Retour d'enfer... Eugène témoigne..


Retour d’enfer… Eugène, un "jeune de La Foye",  raconte….


Sommaire :
  1. Une Jeunesse difficile mais heureuse, aux Fosses.
  2.  Le service militaire
  3.  La vie d’homme marié
  4. Rappels pour exercices militaire
  5.  La Mobilisation
  6. La bataille de la Marne
  7. Les Rives de l’Aisne
  8. Le Plateau de Nouvron
  9.  Combats en Champagne
  10.  La défense de Verdun
  11. Longue période de convalescence
  12. Retour au combat
  13. Lucien, Julien, Silas et Clément également mobilisés !


En cette fin de mois d’Août 1914, Eugène s'assoupissait et son esprit s’était mis à vagabonder. Assis sur une banquette en bois inconfortable, dans ce wagon ou il avait embarqué quelques heures auparavant à la gare de Parthenay, il observait ces jeunes habillés en soldat comme lui, capote gris-bleu et pantalon rouge-garance, et à leurs pieds, un sac à dos qui pesait au moins 25 kilos. Ils ne savaient pas ou ils allaient, juste qu’ils devaient rejoindre les casernements dans l’Est de la France, une région totalement inconnue pour la plupart d’entre eux. 

A travers les vitres embuées, plusieurs s’extasiaient à la vue de ces maisons au toits d’ardoise et aussi des paysages qu’ils découvraient pour la première fois et qui ne ressemblaient pas à celui de leur campagne. Le bruit régulier de la locomotive à vapeur l’entraînait dans ses pensées. Il se remémorait ces dernières semaines passées aux moissons avec ses deux frères. Les jours précédents, il leur avait fallu transporter les gerbes dans la grande charrette tirée par la jument, puis monter un « pailler » dans la cour de la ferme en hissant les « bottes » à la fourche, puis les disposer afin qu’elles ne prennent pas la pluie et ne moisissent pas. Heureusement le père était là pour leur expliquer comment faire. 

Que la vie était douce alors à La Foye, et bien qu’ils ne soient pas riches, ils vivaient bien, comme la plupart des autres familles du village. Les récoltes leur apportaient des revenus, et le jardin potager, les volailles, les cochons, et tout ce qu'ils élevaient, leur permettaient de bien manger. Et le dimanche au "Logis", toute la famille se réunissait autour d'un bon repas arrosé du vin de la vigne. Chacun y allait de son anecdote ou de sa bonne blague. C'était le bon temps !

Mais deux semaines auparavant, un gendarme du Canton de Beauvoir était venu à la maison accompagné du maire de La Foye, Arthur Birard. Aux trois frères ainsi qu'aux parents, celui-ci avait expliqué que la guerre venait d'être déclarée et que chacun avait l'ordre de rejoindre immédiatement son régiment d'affectation, celui qui était mentionné sur le document de mobilisation qu'ils avaient reçu à la fin de leurs classes.  Pour Eugène se serait Parthenay

Et donc, aussitôt le paquetage de chacun effectué, leur père Louis, qui se remémorait la guerre à laquelle il avait participé tout jeune, celle de 1870, et à laquelle il avait été blessé, avait harnaché la jument et l'avait attelée à la carriole : Direction la gare de Beauvoir en traversant le bois de La Foye ! Heureusement ce n'était pas très loin ! Arrivés en gare, tout le monde pleurait lors des adieux. Mais sur place ils avaient retrouvé d'autres jeunes des environs de leur âge qu'ils connaissaient. 

Le chef de gare avait hissé un drapeau bleu-blanc-rouge sur la façade. Cela les avait encouragé, et chacun s'était mis à lancer quelques blagues en patois, comme on les affectionnaient dans nos campagnes. La gloriole avait remplacé l'angoisse: Ces foutus boches on les aura !

 Mais une fois assis dans son wagon, Eugène s’inquiétait: Qui pourrait à présent s’occuper des battages à la fin du mois. Qui ferait les vendanges en Octobre maintenant que les trois frères étaient partis, et qui allait labourer les champs avec bœufs et chevaux, ensemencer, soigner les animaux, traire les vaches, faucher le foin...   Pour tout cela il ne restait plus à la maison que leur père Louis, le beau-père Alexandre (Morisson), les trois épouses et leurs enfants. Et que deviendraient sa chère femme Alina et sa fille Gabrielle qui avait tout juste 14 ans et qu’il aimait tant…

Ce qu'il ne savait pas, c'est qu’il ne les reverraient que 4 ans plus tard, épuisé, amaigri, et malade. 

Mais heureusement le destin veillera sur lui, il arrivera à survivre à cet enfer. Hélas au retour la vie ne sera plus pareille, une partie de son âme étant restée « là-bas »..

 

Il sera de tous les combats

La Marne, l’Aisne, la Champagne, Verdun, puis les combats dans les marais sur la frontière Belge, et enfin la Somme... Eugène Vinatier aura tout connu : La fatigue, l'angoisse dans les tranchées, les gaz, les blessures…      

Cette guerre épouvantable le marquera pour le restant de sa vie, ainsi que ses deux autres frères Lucien et Julien, et son neveu Silas, eux aussi mobilisés.  Tous habitaient La Foye. Il y avait aussi un de leurs cousins, Clément, qui avait été envoyé au front, mais hélas lui y laissera la vie (lire leur parcours en fin d’article).

Les trois frères Vinatier auront la chance d’en réchapper, ce qui ne sera pas le cas de bon nombre de leurs camarades de La Foye. Les plaques apposées sur le monument aux morts (33 noms) et dans l’église (36 noms), sont là pour le rappeler.

Quasiment tous ceux de 19 à 35 ans seront mobilisés, avec quelques-un plus âgés, soit au global près de 200 jeunes (et moins jeunes) de La Foye sur la période. Au final l'on recensera plus de 40 morts officiellement déclarés, certains étant restés sur les champs de bataille. Le cimetière en conserve encore de nombreuses traces bien que beaucoup de tombes soient à présent disparues ce qui rend l’exercice de mémoire difficile.

 

En août 1914 Eugène avait 39 ans. Mobilisé dès les premiers jours, son âge le classait parmi les réservistes. Assez petit: 1,62m, yeux marrons, teint foncé, il était assez trapu et costaud, rompu aux durs travaux de la ferme. Et comme tous les hommes de l’époque il portait la moustache.

En principe, il devait, comme ses deux frères Julien et Lucien qui étaient dans le même cas, faire uniquement partie des unités de soutien (régiments territoriaux), et rester en arrière des combats, mais les évènements en décideront autrement. 

Comme beaucoup d’autres venant des campagnes, leur mission initiale était de préparer le terrain pour les unités combattantes, creuser des tranchées, construire des murs, et assurer l’approvisionnement du front en se déplaçant sans arrêts vers les différentes zones de combat.

Mais cette guerre s'avèrera épouvantable et très meurtrière. Dès la fin de la bataille de la Marne fin 1914, les « territoriaux » devront remplacer les combattants dans les tranchées, sous les tirs ennemis, les obus et les déflagrations. A partir de là, Eugène n’aura aucun répit et sera en première ligne sur le front de Champagne tout au long de 1915. Puis en 1916 il devra participer activement à la bataille de Verdun.

Épuisé par deux années de fatigue, de froid, humidité et mauvaise nourriture, il aura aussi à subir les gaz asphyxiants et devra être évacué. Mais ce sera surtout l’entérite chronique qu’il aura contractée au front qui lui vaudra de nombreux séjours dans les hôpitaux.

Hélas, aussitôt guéri il devra repartir sur le front jusqu'à la frontière Belge, pour participer aux combats qui ne se termineront que lors de l’armistice du 11 novembre 1918.

Il ne rejoindra sa famille à La Foye qu’au début de 1919.

1914-1918 : Pendant ces quatre ans d’enfer, Eugène entretiendra une correspondance régulière avec son épouse Alina, restée au village. Au-delà de son rôle de mère, celle-ci devra pendant plusieurs années assurer seule avec les ainés et les enfants les travaux de la ferme. Ayant fait des études d'institutrice, c'est elle qui le soir rédigera les lettres envoyées aux soldats car nombreuses étaient les femmes à La Foye qui  ne savaient alors ni lire ni écrire.

Cette correspondance soigneusement conservée dans une boite à biscuits en fer au fond d'une armoire, faite de cartes postales succinctes écrites au crayon (l’encre supportant mal l’humidité des tranchées), échangées avec sa famille et ses amis pendant cette période, a permis de retracer ce parcours qui mérite d’être raconté. Ceci illustre bien le traumatisme subi pendant des décennies par tous ceux qui en sont revenus, et par les familles qui y ont perdu leurs enfants.

Reconstituer son parcours détaillé est difficile mais les dates (pas toujours marquées), les lieux, et l’histoire de son bataillon racontés par d’autres permettent d’en établir la chronologie.

Ce qui marque, c’est son courage et sa volonté tout au long de ces quatre années et demie. Dans ses courriers du front il ne disait presque rien à sa famille mais il cherchait en permanence à leur remonter le moral. Et plus tard, comme ses camarades, il restera « taiseux », préférant ne pas évoquer ces souvenirs douloureux.  
 
la plupart des illustrations présentées ci-dessous proviennent des cartes postales retrouvées, certaines de documents d’époque.

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1.    Une jeunesse heureuse mais assez difficile aux Fosses.

Né en Juillet 1875 au Puy des Fosses, Eugène-Silas passa une jeunesse assez heureuse au sein d’une famille aimante, au coté de ses deux frères : L'ainé : Julien, né en 1871, et le plus jeune : Lucien, né en 1878. Ils avaient eu une sœur, Marie, née en 1873, mais qu’il n’avait pas connu, celle-ci étant décédée à l’âge de 3 mois.                                                                     

Sa mère Marie avait fort à faire pour s’occuper de leur petite maison aux Fosses et de ses trois fils. Le père, Louis, était dur à l’ouvrage et âpre au gain, et après l’école primaire Eugène avait dû l'aider pour s’occuper de la petite ferme, mais surtout travailler à ses cotés aux chantiers de maçonnerie et à la coupe de bois qui avait lieu l’hiver en forêt de Chizé. Il y avait appris à travailler dur et ne pas se plaindre, ce qui lui restera jusqu’à la fin de ses jours.

2.    Le service militaire.

En 1895, Eugène, lors de ses 20 ans, avait été convoqué pour effectuer son service militaire dont la durée était alors de 3 ans. 

A cette époque la participation s’effectuait par tirage au sort parmi les jeunes du village ayant 20 ans dans l’année. C'étaient les « conscrits ». Les plus fortunés pouvaient payer quelqu’un pour les remplacer, mais ce n’était pas le cas d’Eugène, sa famille étant très modeste à l’époque.

Il se rendit donc à Brioux, chef lieu de canton auquel le village des Fosses était rattaché. Il tirera le N° 14 et sera jugé apte.

Il avait donc rejoint Parthenay en train pour être affecté au 114eme Régiment d’Infanterie ayant pour devise : « Peur ne connaît, mort ne craint ». 

Lui qui n’avait connu que les villages environnants, ce fut un changement radical. Il y découvrit la discipline, les armes, mais comme il était de  bon contact, il s’y fit de nombreux camarades.

Incorporé le 16 novembre 1896 en tant que soldat de 2ème classe, il fut libéré le 20 septembre 1899. Que c'était long trois ans, surtout lorque l'on a 20 ans.

 

3.    La vie d’homme marié.

Le 24 janvier 1900, peu après son retour, il s’était marié à Fressines, à l’âge de 25 ans, avec Louise-Alina Morisson, plus jeune de 5 ans, que tout le monde prénommait Alina, et qu'il avait rencontrée dans un bal des environs. Elle lui avait sourit et ce fut le coup de foudre.                        
Elle avait passé à jeunesse à Fressines, dans la petite ferme de son père, Alexandre Morisson. C'était un village situé à une vingtaine de kilomètres au nord des Fosses. Puis après le mariage Eugène s'était établi dans la ferme de ses beaux-parents comme c'était de coutume. Courageux et travailleur, il était le bienvenu.  Peu après, une petite fille, Gabrielle y était née peu après en octobre 1900.

Mais la vie des champs était dure et la cohabitation pas toujours facile. Le père Morisson avait un fort caractère, de plus les revenus étaient trop maigres pour faire vivre correctement leur famille. En juillet 1902 ils étaient donc revenus s’établir aux Fosses, Eugène préférant travailler comme maçon aux cotés de son père.

Début octobre 1906, le père Louis ayant fait des économies, avait fini par acheter une grande maison au sud de La Foye. C'était était une ancienne propriété viticole abandonnée depuis quelques temps, et les propriétaires voulaient s'en débarasser. C'était deux hétitières, filles du célèbre père Roy, un meunier et vigneron réputé, celui qui l'avait construite. Elle serait assez grande pour y loger ses trois fils après quelques travaux, et pour des maçons, quoi de plus facile !  De plus il y a avait une importante surface de terres tout autour et les granges permettraient d'y faire trois écuries. Bien sûr il faudrait tout remettre en état et arracher les ceps de vigne a présent desséchés. 

Laissant la grande maison aux enfants, le père Louis s'était installé dans le logement de maitre de chais tout au bout, L'un après l'autre, tous les fils étaient revenus, étant  à présent mariés avec des enfants. Tous étaient  persuadés que cette grande ferme était suffissament grande pour permettre à chacun de bien vivre.
                                                               
Eugène occupait la partie du milieu avec sa femme Alina et sa fille Gabrielle. Il y a beaucoup de travail: Aménager la maison, agrandir le hangar, faire une écurie, et bien sûr cultiver les champs. Mais à cette époque la famille était très unie, les trois frères en pleine force et le travail ne leur faisait pas peur. Ils ne manquaient de rien et peu à peu la prospérité s’installa.
 
Eugène avec Alina et Gabrielle.

 

4.    Rappels pour exercices militaires.

Début 1900, la tension avec l’Allemagne s'exacerbe. Du coté Français, le traumatisme de la guerre de 1870 est encore présent dans tous les esprits, et l’on prépare la revanche. Pour renforcer la discipline et la cohésion des troupes, l’armée organise chaque année de grandes manœuvres incluant les appelés, engagés, et officiers d’active.

En 1902 Eugène est convoqué à Poitiers, au 125ème Régiment d’Infanterie. Il y fera des manœuvres du 7 octobre au 2 novembre.

Puis en 1909, il participe à nouveau à des grandes manoeuvres. Il est convoqué au même régiment ; Il y restera du 20 mars au 15 avril.

Il sera affecté comme servant de mitrailleuse. L'époque est à l'héroisme et l'on organise des séances de photographie avec les camarades. Sur la carte-photo ci-dessous, Eugène est très sérieux et fier de porter l’uniforme.



On porte à l’époque la vareuse bleue à double rangée de boutons, le pantalon rouge et la casquette à visière, également rouge. Le nationalisme était alors à son comble. Mais lors de la guerre de 14, cette tenue s’avèrera beaucoup trop repérable par l’ennemi et sera changée aussitôt après la bataille de la Marne, très meurtrière pour nos fantassins.

Mais ce nétait pas de tout repos, la discipline militaire étant toujours de mise, même en dehors de la caserne, et il faut coucher à la dure, assurer le service de campagne, et surtout marcher et simuler des combats.

En 1911, Eugène a à présent 36 ans.  Il est versé dans les unités de réserve, les Territoriales.

Il sera convoqué au 67ème Régiment d’Infanterie Territorial à Parthenay, mais cette fois ci pour 9 jours seulement. Il y restera du 4 au 12 Avril.

 



Le 67e RIT à Parthenay


 Il y reçevra son fascicule de mobilisation, en tant que soldat de 2eme classe. Ayant le matricule N°135, il rentrera tranquillement à La Foye pour y poursuivre sa vie normale aux cotés de sa famille.

 

5.      Aout 1914 : La Mobilisation

Ce samedi 1er Aout 1914, Eugène se trouvait encore à 5 heures du soir avec son frère Julien en train de ramasser des javelles (sarments de vigne) à la vigne du Champberlin, celle qui donnait un petit blanc si délicieux. Ils avaient entendu les cloches de l'église sonner, sans trop comprendre de quoi il s'agissait.

En rentrant ils étaient passés près du moulin à vent ou le meunier Clément Couhet chargeait des sacs de farine sur sa carriole. Il leur avait crié "O l'est la guerre les gars!". Effectivement, depuis des semaines les nouvelles rapportaient la montée de tension avec l'Allemagne, mais de là à ce qu'il y ait la guerre... Le père Louis leur avait raconté à plusieurs reprises celle qu'il avait faite, celle de 1870, mais tout cela était si loin, et puis les deux frères avaient passé l'âge: Eugène avait 39 ans et son frère 43 ans. S'il fallait partir ce serait d'abord les jeunes. Mais à la maison tout le monde ne parlait que de ça, l'inquiétude montait !

Dès le lendemain le garde-champêtre avait annoncé que la préfecture avait envoyé au maire un ordre de mobilisation, et que le jour même des affiches seraient apposées à la mairie et sur la porte de l'église.      Il y était écrit que tous les hommes, sans exceptions, devaient se rendre dans les plus brefs délais au lieu fixé dans leur fascicule de mobilisation.

Pour Eugène c’était Parthenay, là ou il avait fait sa dernière période, au 67e. Régiment d’Infanterie Territoriale, comme tous ceux des classes  1895, 96, 97, 98 et 99. Elles fourniraient le contingent nécessaire pour former le régiment. Vite, il fallait préparer son paquetage, sous les larmes de toute la famille qui voyait aussi partir ses deux autres frères.

Eugène arriva le 6 août à la caserne Allard à Parthenay, le lieu de rassemblement indiqué. Aussitôt identifié, il fut avec les autres, dirigé vers le cantonnement de la compagnie à laquelle il avait été affecté, et aussitôt, il fut habillé, armé et équipé. Heureusement, les «Dames de Parthenay» fournissaient une aide précieuse jusquà leur départ et travaillaient avec dévouement pour ajuster leurs effets.

 

 A la caserne Allard à Parthenay

Le 8 août au soir, le Régiment était prêt; il avait vraiment belle allure. Il était composé d'hommes robustes et vigoureux étant pour la plupart cultivateurs et partageant les mêmes traditions et les mêmes usages. Une franche camaraderie ne tarda pas à régner, dissipant peu à peu la tristesse causée par l'abandon des leurs.

Le 67e. Régiment d’Infanterie Territoriale (67e RIT) était commandé par le Lieutenant-colonel BAGUEREY. Il comprenait trois Bataillons à quatre Compagnies de 250 hommes et une section active. Son effectif au départ de Parthenay était de 3182 hommes, y compris 35 officiers.

Le 9 août, 8e jour de mobilisation, le 3e Bataillon auquel Eugène avait été affecté, et son Commandant De TERVES s'embarque à la gare de Parthenay à 5 h.15. Départ pour le front de l’est !

L'itinéraire fut Thouars, Saumur, Tours, Orléans, Juvisy, Ivry. A l'arrière du convoi, plusieurs wagons transportaient des chevaux qui avaient été réquisitionnés. Il y avait aussi du fourrage et plusieurs soldats affectés au pansage.

Ce voyage, comme celui de tous les régiments les premiers jours de la guerre, fut vraiment triomphal. A chaque halte, on offrait des fleurs, des rafraîchissements, on poussait des vivats en l’honneur des soldats. 

 

Ils croisèrent de nombreux convois de soldats dont la boutonnière était ornée de coquelicots, de bleuets, de marguerites et qui chantaient à gorge déployée.

Le 3e Bataillon débarqua à la gare d'Austerlitz, coucha à Ivry et le 11 se rendit à Villiers-sur-Marne. C'est dans cette petite ville que s'établît l’État-major du Régiment.

Le 67e était intégrée dans la 170e Brigade (Général TARIEL) qui, avec la 169e Brigade, formait la 85e Division (Général CHAPPEL), affectée à la défense de la région Est du camp retranché.

Aussitôt débarqué, Eugène doit participer a des travaux de terrassement pour établir des retranchements et des emplacements de batteries. Son bataillon est aidé par des civils et dirigé par des Officiers du Génie. Le 26 août, ordre est transmis au Colonel BAGUEREY d'aller occuper les positions avancées du Secteur 4 de la région Est.
Le 27, les unités sont ainsi réparties : État-Major et 3e bataillon, Lagny-sur-Marne. Eugène se retrouve donc à Lagny ou un casernement a été improvisé. Ils peuvent profiter un peu des bords de Marne qui respirent douceur de vivre et tranquillité. C’est encore l’été et il fait beau.

 

Tous pensent que la victoire est certaine, c'est l’état-major qui l'a dit : « Nous reprendrons l'Alsace et la Lorraine. Dans quatre ou cinq mois nous rentrerions chez nous, joyeux de la revanche et du devoir accompli ».

    
 
Les copains se font tirer le portrait (Eugène à droite). Tout le monde porte la moustache et fume, certains la pipe.

6.    Septembre 1914 : La bataille de la Marne.

Aux nouvelles excellentes du début en avaient succédé de moins bonnes. Eugène et ses camarades apprirent que les troupes françaises avaient évacué Mulhouse, qu'en Lorraine l'armée de CASTELNAU battait en retraite, que les passages de la Meuse étaient forcés, et la porte était à présent ouverte sur les plaines de Flandre.

Le 1er septembre, commencent à arriver dans le secteur de Lagny les émigrés des régions envahies. Pendant toute la semaine, ce fut un lamentable défilé de charrettes bondées de femmes, d'enfants, de vieillards, de meubles, suivis de troupeaux de bœufs et de moutons.

 Le 2 septembre, on apprend que les Allemands sont à moins de 50 kilomètres de Paris. L'inquiétude commence à gagner. Le Colonel reçoit l'ordre de redoubler de surveillance et d'envoyer à Meaux la 6e Compagnie pour assurer la garde des ponts jusqu'à ce que la cavalerie anglaise qui bat en retraite vers le Sud, ait franchi la Marne. 

A cette date, la ligne que le 67e a mission de défendre, s'étend de la rive gauche de la Marne, en amont de Lagny, jusqu'au sud de la lisière du village de Bussy-Saint-Georges, en passant par les lisières Est du parc du Château de la Grange du Bois, du bois de Chigny, du village de Conches, du parc du château de Gouvernes. Le long de cette ligne, les hommes creusent des tranchées. On construit à la hâte des murs crénelés, des épaulements, et barre les routes. En avant, chaque Bataillon a détaché des petits postes protégés par des travaux sommaires.

Les Allemands se rapprochent. Dans l'après-midi, le Génie fait sauter les ponts de Lagny
A partir de ce moment, Eugène et ses camarades comprennent la gravité de la situation et savent qu’il leur va falloir faire usage de leurs armes.  Le soir, ils apprennent par des cavaliers Français (dragons) qui se replient, que la veille, des hauteurs de Dammartin-en-Goële, ils ont aperçu de longues colonnes d'infanterie allemande, débouchant de la forêt d'Ermenonville qui obliquaient vers le sud-est en direction de Meaux.

Un peu plus tard, JOFFRE, commandant en chef des armées, ordonne aux armées françaises en retraite de bloquer l’avancée allemande et faire barrage au sud de la Marne, puis opérer des contre-attaques localisées pour gagner du temps.  

C’est le début de la « bataille de la Marne » qui aura lieu du 5 septembre 1914 au 12 septembre 1914.

 Pendant les 7 jours de la bataille, il n’y aura pas de répit. Eugène et son 3e bataillon seront au contact des premières lignes pour approvisionner en armes, munitions et vivres les unités combattantes. 


 

Les obus tomberont autour de lui. C’est pendant ces combats que Maurice Lecadet, un grand-oncle des Fosses, sera tué.

Maurice Lecadet, Saint-Cyrien, mort en Septembre 1914 à la Fère-Champenoise à l'âge de 23 ans.

Lagny, censé se trouver à l’arrière, se trouve de fait intégré dans la zone de combat, derrière les lignes de tranchées. L’armée française repousse les allemands : C’est la victoire, mais de courte durée.

 

Le 12 septembre Eugène écrit de Lagny à Gabrielle : « ma chère fille, je te remercie de la carte qui m’a fait grand plaisir…Je suis toujours en bonne santé, ton papa qui t’embrasse ». Les cousins Vinatier étaient également à Lagny « Les cousins Clément et Gustave se joignent à moi pour vous embrasser ».

 

Pas un mot des combats. Il ne veut pas alarmer sa famille. Mais ils seront déjà informés a l'arrivée de la carte, celles-ci mettant en moyenne 4 jours pour arriver. Et pour remonter le moral des troupes on met à leur disposition des cartes patriotiques, destinées aussi à les présenter comme des vainqueurs auprès de la famille qui attend des nouvelles.

 Ci-dessous quelques cartes envoyées par Eugène à La Foye. (La plupart des documents présentés dans ce texte proviennent de la correspondance d’Eugène)



 

Dès le 13 septembre, sous la pluie qui ne cesse pas, et qui, changeant les routes en fondrières, ralentit la marche de l'artillerie et des convois, la ligne des armées Française se heurte partout à une solide résistance. La 6e armée est engagée devant Soissons; l'armée anglaise est arrêtée sur l'Aisne; la 5e armée au nord de Reims; la 4e entre Chalons et l'Argonne; la 3e aux abords nord du camp retranché de Verdun. L'ennemi s'est réapprovisionné en munitions et a reçu d'importants renforts. On rentre dans une grande période de guerre de tranchées, épuisante et meurtrière.

7.     Octobre 1914. Les rives de l’Aine

La tournure qu’ont pris les évènements ont été transformés les territoriaux en véritables combattants.

Le 67e RIT devient réserve d'infanterie du 7e Corps d'Armée et participe à présent à toutes les opérations menées par ce corps d'armée, soutenant, ravitaillant les unités actives, souvent combattant à côté d'elles et avec elles.

Eugène a à présent pour camarades des enfants de 19 à 20 ans, et souvent, pour chefs, des jeunes gens de 25 ans. Ils se font tirer le portrait imprimé au format carte-postale pour envoyer à leur famille.

 

Photo de groupe (Eugène en haut à gauche). Les tenues sont plus opérationnelle, moins rutilantes qu’au départ.

Le 18 octobre les 3 sections de mitrailleuses sont reformées. Eugène y est affecté.

Les temps deviennent plus difficiles. Eugène participe à la vie des tranchées, mais il continue à ne pas vouloir inquiéter les siens. La plupart du temps, dans ses cartes, il n'écrit que quelques mots laconiques: « Je suis en bonne santé, je vous embrasse… ». .

Il leur écrit régulièrement, et en retour reçoit des nouvelles de sa femme Alina qui lui parle de la vie à La Foye. Le plus souvent il adresse son courrier à sa fille Gabrielle qui s’ennuie de son père.

16 octobre. Carte de Lagny.

 

   
 

 A partir d’octobre, les courriers portent tous le tampon violet du régiment.

30 octobre. Henry, le fils cadet de son beau-père Alexandre Morisson, lui envoie des nouvelles de la famille.

 

Début novembre son régiment lève le camp pour se rapprocher de la zone de front près de Compiègne, au Nord-est. Le 8 novembre Eugène écrit à ses parents pour leur annoncer ce départ: « Je vous remercie pour la peine que vous prenez pour moi, et plutôt pour nos tous, nous partons de Lagny pour Damartin..».


Il y a 35 kilomètres à faire à pieds avec tout le barda et il commence à faire froid. Heureusement le 67e a touché quelques véhicules qui transportent les équipements les plus lourds. Ils passent par Bussy-Saint-Georges, Montevrain, au château et la ferme de Deuil, Gouverves, Torcy, puis arrivent enfin à Dammartin-en-Goële (Seine et Marne).

 

Le 10 novembre, aussitôt arrivé, Eugène écrit à sa femme : « Je suis avec le voisin Clément Couhet, Il vous dit bien le bonjour… ».

 

 

Un peu plus tard il écrit : « …Les camarades de La Foye Couhet, Firmin, Drouet et Sauvaget sont aussi avec moi à Dammartin.. »
Clément Couhet ressortira traumatisé de cette guerre. A son retour il n'aura plus le courage de faire tourner son moulin à vent, "le Barreau ", qui était le dernier encore en service à La Foye.

 

Émile Sauvaget, lui, aura moins de chance. Il sera tué en août 1916 lors d’un assaut à la bataille de la Somme. 

 

14 novembre. Les Allemands sont alors tout proches et le moral commence à baisser. Dans ses cartes à sa fille il écrit « écris moi tous les jours. Ne m’oublies pas, ton papa ».

 

Le 17 novembre il écrit à Alina : « …Je suis toujours jusqu’à nouvel ordre à Dammartin…Le courage me manque jamais…vivement que la guerre soit finie car il me tarde de retourner auprès de ma petite femme, que je suis fière d’elle et que je n’oublierais jamais, ton petit mari qui t’embrasse »

Le 13 décembre, l'ordre parvint au Colonel du 67e RIT de se porter vers Pont-St-Maxence, près des lignes allemandes. Deux jours plus tard, une fois le campement levé, le départ est donné pour une marche de 40 kilomètres en direction du nord et avec tout le barda cela parait très long et pénible car la neige en fondant a détrempé les chemins.

Le 16 décembre 1914. Eugène écrit à Alina : « Nous sommes de passage à Senlis. Grande halte…Nous allons un peu plus loin, ne soit pas inquiète… »

En traversant Senlis ils peuvent constater pour la première fois la barbarie allemande. Des deux côtés de la Grand‘rue gisent les décombres des maisons que les « Boches » avaient incendiées sous prétexte que dans les faubourgs de la ville on avait tiré sur leurs éclaireurs.
 

Enfin le 17 après deux jours de marche épuisante ils arrivent à Pont-Saint-Maxence, et s'installent.

Le 28 décembre, Eugène écrit à Gabrielle : « Je vous souhaite une bonne année mais je sais qu’elle ne sera pas encore bonne. Je serai heureux d’aller vous voir. Vivement que je parte en permission qui sera aux alentour du 15 février... »

Le 31 décembre 1914, il envoie ses vœux à la famille.  

 

Les deux armées se font face et le renseignement devient clé. A partir de Janvier 1915, pour s’adapter au mouvement des troupes, on ne communique plus les adresses des soldats mais simplement les secteurs postaux mentionnant le n° de la division. Les cartes envoyées par Eugène porte à présent le numéro de Secteur 76, celui du 67e Régiment d'Infanterie Territoriale. 


                                                    


Et le 3eme bataillon appose également son cachet à l'encre violette, ou l'on peut lire "section des mitrailleuses".


2.    Début 1915 : Dans les tranchées du plateau de Nouvron

 

Le repos sera de courte durée. Le Général MAUNOURY décide que les Régiments Territoriaux de la VIe armée seraient affectés à la défense des tranchées de première ligne, d'abord par petites fractions intercalées dans les unités d'active ou de réserve, puis progressivement par fractions plus importantes.

Le régiment d’Eugène est d'abord employé tout entier à la construction d'ouvrages de défense sur la rive gauche de l'Aisne. Mais c’est l’hiver, il fait froid, et pour accéder aux premières lignes, il faut suivre des pistes transformées par les pluies en vraies fondrières, les tranchées n'ayant en maint endroit qu'une profondeur de 1 mètre à peine. Les soldats pataugent continuellement dans l'eau et dans la boue. 

 
Les abris sont insuffisants pour protéger contre les obus. On ne leur a donné qu’une demi-couverture et ce n’est qu’en février qu’ils recevront de l’Intendance des chapes en peau de mouton, des toiles de tente et des «chaussures de tranchée ».
Dans certains des petits postes, ils ne peuvent regarder aux créneaux qu'en prenant les plus grandes précautions, car les sentinelles boches tirent dès qu'il leur semble voir quelqu’un; le 7 janvier, un camarade d’Eugène, le soldat ROUCHER de la 10e Compagnie est blessé au pouce et au menton par une balle ; Quelques minutes après un autre de ses camarades, MORIN, déjà atteint à l'œil droit, est tué raide. Ce sera hélas le début d'une longue liste de blessés ou tués au sein du 67e.

A partir de cette époque, Eugène va se déplacer de tranchée en tranchée. Les combats autour de Soissons ayant coûté des pertes élevées, le Général MAUNOURY décide de remplacer immédiatement les régiments du front par les Territoriaux.

Le 9 janvier 1915, le 3e Bataillon ou se trouve Eugène reçoit l'ordre de rallier Crépy-en-Valois, où les attend le Lieutenant-colonel FAMIN nouvellement nommé au commandement du 67e. La troupe passe à Hautefontaine, puis fait étape le 10 à Feigneux et à Russy, puis le 16, les Compagnies cantonnent à Longpont-sur-Aisne. Mais le 17, on leur demande de relever dans la nuit du 18 au 19, un régiment de tirailleurs marocains qui défendait la rive gauche de l'Aisne, entre le confluent de cette rivière et de la Vesle, et le moulin de Rupreux.

Enfin le 27 Janvier Eugène arrive à Crépy-en-Valois.

 

 

Mais ce ne sera pas une partie de repos. D’une tranchée à l’autre, les bataillons se succèdent et se déplacent sans arrêt pour ne pas laisser la routine s’installer face à l’ennemi.  De Janvier jusqu’à Mars Eugène et ses camarades seront dans l’Aisne.

 

Eugène devait théoriquement avoir une permission de 2 semaines fin février mais l'on n’en trouve pas trace et personne dans les courriers n’en fait mention.

Du 25 mars au 14 avril, les compagnies sont employées à des travaux de fortification sur la ligne des plateaux Acy. Mont-de-Soissons, la Siège.

Début Avril, il est à Mériel-sur-Oise et écrit à sa femme et sa fille: « écrivez moi tous les jours »

 

Le 17 avril, ils vont occuper le secteur de Jury, compris entre le pont de Missy et la lisière Est du village de Venizel. Ce secteur est bien aménagé et très calme; Ils ne sont séparés des allemands que par la largeur de l'Aisne, mais ils n’y eu pas de perte pendant les douze jours qu’ils y passent.

Le 29 avril, ils sont remplacés par le 93e Territorial et retournent cantonner à Nampteuil-sous-Muret, et dans les villages voisins. Ils continuent les travaux de retranchement sur la ligne des plateaux Acy la-Siège.

En mai Eugène est à Vic-sur-Aisne pour aider le 2eme bataillon dans différents travaux.

En juin 1915, Le 67e RIT est rattaché au 7e Corps d’Armée commandée par le Général de VILLARET comme réserve d'infanterie

Le 3e Bataillon s’établit au secteur de Vingré, au sud-ouest du plateau de Nouvron, là où les combats avaient été terribles lors de la bataille de la Marne. Eugène et ses camarades sont astreints aux fatigants travaux de terrassement, et doivent ravitailler nuit et jour en munition et armes ceux qui sont dans les tranchées.

Les allemands sont très proches. Le front est souvent troublé la nuit par des fusillades nourries et le crépitement des mitrailleuses. Il est fréquemment bombardé de nuit et de jour par les canons de tous calibres,  Des mines explosent de part et d'autre. Il y aura de nombreux tués et blessés.

Le 7 Juillet, Eugène donne des nouvelles à Alina. Il n’évoque pas les combats mais précise qu’il est « toujours au ravitaillement ». A partir de maintenant la plupart des cartes postales circulent sous enveloppe.

Ce n'est que les 25 et 26 juillet que le 3e Bataillon quitte le plateau de Nouvron et va occuper le secteur de Pernant-le-Pressoir, tout près de Soissons, où quoiqu'en première ligne, les soldats trouvent le repos physique et moral dont ils ont besoin.

 

3.      Août 1915 : Durs combats en Champagne

Le 14 août le 67e reçoit l'ordre de relève puis celui de rejoindre Longpont-sur-Aisne, en deux étapes, afin de s'y embarquer par voie de fer. Les trains qui les transportent, les ramènent vers Lagny, Torcy, passent Épernay, Châlons-en-Champagne, puis de là, sont dirigés vers le nord, vers le camp de Châlons (Mourmelon le Grand). 

Au camp de Châlon le 67e R. I. T., se met à l'œuvre dès le 18 août, il est chargé de construire d’immenses abris bivouacs, à l'abri des vues de l'ennemi, destinés à recevoir des troupes avant une attaque.

Le 27 août, Alina donne des nouvelles de la famille. Elle parle de Silas Vinatier, son neveu (fils de Julien), qui est également engagé en Lorraine. Apparemment ce dernier à de la chance car il bénéficie d’une permission.

Après les aménagements, Eugène et ses camarades durent songer aux travaux de préparation immédiate de l'attaque : Parallèles de départ, boyaux de liaison, boyaux d'accès, d'évacuation. Ce fut un labeur incessant et pénible, souvent dangereux en raison de la proximité de l'ennemi. Cependant tout semblait être prêt: les troupes de choc étaient en place, ainsi que l'artillerie. Cette dernière était d'une importance considérable, pour l'époque, artillerie légère de 75, artillerie lourde et même artillerie à longue portée sur train blindé.

Tous sentaient que l'heure de la bataille allait sonner.  Ces hommes dont les plus jeunes avaient bientôt 40 ans, se rendirent compte qu'ils allaient faire la guerre comme les plus jeunes et que leur âge ne les mettait pas à l'abri. Le Régiment complètement au repos fut doté de l'équipement et de l'armement de bataille, chacun reçut un masque protecteur contre les gaz asphyxiants et un casque en remplacement du képi qui devait disparaître.

Le canon les appelait, l'artillerie en effet commençait à faire rage.

Récit d’un participant:

25 septembre 1915 : « L'intensité des feux de 1re ligne, artillerie et fusées éclairantes, augmentaient sans cesse, sillonnant la nuit noire et permettant aux unités de se diriger pour rejoindre leur poste de combat.

Avant le jour tout le monde était en place. Les 2e et 3e Bataillons du 67e, Bataillon SERRE et Bataillon d'OLBREUSE, arrivèrent sans encombre aux sources de l'Ain, à l'entrée des boyaux de Guise et Grammont.

 
Un tir préparatoire d'artillerie, formidable, à cadence échevelée, fut déclenché. Les 75 tiraient comme des mitrailleuses. Enfin l'heure H (9 h.15) fut indiquée au Lieutenant-colonel, qui prescrivit aussitôt aux 2e et 3e Bataillons de se rendre à leur place dans les tranchées de départ.

A 9 h.15, avec un entrain et un enthousiasme qu’on n’avait pas vu depuis la Marne, l'assaut fut donné.

Dans les fameux bois de la Chaise, des corps à corps terribles s'engagèrent à la baïonnette et partout des corps jonchaient le sol. Presque sur tout le front de bataille, les premières lignes allemandes avaient été emportées et le 25septembre au soir, une véritable victoire venait d'être gagnée.

Mais les mouvements de l’artillerie lourde de campagne, destinée à bouleverser les lignes adverses, composée presque exclusivement de lourds Rimailho, furent entravés, plusieurs passerelles, établies par le Génie sur les tranchées de la première ligne, particulièrement profondes, se brisèrent sous le poids des canons, au moment de leur passage et plusieurs s'enlisèrent dans ce terrain détrempé, piétiné et fouillé ».

 
Les 2e et 3e Bataillons placés dans les tranchées de départ, au moment de l'attaque, occupent le terrain conquis au fur et à mesure de l'avance. Cependant, dès le 26, l'ennemi s'était ressaisi, il avait amené à pied d'œuvre tout ce qu'il avait de disponible en réserve dans les secteurs voisins, pendant la nuit il avait déplacé son artillerie, et déjà le 27 au matin, il était capable, protégé par ses travaux de défense, de tenir en échec la poignée d'hommes qui allaient l'attaquer.

Dans ces conditions, la journée du 27 se passa sous la pluie, en attaques continuelles, qui ne donnèrent aucun résultat. L'artillerie allemande, recommença à se faire entendre et à bombarder. Dans les tranchée chacun attendait sous le déluge qui dura plusieurs jours. Eugène se sentait épuisé moralement et physiquement, mais sans relâche il parcourrait le boyau ou il se situait pour rapprovisionner les bandes de balles de mitrailleuse. 

Puis quelques jours plus tard le 3e Bataillon reçut l'ordre de se porter dans les anciennes tranchées allemandes au Nord-est du bois de la Chaise. Il y restera pendant toute la bataille et, jusqu'au 2 octobre, date de relève de la Division, il subira de lourdes pertes. Les blessés étaient acheminés à l’hôpital de Chalons sur Marne, et souvent Eugène reconnaissait le nom de jeunes qu'il avait rencontrés.

 
Pendant plus de deux mois sans interruption, jusqu'au 12 décembre, tantôt le jour, tantôt la nuit, quelquefois nuit et jour, sans repos, sous la pluie et dans la boue, sous les balles et la mitraille, ils allaient tantôt en première ligne, tantôt en 2e ligne remuer de la terre boueuse, remplie de cadavres, revenant au bivouac, où ils n'avaient comme abri qu'une toile de tente transpercée, se couchant dans la boue, mangeant dans la boue, la nourriture que les rats leur disputaient, toujours trempés jusqu'aux os, sans avoir jamais un vêtement !

Eugène reçoit une balle !

A un moment lors d'un cheminement dans une tranchée, Eugéne eut envie de se relever et observer par dessus le talus. La mitraille faisait rage. Puis à un moment il ressentit comme une énorme piqure de guêpe en haut de son bras gauche. Puis une tache sombre apparut en s'élargissant sur sa vareuse; Il avait été touché ! Il poussa un cri: "Ils m'ont eut les salauds !". Peu après, son Lieutenant qui se tenait en bout de tranchée apparut, et dit: "Deux pour l'évacuer !".

Amené à l'arrière par ses camarades, la douleur se fit plus sourde. "Serre les dents" dit l'infirmier en versant de l'alcool sur la plaie. "Heureusement la balle n'a juste fait que traverser, elle n'a pas touché l'os, dans quelques semaines ce sera cicatrisé et tu ne sentiras plus rien". Effectivement il n'eut pas de fièvre, la plaie se cicatrisât et il resta au poste infirmier sans être évacué; Comme il était servant de mitrailleuse on lui répétait qu'il pourrait toujours se servir de son autre bras. 

Puis mi décembre ils prendra le train pour se reposer à Joinville, ou il sera acclamé par les locaux, ce qui lui remontra le moral. 

Plus tard ses petits enfants lui demanderont régulièrement : " Pépé Gène, fais nous voir ta guerre..." Et Eugène maugréait en relevant sa manche pour montrer sa cicatrice : "A ces foutus boches, ils m'en ont fait voir, ah les enfants si vous saviez...".

 

A son arrivée Eugène écrit à Alina qui s’inquiète : « Allons ma bonne Alina, bon courage, donne de mes nouvelles aux deux grand-mères et grand-père et Lucien (qui est rentré). Vivement la fin de cette maudite guerre…et penses que tu seras toujours heureuse avec moi… Je te raconterai le passé à mon retour… »

 

 

4.  1916 : La bataille de Verdun

Mais le repos sera de courte durée car dès le 3 janvier, Eugène et ses camarades convalescents doivent rejoindre leur Bataillon qui part pour Noirlieu, en réserve du corps d'armée.

Hélas, quelques semaines après, le 21 février commence l'offensive des Allemands contre Verdun, et le 67e R. I. T., le régiment auquel appartient son bataillon, doit participer à la défense de la place. La défense des points les plus menacés, bois de Cumières, bois des Corbeaux, Mort-Homme, étant confiée à des régiments d'active, la tâche des territoriaux est d’effectuer la garde des tranchées, travaux de jour et de nuit, ravitaillement des premières lignes en matériel et en munitions et cela sous les obus et les balles. 

Eugène et ses camarades le feront presque sans interruption pendant cinq mois; Pas le temps de penser à sa blessure. On est en plein hiver, il faut coucher dans la boue ou sur la terre glacée, n'ayant pour se protéger contre la pluie ou la neige, que la toile de tente.

Le 6 mars, les territoriaux des Deux-Sèvres occupent la tristement célèbre côte « 304 ». Les abris sont insuffisants pour les contenir tous et beaucoup doivent se creuser des niches dans la paroi des tranchées.

Le 7, le 3e Bataillon, viennent se placer à droite du 1er Bataillon, sur les pentes de 304 et de chaque côté de la route d'Esnes à Béthincourt. Lorsqu'elles arrivent elles ne trouvent aucun retranchement. Toute la nuit du 7 et toute la journée du 8 se passent à creuser des tranchées.

11 mars 1916. Un cousin, Paul, écrit à Alina  pour donner des nouvelles du front. Il est aux cotés d’Eugène, de Gustave et Clément Vinatier. Il dit qu'ils sont en bonne santé.

Le 30 mars, ils se replient à l’arrière. Des camions les  transportent à Menancourt, village situé sur les bords de l'Ornain, à une quinzaine de kilomètres de Bar-le-Duc. C'est le calme après l'orage.

Le 18 Avril, Ils prennent le train puis des autos les emmènent au nord de Rarécourt pour reprendre rang parmi les défenseurs de Verdun. C'est dans la boue qu’ils dressent les tentes.

Le 3e Bataillon est à la disposition de la 34e Division. Les hommes alternent la garde des tranchées et fournissent tous les jours des corvées pour la réparation des routes coupées par les obus et pour le ravitaillement des premières lignes en matériel et en munitions. Cette opération est très pénible, les hommes quittent le camp vers cinq heures du soir ; par des sentiers fangeux ils gagnent les lisières de la forêt ; là ils prennent sur leurs épaules des poutres, des planches, des torpilles, des caisses de grenades.... Lourdement chargés, ils doivent parcourir cinq ou six kilomètres dans les boyaux transformés en maint endroit en véritables fondrières, ils n'ont pour se guider que les rayons de la lune ou la lueur des fusées et des coups de canon. Lorsqu'à l'aube, ils rentrent au bivouac, ce sont des paquets de boue ambulants, il leur faut aller au ruisseau voisin laver leurs effets, et en attendant que leurs pantalons et leurs capotes soient secs, ils restent sous la tente enveloppés seulement d'une couverture.

Début mai. Au travail ou au bivouac, ils courent autant de risques que dans les tranchées. Presque chaque jour la liste des pertes s'allonge. L’artillerie allemande pilonne sans cesse. On enjambe les morts : les ravins sont complètement labourés par les obus. Il y a des trous de cinq et même de dix mètres de largeur remplis de cadavres.

La célèbre côte 304 va perdre jusqu'à sept mètres pour ne plus culminer qu’à 297 mètres à cause de cent vingt coups à la minute, ce qui fait cinquante mille obus en six heures.

9 mai 1916. Lors d’une mission de ravitaillement dans les tranchées, Eugène et ses camarades sont pris dans un déluge de feu. Les obus s’abattent tout autour; Des gaz suffocants !   

Attaque au gaz toxique lors de la bataille de Verdun (Meuse), en 1916. (BERLINER VERLAG / ARCHIV / AFP)

Chacun dans le groupe cherche sa respiration, les vêtements sont imprégnés, ils ne peuvent plus avancer. Des brancardiers munis de masques les rejoignent et les évacuent vers l’arrière. Au poste arrière ils sont examinés par l’infirmier. Eugène est touché aux poumons, il souffre, mais c’est surtout son état général qui inquiète. Comme de nombreux autres de son groupe les mauvaises conditions lui ont provoqué très une grave entérite (inflammation des intestins) qui lui l’affaiblit et lui provoque des nausées. On décide de l’évacuer.

Il sera évacué en ambulance vers Bar-le-Duc ou l’attend un train sanitaire. Direction Grenoble ou se trouve un hôpital militaire spécialisé pour ces problèmes.

Pour lui, les champs de bataille, c’est fini ! En tout cas c’est ce qu’il croit. La suite des évènements sera différente !

Le 3ème Bataillon du 67e R. I. T. sera dissous quelques mois plus tard, en Septembre 1916. Il aura à déplorer de nombreux morts.

 

5.  A l’hôpital militaire de Voiron (Grenoble).

Le 12 Mai 1916 il arrive à l’hôpital militaire de Voiron, situé au milieu des montagnes à 26 kilomètres au nord de Grenoble, près des montagnes.

Ses poumons se remettent rapidement, cependant on lui diagnostique une entérite chronique, très difficile à soigner. Il s’en remettra mais ce sera très long.

 

 
 
 
C’est une école qui sera transformée en hôpital militaire temporaire le temps de la guerre. Comme dans beaucoup d’endroits en France, les hôpitaux étaient réservés aux blessures les plus graves et opérations.

Le 11 mai Eugène écrit à Gabrielle : « Ne t’ennuie pas pour moi, car ma maladie n’est pas grave. Tu vois les montagnes sur la carte ou il y a de la neige, c’est là ou je me trouve. Je te raconterai mon voyage plus tard…Allons ma bonne Gabrielle, du courage ! Tu reverras encore ton papa cette fois. Dis à ta maman qu’elle se reconsole… »

 
Le 16 Mai, il écrit : « Ma bonne fille, ne t’ennuie pas pour ma santé car je t’assure que mon existence est bien plus agréable que le secteur de Verdun car je ne vois plus tomber ces obus autour de moi malgré que je souffre un peu. C’est bien préférable, je ne suis plus au danger. Je crois bien que j’en ai pour quelques temps (plusieurs jours) avant de partir de là... »
 

28 Mai. Il écrit à Gabrielle: « Ma bonne fille. Ne t’ennuie pas pour ma santé, je vais de mieux en mieux… ».

Sa santé s’améliore, à présent il peut se lever.

30 Mai : « Ma santé va mieux. Je ne souffre pas beaucoup. Je ne suis pas trop faible malgré que je suive toujours un petit régime. Vivement que cette terrible guerre finisse et que je retourne près de vous…Je ne reste plus au lit. Je vais dans le jardin. Il fait chaud le temps me dure. Avec les camarades on fait la partie de boule. Tu vois je ne me fais pas de bile… »


23 Juin: « Je suis toujours mon régime. Allons ça passera bien… »

Le bon air des montagnes le fortifie. C’est l’été et il fait très beau. Il participe au ramassage des foins à une ferme à coté. «  Le médecin m’a dit qu’il faut que je travaille.. »

Il profite de cette période calme pour écrire à toute sa famille, sa fille, sa femme, son frère Julien qui est rentré à la Foye depuis plusieurs mois, et ses neveux et nièces : Silas, Zélie, Juliette.

Le 2 Juillet il quitte Voiron pour rejoindre l’hôpital Bayard, un centre de convalescence militaire situé à Grenoble.

 
Grenoble le 24 Juillet 2016: « Ma bonne Alina, informe toi donc ou se trouve mon dépôt, car moi qui suis partit depuis 2 ans je l’ai perdu de vue… Peut-être que Henri (Morisson) peut se renseigner et faire les démarches… Je m’adresserai toujours à Parthenay. Et puis sans doute qu’il faudra rejoindre le dépôt ou il sera… »

Le 2 août 1916 il part pour deux semaines en permission à la Foye, ce qui lui fera énormément de bien, avant de rejoindre son « dépôt militaire », ou port d’attache, qui se situe à Parthenay.


6.  Une très longue convalescence.

 

Il arrive à Parthenay le 13 septembre 1916

 

Dès arrivé au régiment, il repart pour l’hôpital car son état n’est pas jugé satisfaisant. L’entérite est toujours là et il cumule une « constipation opiniâtre ». L’hôpital militaire de convalescence N°9 est installé dans un collège de garçons. Il sera ouvert du 18 août 1914 au 31 décembre 1918 avec une capacité de 193 à 300 lits.

 

 
Parthenay le 22 septembre. Eugène écrit à Gabrielle : « Pour moi rien de nouveau. Ma santé va toujours à peu près… J’espère bien aller te voir bientôt… »

 


Il sort de l’hôpital le 15 janvier 1917 pour rejoindre son unité, le 67ème RIT dont il subsiste un « dépôt » à Parthenay.
 
Mais le 9 février il présente encore des difficultés à respirer et doit revenir à l’hôpital. Le temps lui parait très long alors il s’occupe comme il peut.
Il doit probablement y côtoyer des spécialistes du jardinage car le 8 mars il note un petit mode d’emploi pour la taille des arbres fruitiers.

 

Malgré ce nouveau séjour sa santé ne s’améliore toujours pas. Le 30 mai il sort de l’hôpital de Parthenay pour rejoindre celui de Poitiers, un hôpital de convalescence, le N°16, qui a été installé dans un ancien monastère dominicain.

Il en sort le 3 juin 1917 pour revenir à nouveau à celui de Parthenay. Puis retour à nouveau à Poitiers du 29 juin jusqu’au 21 juillet. Direction le dépôt;   il est enfin guéri !

 

7.  Retour au combat !

Après 3 mois, il est affecté au 325e Régiment d’Infanterie qu’il rejoint le 15 octobre. Ce régiment avait été constitué à Poitiers en 1914 lors de la mobilisation.  
Eugène est jugé apte et rejoint le front dès le lendemain.

Ce régiment revient de très durs combats en Champagne et est à présent au nord-est de Nancy en Lorraine pour tenir le secteur Blemerey, Saint-Martin, au sud de la forêt de Parroy.

Après un repos de quelques jours, le secteur est pris sans incident. Il sera tenu sans faits notables, jusqu'au  2 février 1918.

Eugène a réintégré le bataillon des mitrailleuses, poste qu’il occupait précédemment.  Heureusement il n’est  pas affecté dans les tranchées mais dans des postes de défense de position qui heureusement ne seront pas attaqués. En complément des gardes il participe à des travaux divers et au ravitaillement. Il y a retrouvé de nombreux gars du Poitou « grands amateurs de pinard, qui ne sont pas arrivés à pied d'œuvre sans avoir apprécié la tisane du pays ».

Du 6 février au 28 mars 1818, le régiment est mis à la disposition de la 41e Division d’Infanterie pour exécuter, dans la région d'Einville, des travaux, sous la direction de l'artillerie du 7e Corps d’Armée.

Le 28 mars, le 325e, alerté, embarque pour la région de Montdidier-Amiens.

L'armée allemande a déclenché, le 21 mars, une formidable offensive vers la Somme, cherchant à séparer la 3° armée anglaise des troupes françaises.

Le 4 avril, le 325e occupe Louvrechy et les abords, poussant une compagnie dans le ravin au sud de Merville, pour assurer la liaison entre les troupes du 6e corps.

Les soldats des tranchées montent à l’assaut sous les tirs des mitrailleuses allemandes. Les combats feront rage, mais après plusieurs jours la position sera prise. Le régiment aura plusieurs centaines de morts.

En mars 1918 les 55e et 56e Régiments d’Infanterie Territoriale sont dissous. Seules les compagnies de mitrailleuses de ces deux RIT, qui étaient groupées en bataillon de mitrailleuses de position, seront maintenues jusqu’à la libération tels qu’ils étaient constitués.

Le  1er juin 1818 ils seront rattachés pour comptabilité au 500e Régiment d’Infanterie Territorial.

A cette date Eugène y seront donc rattaché.

18 aout 1918, un voisin de La Foye, Eugène Rocher est lui aussi à la guerre, et lui écrit :

« Nous sommes affectés au 3e bataillon de mitrailleuse. Et toi, que deviens-tu ? Tu es toujours de punition ? Ecris-moi… »

Le 29 octobre, le 325ème est chargé d'occuper le secteur de Granlupt et de forcer le repli de l'ennemi. L'infanterie allemande, très vigilante, ne cesse de harceler les positions françaises pendant que son artillerie martèle sans arrêt leurs lignes mais ils tiennent bon.

Début novembre 1918, l'ennemi, talonné de plus en plus, semble accélérer sa retraite; les villages autour d’Aubenton (Aisne), sont successivement délivrés.


Malgré tous ces obstacles, l'artillerie et les voitures du ravitaillement suivent les troupes.

Le 325e constituant l'avant-garde, pousse en direction de Beaulieu, et le 11 Novembre, à l'aube, il occupe Regnogez, à la frontière belge.

C’est l’armistice !

A 11 heures, le colonel reçoit la notification officielle de la cessation des hostilités et de l'acceptation par l'Allemagne de toutes les conditions de l'armistice.

Tout le monde explose de joie. On oublie ses peines, ses souffrances ; on ne voit plus que l'Allemagne vaincue, et la France victorieuse.

Le 17 Novembre, le régiment est à Chambry (Aisne), chargé de la réfection des voies de communication. Les travaux se prolongent jusqu'au 10 Décembre.

Eugène continue à faire du terrassement, mais à présent tout le monde à le cœur à l’ouvrage, on ne sent plus la fatigue.  Et puis il y a les habitants qui partout dans les villages qui les acclament.

 

10 Décembre 1918. Un copain de son régiment, Victor qui est en permission dans sa famille à Paris écrit à Eugène : « Mon cher Eugène, la permission suit son cours, la famille est en bonne santé. Je compte encore retourner auprès de vous, nous ne serons pas démobilisés avant le mois de février. Bonjour aux copains de la section, n’oublies pas… »

 

 

Metz le 16 Décembre 1918. Eugène écrit à sa fille : « Ne t’embête pas pour moi. Je suis toujours en bonne santé … Je pas ce soir je ne sais ou… »

 

Le 325e se met en route par étapes, pour la Lorraine reconquise, en passant par Berry-au-Bac, Reims, Brusson, Cousances-aux-Forges, Toul.


Le 5 janvier 1919, l'ancienne frontière est franchie entre Jeandelaincourt et Delme ; les troupes portent les armes, les clairons sonnent, la musique joue l'hymne national et les yeux se mouillent quand le régiment foule pour la première fois, en vainqueur, le sol de la Lorraine reconquise. Partout éclate l'enthousiasme des populations; à Delme, une ovation indescriptible accueille le 325e. 35 kilomètres plus loin ils sont à Nancy.

6 Janvier 1919. Un autre de ses copains de tranchées, Orphée, habitant Paris, lui écrit. Il est enfin rentré chez lui, il faisait partie d’un autre régiment qui était avec lui lors de la libération de la Lorraine.  « Cher camarade. Enfin me voilà tout à fait débarrassé. Cela n’a pas été sans mal et combien long car je n’ai été démobilisé que le samedi, juste 8 jours après nous avoir quittés. C’est vrai que j’avais réussi à passer un jour chez moi et me faire déshabiller au fort de Vincennes. Aussi quelle joie cela a été pour moi et pour toute ma famille que j’avais rejoint après avoir fait 4 kilomètres à pied avec tout mon chargement. Encore quelques jours pour vous, et cela sera votre tour. N’aies pas peur d’emporter ton barda... »

10 janvier, le régiment entre à Forbach; où il restera cantonné jusqu'à sa dissolution.

Enfin, le 1er février 1919, il sera mis en congés illimités et rejoindra définitivement sa famille à La Foye.

Quatre ans et demi qu’il les a quittés, c’est très long ! A son retour, c’est une joie immense.

Eugène ne sera officiellement libéré du service que le 1er novembre 1921. Il sera titulaire de la croix du combattant.



Ce parcours le marquera à tout jamais. Comme la plupart de ses camarades rescapés, il ne parlera pas beaucoup des ces dures années. Juste des bribes de temps en temps à ses proches.

Sa santé restera toujours assez fragile, ce qui ne l’empêchera pas de vivre jusqu'à 78 ans, entouré des siens et aimé par toute sa famille.

Eugène et Alina, à leurs 60 ans

 

Livret militaire d’Eugène dans les archives de l’armée 

 

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