De l’Automobile au vélo ; Au temps des "Ausweis" !

Avant la Première Guerre mondiale, la plupart des gens se déplaçaient à pied ou en carriole. On rencontrait quelques vélos, et parfois quelques automobiles. Celles-ci étaient presque absentes de notre campagne. On en voyait parfois qui traversaient le paysage, fumantes, bringuebalantes, pétaradantes, effrayant les animaux. A chaque fois c’était un étonnement. De plus, elles étaient extrêmement chères.

Juste avant la guerre, Fernand Racaud avait acquis une « De Dion-Bouton » d’occasion. Tout le monde au village se précipitait pour la voir., et Fernand en était très fier.

Jusqu’au milieu des années 20, les voitures restaient réservées à une classe assez aisée de la population.

Puis progressivement, les constructeurs comprirent que l’automobile avait un avenir dans le monde rural. Les prix baissèrent et devinrent presque abordables. À la ferme, les agriculteurs franchirent le pas. La voiture, souvent avant le tracteur, devinrent un outil qui servait aussi à aller au marché ou à la foire.

A La Foye, au milieu des années 30, la Mairie, la plupart des commerçants, les médecins, et les agriculteurs les plus importants possédaient une voiture. Pour les autres, le vélo était un moyen de locomotion précieux.

Un Delage, sous le porche au « Logis » en 1930. 

Des réquisitions de véhicules lors de la seconde guerre mondiale.
Dès le début du conflit, l’armée française mal préparée et mal équipée, se rendit compte qu'elle n'avait pas assez de voitures pour se déplacer. De septembre à décembre 1939, environ 290000 véhicules civils, principalement dit "d'usage général" furent réquisitionnés
 
 
 Les propriétaires des véhicules réquisitionnés une indemnisation, mais assez faible.

Des réquisitions pour récupérer le métal

La France manquait de tout et notamment de matière première. A partir d'août 1941, le régime de Vichy et les Allemands cherchèrent à récupérer les métaux non ferreux (cuivre, zinc, plomb) notamment pour fabriquer du sulfate de cuivre nécessaire au traitement des vignes.

Un commissariat à la mobilisation des métaux non ferreux est créé. La Loi du 11 octobre 1941 obligea à enlever les monuments en alliage cuivreux dans les lieux publics. Beaucoup de maires s'y opposèrent.

En ce qui concerne les métaux ferreux, recherchés par les Allemands pour construire du matériel militaire, le gouvernement de Vichy obligera les propriétaires de voitures de plus de 20 ans à les "donner" à l’État français. 

 

Le contrôle des déplacements
Après l’armistice de Juin 1940, les Allemands occupèrent toute une partie du territoire, dont les Deux-Sèvres. Dès leur arrivée, ils décidèrent de contrôler les mouvements dans les départements occupés et n’y autorisèrent qu’un nombre limité de véhicules.

Chacun dut déclarer son véhicule en Mairie. Une copie était transmise préfecture.

Un premier recensement des propriétaires de voitures de la commune fut effectué. On en dénombre 15.

Seuls ceux qui avaient un impératif de déplacement furent autorisés, comme ci-après Isabelle Tournat la bouchère du village,

 

ou Mme Métayer, la secrétaire de Mairie.

 Pour les déplacement en dehors des heures normales il fallait préciser le trajet et les heures de circulation, comme ci-dessous sur la demande du curé Métois.

 

A priori le nombre d’autorisation dépassa le nombre autorisé, et Léonce Geoffriau, le maire de La Foye, reçut un rappel à l’ordre.

 

C’est à partir du 1er Septembre 1941, que l’interdiction devient totale. La circulation des voitures de tourisme, celles dites commerciales, des motos, des vélomoteurs, des bicyclettes et tricycles à moteur fonctionnant à l'essence, fut interdite de jour comme de nuit sauf autorisation spéciale, un « Ausweis », « Laisser-Passer », délivrée par la préfecture régionale, pour les voitures de police, les ambulances et celles des métiers de la santé.

Ci-dessous, en Septembre 1942, l’ « Ausweis » délivré pour Germaine Saint-Laurens, qui avait son cabinet médical à la Foye. Il fallait l’apposer, bien visible derrière le pare-brise.

 

En complément de l’Ausweis, il fallait à tout moment pouvoir montrer l’autorisation de la Kommandantur.

  

« Papiere, Bitte ! » Combien de fois ceux qui se déplaçaient ont entendu cette injonction lors de contrôles Allemands : « Papiers, s’il vous plait ! »

Ci-dessous le Laissez-Passer du Docteur Saint-Laurens.

 

Pour le renouvellement de son laissez-passer, le préfet des Deux-Sèvres, fait bien remarquer au Docteur Donnat, officiant également à la Foye, que c’est un véritable privilège. 

 

Voyages en train
Certains réfugiés à la Foye voulurent retourner voir leur famille. La également il fallait obtenir une autorisation, comme pour ci-dessous Mme Charlot et ses deux enfants, Cette autorisation est bilingue français-allemand.

 


Ligne de démarcation.

Pour traverser la ligne de démarcation entre la zone occupée et la zone libre, c’était beaucoup plus compliqué. Il fallait obtenir une autorisation de la Kommandantur.

Le règlement ci-dessous envoyé à la Mairie de La Foye en Juin 1941 en précise les modalités.

Cette ligne passait à l’est de La Foye, au milieu de la Vienne et de la Charente. Elle était matérialisée dans les champs par des poteaux espacés de 100 à 200 m (peints aux couleurs allemandes rouge, blanc et noir) et sur les axes officiels (routes, ponts, gares) par des barrières flanquées de guérites.

 

Le 11 novembre 1942, face à ce qu'ils considéraient comme une menace consécutive au débarquement allié en Afrique du Nord survenu le 8 novembre, les Allemands franchirent la ligne de démarcation et envahirent la zone libre. Il n’y aura plus de ligne.

L’essor du Vélo

Onéreux à l’achat dans les années 30 et 40, le vélo deviendra un moyen de locomotion précieux à l’époque où les voitures étaient réservées à une classe assez aisée de la population.
Avec l’occupation allemande, Les restrictions sur les véhicules accompagnées de la flambée du prix de l'essence, feront que le vélo deviendra une nécessité pour les déplacements. L’occupant lui-même l'utilisera à grande échelle.

Toute la France se mettra à faire du vélo. Ce sera le mode de transport populaire des quarante millions de Français de l’époque, plus de onze millions de bicyclettes seront en circulation en 1943.

Jusqu'en 1942, son achat restera possible même si les classes moyennes auront du mal à s'en offrir un, même d'occasion. Le premier prix tournait autour de 1500 francs (soit 465 euros).

Au marché noir, le prix peut tripler voire quintupler. C’est pourquoi au village tout le monde se mettra à réparer les anciens vélos. Toutes les familles en possédaient un ou deux.

 

Dans cette période de guerre, aller à vélo sera donc plus sûr, même si l'on devra respecter bon nombre d'obligations. Il faudra d'abord avoir apposé une plaque métallique sur le cadre, indiquant que vous avez bien payé la « taxe sur les vélocipèdes » de l'année.

Le moyen de locomotion des résistants
Pour limiter les risques de se faire arrêter lors de leurs déplacements incessants, l’expérience montre rapidement aux résistants que la bicyclette est un moyen de transport sûr et fiable. Circuler à vélo est une façon de se fondre dans la masse anonyme des Français, tout en leur permettant d’éviter les trajets sur des axes fréquentés, donc plus contrôlés. Un résistant muni d’un cycle a l’assurance d’être ponctuel à ses rendez-vous et de s’éclipser rapidement après. Il peut aussi échapper à d’éventuelles filatures.

En zone occupée, chaque vélo doit porter une plaque d'immatriculation en métal jaune. Mais à cause de la pénurie de métal, la plaque est remplacée par un laissez-passer.

Pourtant à l’époque, une réglementation pesante s’applique aux utilisateurs de cycles et doit être scrupuleusement respectée pour éviter les contrôles plus poussés. Pour être en règle, ils doivent veiller à ce que leur vélo soit muni d’une plaque fiscale et d’une plaque d’identité.

En zone occupée, chaque vélo doit porter une plaque d'immatriculation en métal jaune. 

 

Mais à cause de la pénurie de métal, la plaque est remplacée par un laissez-passer.


Une taxe sur les vélos dès 1893…
Aux débuts des années 1890, les bicyclettes ressemblent fortement aux vélos que nous pilotons actuellement, avec ses 2 roues de même taille, sa transmission par chaîne et ses pneumatiques démontables gonflés à l’air.

On se souvient de cette carte postale de La Foye montrant un cycliste au début de la Rue centrale

 

Mise en application à compter du 1er juin 1893, cette loi fixait à 10 francs français la redevance pour la possession d’un « vélocipède ou appareil analogue ».

les vélos devaient porter une plaque d’immatriculation, en cuivre, en laiton ou en fer-blanc, facile à plier et à fixer sur l’armature. Pour obtenir cette plaque, marquée au nom de l’année, il fallait s’acquitter tous les ans d’une taxe fiscale auprès d’un bureau des contributions (l’ancêtre de nos centres des impôts), un système un peu comparable à la vignette auto mise en place ultérieurement.

 

Les possesseurs de bicyclette devaient ainsi se faire enregistrer auprès de la mairie de leur commune.

Une plaque fixée au vélo était également fixée au vélo sur laquelle étaient gravés le nom et l’adresse du propriétaire.
Ci-dessous une plaque d’identification d’un vélo à la Foye.
 
Cette plaque de vélo ( vers 1920) appartenait à Thérèse Poing d'une famille originaire de Vendée, venus comme vignerons puis agriculteurs à La Foye vers 1850. Les derniers représentants s'étant éteints en 2003 (Gilberte Poingt, épouse Robert Péquin), mais ses petits fils et arrière petit fils Péquin sont toujours au village.
 

En haut, dans le médaillon, une représentation de Saint-Christophe patron des voyageurs, entouré de la devise : " Regarde Saint-Christophe puis va t'en rassuré "
La figure au centre représente Saint-Christophe en pèlerin, traversant une cour à l'aide d'un bâton, avec un enfant sur l'épaule vers lequel tourne sa tête.

 

Vers 1910, il commencera à avoir une pénurie de laiton. Par économie celui-ci sera remplacé par de l'aluminium embouti, qui deviendra de plus en plus fin.

La police française était en charge du contrôle de cette taxe ainsi que de l'identité des cycliste.

 

 A partir de la guerre, les contrôles seront effectués de plus en plus par la police Allemnde.

Le temps des économies...
 La pénurie de métal fera que fin 1942, le motif de la plaque en métal sera imprimé sur du carton

Puis à partir de 1943, la preuve du paiement de cette taxe prendra la forme d’un timbre fiscal qui devra être collé sur un support accroché au cycle.

    

Après la Seconde Guerre mondiale, c’est précisément l’essor extraordinaire de l’automobile et donc des rentrées fiscales qui font oublier les bicyclettes. Les plaques d’immatriculation des vélos, qui n’occasionnaient plus guère de bénéfices pour l’État, sont finalement supprimées par un arrêté de décembre 1958.




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