve de fonds baptismaux. Chaque année on vient de fort loin assister à la messe de Minuit qui est, parait-il, très particulière. Il faisait, le jour de notre passage, une chaleur impressionnante, et il était des plus pénibles de sortir de l'ombre pour affronter le soleil.

Rouler à nouveau nous a paru bien agréable, car nous jouissions ainsi d'un peu de fraîcheur du fait de la vitesse. Nous avons rejoint l'ETANG de BERRE, très grand et tout bleu, comme la méditerranée avec laquelle il communique d'ailleurs, et nous avons couché à MARTIGUES, fort gentille petite ville d'aspect essentiellement méridional, avec ses larges "promenades" ombragées de platanes énormes, et ses terrasses de café largement étalées et toujours fréquentées !

J'y habiterais bien volontiers !

Ah ! Ce midi ensoleillé, aux gens expansifs et nonchalants ! Comme J'y émigrerais avec plaisir, malgré le mistral qui... gâte parfois le paysage.

Abandonnant la côte, nous avons rejoint la route des Alpes déjà parcourue les deux années précédentes, et après avoir fait successivement étape à DIGNE (coucher hôtel de 1er ordre : punaises !), EMBRUN (déjeuner), SAINT-JEAN-de MAURIENIE (coucher), et parcouru les Monts de la TARENTAISE, coins ravissants où je retournerais volontiers en visite.

Nous sommes montés à CHAMONIX par un froid de canard et sous un amas de nuages qui nous ont à peine permis de voir la MER de GLACE dont nous étions cependant tout près, puisqu'elle arrive aux première maisons de CHAMONIX, qui est une ville tout en longueur dans la vallée. Presque un petit PARIS quant au chic, trop à mon goût pour une cure de repos.

Le MONT BLANC domine le paysage de ses 4808 mètres d'altitude officielle, mais il faut que le temps soit clair pour le voir, et ce n'était pas précisément le cas car le mauvais temps était accroché sur les ALPES depuis plusieurs jours, et quand nous avons quitté la région, il y était encore. J’ai su depuis qu’il a continué tout le mois d’août !

Nous avons plus loin admiré au passage le LAC du BOURGET, puis celui, plus petit d’ANNECY, et avons déjeuné au bord de ce dernier. Enfin après avoir passé la frontière Suisse, nous avons gagné GENEVE, qui étend ses larges avenues bien propres comme savent l’être les villes helvètes au bord du grand LAC LEMAN.

Repassant aussitôt la frontière nous sommes allés déjeuner à GEX, et avons ensuite abordé la route du COL de La FAUCILLE d'où l'on découvre un magnifique panorama, et tout le LAC LEMAN au milieu d'un passage ravissant, pour fond de décor le MONT BLANC.... quand les nuages le permettent !

Par les départements du Doubs, de la Haute-Saône, des Vosges et de la Meurthe et Moselle, nous sommes allés jusqu'à- NANCY, surnommée "La Belle" à cause de sa jolie place Stanislas toute en style Louis XV très pur, et d’un ensemble bien composé.

Sur le parcours de cet itinéraire nous avons admiré au passage GERARDMER et son lac si joli, et du haut de la route qui monte au COL DE LA SCHLUCHT, nous avons eu une vue d'ensemble superbe.

BESANÇON est ville propre et sympathique au premier abord ; Les forêts des Vosges et du Jura sont toujours aussi belles et leurs sapins toujours aussi hauts! Quant au soleil…c’est fini ! Nous ne l'avons plus ou presque pas revu dans cette dernière partie du voyage. La veille de notre retour même, nous avons passé presque tout l’après-midi dans un café de COMMERCY, attendant la fin de la pluie. Nous avons lu jusqu’au trognon tous les journaux et illustrés qui nous sont tombés sous la patte, et nous étions d'une humeur de dogues enchaînés !

Le lendemain, dernier jour de la randonnée, nous avons essuyé après BAR-LE-DUC une forte tempête accompagnée la plupart du temps d’une pluie fine et cinglante. Le vent était si fort qu’il faisait dévier les machines ! Nous avons vu tomber de grosses branches des arbres bordant la route, et nous nous félicitions qu'elles soient tombées à côté de nos modestes personnes !

Maintenant c’est PARIS à nouveau. Nous avons repris la route pour les trois jours de fête de l'Assomption, mais jusqu'en Seine-et-Marne seulement. Premier Jour : comme-ci comme-ça; deuxième jour : meilleur et ensoleillé, et troisième journée : superbe !

Nous nous sommes reposés à NEMOURS, gentille petite ville au bord du Loing, entourée de Jolies promenades en forêt au milieu des rochers. Seulement cette année, avec l’humidité des mois précédents, il y avait des moustiques, et j'ai été dévorée... une fois de plus!

Nous voici au dernier jour d'Août. Ma lettre commencée depuis près d’un mois est enfin à sa dernière page !

Elle est déplorablement rédigée car je l'écris au bureau, à la machine, pour que tu lises plus facilement, et... Dame ! Je suis souvent dérangée. Souvent je commence une phrase que je termine trois jours plus tard… ne me souvenant plus de ce que je voulais dire ! Alors ça n’arrange rien, et… pas le temps de faire un brouillon.

J’ai oublié beaucoup de détails, mais enfin, telle quelle elle me rappellera pas mal de choses.

Tu seras aimable de la garder ; Tu la passeras à maman à qui je n’ai pas eu le temps d’en dire bien long sur ce sujet ; Ça l’occupera cinq minutes !

Depuis une semaine, nous avons enfin chaud ici : Le thermomètre est progressivement arrivé à près de 35°, et dans mon bureau j’ai 29 ou 30° comme moyenne ! 25° c’est suffisant ; J'en ai ainsi 4 ou 5 de trop ! Qu’il ferait bon en montagne ou au bord de la mer !

Ce soir j'ai des amis à diner :  Ça me fera coucher tard, et ça m'empêchera probablement de me lever assez tôt demain matin pour aller me promener en campagne ! Tant pis : J'aurais pourtant eu plaisir à me rafraîchir un peu dans le vent de la vitesse !

Bien que ça m'ennuie de te faire déranger par le facteur, Je vais faire recommander ma lettre, car avec les fantaisies de la Poste elle pourrait bien s'égarer, et j'aime autant ne pas avoir à la recommencer !

 

J'espère que tu ne te ressens plus de ta chute, et que ta santé est aussi bonne que possible.

Avec les meilleurs baisers de ta petite fille

 

France Jeanne-Aimée Birard.

Elle née le 5 Février 1901 à La Foye.

Son père était Arthur Birard, célèbre maire du début des années 1900 à La Foye (1866-1917), et sa mère Jeanne Clémence Célina MARTINEAU (1880-xxx) originaire du Cormenier (canton de Beauvoir).

Après son mariage le 30 avril 1931 à Paris (16ème), avec Marcel LANGOËT, né en 1888, elle suivra son mari en Tunisie ou il effectuera une carrière de militaire. Ils n’auront pas d’enfants.

Puis au décès de celui-ci en Tunisie, en 1947, à l’âge de 59 ans, elle reviendra s’établir à la Foye dans la maison familiale, en alternant les séjours à Paris. Elle fera poser une plaque sur la stèle du caveau familial en mémoire de son mari.

A sa mort en 1993 à l’âge de 92 ans, n’ayant pas d’héritiers, elle donnera tous ses biens à la commune qui en reconnaissance rebaptisera de son nom "France Langoët" en Septembre 1994 la rue passant devant chez elle (La rue passant devant le cimetière, sur la route d’Usseau), en remplacement de " Rue du stade ".

Le caveau familial :

Son acte de naissance :




 

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