Requisition des récoltes

Une liasse de documents retrouvée en Mairie, permet de retracer les échanges avec la Préfecture à Niort (en réalité la Kommandantur Allemande), concernant les réquisitions de produits agricoles et de matériaux. En effet la guerre avait totalement désorganisé le marché et entraîné des pénuries. Notre commune agricole fut mise à contribution en tant que source d'approvisionnement pour les villes mais aussi et surtout pour la puissance occupante. 
De plus une partie de la production était directement envoyée en Allemagne.
 
Les documents ci-dessous, furent tapés à la machine ou imprimés en ronéo, et la qualité d'impression est mauvaise. Pour lire le texte il est conseillé de l'agrandir au maximum sur grand écran. Seuls les documents les plus significatifs sont reproduits dans cet article Il y en existe beaucoup d'autres, disponibles pour envoi sur demande.
 
Le village eut beaucoup de bouches à nourrir pendant la Guerre !
En 1939 et 1940, il fallu faire face à l'arrivée massive de réfugiés, les loger et les nourrir.
Il furent répartis dans les fermes les plus importantes. Au village l’accueil y fut bon, et beaucoup s'en souviennent. 
Mais à partir de fin-1940, il fallut aussi nourrir les troupes Allemandes, alors nombreuses dans notre région. Notre village agricole fut fortement mis à contribution, et reçut régulièrement des injonctions des autorités. 
 
Les documents ci-dessous, furent tapés à la machine ou imprimés en ronéo, et la qualité d'impression est mauvaise. Pour lire le texte il est conseillé de l'agrandir au maximum sur grand écran. Seuls les documents les plus significatifs sont reproduits dans cet article Il y en existe beaucoup d'autres, disponibles pour envoi sur demande.
 
1941, le début des réquisitions
Ce n'est que début 1941 que se posa la répartition des denrées agricoles. L'état Français fut en charge de l'organisation. 
Dans un discours d'Avril 1941, le Maréchal Pétain s'adresse aux agriculteurs pour leur demander de livrer leurs produits excédentaires.


Mais bien sûr chacun se fera tirer l'oreille et les mesures deviendront de plus en plus contraignantes.

 
 
Il faut aussi nourrir la cavalerie Allemande
Le Préfet ayant fait une demande de foin et de paille pour la cavalerie Allemande, le conseil municipal de Mai 1941 de livrer deux quintaux de paille par hectare.


Les demandes devenant de plus en plus fréquentes, un comité agricole se mettra en place, intégrant chaque village  de la commune.
 

 
1942, il faut livrer les quantités imposées
En Octobre 1942, le Préfet fixe le contingent de céréales à fournir par la commune de La Foye; soit quatre-cent-six quintaux d'orge et cinquante-cinq quintaux d'avoine.
Dans ce document on précise que la répartition entre agriculteurs doit se faire au pro-rata de la surface exploitée.


Et donc en Mairie on établit la liste de tous les agriculteurs de la commune avec la contribution de chacun. On voit qu'à l'époque il y a 85 exploitants agricoles sur la commune. On note également le supplément qu'ils doivent fournir pour répondre à la demande.
Cette liste devra bien sûr être communiquée à la Kommandantur, ce qui permettra aux autorités de poursuivre directement les récalcitrants.
 
 
 
 
1943, l'explosion de la demande !
Les réquisitions allemandes avaient pour but, non seulement de nourrir les troupes campant sur le sol français, mais aussi les civils allemands et, plus tard, les soldats de l'Est.  
En effet le front de l'Est opposant les nazis à l'union soviétique entre Juin 1941 et Mai 1945, avait subi une forte pénurie de nourriture.
En effet, les troupes allemandes avaient avancé sur des centaines de kilomètres jusqu’aux abords de Moscou en quelques moi, mais l'hiver et les mauvaises conditions ne leur avaient pas permis de s'approvisionner sur place.  
 
Beaucoup de chevaux étaient engagés, et en octobre 1942 on procédera à une réquisition d'avoine. Ci-dessous la directive reçue par le maire de La Foye.
 
 
Début 1943, la situation devenant intenable, les allemands mettront en place un système de réquisition implacable dans les pays occupés.
 
En Mai 1943, le Préfet envoie au Maire l'ordre d'envoyer tous les céréales pouvant servir à faire du pain.
" Jusqu'à ce jour les agriculteurs étaient autorisés à conserver ce qui leur était nécessaire pour la couverture de leurs besoins. A présent je leur demande de livrer sans plus tarder jusqu'au dernier grain. Les retards seront acceptés mais ceux qui ne régulariseront pas leurs situation s'exposeront à des sanctions. 
 

Aussitôt,
Narcisse Riffault, nouveau Maire depuis Avril, prépare un discours pour que Alphonse Nourisson, le garde-champêtre aille l'annoncer partout dans la commune., 

" ... vous devez livrer jusqu'au dernier grain... Toute quantité de blé retrouvée chez un cultivateur après le 20 Mai sera considérée comme détenue irrégulièrement, et susceptible de sanctions..."


Des mouvements de résistance feront imprimer l'affiche suivante

 
 
En Octobre 1943, les autorités allemandes font envoyer un télégramme aux maires pour réclamer de l'avoine. La pression s'accentue.
 
 
Il faut s'exécuter, mais tout n'est pas toujours simple, les capacités de stockage ne sont pas suffisantes à La Foye. 
Dans le courrier ci-dessous adressé par le nouveau Maire, Narcisse Riffault, en Novembre 1943 à Mr Dubreuil, propriétaire à Limouillas, que son fermier, Mr Bigaud, est prêt à livrer les 675 kg d'avoine demandés mais n'a aucun moyen pour les transporter. Il demande à ce que lel propriétaire les emmène au Fenétreau.


Les livraisons ne vont pas assez vite, les autorités s'énervent. Le Maire fait annoncer par le garde-champêtre le texte suivant :
" Avis ! Les autorités allemandes ont délégué à Niort un officier supérieur, muni des pleins pouvoirs pour assurer dans les délais les plus brefs la livraison des contingents d'avoine et de foin. En cas de non livraison avant le 15 décembre, les soldats et les gendarmes viendront chez les producteurs et prélèveront sans paiement fourrage et avoine et à défaut s'empareront du bétail ! "


Les demandes deviendront incessantes, ce que montrent les nombreuses directives du Préfet reçues en Mairie a partir de cette date.

" Vous devez dans les plus brefs délais adresser la liste des contingents notifiées à chaque agriculteur, établie par ordre alphabétique..."

Dans la liste établie ci-dessous, on voit que chacun doit livrer de l'avoine, du foin, de la paille d'avoine et "autres pailles" pour un total de 90 tonnes pour la commune, ce qui est considérable pour l'époque.

 
Le Maire relancera chaque agriculteur afin de s'assurer que les livraisons sont bien effectuées, comme ci-dessous dans cette note adressée à Henri Pairault.


Il semble qu'au village, un certain nombre ont du mal à livrer ce qui leur est demandé. 
On fait signer à chacun le texte suivant :
" J'ai pris connaissance de mon imposition d'avoine et autres pailles, et je m'engage a livrer les quantités demandées au lieu indiqué. J'ai été prévenu qu'en cas de non livraison, je serai imposé du quintuple des quantités manquantes. En outre j'encours des sanctions de la puissance occupante et je risque d'être traduit devant le tribunal de guerre  Je pourrais être puni de travaux forcés, ou d'emprisonnement..."
 
 
Fin Décembre 1943, les autorités réquisitionnent également des pommes de terre et des légumes secs.

 
 
Dans la directive ci-dessous, le Maire est relancé car la commune n'a livré que 13 tonnes au lieu des 15 tonnes demandées. 
 
 
 
Début 1944, la pression s'accentue encore. 
Les autorités s'adressent directement à ceux qui n'ont pas livré tout ce qu'ils devaient. 
Ce courrier est adressé à Gabriel Bouhet, habitant le quartier de la Fiole au sud du bourg. 
" Par ordre de la Feldkommandantur, il vous reste a livrer 15 quintaux d'avoine. Faute d'avoir livré cette quantité pour le 2 février prochain, deux otages seront pris dans votre  commune. Vous devrez ajouter 1000 francs d'amende par quintal non livré.."

Dan ce document signé du Maire, on voit que Gabriel Bouhet s'est exécuté et a bien livré ce qui lui était demandé dans les délais.


 
Août 1944. Les Allemands quittent notre région. Fini les réquisitions !
Notre village aura beaucoup donné. Les pénuries continueront un certain nombre d'années avant que la situation redevienne normale.
 
Le bilan de cette guerre
 Lorsqu'on effectuera le recensement des denrées emportées (achats amiables, prises de guerre, réquisitions), on arrivera, pour la période allant de juin 1940 à juin 1944, à 2 845 000 tonnes de blé (la moitié d'une récolte annuelle) et presque autant d'avoine, 845 000 tonnes de viande (soit plus que la consommation de 40 millions de Français pendant l'année 1941), 711 000 tonnes de pommes de terre, 220 millions d’œufs, 750 000 chevaux, etc. 
 
Les agriculteurs de La Foye en 1944 
Les listes ci-dessous montrent la répartition des agriculteurs par village de la commune.
 
 
 
 Une curiosité: L'état des producteurs de chèvres.
On voit qu'ils sont 23 pour 35 chèvres au total.


 




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