- Les trois moulins de la Foye
- Le moulin du Prieuré dit l'ancien
- Les moulins du champ du moulin: le Barraud et le Baudin
- Les meuniers de La Foye
- Technique des moulins
- Les carrières à meules
- Le système Berton
- Moulins à farine et à huile
- Quelques moulins des alentours
Les trois moulins de La Foye
Jusqu’à la fin du XIXème siècle, le travail manuel était la règle dans toutes
les communes rurales. On y mangeait beaucoup de pain, trois fois plus
qu’aujourd’hui, et les métiers de meunier et boulanger étaient parmi les plus
importants. On estime que, vers 1889, la consommation de pain par jour et par
personne était de 530 g, soit un peu plus d’une livre (demi kilo), la mesure fréquemment
employée à l’époque.
A La Foye, pas de rivière, donc pas de moulins à eau comme
il en existait dans les villages proches de la Courance et du Mignon pour y
moudre le grain et faire de la farine. La seule solution était de construire des
moulins à vent, et il est vrai que cette grande plaine fréquemment balayée par
les vents de la côte, s’y prêtait bien.
Au fil des siècles il y en eu trois de
part et d’autre de la commune, des « moulins tour », c'est-à-dire en forme de
cylindres, bâtis en pierre. Particulièrement bien situés sur les points les plus
hauts de la commune pour prendre le vent, ils pouvaient fonctionner une bonne
partie de l’année. Et puis l’hiver, l’on y faisait aussi de l’huile, à partir
des noix récoltées dans les jardins. Au nombre de trois, ils furent en service
jusqu’au milieu des années 1800, et l’un d’entre eux jusqu’après la guerre de
14. Quand furent-ils construits ? Difficile de le savoir car l’on n’a pas à ce
jour trouvé de documents le précisant.
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L’un des moulins de la Foye vers 1910. A priori le Barreau, au lieu dit « le Moulin » |
L’on
peut voir à l’arrière la perche qui permettait de faire tourner la tête
du moulin afin de l’orienter face au vent. Ce moulin semble très
similaire à celui construit à Rimbault,
aujourd'hui restauré. Pour la manoeuvre des ailes, il semble lui aussi
être équipé du système Berton.
C'est essentiellement une tour maçonnée en pierres du pays. On distingue
à gauche la "queue",
une grande poutre allant du sol au toit, et qui permettait de faire
tourner le toit afin d'orienter
les ailes au vent
Sur la carte de Cassini érigée vers 1760 sous l’impulsion de Louis XV,
un moulin y est représenté (dans sa représentation, Cassini n’en faisait
figurer qu’un seul par village).
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Carte de Cassini (1760) positionnant la Foye et "son" moulin |
Un
peu plus tard, Louis Fontanes, dans ses écrits, précise qu’à l’époque
de son séjour à La Foye chez le Père Bory (1764-1767), « Trois moulins à vent y étaient en service ».
Et le chantre de la région, Rabelais, écrit dans Gargantua que jeune il
jouait avec un petit moulin à vent fabriqué par ses gouvernantes « pour s'esbattre comme les petits enfans du pays, luy feirent un beau virollet des aesles d'un moulin à vent de Myrebalays ».
Lors
du 1er Empire, le Baron Dupin, premier Préfet des Deux-Sèvres, notera
dans son inventaire du département de 1809 (état des moulins à farine en
activité dans les Deux Sèvres), qu’il existait à cette date trois
moulins à la Foye :
Et il les nomme : L’ancien, le Barreau, le Baudin.
Le document rapporte que c’était gros moulins, capables de moudre chacun 750 Kg de farine par jour et précise que les meules venaient de la carrière d’Hermenault en Vendée.
A cette même époque, Napoléon 1er décide de remplacer la carte de Cassini par une autre beaucoup plus précise.
Ce nouveau cadastre ne sera finalisé que vers 1820 sous la
direction de François Augustin Vien, géomètre de première classe et
fils d'un notaire célèbre à la Foye. L’on peut y voir les trois moulins
clairement positionnés : L’un au nord-ouest, sur la route de la
Rochénard, l'ancien, celui du prieuré.…
Les deux autres au sud du village, au canton dit du "moulin".
Le moulin du Prieuré, dit « l’Ancien »
Les
moulins apparurent dans la région dès la fin du moyen-âge, et il est
probable qu’à La Foye le premier fut construit au début des années 1400
par le prieuré, en tant que « moulin à vent banal », c'est-à-dire mis à
la disposition des habitants moyennant une taxe à payer pour son
utilisation: le « ban ». Et le meunier était directement rétribué par le
prieuré.
En 1685 on relève dans les registres paroissiaux le nom de François Gerbier
« Meusnier », puis plus tard en 1727, Pierre Gerbier, probablement son
fils.
Une archive de l’abbaye de Montierneuf nous dit que vers 1744, Pierre
d’Auteville (Authuille ?) prieur et seigneur de la Foye-Monjeault,
conclut « un bail à rente de moulin à vent, avec Pierre Sarrazin, marchand meunier ».
En 1759, le moulin est repris par Pierre Rousseau originaire de
Beauvoir... On le note meunier, farinier.
Mais après quelques années celui-ci se retire à Usseau ou il décèdera en
1775 à l’âge de 60 ans.
Plus tard, son fils Jean, âgé de 28 ans, décide de reprendre le métier
de meunier. En Juin 1789, il se trouve en l’étude d’André-Augustin Vien
pour signer un bail de deux ans et demi pour le moulin du prieuré, avec
Renée-Honorée Bastard, veuve de feu Louis-Isaac Bastard de Crisnay, le
Fermier général de la seigneurie de La Foye, décédé deux ans plus tôt.
Depuis la mort de son mari Renée-Honorée habite à présent à Niort.
L’acte stipule que le bail sera payable par quartier, en boisseau de
blé. On y note aussi que tous les fermiers du prieuré qui sont soumis an
« ban », ont l’obligation de faire moudre leur grain en ce moulin, ce
qui garantit un certain revenu.
Pour elle c’est une affaire rentable car dans le relevé de comptes de
1791 l’on peut lire que les revenus du prieuré provenant du blé sont
trois fois supérieur (2429 livres) à ceux du vin (700 livres), auxquels
il faut rajouter les revenus de la paille et de la balle (150 livres).
Dans ce même relevé on lit que son moulin à vent fournit de la farine
aux habitants, ce qui rapporte 400 livres.
Jean et son épouse Marie-Jeanne habitent à présent à la Foye dans une
dépendance du moulin. Dans les registres paroissiaux on note qu’en Mai
1790 nait leur fils Pierre. C’est le curé Desprès qui conduit le baptême.

Mais
la Révolution vient d’éclater, sonnant les derniers jours du Prieuré.
En novembre 1789 la convention avait décidé de vendre tous les biens
ecclésiastiques comme biens nationaux. Ce qui sera mis à exécution
quelques années plus tard à La Foye : Tous les biens du Prieuré sont mis
aux enchères.
Le 15 février 1793, c’est un dénommé Gautreau, riche propriétaire
terrien qui rachète le moulin en même temps qu’un terrain « l’Ancien
Champ de Foire », pour une somme de 6.000fr. Son vrai nom est Gautreau
de la Bernière, mais il préfère cacher son titre de (petite) noblesse en
se nommant tout simplement Gautreau. L’année suivante, en 1794,
Gautreau signera un bail avec un nouveau meunier : Jean Biraud.
Les meuniers changeront souvent car peu après l’on note Jean Tristant, puis Jean-Baptiste Birard, meunier (1802, 1807, 1813, 1815, 1818), et Pierre Birard, fils de Jean-Baptiste ci-dessus (1827).
Sur
le cadastre Napoléon de 1820 on voit le positionnement de ce moulin au
nord du village, au canton dit « du Moulin » a qui il a donné le nom, le
long d'une route menant vers la Grand-Foye. Il faut noter qu'à l'époque
la route directe de la Foye à Vallans traversant Treillebois, n'existe
pas encore. Celle-ci ne sera ouverte que beaucoup plus tard.
Ce
moulin occupe la parcelle N°24 (Section D1 dire du Bourg) et l’on voit
qu’au milieu des années 1810, son propriétaire est un meunier de Niort: Jean Juin.
En
effet, celui-ci a épousé en en deuxièmes noces (ou troisièmes ?), la
fille de l’ancien maire de la Foye: Madeleine Baudin. Etait-ce un
mariage d’intérêt ? On peut le supposer car celle-ci venait d’hériter du
moulin de son père, après le décès de sa mère quelques années
auparavant.
Dans les documents on le note meunier, farinier, marchand de farine.
Plusieurs meuniers se succèderont au cours du XIXème siècle puis à la fin des années 1800 il sera démantelé.
Sur
le plan révisé de 1936-1937 on
peut voir encore pour mémoire l’emplacement du moulin quoique
n’existant plus depuis longtemps. En fait ce plan a été fait
sur la base du cadastre napoléon de 1820.
On remarquera également que la route de Vallans (Chemin n°1) a été a
présent ouverte. Et l’emplacement de la mairie et des écoles
construites en 1882 y est indiqué un peu plus bas.

Les moulins du Champ du Moulin: le Barreau et le Baudin
Il
semble que ces deux moulins datent du milieu des années 1700, comme la
plupart de ceux qui furent construits dans la région. En effet à cette
époque la culture de la vigne est en plein développement et ceci réclame
de plus en plus de main d’œuvre.
En conséquence la population se développe dans les villages, et l’on
mange beaucoup de pain.
Certains grands propriétaires font construire des moulins, mais la
plupart du temps ils y installent des meuniers car c’est un travail
difficile, très technique. D’autre part la poussière de farine crée des
maladies pulmonaires qui abrègent la vie de ceux qui y sont exposés.
Sur le cadastre Napoléon de 1820, les deux moulins y sont représentés
(Section D2 dite du bourg).
Et le registre des parcelles ci-dessous mentionnent le nom des deux meuniers, deux frères portant le même prénom: à gauche " le Barraud » tenu par Jean Barraud dit « Lagrandeur », et à droite "le Baudin
» tenu par Jacques Barraud dit « Desrue ». Curieusement dans le
document leur nom est écrit « Barraud » et ailleurs "Barreau", cette
dernière orthographe étant celle des registres. Il faut également noter
que les surnoms étant fréquents à l’époque afin de reconnaitre les
synonymes.

Au
cours du XIXème siècle, ces moulins souffrirent de la concurrence des
moulins à eaux d’Ussolière et d'autres situés un peu partout sur le
Mignon, et de ceux de Vallans, situés sur la Courance. Leur évolution
industrielle présentait un meilleur rendement d’autant plus qu’ils
bénéficiaient de l’abondance de blé venant des plaines au sud d’Usseau,
et hélas à la Foye, le vent n’était pas toujours au rendez-vous et de
plus fallait faire venir le blé de Vendée ou de Charente. Puis au début
du XXème, tous furent remplacés par les « minoteries ». Une des
dernières en activité à la fin des années 1900 étant la minoterie de Mallet, près de Mauzé.
Sur
le plan révisé de 1936-1937 on peut voir encore pour mémoire
l’emplacement de ces deux moulins quoique ceux-ci aient été démantelés
depuis longtemps, l'un vers 1850, l'autre vers 1920, et leurs pierres réemployées dans les constructions des environs, les ailes et
charpentes servant de poutres. L'on note aussi que cette zone a été baptisée "les champs du moulin" pour leur rendre hommage.
Sur
le plan on remarque également un bâtiment rectangulaire en rouge à coté
du moulin de gauche. Celui-ci a été construit en réutilisant les
pierres du moulin pour en faire un abattoir municipal. En effet au
milieu des années 1920, l’abattage du bétail s’effectuait dans l’arrière
cour de la boucherie du village tenue par le boucher Tournat, et
cela commençait à poser problème au niveau sanitaire. Les riverains se
plaignaient de l'odeur et il y avait souvent des débats en mairie. Ce
nouveau bâtiment loin des habitations serait idéal. Il sera en service
jusqu’à la seconde guerre mondiale puis devant l’apparition d’abattages
industriels, le bâtiment deviendra un hangar agricole, avant d’être à
son tour rasé dans les années 1990.
Le « Baudin »
Cette famille Baudin apparait pour la première fois dans les registres vers 1678.
Dans la première moitié du XVIIIème siècle, ils font construire un moulin sur la route du Puyroux, près des célèbres vignes du Chamberlin.
Cultivateurs mais surtout vignerons, ils se constitueront peu à peu un
solide patrimoine foncier ce qui leur vaudra d’être considérés comme des
notables au village.
Au tout début de la Révolution, Pierre Baudin sera nommé le premier
maire de la commune.
Le métier de meunier étant difficile, les Baudin choisiront de
l'affermer à des meuniers venus des villages environnants.
Parmi ceux-ci l’on note Pierre Leboeuf, grenotier (1748), puis son fils François Leboeuf (1749), suivi de François Leurvaud, meunier (1749, 1752).
Plus tard à la Révolution il y aura François Dupont (1792), puis Louis Birard (1795, né vers 1768), et René Écarlat (1796).
Pierre Baudin n’aura que deux filles: Madeleine et Anne Madeleine.
En 1811, Madeleine, l’héritière, divorcée, épousera un meunier de Beauvoir, Jean Juin,
un veuf de 43 ans.
Ce deuxième époux décédera en 1820. Et Madeleine se remaria finalement
deux ans plus tard avec Louis Lièvre, tailleur d'habits de Niort.
Ce seront les Bonneau, une dynastie appartenant à une nombreuse lignée
d’agriculteurs originaire de la Maison Neuve et de Treillebois, qui
reprendront en 1815 le bail du moulin.
Dans l’inventaire de 1836, on retrouve le fils, Jacques Bonneau en tant que meunier. En 1840, sa fille Magdeleine épouse André Geoffroy, un fils d’agriculteur. C’est lui, qui, avec son frère Louis,
plus âgé de deux ans, reprendra la succession au moulin.
Mais en cette moitié du XIXème siècle, l’industrie avait des progrès et
il aurait fallu moderniser le moulin. Les sœurs Baudin ne souhaitaient
pas investir, c’est pourquoi, Marie, la sœur de Madeleine, à présent la
propriétaire (parcelle 24), déclarera en 1852, dans sa base d’imposition
en mairie qu’elle venait de le faire démolir.

A cette date Louis Geoffroy
ira reprendre l’ancien moulin du prieuré avant que celui-ci ne soit
également démoli. On le note en tant que meunier en 1883.
Près d’un siècle plus tard, Les pierres du « Baudin » ayant été
réutilisées depuis longtemps, Jacques Morin, un agriculteur du village,
retrouvera plusieurs de ses meules enterrées en labourant le champ.
Le « Barreau »
Il fut probablement construit dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. Peut-être par une famille de meuniers de Beauvoir, les Ré (ou Rhé).
En 1768, un laboureur de Prissé, Jacques Barreau, vient se marier
à la Foye, à 30 ans, avec une fille de propriétaire : Marie-Thérèse
Barbaud. Il est très travailleur, son épouse lui a apporté des terres,
et il devient suffisamment prospère pour qu’en 1796, après la
révolution, il rachète ce moulin situé juste au sud du village.
Jacques étant décédé deux ans plus tard, c’est son deuxième fils, Jean,
dit « Lagrandeur », qui en 1798, en hérite et reprend la suite comme
meunier. (Le frère ainé Pierre étant décédé cette même année).

Le
dernier fils, Jean, dit « Desrues », héritera, lui, d’une somme
d’argent, et s’établira également comme meunier en signant un bail pour
le moulin voisin, le « Baudin ».
Un oncle, également appelé Jean viendra de Prissé pour travailler à leur
coté.
En 1796 Jean dit « Lagrandeur » épousera Madeleine Lamarre, une fille de
laboureur du village, et ils auront eu une fille, également prénommée
Madeleine, mais ce sera leur seul enfant. Se posera bien sûr la question
de la succession. Et si en plus l’on pouvait trouver un gendre
connaissant déjà le métier ce serait une aubaine.
Par chance, dans la commune voisine, au moulin de Rimbault, le meunier,
Vincent Roy, originaire du village de Marigny, avait également un fils
unique, René. Et comme ce moulin ne lui appartenait pas, mais aux Ré une grande famille de Beauvoir,
se posait également la question de l'avenir de son fils.
Comme c'était la coutume à l'époque il se préoccupa de son avenir.
Mariage d’amour ou mariage arrangé ? En tout cas en Juin 1818, René
épousera Madeleine Barreau à la Foye, alors âgée de 21 ans. Ils
s’installeront au village et René travaillera au coté de son beau-père.
Puis l’année suivante, en 1819, ils auront un fils unique: André qui
travaillera au coté de son beau-père, mais à partir de 1850, celui-ci
préférera le métier de vigneron, beaucoup plus rémunérateur, d’autant
plus que les Barreau possédaient de nombreuses vignes tout autour.
Le moulin sera affermé aux Couhé père et fils, qui resteront jusqu’à la
fin, jusqu’en 1914.
Plusieurs anciens du village se souviennent que leur père venait
autrefois y apporter le grain à moudre, par exemple Raymond Drut, et eux
même revoient encore cette silhouette encore de moulin debout sans aile
lorsqu’ils étaient enfants après la guerre de 14. Le moulin sera
démantelé et ses pierres réutilisées pour construire au même emplacement
le nouvel abatoir municipal qui servira pendant plusieurs décénies
avant d'être lui-même transformé en hangar puis rasé. Les ailes et
charpentes servirent de poutres dans la grange des Vinatier qui étaient
devenus propriétaires des terres de Roy après le désastre du
phylloxéra.
Et des voisins comme Jacky Drut conservèrent quelques pierres de meules dans leur jardin.
Les meuniers de la Foye
Plusieurs
générations de meuniers se sont succédé au village depuis la fin du
moyen-âge jusqu'au début des années 1900. On était souvent meunier de
père en fils, mais bien que rémunérateur (A la campagne l'on mangeait du
pain tous les jours), ce travail était pénible et souvent porteur de
maladies pulmonaires. C'est pourquoi de nombreux propriétaires ont
préféré affermer ces moulins (sous-traiter avec un bail).
Parmi ceux dont l'histoire nous est parvenue, voici deux lignées sont représentative d'une époque révolue.
Les Roy, une dynastie de meuniers, enrichis puis ruinés par les vignes.
En 1762, nait à Marigny, un dénommé Vincent Roy. Il est meunier au moulin de
Rimbault, près de Beauvoir, au service du propriétaire Antoine
Rhé (ou Ré), puis du fils Jacques. Avec son épouse Jeanne
Daignaud ils ont un fils René en Mars 1798.
Celui-ci apprend le métier de son père et travaille avec lui au moulin,
puis à 20 ans, il épouse à La Foye le 13 Octobre 1818, Magdeleine
Barreau dont le père Jean est meunier (Jean étant lui-même le fils de
Jacques Barreau, meunier à La Foye, né en 1768). A leur tour, René et Magdeleine ont un fils André (né le 24 Octobre 1819). On note que lors du baptême à l’église de La Foye, les deux grand-pères Vincent Roy (alors âgé de 57 ans), et Jean Barreau (âgé de 48 ans), sont présents.
A
la mort de Jean barreau en février 1851, René, via sa femme, hérite du
moulin ainsi que de plusieurs hectares de vignes situées tout autour (Ce
sont les "champs du moulin" sur le cadastre). En ce milieu de XIXème
siècle le métier de meunier est prospère, mais la situation de
propriétaire viticole est bien plus favorable; Le commerce du vin bat
son plein et les propriétaires sont à présent les notables du village.
Il décide donc d’abandonner le métier de meunier pour se consacrer à
l’exploitation de ses vignes, son domaine étant suffisamment grand.
La construction du Logis
S'étant
enrichi à son tour, et pour montrer sa prospérité, René décide de se
faire construire une grande maison et des chais au milieu de sa
propriété. Elle sera construite en quatre ans (1848-1852), par ses
vignerons l'hiver sous la conduite de René Sabourin et d'un maçon du
Village. La date était encore visible sur le montant de la cheminée
coté chemin il y a quelques décennies. On raconte qu'a la fin de la construction, un des mortiers fut délayé avec le contenu d’une
barrique de vin, tradition censée apporter la prospérité. Les pierres seront extraites d'une carrière improvisée à quelque centaines de mètres.
Une lignée brisée par le destin
En Février 1852 son fils André se marie avec Marie-Joséphine Carreau, originaire de Treillebois. Il a 33 ans, elle 24. Dans
l’acte de mariage, André et son père se présentent comme « meuniers »,
bien que seul André continue le métier, tout en en habitant dans la
maison des beaux-parents à Treillebois.
Deux
ans plus tard, le 20 janvier 1854, ils ont une première fille, Clorynthe, puis le 14 Mai 1856, une
seconde fille, Angèle.
Hélas peu après, le
1er Octobre 1859, la mère, Marie-Joséphine, décède dans sa maison à
Treillebois. Les filles sont encore très jeunes, et juste un an plus tard, le 26 novembre 1860, André
décide de se remarier avec Agathe
Giraud, âgée alors de 28 ans. Celle-ci est la fille de François Giraud, un aubergiste de la Foye.
Cette fois-ci dans l'acte de mariage ils se présentent comme « propriétaires ».Le 25 Janvier 1861, le grand-père Vincent, décède à 99 ans. Il habitait
avec eux à la Foye depuis quelques années. Puis 10 ans plus tard, le 12
Février1871, c’est au tour du père René.
André devient enfin propriétaire viticole. Il s'installe dans la grande maison du logis et confie le moulin aux Couhé.
Au
fil des ans, le caractère d’André ne
s’arrange pas, et sa nouvelle épouse, effacée, ne bronche pas.
Il mène la vie dure à ses filles.
Dès qu’elles peuvent, elles se marient. Le 3 Juin 1873, Clorynthe épouse à
La Foye, Félix Honoré Giraud, fils d‘un propriétaire de La Gaubertière (proche
de Priaires). Elle a 19 ans. Le 30 Avril 1877, c’est au tour
d’Angèle de se marier à la Foye, avec Léon-Eugène Bourolleau, propriétaire à
Saint-Martin de Bernegoue. Elle à 21 ans.
On ne sait pas s’ils elles ont eu
des enfants. En tout cas la lignée des Roy s’est éteinte après elles. André meut à 70 ans, le 16 Février 1890. Sa femme Agathe lui survit
mais elle quitte La Foye dans l’année.
Les Roy père et fils, orgueilleux et autoritaires.
Quelques
ancien rapportent ce que leur disait leur grand-père qui avait connu
cette époque. A priori les Roy avaient marqué leur époque. Le « père »
René, celui qui fit construire la maison, menait la vie dure à tout son
entourage, il payait très peu son personnel et les nourrissait
chichement : Pommes de terre, haricots, lard rance. Une année, ayant été
malade et devant garder la chambre, il fit ouvrir une petite lucarne
dans la cloison qui séparait la chambre de la cuisine ou mangeaient les
ouvriers, et cela pour les surveiller, pour voir s’ils ne mangeaient pas
trop, ne buvaient pas trop ou volaient quelques morceaux de pain. Il
fit ouvrir une trappe dans le parquet de la cuisine pour accéder à sa
cave personnelle par une échelle.. Quel personnage !
Le
« fils » André, reprend la succession du domaine à la mort du père en
1871. Déjà très autoritaire, il continua sur le même régime. Il élevait
sévèrement ses filles et les fit travailler aux travaux ménagers dès
leur plus jeune âge. Il ne leur donnait que très peu d’argent et les fit
travailler comme des bêtes de somme. Ceci les encouragea certainement à
s’envoler de l’environnement familial dès que possible. L’ainée,
Clorynthe, aussitôt mariée, partit s’établir avec son mari à La
Gaubertière. La cadette, Angèle, restera avec son mari quelques années à
la Foye pour aider à l’exploitation du domaine, mais la cohabitation
sera difficile. Ils partiront au début des années 1880. On ne les
retrouve plus dans le recensement de 1886.
André restera seul avec sa femme et deux domestiques (Hippolithe Druhet
et Victoria Rhé), pour gérer le domaine.
En 1890, en pleine crise de phylloxéra. André, malade, épuisé par tous
les soucis liés à la perte de ses vignes, meurt brutalement à 70 ans
d’une hémorragie cérébrale, laissant à ses filles un héritage qui ne
vaut plus rien. L’épouse d’André n’a plus les moyens d’entretenir une si
grande maison et la quitte. Rejoint-elle de la famille ? En tout cas il
n’y a plus aucun Roy à La Foye en 1891. La propriété est elle louée à
partir de cette date ? Pas sûr car il doit être très difficile de
trouver un métayer dans cette période de crise. En tout cas au début
1900, elles décident de vendre. Mais plus rien ne se vend à La Foye. Il
faudra attendre 1906, pour que la propriété soit rachetée par les
Vinatier, une famille de maçons des Fosses, près de la Foret de Chizé.
Cette pauvreté soudaine a beaucoup intrigué les gens du village qui
savaient tous que Roy était riche et avare. Les langues allaient bon
train. L’argent avait-il été volé ? Ou bien a-t-il été caché ? On ne le
saura jamais.
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Au cimetière, tombe de la première épouse d'André Roy, Marie-Joséphine, décédée à 31 ans.
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Au
cimetière communal : La tombe d’André Roy (au centre), entourée de ses
deux épouses : Marie-Joséphine (en haut) (en haut) et Agathe-Geneviève
(en bas).
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Les Couhé, de domestique à meunier
Jacques Couhé, le père de la lignée, est domestique à Marigny (1794 - 1819). Dans les registres on note que son fils René devient agriculteur en épousant Louise Guitteau à La Foye le 24 Décembre 1821. René et Louise auront 5 enfants dont Madeleine en 1822 et Jean-Pierre en 1824. Plus tard en 1830, ce
sera la naissance de François, puis René en 1833. Ils deviendront tous
les deux meuniers aux moulins dits du « Moulin » au sud du village.
François se mariera le 22 Juin 1862 avec Henriette-Louise Brain,
originaire du Grand Prissé. René, lui, épousera en 1865 Madeleine
Richard dont le père était meunier à Saint-Symphorien, et ils auront
plusieurs enfants, dont un fils en 1877: Jules-Clément, qui sera le dernier meunier de La Foye.
Celui-ci était encore en activité lors du recensement de 1906. Il
habitait une des maisons de la rue de l'ancien Castel au sud du village.
Ce
sera la guerre de 14 qui portera un coup d'arret fatal au dernier
moulin. En effet Clément Couhé sera mobilisé dès les premiers jours et
personne ne se sentira capable de prendre la relève en tant que meunier.
Clément se retrouvera sur les champs de bataille de Verdun avec son
voisin Eugène Vinatier.
Sa
femme restée seule avec sa fille Eliane n'avait plus que les trois
hectares de terre à cultiver pour subsister. Elle effectuera une demande
de subvention à la commission cantonale. Celle-ci sera appuyée par le
maire de la Foye et accordée.
A
son retour Clément Couhé, ne se sentira plus la force de reprendre le
métier de meunier. Certains se souviennent d’un petit homme barbu, tout
vouté, qui hantait
les rues de la Fiole au début des années 20. Il décédera quelques années plus tard de la suite de ses blessures à l'age de 47 ans.
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Pierre tombale de Clément Couhé dans le cimetière de La Foye (à présent disparue ! )
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Techniques des moulins à vent
La force du vent sur les ailes du moulin, met en œuvre un mécanisme qui entraîne une paire de meules.
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Vue simplifiée |
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Ces
dernières sont faites de pierre tendre, en général extraite localement
et piquée très régulièrement à l'aide d'un marteau, pour lui donner
l'aspérité nécessaire au broyage. L’opération s’effectue tous les
quarante jours en moyenne, ce qui fait qu'elles ne durent pas plus de
deux ans.
Seule la meule supérieure (meule tournante) tourne pour écraser le grain
sur la meule inférieure (meule gisante ou dormante).
La mouture grossière obtenue est dite "à la grosse", la farine étant
mêlée au son, et avant leur mouture, les grains sont lavés à l'eau puis
séchés au soleil.
Cette méthode est soumise aux aléas du temps et la production qui en
découle n'est pas constante. De plus, elle entraîne une grande perte de
la mouture, en l'absence de système de récupération autour des meules
découvertes.
En 1818, la production moyenne d'un moulin est d'environ 350 kg de
farine par jour.
Lorsque
l’on consulte « l’état des moulins à farine » publié par le préfet
Dupin en 1809, l’on s’aperçoit que de nombreuses carrières régionales
fournissaient des meules pour les moulins de la région : Pers et Geay
(Deux-Sèvres), Saint-Cyr (Vendée), Sainte-Hermine (Vendée),
Châtellerault (Vienne)…
Mais curieusement, celles des moulins de la Foye et de la plupart des
villages environnants : Beauvoir, Vallans, La Rochénard, La Charrière,
Prissé, Frontenay, Gript, La Revétison, Marigny, Mauzé... venaient
toutes de la carrière de l’Hermenault en Vendée, située à environ 60
kilomètres.
Il y avait-il une filière d’approvisionnement spécifique ?
Dans un traité de minéralogie de 1821 on écrit qu’elles se vendaient
entre 200 et 300 francs, et que la taille était particulièrement
difficile.
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Les grès de l'Hermenault. © Photo Claire König DR © Arlette1
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Le système Berton
Le meunier,
devait savoir déchiffrer dans le ciel les signes avant-coureurs des coups de
vent voire des tempêtes, l’apprentissage et l’expérience acquise sur le terrain
étaient primordiales. A chaque changement important de la vitesse du vent il devait arrêter le moulin
et réajuster la surface de la toile en fonction de ce changement. On imagine
très bien le danger de ces opérations et il est très probable que plus d’un
meunier s’est retrouvé en fâcheuse posture à la suite du freinage
défaillant.
Au milieu du XIXème siècle Pierre Théophile Berton inventa un système d'aile composé de planches de bois, permettant
d’offrir une surface variable au vent, et réglable de l'intérieur par le
meunier, réduisant ainsi considèrablement le risque d'accident.
Ce
système que l'on peut encore admirer au moulin de Rimbault à Beauvoir,
fut adopté au Barreau, le seul moulin qui subsistait encore a La Foye à
cette époque.
Moulins à farine, et à huile
En
complément de la farine, les moulins servaient aussi à faire de
l’huile, et chaque famille venait en octobre y apporter ses sacs de noix
pour faire la provision de l’année.
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La récolte de noix
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A
la Foye, la plupart des prés autour des maisons étaient entourés de
noyers. Il y en avait beaucoup au champ du « moulin ». En automne il
fallait « gauler » les noix, quand la bogue (l’enveloppe) était mure.
On mettait un grand drap sous le noyer et commençait alors le travail
fastidieux du ramassage, tout le monde s’y mettait. Le soir à la
veillée, à tour de rôle chez les uns et les autres, on cassait les noix.
On mettait les cerneaux dans des « bourgnes », des paniers ronds en
osier. Mais c’était aussi l’occasion de passer du bon temps lors de ces
soirées d’hiver. Dans la cheminée il y avait la gamelle de vin qui
chauffait sur le trépied, et tout le monde se régalait. Le vin chaud
aidant, les anciens racontaient des histoires puis tout le monde
chantait.
Irène Prunier, une fayaise, se souvient:
"Je me rappelle d’une veillée en Décembre chez des voisins à Bel-Air,
les Manneins, qui louaient la maison à Laidet sur la route d’Ussolière.
Ils n’étaient pas très bien installés. La pièce était exigüe et on
était tous là autour de la table pour casser les noix. C’était une
soirée particulièrement froide et sous la table on avait mis un chaudron
plein de braises. Ça réchauffait bien, surtout le vin chaud dont on fit
une grande consommation.
Après la disparition des moulins de La Foye, on les portait à Ussolière,
au moulin à eau sur le Mignon, qui avait pour l’occasion, installé des
pierres spéciales. On y remplissait de grandes jarres en terre cuite,
vernissées à l’intérieur. Les anciens se souviennent encore de cette
huile qui parfumait si bien les salades.
Rien ne se perdait. Les résidus de broyage étaient mis en tourteaux, et
nourrissaient les animaux, surtout les vaches qui en raffolaient.
Mélangé avec du foin, cela favorisait la production de lait. Les
coquilles étaient précieusement gardées et servaient à allumer le feu.
En 1936, il y eut un hiver terrible avec des températures à -20°. Les
noyers gelèrent. Il fallut les abattre, les plus gros pour faire des
meubles et les autres du bois de chauffage. Dans les maisons on retrouve
encore des armoires et tables de cette période. Les noyers poussant
très lentement, il fallut trouver autre chose pour faire de l’huile.
C’est à cette époque qu’est apparue la culture du Colza. Il fallait
battre les graines au fléau, puis les nettoyer au « vent à bois ». Les
graines, très fines, étaient mises en sac puis portées au moulin
d’Ussolière qui s’était reconverti".
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