Crimes, délits, et... bagnards

Crimes et délits….
Et oui, à La Foye comme partout, des faits divers ont régulièrement défrayé la chronique du temps. Mais seuls quelques-uns sont parvenus à nous, au fil des traces écrites...Comme le disait Georges Brassens dans l’une de ses chansons : 
« C'est pas seulement à Paris, 
Que le crime fleurit, 
Nous, au village aussi l'on a, 
De beaux assassinats… »

Parmi les traces écrites qui nous restent, les condamnations au bagne nous paraissent peut-être les plus spectaculaires tant elles sont empreintes d'un parfum d'aventure, de violence et du drame terrible des destins qu'elles ont touché.
Gravure extraite de Maurice Alhoy, Les bagnes, 1845
 
Plus récemment, vols, coups et blessures, ou bien disputes entre voisins font régulièrement des entrefilets dans la presse, comme dans les années 1990 ce règlement de compte à coup de fusil entre gens de voyage dont beaucoup se souviennent encore. Cependant la criminalité dans un petit village rural comme celui de La Foye reste une occurence plutôt rare, bien infèrieure aux statistiques des centres urbains.

Mais reprennons nos archives dans l'ordre chronologique. Au Moyen-Âge, un homicide impliquant un Fayais nous est rapporté dans les Archives Historiques du Poitou : 

Le Procès de Jean Chauvet, un des premiers « homicides » nous est rapporté en 1309au moyen-âge

C’est un procès pour "homicide par négligence". En effet le Tondor, un Fayais, est tombé d'une échelle et se tue. Et l’on accuse Jean Chauvet d’avoir retiré l’échelle. Une enquête et un procès s’ensuivront, et une sentence sera prononcée au nom du roi Philippe IV Le Bel (voir article)

Bien plus tard, Fabrice Vigier, dans son ouvrage « A propos de quelques procès dans le Poitou du XVIIIème siècle » notera pour la période 1750-1790 dans la châtellenie de La Foye : 12 affaires de justice criminelle, et 5 de justice civile. Combien pour les autres périodes ?

L’une d’entre elles nous est rapportée en Juillet 1875 par le père Bory dans les registres paroissiaux : 

 

Le meurtre de Pierre Arnaud dit Bernuchon. 
C’est le 18 Juillet que l’on découvre le corps de ce laboureur âgé de 39 ans. Il semble qu’il soit mort d’un coup de fusil, et la « voix publique » murmure que c’est son frère Louis qui l’a tué. 
Il sera exhumé le 21 Juillet par ordonnance du Sénéchal du Poitou, et autopsié par le médecin et le chirurgien de Niort qui ont fait leur rapport. Quelle suite sera donnée ? L’on ne le sait pas.

Ce sera le célèbre père Bory, curé de la paroisse alors âgé de 68 ans, qui rédigera l'acte d'inhumation "Le 18 Juillet 1785 a été inhumé dans le cimetière de ce lieu le corps de Pierre Arnaud, dit Bernuchon, âgé d'environ 45 ans, tué et mort d'un coup de fusil (dont la voix publique accuse son frère même, Louis), exhumé le 21 par ordonnance de M. le Sénéchal, et ouvert par un médecin et un chirurgien de Niort qui ont fait leur rapport. Ont assisté à ses funérailles Pierre Delage, beau-frère, Jacques Arnaud dit le Fillacier, beau-frère, Jacques Arnaud dit Berthelot, etc., qui ont déclaré ne savoir signer".

De temps en temps, au cours du XXème siècle, il y aura d'autres affaires de violence, ou des meurtres comme ce règlement de compte à coup de fusil entre gens de voyage qui a eu lieu au milieu des années 1990 et dont beaucoup se souviennent. 

Au bagne de Rochefort
C’est au début du mois de mai 1766 que la Cour royale décide d’établir un bagne à Rochefort pour soulager ceux de Brest, de Toulon et de Marseille, devenus insuffisants. Situé près de la Corderie Royale, ce bagne accompagnera dès ses débuts l’essor de l’Arsenal Maritime.

Le bagne de Rochefort avait été conçu pour accueillir 500 forçats, mais il en abritera jusqu'à 2 500.

Il respectera le Code Pénal de 1810 qui dans son article 15 stipule: « Les hommes condamnés aux travaux forcés seront employés aux travaux les plus pénibles; ils traîneront un boulet à leurs pieds, ou seront attachés deux par deux avec une chaîne, lorsque la nature du travail auquel ils seront employés le permettra ».

 À leur arrivée au bagne, les condamnés, hormis quelques privilégiés, étaient donc ferrés. 

 

 
Les bagnards étaient le plus souvent employés pour hâler les navires dans l’estuaire de la Charente ou bien travaillaient dans l’Arsenal Maritime, en fonction de leurs compétences professionnelles. Des travaux harassants qui, ajoutés aux mauvais traitements des gardiens et aux conditions d’hygiène désastreuses (Rochefort était entouré de marécages), entraîneront des taux de mortalité très élevés.

  Plusieurs natifs de la Foye, auront le privilège d’y séjourner. 

On note Jacques CLOUZEAU, dit Rossignol

Né à la Foye le 8 Juillet 1788 et ainé de 6 enfants, il fera partie des conscrits de 1808. Mais c’est peut-être à cause de sa petite taille (1,55m), qu’il sera « réformé gratuitement avant la revue de départ ». 

Resté au village comme journalier, il se mariera 4 ans plus tard en 1812 avec une fille des environs : Françoise Marcon. Il semble qu’ils n’ont pas eu d’enfants. Que s’est-il passé ensuite et qu’a-t-il fait ? Les renseignements manquent, en tout cas il sera emprisonné quelques temps après au bagne de Rochefort sous le matricule 9626. La vie devait y être très rude car l’on apprend qu’après être rentré à l’hôpital de Rochefort, le 28 février 1816, il y décède quelques jours plus tard, le 6 mars, à l’âge de 27 ans. L'acte de décès retranscrit par la municipalité nous dit qu'il était marin. (vue 35 et 36/677 des registres de Rochefort, collection Hospitalière, décès, 1815-1829).

Deux décennies plus tard, l’on apprend que Victor ALLAIN, un autre Fayais, avait réussi à s’évader après avoir été condamné pour vol à vingt ans de travaux forcé, puis incarcéré au bagne de Rochefort. C’était le 28 Juillet 1843. 

Victor sera repris quelques jours plus tard, le 2 Août. 

Né le 11 frimaire an X (2 décembre 1801), originaire de Beauvoir, l’on apprend qu’il état « Piqueur de puits », c'est-à-dire puisatier. Par une cruelle ironie du sort, son acte de naissance, en 1802, indique que ses parrains et marraine étaient Victor Joseph Gaignard, brigadier de gendarmerie à Beauvoir, et Marguerite Dallenson, épouse du commandant Carré, gendarme âgé de 40 ans... 


Mais quelques décennies plus tard, dans les années 1840, se répand l’idée que la concentration de milliers de forçats regroupés dans quelques arsenaux est dangereuse pour la population civile, contagieuse pour les ouvriers libres, et coûteuse pour l’État. 

C’est pourquoi, l’on décidera de les éloigner, et après avoir hésité sur quelques horizons possibles, le choix se portera sur la Guyane et la Nouvelle-Calédonie.

On y construira les premiers bagnes, et dès 1852, des vaisseaux-prisons transfèreront les bagnards de Rochefort aux îles du Salut puis à Cayenne, mais aussi ceux de Brest puis ceux de Toulon. 

Deux ans plus tard, la loi sur la Transportation organisera la peine des Travaux Forcés à accomplir hors du territoire métropolitain, et conçue pour ne jamais permettre le retour des condamnés dans la mère-patrie.

En conséquence, dès 1854, le bagne de Rochefort fermera définitivement ses portes.

Beaucoup plus tard, en 1938, des voix s’élèveront au parlement, il est vrai que l’affaire Dreyfus avait fait grand bruit, et la suppression des bagnes sera votée.

 

La citadelle de Saint-Martin…
Le bagne ne commence pas à l'arrivée de ses occupants en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie, mais il commence dès le prononcé de la sentence sur le sol de la métropole. 

En attente de départ dans leur pénitencier, les forçats sont concentrés dans des trains cellulaires qui arrivent au port de La Rochelle, puis embarquent pour la citadelle de Saint-Martin de Ré.

La citadelle de Saint-Martin

A la suite de la fermeture du bagne de Toulon en 1873, la citadelle de Saint-Martin de Ré deviendra le dépôt d’étape des condamnés aux travaux forcés avant d’acheminer les forçats et les déportés vers les bagnes coloniaux. Là, dans un silence de plomb et soumis à une discipline sévère, les condamnés attendront de quelques semaines à plusieurs mois leur embarquement à bord du cargo-bagne.

Le grand départ…
Un surveillant raconte : « Deux semaines avant le départ commence le régime dit de "l’expectative" permettant aux forçats de prendre des forces avant la traversée en direction du bagne. Ils ne sont pas avertis du jour de leur départ. 

A cinq heures du matin, ils sont réveillés et réunis une heure après dans la cour de la citadelle où chacun est fouillé. Réunis en colonne par groupes de quatre dans la cour de la citadelle, les punis sont sortis de cellule au dernier moment et sont placés en tête du convoi. Le dispositif répressif est impressionnant: Aux quarante surveillants du dépôt s’adjoignent d'ordinaire cent tirailleurs sénégalais, quarante surveillants militaires, cinquante gardes républicains et la garnison de gendarmerie locale. Les gendarmes et les tirailleurs forment un cordon armé de fusils et de baïonnettes qui s’étend depuis la sortie du dépôt jusqu’au port de Saint-Martin. 

Ces derniers sont présents sur le port dès six heures du matin. Le directeur du dépôt passe ensuite en revue les forçats et leur annonce que tous relèvent désormais non plus du ministère de l'intérieur mais de celui des colonies. Après un ultime appel effectué par un surveillant, les aumôniers donnent un dernier soutien moral aux forçats, puis le tambour résonne et le capitaine de gendarmerie donne l’ordre du départ»

 

Une fois sur le port, les forçats sont comptés et embarquent sur des vapeurs ou à bord de simples canonnières, chalands ou barques. Bien en vue de la vedette de police qui patrouille pendant toute l’opération, cette étape dure une demi-heure environ puis les embarcations quittent toutes le port pour remettre une après l’autre leur lot de condamnés.

Puis les embarcations rejoignent les cargos spécialement aménagés, qui sont en général mouillés quelques miles plus loin, au large de l’Ile d’Aix.

 

A bord des cargo-bagnes
Jusqu’aux années 1880, l’on réquisitionne des navires militaires pour le transport. Puis à partir de 1886, l'État décide de ne plus assurer lui-même les convois et confie cette charge à un opérateur privé. 
En 1891, il signe une nouvelle convention avec cette compagnie afin que cette dernière lui fournisse des navires spécialement adaptés au transport de forçats, à destination de la Guyane et de la Nouvelle-Calédonie. 

Un des premiers sera le Navarin qui entre 1876 à 1885 assurera plusieurs fois par an le transport de forçats vers la Nouvelle-Calédonie. En 1878 on rapporte que la traversée a durée 105 jours.

Puis ce sera le Ville de Saint-Nazaire qui assurera ce transport jusqu’en 1896. Ensuite la Calédonie lui succèdera à partir de 1894, plus tard ce sera La Martinière puis le Loire au début des années 1900.


Ces navires, étaient spécialement aménagés pour acheminer des convois de condamnés. Les cales étaient subdivisées en plusieurs bagnes constitués de grilles, chacun étant divisés en deux compartiments qui ne permettaient aucune communication entre eux. 

 
Une fois à bord, les condamnés sont dirigés vers leurs bagnes respectifs. Le couchage est assuré par des hamacs qui sont relevés et roulés en journée et les bagnards disposent de bancs en bois et d'un accès à l’eau courante. 

A l'intérieur des bagnes, les forçats ne disposent d'aucune intimité et demeurent derrière leurs grilles sous la surveillance de deux surveillants qui se relaient jour et nuit sur chaque pont. Ils disposent d'une promenade quotidienne de vingt minutes mais au final ils passent toute la traversée enfermés dans ces bagnes.

 
Des conditions de traversée rudes et éprouvantes.
Le voyage du Martinière jusqu'à la Guyane dure en moyenne quatorze jours, vingt ou vingt-et-un jours en cas d'escale à Alger. Peu après le départ, le navire s’engage dans la Golfe de Gascogne puis dépasse le cap Finistère pour faire route vers la Guyane. A moins qu’il ne doive se rendre à Alger, auquel cas il lui faut longer les côtes espagnoles et portugaises, passer le détroit de Gibraltar et Alger se situe à environ quarante-huit heures de distance. La mer est souvent mauvaise lorsque le Martinière se lance sur l’océan, en particulier lors des départs automnaux. Mais la partie la plus éprouvante du voyage a lieu lors de l’arrivée en zone tropicale. La température augmente brusquement et les bagnes se transforment alors en véritables étuves où les forçats sont la proie du mal de mer: Ce n’est effectivement qu’en 1900 que la Compagnie Nantaise de Navigation à Vapeur aménagera un navire destiné au transport de forçats, le Loire. Entièrement peint en blanc afin de permettre de supporter le climat équatorial à ses passagers, ce navire assurera une moyenne de deux voyages annuels à destination du bagne.
 
Un témoin de l’époque raconte :
 La sœur Saint Benoît Joseph, chargée d'accompagner vingt-neuf reléguées en Guyane en 1897, retranscrit avec émotion l'impression que lui ont laissée les bagnes du Calédonie: " Nous nous sommes embarquées le 17 juin avec 29 femmes reléguées sur un petit vapeur qui nous a conduit à l'île d'Aix où nous attendait le vapeur Calédonie, immense bateau construit tout exprès pour transporter cette race d'hommes et de femmes désignés sous les noms de condamnés et relégués. Nous avons stationné 4 heures devant cette île. Là se sont embarqués 500 condamnés amenés de l'île d'Aix. Ces pauvres malheureux ont été de suite conduits dans leurs cages, c'est bien le nom que l'on doit donner aux parties du bateau qu'ils habitent, ce sont de véritables cachots. Les uns couchaient à terre et d'autres dans des hamacs suspendus. En un mot, on peut dire qu'ils étaient entassés comme un vil bétail, cela faisait pitié à voir et malgré toute la misère de ces pauvres malheureux, il y en a un certain nombre qui ont trouvé le moyen de se faire mettre aux fers. 

Nos femmes n'étaient pas mieux partagées, elles ont été de même entassées dans un espace si restreint qu'elles ne pouvaient se tenir couchées et l'abord de leur cachot était si difficile qu'il nous fut expressément défendu d'y aller. Du reste, nous ne le pouvions pas car elles étaient fermées à double cadenas. Nous ne pouvions les voir que deux fois par jour, une heure le matin et une heure le soir alors nous les faisions monter sur le pont. Pendant ce temps, nous les faisions travailler, prier et chanter… » 

(mémoires de La sœur Saint Benoît Joseph à la mère principale, le 10 novembre 1897, Archives de la Congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny).

Au bagne de Nouvelle Calédonie

Ce bagne avait une très mauvaise réputation. En général on n’en revenait pas. Ces bâtiments désaffectés laissent encore une vision des conditions de vie très rudes.

Quelques habitants de la Foye auront hélas le privilège d’y séjourner.

 
Laurent Chartier
Laurent Chartier, dit Marcel, né à Frontenay le 7 janvier 1874, était venu s’établir à La Foye comme menuisier. Il s’y mariera avec Rose Vegan, mais ils n’auront pas d’enfants. 

On apprend que le 12 Mars 1890, il commet un homicide volontaire. Pour cela, le 9 Août 1890, à la cour d’assise de Saintes, il est condamné à 7 ans de travaux forcés et 5 ans d’interdiction de séjour. Il est âgé de 46 ans, à présent veuf, et un document rapporte qu’il est tatoué d’un pot de fleur sur la jambe gauche.

 Après un séjour de quelques mois à la citadelle de Saint-Martin il embarque le 4 mars 1891 sur le navire la Calédonie. Direction la Nouvelle Calédonie et son bagne de la presqu’île de Ducos, juste à coté de Nouméa.

On dit qu’il sait lire et écrire et que sur place il sera effilocheur, c'est-à-dire chargé d’effilocher des déchets de laine ou de chiffons destinés à faire de la pâte à papier.  

Les surveillants notent qu’il a une bonne conduite et effectivement il sera bien noté.

Cependant les conditions sont très difficiles. Sa santé se détériore rapidement et l’année suivante, le 30 septembre 1892, il décède à Ducos, comme le rapporte le rapport de l’autorité pénitentiaire ci-dessous.
 

 

Etienne Giraudeau, et sa cavale…
Nous sommes en 1879, à l’auberge du Coudret, situé juste à coté de Mauzé. Le gendarme François Ray-de-Maneuf, dit Rabier, entre et s’approche. On vient de lui signaler qu’Etienne Giraudeau, un meurtrier en cavale, est là, assis de dos à une table. Son crime horrible est dans tous les esprits. 
D’un geste soudain il enlace l’individu de ses bras musclés : « Giraudeau, je vous arrête ! ». 

Cela fait huit jours qu’on le recherche partout. On le soupçonne d’avoir tué d’un coup de fusil Jean Dupont, un homme âgé de 62 ans, pour lui voler son argent. Ce dernier vivait dans une maison isolée aux confins du bourg de la Rochénard. 

On savait Giraudeau en possession d'un revolver, d'une canne-fusil, et d'un fusil à deux coups, et celui-ci sera trouvé caché sous une grosse barrique. Il était déchargé, avec la bourre des cartouches jonchant le sol. Mais, sur une méprise, Giraudeau sera relâché et ce sera une longue cavale… Après plusieurs allers-retours et marches de nuit, il passera par Bordeaux avant de se faire arrêter à Rochefort. L’enquête montrera qu’il était violent depuis son plus jeune âge. L’on rapporte qu’il avait déjà volé un pistolet à l’âge de huit ans, et qu’il avait récidivé à seize ans en volant un fusil à Papinot de la Foye-Monjault.

Le 3 Mars 1880, il sera jugé au tribunal de Niort pour « assassinat suivi de vol», mais grâce à un bon avocat,  Maitre Lévrier, il réussira à éviter la peine capitale et sera condamné aux travaux forcés à vie. Dans le rapport l’on apprend qu’il n’a que 21 ans, n’est pas très grand (1,63 mètres), et sait lire et écrire. 

Après avoir été écroué au dépôt de La Rochelle le 22 Mars, il fait un passage au bagne de Saint-Martin, puis il embarque le 12 Avril 1880 sur le Navarin, pour rejoindre la Nouvelle Calédonie et son tristement célèbre bagne de l’ile de Noue. Il sera incarcéré sous le matricule 12035 et sera effilocheur.

 Mais la vie au bagne ne sera pas facile et Il décèdera quatre ans plus tard, le 26 Juillet 1884.

                                                                                                                                      
 
Pierre-André Rambault
Mais qu’est-ce qui lui a pris en ce mois de Septembre 1893, de mettre le feu à sa ferme de Limouillas ? Déception, dépression ? Ou bien début de maladie grave ?

Il est vrai qu’après le décès de sa mère avec laquelle il avait toujours vécu, il se trouvait seul à l’âge de 50 ans pour exploiter une surface importante. 

Célibataire et sans enfants, il n’avait pas connu son père. Qui était donc celui qu’avait rencontré sa mère en Septembre 1842, alors qu’elle avait 25 ans ? On ne le saura jamais, en tout cas elle s’était trouvée enceinte. 

Et c’est son Grand-père, Jean Rambault, Journalier à la Revêtison, qui avait pris en charge l’enfant.
L’incendie avait fait rage pendant des heures, détruisant tout le corps de ferme, ainsi que les granges adjacentes qui étaient pleines de paille. Il ne restait plus que les murs calcinés. Les pompiers s’étaient déplacés et les gendarmes aussi. Ils avaient réussi à maîtriser des départs de feu dans d’autres bâtiments situés juste à coté.
Incarcéré le 12 Décembre 1894 à la prison de Niort sous le matricule 8112, il avait été condamné par la cour d’assise des Deux-Sèvres à 5 ans de travaux forcés, mais dispensé d’interdiction de séjour.

Puis cela avait été le départ pour la  Nouvelle Calédonie et son bagne. Avec un petit groupe, ils avaient pris le train à Niort sous bonne escorte. Difficile de s’évader car ils étaient enchaînés. Puis après quelques mois à Saint-Martin, il embarquera le 11 Juin 1895 sur le bateau pénitentiaire, La Calédonie, ou il passera la traversé dans une cage avec d’autres. Direction l'Atlantique Sud pour doubler le cap de Bonne Espérance, puis arrivée au bagne de l’ile de Nou, après deux mois de traversée.

 Le centre pénitentiaire était un ensemble tout neuf, composé de cinq bâtiments, construits au tout début des années 1890 au bout de la presqu'île de Ducos, située juste à coté de Nouméa. 

 Un surveillant du bagne, vers 1906   

Forçats en Nouvelle-Calédonie

Dans sa fiche on apprend que Rambault a le matricule 20962. Il mesure 1,75m, a les yeux bleus, et un gros nez. On dit de lui qu’il est illettré.
Comme la plupart des autres bagnards il sera « effilocheur ». Mais comme sa conduite est jugée « assez bonne » on va rapidement lui confier un petit lopin de terre qu’il cultivera et dont il vivra. 
 
Mais le 5 Août 1899, quelques mois avant la fin de ses 5 ans, il décédera et sera enterré sur place. 
(Ci-dessous l’acte de décès signé du commandant du bagne de la presqu’île de Ducos)
 
 
A la mi-1901, après notification de son décès aux autorités judiciaires, le tribunal civil de Niort ordonnera la mise en vente aux enchères de tous les biens de Pierre-André Rambault. 

Dans l’inventaire du 17 Novembre 1901 effectué par Emile Fouin, notaire à Beauvoir, assisté de plusieurs de ses collègues, on liste plusieurs biens situés sur les communes de La Foye-Monjault et de la Revétizon. On note qu’à Limouillas il reste les ruines d’une construction incendiée, et l’on fixe la mise à prix à cinquante francs. On note également un jardin, un champ situé au canton de La Motte, trois autres au Bouquet, neuf autres au Fief aux Chèvres, et deux chambeaux (marais) bordés de cours d’eau, situés dans les chambeaux de Limaille. Ces terres ayant été achetées par les Rambault au cours des décennies précédentes, auprès de différents propriétaires.

Cette vente aux enchères « A la bougie » sera publiée dans le numéro de Novembre du « Mémorial des Deux-Sèvres », un journal local, Elle se tiendra le 15 Décembre 1901 en l’étude du notaire Emile Fouin (Beauvoir). La maison incendiée sera achetée pour 55 francs par Augustine Delouvée de Limouillas, et a veuve François Caud.  Les champs eux seront achetés par différents cultivateurs de la région : Jacques Rousseau de Limouillas,  Klébert Barraud-Arnaud de Treillebois, Emile Favrioux de la Maison-Neuve. (Limouillas), Eugène Allard et Jules Geoffroy de Limouillas, et Edouard Garnaud. 

Le total des adjudications se montera à 675 francs qui seront versés au trésor.  

 

On note que la vie de sa mère, Anne Rambault, n’avait pas dû être facile car dans un acte de Février 1847, l’on apprend qu’au décès de ses parents, elle avait déjà dû vendre à un cultivateur de Limouillas, Pierre Guitteau, une dépendance de sa maison comprenant une chambre basse avec grenier au dessus, et un « Quaireux », c'est-à-dire une cour sur le devant, ainsi qu’un chambeau. 

Ainsi s’achèvera la lignée des Rambault de Limouillas. 

 
 Aux bagnes de Guyane
Il y aura plusieurs bagnes en Guyane, situés à Cayenne, à Saint-Laurent du Maroni, et aux tristement célèbres Îles du Salut. Des voyageurs notent qu’en 1876 il ne fallait en moyenne « que » quarante-cinq jours de traversée pour les atteindre à partir de Saint-Martin de Ré. 

Ces îles sont un groupe de trois: L’île RoyaleSaint-Joseph et l'île du Diable, et elles seront choisies car les très forts courants qui les entourent rendent toute tentative d’évasion très difficile.

Les îles du Salut, situées à une quinzaine de kilomètres au large de Kourou

L’on construira un pénitencier sur l’Île Royale dès 1854, avec son administration et un hôpital. L'île du Diable, elle, sera réservée pour les espions, les détenus politiques ou de droit commun, et enfin l'île Saint-Joseph pour les « fortes têtes ».  Plus tard en 1895, ce bagne accueillera un prisonnier célèbre : Alfred Dreyfus. 

L’on ne connait pas de condamnés de La Foye ou des environs qui aient séjourné dans ce bagne, mais Léopold Birard, pharmacien aux bagnes de Guyane, rapportera ses souvenirs au travers des courriers échangés au début des années 1900 avec ses amis Alphonse et Albert Dorey, menuisiers et cabaretiers à La Foye. 

Ses courriers reflètent bien la mentalité de l’époque

 

Léopold Birard
  • Né le 21 juillet 1869 - La Foye-Monjault, Deux Sèvres, Poitou-Charentes, France
  • Décédé en 1920, à l'âge de 51 ans
  • Pharmacien major des troupes coloniales, officier de la Légion d'Honneur

C’est le frère cadet d’Arthur Birard, le célèbre maire et capitaine des sapeurs pompiers de La Foye. 

Né en Juillet 1868 à La Foye, Léopold-Brutus Birard part faire son service militaire au 114ème régiment d’Infanterie basé à Saint-Maixent (Deux-Sèvres). Il a 22 ans et décide de s’engager dans l’armée. Après une courte permission, il intègre en Novembre 1891 le corps de santé des Colonies basé à Bordeaux. Brillant élève, il devient infirmier puis passe en 4 ans son diplôme de pharmacien de 2ème classe qu’il obtient en Août 1895. 

Le mois suivant il part rejoindre les troupes coloniales à Madagascar alors colonie française en Afrique. Trois ans plus tard il sera muté au Sénégal. 

En Avril 1902 il et nommé pharmacien aide-major de 1ère classe  au bagne de Guyane et mi Avril il embarque à Saint-Nazaire pour les tristement célèbres Iles du Salut. Il y restera quelques temps avant de rejoindre le pénitencier de Saint-Laurent du Maroni. Puis quelques années plus tard il reviendra au Sénégal en tant que pharmacien chef à l’hôpital de Dakar.
 

Son portrait, qu’il fera tirer lors de son séjour à Dakar

Il semble qu’au début des années 1900 il ait été amoureux de Léa Lucas, une fille de cultivateur qu’il rencontrait à la Foye chez ses amis Dorey. Elle avait alors 18 ans. Probablement lassée de l’attendre, elle épousera en Novembre 1906 un agriculteur du village, Albert Eturny.

 

A part quelques permissions, Léopold ne reviendra au village qu’en Octobre 1916 après avoir été libéré du service. Se mariera-t-il ? L’on ne le sait pas. 

Il décèdera en 1920, à l'âge de 51 ans ce qui est jeune. Avait-il contracté des maladies aux colonies ? 

Il  sera enterré au cimetière de La Foye dans le caveau familial au coté de son frère mort trois ans auparavant, de son père Louis et sa mère Adeline.

 



Dans une carte de Juin 1902, il écrit :
« Mon cher Dorey. A part deux jours de mauvais temps avant d’arriver aux Açores, la traversée a été bonne mais pendant ces deux jours nous avons été secoués e façon effrayante. Moi, vieux marin, n’ai pas été malade, mais nous ne sommes restés plus que cinq à table. Des femmes se croyaient perdues ! Un matin je me suis réveillé avec 10 centimètres d’eau dans ma cabine. Mes malles se trimballaient de tous les cotés. 

Les escales ont été très intéressantes: Pointe-à-Pitre, Basse terre à la Guadeloupe, Saint-Pierre qui a disparu depuis, Fort-de-France à La Martinique, Castries à Sainte-Lucie, Port d’Espagne à Trinidad, Desmerara en Guyane Anglaise, puis la Guyane Hollandaise et les îles du Salut. Ici nous avons appris la catastrophe de Saint Pierre et nous sommes tous consternés. Quand on pense que 20000 personnes ont péri sous les laves, et ce n’est pas fini, c’est effrayant !

J’ai pris possession de mon poste aux îles du Salut. Je suis très bien installé: Une maison de quatre pièces et un jardin, et jusqu’à maintenant je m’y porte très bien. 

Par contre la fièvre jaune diminue à Cayenne et dans le Maroni, mais elle parait augmenter ici.

Il n’y a pas de femmes aux Îles, C’est continence forcée !  Est-ce qu’à l’hôpital il y aurait quelques jolies petites religieuses à qui l’on pourrait offrir des fleurs ?

Comme distraction il y a un peu de chasse et de pêche aux requins. Ils sont en grande quantité, impossible de se baigner en mer. Souvent le soir en allant à l’abattoir, on en voit trente ou quarante qui viennent jusque sur le bord de la plage pour prendre les entrailles de bœuf. Ils servent de cimetière aux condamnés à mort. Je t’assure qu’ils ont vite fait de les expédier. Ils n’ont pas le temps d’aller au fond malgré la grosse pierre qui est attachée à leurs pieds… »

Plus tard il écrit : 

« J’ai un grand jardin qui est entretenu par un « transporté » (un braconnier qui a tué un gendarme), une brute qui travaille le torse nu sous un soleil de plomb, et qui s’y entend très bien… Comme garçon de chambre j’ai un jeune parisien de 22 ans (un cambrioleur)  qui tient ma maison et mes effets dans un état de propreté. C’est un garçon sérieux et très précieux. 

Le cuisinier lui n’est pas une crème (c’est un récidiviste) mais il est très fort en pâtisserie. 

A la pharmacie j’ai comme garçon un curé qui aimait trop les petites filles et les petits garçons. On ne peut avoir confiance en lui. 

Comme secrétaire j’ai un condamné à perpétuité qui a tué un de ses camarades (pour une histoire de femmes) et trois autres garçons qui ont tué également… Tu vois, ce n’est pas la domesticité qui me manque.  

Un peu plus loin :

A l’île Saint-Joseph, il y a des anarchistes qui ont de bien sales têtes. Il en est mort un l’autre jour à l’hôpital, qui s’était promis de tuer quelqu'un avant de faire le grand voyage. Son camarade ne lui en a pas laissé le temps.
Du bord de la mer nous avons assisté à son enterrement, vous voyez le repas des requins…   
L’autre jour nous avons pris un requin de trois mètres et le lendemain nous avons donné un diner en son honneur.    
                            Voyez le menu : 

Consommé à la mouette

 
Hors d’œuvre :
Pâté de Chat Tigre
Avocat – melon

Poissons

Filet de Requin

Légumes

Pois de 7 ans

Rots :

Iguane à l’étuvé
Urubu rôti
Cuissot d’Agouti au cochléaria

Entremets

Riz au lait de coco
Salade de choux palmiste
Fruits (mangue, goyave au vin, Citronnelle, 

Vin des îles, tafia.

Parfois la nostalgie le prend :

Je pense à mon Byrrh du matin et l’absinthe du soir que me servait madame Dorey… 
Je pense à vous et à ces interminables parties de boules à la Foye.. 
Que devient Léa, elle est consolée je l’espère… A-t’elle toujours des amoureux ? Irai-je à la noce à mon retour ? Embrasses la pour moi…

Septembre 1902 :

« Je suis toujours aux îles du Salut et y resterai tant que la fièvre jaune sévira. J’espère que dans un mois nous ne serons plus en quarantaine, et alors je pourrai aller chasser dans l’intérieur de la Guyane. A moi les tigres et les jaguars ! … »

11 Décembre 1902 :

« Je suis toujours aux îles du Salut et ne pense pas en partir avant Février. Il n’y a plus de fièvre jaune mais ça pourrait recommencer après l’arrivée du nouveau convoi de condamnés attendu à la fin du mois. Si je vais au Maroni je vous apporterai quelques souvenirs… »

17 Juin 1903 :

« Chers amis, je suis à présent à Saint-Laurent du Maroni. C’est beaucoup moins triste qu’aux îles du Salut. Comme distraction nous avons la chasse et les excursions dans les différents chantiers forestiers ou travaillent les condamnés. 
Je suis heureux de vous apprendre que j’ai mon troisième gallon, et que j’aurais peut-être la croix au 14 Juillet… 

Cordiale poignée de main… Léopold Girard».

 

Mais parfois ce ne sont que de simples vols
De tous temps à la campagne il y a eu des vols de récoltes ou de vendanges et c'est en partie pour cela que le corps de garde fut créé dans la commune. On peut encore en voir l'emplacement par une inscription sur le mur d'une maison du centre. 
 

Après la révolution il y aura des "garde-messiers" pour protéger les moissons, puis plus tard des "garde-champètres". La plupart du temps ils arbitraient les conflits entre voisins, et les histoires de vols. Mais parfois il fallait que le maire s'en mêle, et dans les cas plus graves on faisait appel à la gendarmerie qui se tenait au canton, à Beauvoir.
Dans les registres en mairie on note une affaire de vol ayant eu lieu en Août 1853. François Fradin vient se plaindre de vol de linge, alors qu'il était domestique chez Daniel Rossignol un riche propriétaire du bourg, et il désigne le coupable: Charles Murzeau, marchand de chiffon habitant au village. Celui-ci n'en est pas a son premier coup, est plutôt retors, c'est pourquoi le maire décide de faire une perquisition à son domicile, et pour cela l'on demande l'assistance de la gendarmerie. Accompagné de deux gendarmes et d'un serrurier il se rend au domicile de Murzeau. Les chemises sont bien là, et l'on constate qu'il a aussi volé aussi du vin en s'étant fait faire un double des clés des chais. A cet époque on ne plaisantait pas avec le vol de vin ! Appréhendé un peu plus tard, on ne sait pas s'il a fait de la prison. 
 
Ou bien des histoires de mauvais coucheurs..
En dehors des crimes et délits, la vie locale sera souvent émaillée de disputes entre voisins, ou contestations parfois en mairie. On retrouve aux archives des affaires qui ont fait l'objet de publications.

Dans l'affaire ci-dessous qui opposa en 1850 la municipalité à Charles Prunier, un vigneron habitant au centre du bourg, celui-ci porta l'affaire en justice et obtint gain de cause. En effet son jardin était contigu a l'allée de l'église et il revendiquait un droit de passage.
Hormis l'anecdote, on peut lire que cette allée est considéré comme place publique. De plus à cette époque le marché municipal s'y tenait plusieurs fois par semaine, et dans cette allée étroite, le passage de charrettes pouvait poser problème.


Plus récemment, vols, coups et blessures, ou bien disputes entre voisins font régulièrement des entrefilets dans la presse, comme dans les années 1990 ce règlement de compte à coup de fusil entre gens de voyage dont beaucoup se souviennent encore. Cependant la criminalité dans un petit village rural comme celui de La Foye reste une occurrence plutôt rare, bien inférieure aux statistiques des centres urbains.

 




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